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Recherche préliminaire sur la notion d’écriture du réel
Par Mariane Dalpé - 13 août 2013 - recherche préliminaire en vue de la demande de subvention
Notes préliminaires : Il faudra attendre de voir où mène cette recherche avant de terminer ce document dont, pour le moment, je conçois assez mal l’utilité (et la pertinence, puisqu’à mon sens il est essentiel de réorienter vers le biographique). 2e note : il faudra effectuer un tri, car j’ai probablement inclus des éléments un peu à la légère, et il vaudrait mieux les éliminer, ou au moins les élaguer un tantinet.
Cette recherche, qui visait initialement à produire un glossaire relatif à la notion d’écriture du réel, s’est heurtée à diverses embûches. D’une part, les approches philosophiques de la notion du réel abordent celui-ci dans une perspective généralement ontologique qui m’apparaît très éloignée de nos préoccupations, puisqu’il s’agit surtout dans ces textes de questionner la possibilité même du réel. D’autre part, les travaux qui traitent du réel dans une optique littéraire ne me sont apparus guère plus utiles, car il s’agissait soit d’envisager l’écriture du réel de manière autobiographique, ou encore selon une approche essentiellement sociologique.
Références possibles :
- Littérature 2010/3 (n° 159). 138 pages. (écrire l’histoire)
- Littérature 2012/2 (n°166). 126 pages. (Usages du document en littérature)
- Critique 2012/6-7 (n° 781-782). 144 pages (Biographies, modes d’emploi)
Jacques Dubois (2000). Les romanciers du réel. De Balzac à Simenon, Paris, Seuil, coll. « Points essais ».
Dubois, dans la présentation, parle de la voracité du roman réaliste, qui se déploie « comme s’il fallait produire un équivalent complet du monde réel sur le mode discursif » (2000 : 13). C’est une expérience de totalisation, de multiplicité, de complexité, de dépassement. Mais les auteurs en font également une « machine à rêver l’univers » (2000 : 13).
Élément sur lequel Dubois insiste beaucoup : « L’art du réel ne se veut pas innocent miroir, quoi qu’en ait dit Stendhal; s’il se réclame intensément d’une vérité, il maintient, comme le voulait Zola, des notions telles que celles de vision et d’écran, qui supposent à la fois regard personnel de l’écrivain et représentation réfractée. » (2000 : 28) Plus loin : « [L]e réalisme n’implique pas un usage naturel du discours. Il s’affirme pleinement dans une écriture qui se trouve en plus être retorse et dissimulée. »
Citation tirée de l’ouvrage Le Démon de la théorie. Littérature et sens commun d’Antoine Compagnon : « Les textes de fiction […] utilisent les mêmes mécanismes référentiels que les emplois non fictionnels du langage, pour référer à des mondes fictionnels tenus pour des mondes possibles. » (Compagnon, cité par Dubois, 2000 : 41)
Dubois substitue à la notion de réel celle de social. Il justifie cette décision en expliquant que la notion de réel est brute, et par conséquent un peu vague, tandis que celle de social, puisqu’elle est construite, est plus facile à appréhender, plus concrète. « Une fois contestée la relation d’immédiateté, entre le texte – sa fiction, son écriture – et le monde, comment proposer une solution plus adéquate ? On jugera peut-être banale l’idée de substituer à la notion de réel celle de social dans la façon dont on définit la représentation réaliste. Mais, pour autant que l’on donne à la notion de “socialité” un contenu, qu’elle sorte du vague énorme qui afflige la notion de réel, qu’on veuille bien l’inscrire dans un mode de fonctionnement, le glissement notionnel se révèle productif et dégage le débat premier et l’idéologie mimétique.Là où le réel était donné en tant qu’objet brut, le social présuppose un minimum de traitement ou de construction. » (2000 : 42)
« La société hors texte garantit une historicité du roman qui est aussi véracité. La société en texte produit, sur le mode de la simulation, des instruments de lecture de la société réelle et s’affirme à ce titre comme expérimentation. » (2000 : 44)
« La socialisation de la vision signifie que le monde ne se donne pas au texte en tant que réalité brute et de quelque manière essentielle, mais bien en tant que réalité structurée. Ainsi, l’écrivain ne vise pas n vaste tout indifférencié mais ce qu’il conçoit d’avance comme jeu de relations. » (2000 : 46)
Pour les romanciers du réel, l’art est au service du vrai, en l’occurrence le vrai social.
Pour Erich Auerbach, le réalisme est une réaction au classicisme : représentation noble, grandiose, de sujets triviaux qui selon la doctrine classique devraient plutôt être traités sur le mode burlesque.
Il s’agit aussi « de débusquer toute une complexité inavouée. Ainsi ce réalisme […] se veut révélateur d’un réel des profondeurs d’autant plus malaisé à connaître qu’il a un caractère structurel ou relationnel. » (2000 : 51) Les relations entre les personnages sont donc déterminés par des facteurs psychologiques, certes, mais aussi par des facteurs d’ordre collectif qui renvoient aux relations entre groupes et classes.
Le roman réaliste ne dépeint pas une réalité univoque ; il est dialectique, et recèle de nombreuses contradictions.
À partir de la fin du XIXe siècle, le point de vue sur le réel se déplace : « Il s’agira moins de dire le monde objectif que de donner à voir une conscience en train de percevoir ce monde et retirant de cette relation un savoir existentiel mais non moins pénétrant. » (2000 : 59)
Le réel est souvent représenté à travers le détail, qui sert de base à une métonymie permettant de dégager un sens, une représentation plus vaste.
À propos du point de vue de Gérard Genette sur les déterminations logiques qui règlent le destin des personnages de romans : « Pour lui […], les motivations ne sont jamais que de pseudo-motivations chargées de dissimuler l’arbitraire de la fiction. À multiplier les signes de causalité ou de la nécessité, comme le font un Balzac et même un Proust, le récit ne fait qu’avouer, quand on l’analyse plus finement, ce que la fiction a de concerté, c’est-à-dire de fictif. » (2000 : 137)
« Chaque fois, le romancier procède à une citation de l’Histoire qui, effet de réel si l’on veut, vaut surtout comme manière ironique d’attirer l’Histoire à soi pour mieux se revendiquer d’un discours autonome sur les grands événements. » En faisant concurrence aux grands événements historiques, les romans réalistes « conteste[nt] la primauté accordée aux grands drames événementiels et […] laisse[nt] entendre que ceux-ci sont peu de chose en regard des transformations profondes qui affectent en sous-main les comportements sociaux. » (2000 : 149)