FICHE DE LECTURE « Les postures du biographe » INFORMATIONS PARATEXTUELLES Auteur : Antonio Tabucchi Titre : Requiem : Une hallucination Lieu : Paris Édition : Christian Bourgois Éditeur Collection : --- Année : [1991] 1998 Pages : 127 Cote BANQ : Tabucchi T114r Biographé : Fernando Pessoa. (Il n’apparaît toutefois qu’à la toute fin du récit, soit à la page 110, et est surnommé l’ « Invité ». Plusieurs caractéristiques nous permettent cependant de le reconnaître.) Pays du biographe : Italie Pays du biographé : Portugal Désignation générique : La quatrième de couverture nous révèle qu’il s’agit d’un roman. J’ajouterais qu’il ne s’agit pas d’un roman biographique (ou d’une biographie romancée), puisque l’histoire ne se centre pas exclusivement sur la figure de Pessoa. Pessoa, comme tous les personnages de ce récit, fait simplement son apparition dans le rêve éveillé du narrateur; il n’est, lui aussi, qu’une hallucination. Quatrième de couverture ou rabats : [Reproduction intégrale] « Dans une maison de campagne de l’Alentejo, un homme assoupi sous un arbre est gagné par une longue hallucination qui va le transporter à Lisbonne et dans ses environs pendant douze heures, entre midi et minuit. C’est un dimanche torride, le dernier de juillet. Le narrateur, qui n’est pas sans ressemblance avec l’auteur, va rencontrer des personnages du présent et des fantômes d’un passé resurgi, selon un curieux mélange où rêve et réalité se confondent, où les morts et les vivants se croisent, dialoguent, où le temps se décloisonne, jusqu’au bouquet final : le repas nocturne dans un restaurant post-moderne avec un Commandeur qui pourrait être Fernando Pessoa. Antonio Tabucchi a écrit son Requiem en portugais. Avec une merveilleuse liberté de ton, il nous promène, au gré de sa fantaisie et de ses peurs, en un parcours à la fois drôle et inquiétant. Roman de la nostalgie, du remords, c’est aussi le livre d’une ville (Lisbonne) où l’on boit et mange beaucoup, selon une tradition attentive au rapport entre la nourriture et la mort. » Préface : Le livre ne comporte pas de préface, mais une note préliminaire que je recopie ici presque intégralement, parce qu’elle m’apparaît très intéressante : « Cette histoire, qui se déroule par un dimanche de juillet, dans une Lisbonne déserte et torride, est le Requiem que le personnage, que j’appelle “Je”, a dû jouer tout au long de ce livre. Si l’on me demandait pourquoi cette histoire a été écrite en portugais, je répondrais qu’une histoire pareille ne pouvait être écrite qu’en portugais, et voilà tout. Mais il y a quand même quelque chose à spécifier. En toute rigueur, un Requiem devrait être écrit en latin, c’est du moins ce que prescrit la tradition. Malheureusement, mes rapports avec le latin ne sont pas très bons. En tout cas, je me suis rendu compte que je ne pouvais pas écrire un Requiem dans ma propre langue, mais qu’il me fallait user d’une langue différente, une langue qui soit un lieu d’affection et de réflexion. Ce Requiem, outre une “sonate”, est aussi un rêve, au cours duquel mon personnage va rencontrer des vivants et des morts sur le même plan : des personnes, des choses et des lieux qui avaient besoin, peut-être, d’une oraison; et cette oraison, mon personnage n’a su la dire qu’à sa façon, par le biais d’un roman. Mais ce livre, par-dessus tout, est un hommage à un pays que j’ai adopté et qui m’a adopté, lui aussi; à des gens qui m’ont aimé et que, moi aussi, j’ai aimés. […] » Autres informations : Le récit est précédé d’un dramatis personae – comme s’il s’agissait d’une pièce de théâtre – intitulé « Les personnages que l’on rencontre dans ce livre ». En outre, à la toute fin du livre, figurent des notes du traducteur ayant pour but de décrire les plats et les breuvages dont il est fait mention dans le roman. Textes critiques sur la biographie : Gian-Paolo