Raczymow, Henri, La Mort du grand écrivain. Essai sur la fin de la littérature, Paris, Stock, 1994.

« Je ne sais si cet Âge d’or a factuellement existé. Je sais seulement qu’elle n’est plus. Je ne crois pas que ce soit un certain terrorisme critique des sixties qui l’aurait voué à la mort. La littérature est morte autrement, il n’y eut nul besoin de terreur, ni de guerre d’ailleurs, pour qu’elle disparaisse. La littérature a disparu dans le silence et l’indifférence, sans douleur. Sans douleur parce qu’on n’a plus besoin d’elle. » (p. 11)

« La question des raisons légitimes d’écrire reste suspendue, inavouable : on ne l’entend plus, elle n’a plus de sens. […] Il sera question de “vanité” dans ces pages. Non celle, universelle, de L’Ecclésiaste : celle qu’induit, aujourd’hui, l’absence de transcendance […]. » (p. 20-21)

La mort de la littérature s’est fait autour de l’année 90, quand Pivot a démissioné du « dernier salon littéraire », son émission Apostrophes.

[Pendant les années 50, 60, un] écrivain, selon la difficulté ou l’immédiateté de sa possible réception, pouvait être accueilli au sein de l’une ou l’autre de ces formes de la reconnaissance [du grand publique, de la critique littéraire]. Il n’y a plus aujourd’hui de ciel que celui constitué par le public, et le public n’est touché que par la seule télévision. » (p. 23)

« Car la mort de la littérature est fondamentalement inscrite dans le projet démocratique lui-même. » (p. 24)

« Pour nous, aujourd’hui, en France, la littérature est une histoire close. On peut dater précisément cette clôture avec la mort de Sartre, le 15 avril 1980. » (p. 196)