FICHE DE LECTURE INFORMATIONS PARATEXTUELLES Auteur : PECHENARD, Christian Titre : Proust à Cabourg Lieu : Paris Édition : Quai Voltaire Collection : Année : 1992 Cote UQAM : PQ2631R63Z816 Désignation générique : Pas explicitement annoncée, mais manifestement une oeuvre biographique. Bibliographie de l’auteur : Bérénice, Salvy Éditeur, 1990. Proust et les autres, Proust et son père, Proust et Céleste, La Table Ronde, coll. Petite vermillon, c1999. Biographé : Marcel Proust Quatrième de couverture : Extrait d’un article paru dans le Figaro, qu’on retrouve dans le livre : « C’était, dimanche dernier, 7 juillet 1907, grande fête à Cabourg, dans ce décor charmant que connaisse bien tous les Parisiens, et qui fait, depuis longtemps, surnommer cette coquette petite ville la Reine des Plages. On inaugurait le Grand Hôtel… » Petit commentaire annonçant le désir de Pechenard de démontrer l’importance de cet hôtel dans l’écriture de Proust, qui rencontra à Cabourg de nombreuses personnalités très marquantes, dont on peut reconnaître les influences partout à travers la Recherche. Aussi très bref commentaire sur le projet de Pechenard. Préface : Pas de préface, plutôt chapitre d’introduction, « Dans le hall », qui veut donner une impression d’ensemble de ce qu’a pu symboliser le Grand Hôtel de Cabourg aux yeux sensibles de Marcel Proust L’auteur donne également quelques indications sur le souvenir lucratif que l’Hôtel à conserver de Proust (Chambre Marcel Proust, Plat gastronomique Marcel Proust, Promenade Marcel Proust). Illustration de couverture : Affiche publicitaire annonçant « Grand Hôtel – Casino & Bains, Courses et Régates de Cabourg », avec en arrière-plan un dessin détaillé du Grand Hôtel devant lequel on aperçoit une foule de touristes massée sur la plage, ainsi que quelques-uns en train de faire trempette. Rabats : Aucun Autres (note, épigraphe, photographie, etc.) : LES RELATIONS (INSTANCES EXTRA ET INTRATEXTUELLES) : Auteur/narrateur : Aucune confusion possible : c’est bien Pechenard qui scrute la vie de Proust dans la perspective des moments passés au Grand Hôtel de Cabourg. C’est un travail de détective que se donne Pechenard en recherchant toutes traces des expériences de Proust au Grand Hôtel, laissées ça et là autant dans l’œuvre même de Proust que dans de nombreux témoignages publiés par des gens l’y ayant côtoyé (dont le « veau », Marcel Plantevignes et Céleste Albaret, la fidèle servante). Narrateur/personnage : Le narrateur se fait personnage dans l’œuvre dans la mesure où il revisite le seul lieu de vacances que Proust accepta de visiter plus d’une fois : « […] Parce que cette lettre est aujourd’hui posée sur le guéridon du Grand Hôtel, que je la regarde pemdant que j’écris et que je l’ai acquise comme une récompense indue et prématurée du travail que je poursuis. » p. 77. Cependant, jamais il ne pousse la chose jusqu’à se mettre en scène aux côtés d’un Proust encore vivant. Biographe/biographé : L’admiration que Pechenard porte à l’œuvre de Proust n’a sûrement d’égal que la curiosité dont il fait preuve devant les nombreuses bizarreries de cet écrivain, la Recherche du temps perdu. Pechenard considère cette œuvre comme étant en fait une magnifique transposition de celles-ci, que Proust aurait brillamment intégrées dans un récit de fiction. La note, en fin de volume, rapporte avec éloquence ce rapport complexe d’admiration, de respect et de curiosité (aussi ANCRAGE RÉFÉRENTIEL) : « J’ai [Pechenard] rameuté tous les bouquins que j’ai lus – un peu, beaucoup, passionnément – pour écrire ce texte et y inscrire à la fin comme il convient les références indispensables. J’en ai des piles, avec des feuilles arrachées, des notes sur les couvertures, des signets indiquant la page essentielle à laquelle je ne comprends plus rien, des mots soulignés encadrés, des commentaires agrémentés de ponctuation comme l’ont fait pour les problèmes