Biasin, « Other Foods, Other Voices », MLN, 109:5, Décembre 1994, p. 831 à 846. [source : Jstor] Anna Botta, « An Interview with Antonio Tabucchi », Contemporary Literature, (35:3), 1994 Fall, 421-40. [source : MLA] Emmanuel Bouju, « Portrait d'Antonio Tabucchi en hétéronyme posthume de Fernando Pessoa: fiction, rêve, fantasmagorie », Revue de littérature comparée, vol. 77, no. 2, 2003, pp. 183-195. [source : Francis] François Busnel, « Antonio Tabucchi, l'exilé de l'intérieur », Magazine Littéraire, (385), 2000 Mar, 61-62. [source : MLA] Jo Ann Cannon, « Requiem and the Poetics of Antonio Tabucchi », Forum Italicum, 35:1, Printemps 2001, p. 100 à 109. [source : MLA] María Troiano de Echegaray et Graciela Romano de Moyano, « La ciudad de Lisboa en Requiem de Antonio Tabucchi », Revista de Literaturas Modernas, 30, 2000, p. 233 à 242. (espagnol) [source : MLA] Barbara Fraticelli, « La gastronomía como elemento narrativo: Olores y sabores en las novelas de inspiración portuguesa de Antonio Tabucchi », Espéculo: Revista de Estudios Literarios, 20, Mars-Juin 2002, (no pagination). (espagnol) [source : MLA ] http://www.ucm.es/info/especulo/numero20/gastrono.htlm (page consultée le 15 août 2007) Jacques Fressard, « Entretien avec Tabucchi », La Quinzaine Litteraire, 622, 16-30 avril 1993, p. 15. [source : MLA] SYNOPSIS Résumé ou structure de l’œuvre : La nature du récit respecte celle du rêve ou du délire : le narrateur-personnage reconnaît les endroits où il se trouve et les personnes qu’il rencontre, mais il ne sait pas pourquoi il se retrouve dans ces endroits, ni pourquoi ces rencontres ont lieu, ce qui donne au récit une tonalité plutôt surréaliste. Des ellipses surviennent parfois inopinément au fil des chapitres, ce qui contribue à rendre la structure du roman tout aussi onirique que l’histoire qui s’y déroule. Le récit commence à Lisbonne, un dernier dimanche de juillet, en pleine canicule. Le narrateur-personnage est assis sur un quai, au bord du Tage, et attend un individu dont l’identité ne nous est jamais tout à fait révélée (mais que l’on devine, lorsque l’on connaît moindrement Pessoa). Le rendez-vous avait été fixé à douze heures; le narrateur, après avoir attendu quelque temps et fait la rencontre de quelques personnages (un jeune drogué, le Boiteux de la Loterie), se rend compte qu’il a dû faire erreur : douze heures, ce devait être minuit, non pas midi. On apprend, du même coup, que le narrateur-personnage se trouvait sous un mûrier, à Azeitão, dans la ferme de ses amis, en train de lire le Livre de l’Intranquillité, et qu’il s’est retrouvé, on ne sait comment, là, sur ce quai de Lisbonne. Pour tromper son attente, il entreprend une sorte de pèlerinage (quoique le trajet ne soit jamais nommé ainsi) qui le conduira à retrouver des fantômes de son passé et à faire la connaissance de personnages issus du temps présent – temps du rêve. Son itinéraire onirique le mène d’abord au cimetière, où il retrouve son ami Tadeus Waclaw Slowacki. Jo Ann Cannon, dans son article, nous apprend que Tadeus « is an elusive fictional character who first appears in Tabucchi’s 1991 L’angelo nero [L’ange noir]» (Cannon, p. 103). J’ai cru qu’il pourrait s’agir d’un écrivain imaginaire dont le nom aurait été formé de la contraction des noms d’écrivains polonais, parmi lesquels on pourrait identifier Juliusz Slowacki – mais bon, il ne s’agit que d’une hypothèse impossible à vérifier… Après avoir mangé avec son ami et lui avoir dit adieu, le narrateur-personnage part se reposer dans une pension. Il rêve que son père lui apparaît et qu’il lui demande de lui raconter comment il est mort (la lecture d’Autobiographies d’autrui : poétiques a posteriori nous apprend que ce passage est fortement autobiographique). Par la suite, il se rend au Musée de l’Art Ancien où, tout en se désaltérant, il converse avec un barman. Avec