Rubino, Gianfranco (dir.), Voix du contemporain : histoire, mémoire et réel dans le roman français d’aujourd’hui, Rome, Bulzoni, « Studi e Testi », 2006. Écrivains étudiés : Nadaud, Daeninckx, Olivier Rolin, Modiano, Carrère, Ernaux, Bon, Jauffret, Jean-Paul Dubois, Bergounioux, Gaudé Modiano, Houllebecq, Avec dialogues d’écrivains Rubino, G. « Avant propos », p. 9-12. Pendant les deux dernières décennies, la littérature française a renoué un rapport avec l’histoire qui a été perdu pendant les années 60 et 70. Ce rapport est thématisé (représentation des événements les plus marquants du 20e siècle) mais il est également formalisé, il devient « véhicule de questionnement, la source et le but d’une quête et d’une enquête » : les écrivains semblent montrer une volonté d’interroger le passé comme origine et/ou repoussoir du présent. Ce renouvellement d’intérêt historique vitalise le récit et valorise la fonction narrative. (p. 9) A lieu de sous-estimer le caractère problématique du travail de mémoire, le roman contemporain l’assume. Par exemple, l’exploration autobiographique, travail foncièrement subjectif, est souvent accompagné de l’usade de points de repère matériels (photos, lettres, journaux, etc.), et l’archive/l’archéologie sont souvent convoqués quand il s’agit d’intérroger un passé plus lointain. (p. 10) On assiste a un retour à une littérature transitive qui, cependant, « ne s’illusionne pas quant à la possibilité de saisir un réel qui se dérobe, mais qui se pose tout de même l’impératif de le viser à travers l’élaboration de stratégies partilles d’approche. » (p. 11) Baudelle, Y. « Mémoire et imagination dans le roman français contemporain », p. 13-33. Baudelle évoque l’idée que « l’hégémonie du biographique y aurait defait l’empire du romanesque » pour prétendre que le roman contemporain n’est pas « désertée par l’imagination – explication ou symptôme de son supposé déclin. » (p. 13) Les années 80-85 citées comme moment du tourant intellectuel : mort des maîtres à penser de la modernité, arrêt de Tel Quel, conversion des néo-romanciers à l’autobiographie (Sarraute, Robbe-Grillet, Duras, Sollers). À partir de ce moment, on constate une concurrence de la littérature par l’image. « Car le problème n’est pas tant factuel qu’axiologique, il n’est pas tellement de savoir si l’inspiration autobiographique a étouffé le roman, si la mémoire a tué l’imagination (car la cause semble entendue) : la question, en fin de compte, est celle de la valeur de la nouvelle littérature. » (p. 19) « Mais si la France est ainsi en mal de fiction, c’est qu’elle-même va mal, assure O. Mongin, “a du mal à inventer des fictions”, et c’est pourquoi “ la fiction [française] tourne à vide”. » (p. 21) L’un « des traits éminenemment postmodernes (par son hybridité) de notre rapport au passé repose sur la vousculade des époques, [...]. Mais le roman s’oriente aussi volontiers vers une quête inquiète ou nostalgique des origines, que celles-ci soient familiales (Yourcenar, Le Clézio, Ernaux, R. Millet...) collectives (Chamoiseau, Glissant, Condé...) ou les deux (Simon, Modiano, Bergounioux, S. Germain). Majorano, M. « Le Roman sans histoire », p. 51-69. Majorano a fait une liste de romans historiques français parus entre 1994 et 2004, et a constaté que « sans considéré ceux qui sont consacrés à la préhistoire, on compte plus de trois-cent-cinquante textes [...]. Toute l’histoire de l’humanité apparaît enfermée dans ces oeuvres [...] (p. 54) Majorano en déduit alors que l’histoire, arrachée de sa place par l’experimentation des années 70, reprend sa place dont elle avait été privée (p. 60). « Le réalisme devient un chemin aisé pour atteindre la vraisemblance et, en conséquence, un instrument de simplification de la complexité narrative. » (p. 68) Blanckeman, B. « Graphèmes (inscriptions du réel dans quelques récits au présent) », p. 163-175. Blanckeman propose d’appeler « graphèmes » : « une unité d’écriture élémentaire, concentrant une charge de signification minimale mais constituant un point de société irréductible, intégré dans la langue ordinaire. » La « masse d’écrits, anonymes et insidieux, qui bordent les routes, animent les murs, passent d’une main à l’autro (journal), d’un regard à l’autre (affiche), d’une conscience à l’autre (réglementation), d’un affet à l’autre (lettres, chansons) », « insérés dans l’oeuvre littéraire ». (p. 164) Il en distingue quatre types : sociographèmes, à valeur d’identifiants sociologiques ethnographèmes, à dominante ethnographique psychographèmes, à dimension émotive philographèmes, à fonction assertive. Tamburini, G. « Le goût du détail », p. 177-189. « Peu importe alors que le détail soit vrai, il devra être signifiant. Si la littérature contemporaine se pose de plus en plus le problème du rapport au réel, il se trouve que ce rapport est dépourvu de tout un système de médiations symboliques qui est entré définitivement en crise et qui n’a pas été remplacé. » (p. 189)