d’échecs, exprimant des doutes, des étonnements, des enthousiasmes que je ne m’explique plus. » p. 199-200. L’ORGANISATION TEXTUELLE Synopsis : Pechenard met en scène le rapport complexe que Proust entretenait avec le Grand Hôtel de Cabourg, complexité qu’on retrouve également à la base de la plupart des relations mondaines de Proust. La première partie, « Le Grand Hôtel de Criquebec », nous fait revivre le passé de Marcel Proust qui trouve une résonance certaine avec les lieux du Grand Hôtel : comment il le visita, très jeune, avec sa grand-mère, avant sa reconstruction en 1907, puis régulièrement de 1907 à 1914 et de quelle manière cette résurrection du Grand Hôtel viendra répondre aux « besoins » particuliers de cet écrivain, tourmenté par mille malaises toujours changeants. Quelques fois dans cette première partie, mais surtout dans la deuxième, « La digue des milles et une nuits », on retrouve la plupart des lieux et des personnages réels qui auraient inspirés les scènes les plus significatives de la Recherche. Ce serait ainsi au Grand Hôtel de Cabourg que Proust aurait trouvé la base de son inspiration pour produire cette œuvre incomparable, et dont le mérite ne serait pas dû à un seul et même écrivain, en l’occurrence Proust, mais bien également à quelques uns de ses amis proches qui l’auraient poussés à exploiter certains thèmes plutôt que d’autres ( Les vicomtes et les veaux, p. 91, Marcel Plantevignes à l’ombre des jeunes filles en fleurs, p. 97, Le bal du Grand Hôtel, p.154.). Ancrage référentiel : Le texte est bien documenté en ce qui concerne l’histoire de Cabourg, les événements de la vie de Proust liés à ses expériences, ses rencontres et ses habitudes à Cabourg Le texte comporte entre autre l’inventaire détaillé des dates où Proust aurait séjourné à l’Hôtel de Cabourg (p. 132.) Il comporte certains témoignages pertinents d’amis proches de Proust au moment où il visitait régulièrement Cabourg : « Il [Marcel Plantevignes] avait près de quatre-vingt ans en 1966 – ayant prudemment attendu le temps de prescription et trois ans avant sa mort – lorsqu’il publia chez Nizet un gros livre de 685 pages Avec Marcel Proust – Causeries – Souvenirs sur Cabourg et le boulevard Haussman. » p.101. Également, à la suite d’une citation d’une lettre de Proust dont on a coupé la fin : « (C’est moi [Pechenard] qui, exceptionnellement, censure, non pas par pudibonderie, mais – la salacité étant exceptionnelle chez Marcel Proust -, pour que vous soyiex tentés d’aller vérifier le texte authentique dans la correspondance intégrale publiée chez Plon (tome X, page 333). » (p. 164) Indices de fiction : Certaines assertions sont caractéristiques de l’invention ou tout simplement de la supposition : « […] C’est donc que Proust était capable de tout, et puisqu’il a pu faire croire à un homme aussi perspicace que Gallimard qu’il avait marché pendant dix-sept kilomètres, on peut se demander si cette randonnée pédestre n’a pas été réellement accomplie. » p. 85. D’autres affirment carrément certaines idées plausibles qui n’ont jamais été attestées par Proust lui-même, par exemple ce qui concerne le refus du comte d’Alton de voir Proust épouser sa fille Colette, pour qui il aurait éprouvé une affection assez profonde : « Marcel Proust est tout de même juif homosexuel et un peu fou, cela fait beaucoup pour un gendre. » p.117. Rapports vie-œuvre : Cette partie est probablement la plus importante du texte puisque Pechenard cherche à répertorier les événements de la vie de Proust ayant un rapport avec ses voyages à Cabourg et qui auraient eu des répercussions, au moins symboliques, dans son œuvre écrite. On voit donc plusieurs thèmes importants dans l’œuvre trouver leur inspiration dans des expériences vécues par Proust aux moments où il se trouvait à Cabourg : les jeunes filles en fleurs, le soleil rayonnant sur la mer, le côté de Swann vs le côté de