l’accord des gardiens, amis du barman, il parvient à entrer au musée après sa fermeture. Il a pour intention d’aller revoir un tableau de Bosch qu’il apprécie beaucoup, La tentation de Saint Antoine (il est intéressant de noter que Tabucchi a collaboré à l’écriture d’un ouvrage portant sur ce tableau). Or, une fois devant le tableau, il s’aperçoit qu’un peintre copiste l’empêche de se plonger dans sa contemplation; il entreprend donc de discuter avec lui. Au sortir du musée, il prend le train pour se rendre à Cascais. Il souhaite revisiter un phare dans lequel il a habité, lorsqu’il était beaucoup plus jeune. La femme du gardien du phare l’accompagne dans sa visite, non sans émettre réserves et restrictions parce que le phare est pratiquement en ruine. À la suite de sa visite, le narrateur-personnage se rend à la Maison de l’Alentejo où il a donné rendez-vous à un autre fantôme, Isabel, une ancienne amante qui s’est suicidée au terme d’une histoire tragique. Isabel n’étant pas encore arrivée, le narrateur-personnage dispute une partie de billard contre le maître de la maison. Au moment où il emporte la victoire, Isabel fait son arrivée. Une ellipse nous empêche de connaître le dénouement de cette rencontre. Le narrateur-personnage est ensuite de retour à Lisbonne. Il est presque minuit, alors il se rend de nouveau sur le quai, au bord du Tage, où il a rendez-vous avec cet individu mystérieux (qui n’est nul autre que le fantôme de Fernando Pessoa). Tandis qu’il attend, un marchand d’histoires lui propose de lui vendre une histoire, qui ne nous est pas racontée. Le récit se poursuit dans un restaurant : le narrateur-personnage s’y retrouve en compagnie de son « Invité » (Pessoa) et a une longue discussion avec lui, au cours de laquelle il est question de littérature, de critique, de post-modernisme, du Portugal et de l’Europe, etc. Enfin, le narrateur-personnage raccompagne son « Invité » au quai, tandis qu’un joueur d’accordéon joue une chanson portugaise traditionnelle. L’ « Invité » disparaît; le narrateur-personnage « se réveille » sous le mûrier où il s’était assoupi, à la ferme d’Azeitão. Topoï : Rêve, hallucination, Portugal (régions et paysages), Lisbonne (lieux, trajets, etc.), culture portugaise (nourriture, breuvages, chansons, journaux et revues, mœurs, saudosismo, etc.), langues étrangères (portugais, français, anglais, espagnol… Pas un seul mot d’italien n’apparaît dans ce récit écrit en portugais par un Italien...), européanité, littérature. Rapports auteur-narrateur-personnage : Tout au long du récit, le point de vue est interne. La posture du narrateur est celle d’un narrateur-personnage (intradiégétique) – un personnage nommé « Je », pour paraphraser Tabucchi. I. ASPECT INSTITUTIONNEL Position de l’auteur dans l’institution littéraire : Auteur d’une vingtaine de livres qui ont connu un large succès international, Antonio Tabucchi est l’un des écrivains italiens importants de son temps. Spécialiste de littérature portugaise, il est également professeur à l’université de Siena, critique, philologue et traducteur (il a traduit en italien l’œuvre complète de Pessoa). Son œuvre « a été couronnée par de nombreux prix, en France et à l’étranger. Notamment, le prix Médicis étranger en 1987, le prix européen Jean Monnet en 1995 et l’European State Prize de la République autrichienne en septembre 1998. » [Note sur l’auteur, à la fin de La nostalgie, l’automobile et l’infini : lecture de Pessoa, Paris, Éditions du Seuil, coll. « La Librairie du XXe siècle », 1998, 118 pages.] Position du biographé dans l’institution littéraire : Fernando Pessoa est l’un des écrivains les plus marquants de sa génération, non seulement au Portugal, mais également à l’échelle internationale : « depuis une trentaine d’années on associe l’image littéraire du Portugal au nom et à l’œuvre de Fernando Pessoa […] Cela suffit pour faire de Pessoa, à l’instar de Pirandello ou de Borges, un des grands mythes de la Modernité ». [Eduardo Lourenço, « Les mythes de la littérature portugaise », Magazine littéraire, No 385, mars 2000, p. 29-31.] Transfert de capital symbolique : Deux extraits m’apparaissent intéressants pour comprendre le rapport qu’entretient Tabucchi vis-à-vis de Pessoa dans ce livre. Le premier renvoie au respect dû par le commun des mortels à Pessoa : « Je me dis : ce mec n’arrivera donc jamais. Puis je pensai : je ne peux pas l’appeler “ce mec”, c’est un grand poète, peut-être le plus grand poète du XXe siècle, il est mort depuis longtemps, je lui dois du respect – disons mieux, un grand respect » (11). Le second témoigne de l’intérêt que porte Tabucchi à la vie et à l’œuvre de Pessoa : « En ce qui me concerne, dis-je, j’ai fait quelques hypothèses, j’ai passé ma vie à faire des hypothèses à votre sujet, maintenant, je suis fatigué de cet exercice, voilà ce que je voulais vous dire. Please, dit-il, ne me laissez pas face aux gens qui ont des certitudes, c’est terrible. Vous n’avez nullement besoin de moi, dis-je, ne me racontez pas d’histoires, le monde entier vous admire, c’est moi qui aurais besoin de vous, mais je voudrais maintenant cesser d’avoir besoin de vous, voilà tout. Ma compagnie vous a-t-elle déplu?, demanda-t-il. Non, elle a été très importante, mais elle m’a troublé, disons qu’elle a troublé ma tranquillité. Eh oui, confirma-t-il, cela se passe toujours comme cela avec moi, mais écoutez, ne croyez-vous pas que c’est justement ce que doit faire la littérature, provoquer une certaine intranquillité? » (112-113). II. ASPECT GÉNÉRIQUE Oeuvres non-biographiques affiliées de l’auteur : Voir la bibliographie préparée sur le cas Tabucchi (dans le dossier Tabucchi). Place de la biographie dans l’œuvre de l’auteur : • « Monsieur Pirandello est demandé au téléphone », dans Dialogues manqués : théâtre, Paris, Christian Bourgois, 1988, 73 pages. Pièce de théâtre de nature biographique qui met en scène le personnage de Fernando Pessoa • Les trois derniers jours de Fernando Pessoa. Un délire, Paris, Éditions du Seuil, coll. « La Librairie du XXe siècle », 1994, 88 pages. Biographie imaginaire. • Rêves de rêves, Paris, Christian Bourgois, 1994, 161 pages. Récits imaginaires de rêves d’écrivains et d’artistes. • Requiem : une hallucination, Paris, Christian Bourgois, [1991] 1998, 127 pages. Roman écrit en portugais, qui met en scène (vers la fin du récit) le personnage de Fernando Pessoa (éléments biographiques somme toute importants) Stratégies d’écriture et dynamiques génériques : La mise en œuvre du rêve et de l’hallucination constitue la principale stratégie par laquelle Tabucchi parvient à incorporer la figure de Pessoa à ses récits : par l’entremise de ces motifs, tout devient possible, même la rencontre d’un personnage nommé « Je » avec l’écrivain auquel il voue le plus d’admiration. Cette stratégie revêt également une importance fondamentale dans Rêves de Rêves et dans Les trois derniers jours de Fernando Pessoa : Un délire, comme s’il fallait que le rêve, le délire, l’hallucination soient nécessairement au rendez-vous pour que la biographie parvienne à s’immiscer dans les récits et romans de Tabucchi… Thématisation de la biographie : La biographie n’est pas thématisée dans cet ouvrage (qui n’est pas une biographie). Rapports biographie/autobiographie : Le « Je » derrière lequel se masque le narrateur-personnage semble correspondre, au moins en partie, au narrateur… Il est Italien, il voue une grande admiration à Fernando Pessoa et, bien qu’il soit étranger au Portugal, il est « pratiquement Portugais » (81), comme le déclare un personnage. Ce à quoi le narrateur répond : « Non, dis-je, mais je dois avoir un ancêtre portugais que je ne connais pas, je crois que le Portugal est