Guermantes, l’enfance, le souvenir, etc. Thématisation de l’écriture : Pechenard passe plutôt en revue les caprices de Proust concernant son travail d’écrivain ainsi que tout le soin qu’il mettait à se constituer un rituel d’écriture. Thématisation de la biographie : Pechenard donne ici en exemple le cas de la tante Hélène de Proust, qui vécue jusqu’en 1986, mais qui ne laissa aucun souvenir de ce dernier qui puisse être rapporté : « Dès lors, la déconvenue serait complète s’il n’était pas, depuis longtemps, entendu que les témoignages et les archives compliquent inutilement le travail des biographes. Comme disait justement Sartre, qui aimait Proust et avait, rue d’Ulm, écrit une revue À l’ombre des vieilles billes en fleurs pour faire enrager son maître Lanson, « une vie vécue ne peut jamais être une vie racontée ». » p. 115 Dans le Post-scriptum de la fin, on retrouve une subdivision appelée Note où Pechenard affirme que : « Reste incompréhensible la survie des biographes, plumitif s’acharnant à se glisser dans la peau des écrivains pour réaliser une œuvre plus que toutes autres biodégradables qui subira le double aléa de l’inconstance du modèle et de l’inconsistance du propos. » p. 199. Un peu plus loin, il continue : « Qu’est-ce qui pousse un auteur à se nourrir ainsi de la substance d’un autre? La paresse? Il n’y a pas de travail plus astreignant que de recouper des informations, d’accumuler des détails pour ensuite les trier avec pour seul espoir de se faire reprocher un choix taxé d’ignorance, quand il se croit sélectif, ou de sottise, quand il se veut démonstratif… La fatuité? Quelle vanité pourrait se satisfaire d’une admiration vouée à un autre. L’opportunisme? En espérant que le nom imprimé de Proust sur un livre fera valoir le sien, pratique qui se rapproche fâcheusement de la contrefaçon. Philip Kolb qui publie La correspondance de Proust et n’a plus à annoter que les tomes et les années 21 et 22 a écrit : Quelquefois on me demande comment j’ai pu passer ma vie à me pencher sur l’œuvre et la vie d’un seul écrivain. » Ceux qui se posent la même question ressemblent à des guides de musée et il n’est pas très important qu’ils soient bons ou mauvais. Certaines visites de châteaux ont laissé des souvenirs impérissables qui auraient disparu sans l’extravagante stupidité du commentaire. C’est une consolation dont il ne faut pas abuser. Mais comme dit Diebach, « Écrire la vie de Proust est sans doute la plus mauvais service que l’on puisse rendre à son œuvre ». Proust d’avance, en avait fait l’aveu : « Quelqu’un qui mène ma vie et souffre sans cesse est presque un monstre. » » p. 200 Topoï : Le mensonge entourant la vie et l’œuvre de Proust, l’invention, le voyage, le souvenir trafiqué. Hybridation, Différenciation, Transposition : Autres remarques : LA LECTURE Pacte de lecture : Discours aux allures journalistiques (ce dont témoignent les nombreuses sources citées), mais qui se sert en fait de ses sources pour se permettre une plus grande latitude d’analyse et d’interprétation de l’œuvre de Proust. Attitude de lecture (par rapport à un corpus de « Biographie imaginaire ») : Œuvre vraiment très intéressante dans cette perspective puisque Pechenard cherche à démontrer un lien entre Proust et sa vie à Cabourg, lien qui aurait, selon lui, eu une très grande influence dans l’écriture de la Recherche. À travers différentes rencontres qu’aurait fait Proust lors de ses voyages, Pechenard veut faire voir l’envers de la Recherche, et surtout de son écriture, qui ne trouverait pas nécessairement ses fondements là où on aurait pu le penser. Il se sert de sources réelles pour tenter de comprendre et d’expliquer un processus d’écriture pour le moins phénoménal. La part imaginaire consiste essentiellement en de nombreuses suppositions sur ce qui aurait inspiré Proust dans ce projet d’écriture grandiose qu’est la Recherche. Lectrice : Catherine Dalpé