inscrit dans mon patrimoine génétique » (81). En revanche, nous, lecteurs, savons bien que le Portugal fait office de culture d’adoption pour Tabucchi… Mais, malgré ces indices, il nous est impossible de savoir si les lieux visités par le narrateur ont été visités et chéris par l’auteur dans le réel, et si les personnages qui apparaissent dans le récit renvoient à des personnes réelles. Je suppose que non, puisque le récit joue sur la frontière qui sépare le réel du rêve et de l’hallucination, et la vérité du mensonge… En revanche, l’ouvrage Autobiographies d’autrui : poétiques à posteriori nous apprend que le rêve fait par le protagoniste à propos de son père est entièrement autobiographique : le père de Tabucchi est bel et bien mort comme le protagoniste le raconte (souffrant d’un cancer de la gorge, ayant subi la négligence du personnel de l’hôpital où il était soigné, etc.). III. ASPECT ESTHÉTIQUE Oeuvres non-biographiques affiliées du biographé : Le Livre de l’Intranquillité est évoqué dans le roman à plusieurs reprises. Le narrateur-personnage parle également, à la page 112, des « odes futuristes » qu’aurait écrites le poète. Œuvres biographiques affiliées du biographé : Aucune. Échos stylistiques : Je ne crois pas que Tabucchi se soit adonné à aucune forme de mimétisme stylistique dans ce récit qui, s’il convoque la figure de Pessoa, n’en est pas moins une construction purement fictionnelle. Échos thématiques : Je me suis aperçue que le texte recelait un certain nombre d’échos thématiques ponctuels. Par exemple, lors de la rencontre entre le narrateur-personnage et son « Invité », le thème de l’intranquillité fait l’objet d’une discussion. Le concept de « saudosismo » traverse également le texte à quelques reprises; il s’agit, il me semble, d’un concept important pour Pessoa. Il est également question, à quelques moments, de la prédilection de Pessoa pour les identités multiples; à ce titre, j’ai repéré, à la page 118, une allusion concernant l’hétéronyme Alberto Caiero, que Pessoa considérait comme son maître. IV. ASPECT INTERCULTUREL Affiliation à une culture d’élection : Le roman, écrit en portugais par un écrivain italien fasciné par le Portugal, constitue en lui-même le signe d’une affiliation culturelle, incessamment réitérée par le personnage qui, à chaque fois qu’il rencontre un Portugais, est amené à dire qu’il « aime mieux parler en portugais » (16), qu’il connaît le Portugal « depuis une éternité » (38), qu’il l’a « visité de fond en comble » (38), tant et si bien que ce pays « est inscrit dans [son] patrimoine génétique » (81)… Une phrase, dite par un personnage au tout début du récit, m’a paru être le signe d’une autre affiliation culturelle, bien que sujette à controverse : « Halte-là, dit le Boiteux de la Loterie, l’Inconscient, qu’est-ce que cela veut dire?, l’Inconscient appartient à la bourgeoisie viennoise du début du siècle, ici, nous sommes au Portugal, et vous, Monsieur, vous êtes Italien, nous appartenons au Sud, à la civilisation gréco-romaine, nous n’avons rien à voir avec la Mitteleuropa, désolé, mais nous, nous avons l’âme » (17). Apports interculturels : Les apports interculturels sont nombreux, dans Requiem : une hallucination : descriptions des régions et paysages du Portugal, descriptions de Lisbonne (lieux, trajets, toponymie, etc.), descriptions d’aspects culturels portugais (nourriture, breuvages, chansons, journaux et revues, mœurs, saudosismo, etc.). Il est d’ailleurs amusant de constater qu’on y retrouve tant de descriptions de plats traditionnels lusitaniens qu’une note intitulée « Les plats que l’on mange (ou que l’on pourrait manger) dans ce livre » figure à la fin du livre, à l’initiative du traducteur… En somme, ce roman est véritablement, comme le déclarait Tabucchi en guise de préambule, un hommage au Portugal. Lecteur/lectrice : Audrey Lemieux