FICHE DE LECTURE

INFORMATIONS PARATEXTUELLES

Auteur : Alain BUISINE Titre : Proust et ses lettres Lieu : Lille Édition : Presses universitaires de Lille Collection : Objet Année : 1983 Pages : 127 Cote : McGill : PQ2631 R63 Z545436 Désignation générique : aucune

Bibliographie de l’auteur : autres ouvrages biographiques : Laideurs de Sartre (1986), Proust : samedi 27 novembre 1909 (1991), Paul Verlaine : histoire d’un corps (1995). – Il existe une fiche de lecture pour chacun de ces ouvrages.

Biographé : Marcel Proust

Quatrième de couverture : Buisine défend l’idée que la correspondance joue une rôle privilégié chez Proust, introduisant la distance dans le mouvement même du rapprochement. La dernière phrase de la 4e de couverture place en exergue le mélange du biographique et du romanesque, puisque Buisine utilise aussi bien la correspondance fictive de la Recherche que la correspondance privée de Proust : « Ainsi lire les lettres de Marcel Proust – aussi bien la lettre fictive dans la Recherche que sa correspondance privée – permet de s’installer en ce lieu décisif – parce que producteur de l’œuvre – où s’échangent et communiquent les sphères du public et du privé, du romanesque et du biographique. »

Préface : aucune

Rabats : aucun

Autres (note, épigraphe, photographie, etc.) : il y a une sorte d’hors-d’œuvre en italiques qui précède le texte proprement dit. Buisine, à partir de la description de deux photographies de l’écrivain, s’emploie à réconcilier les deux Proust : « Proust mondain, Proust écrivain. Deux figures d’un même homme que l’hagiographie critique se plaît à distinguer, opposer, hiérarchiser. Une vie à deux temps. D’abord les plaisirs des salons, ensuite l’ascèse de l’écritoire. La société, la solitude. Les sorties, l’enfermement. […] C’est oublier que le mondain pratiquait déjà l’écriture et publiait régulièrement, que l’écrivain cloîtré ne renoncera jamais complètement au monde, entretenant sa situation et cultivant ses relations fût-ce à distance. C’est surtout ne pas comprendre que, où qu’il soit, Proust y est sans y être. » (9-10) Buisine s’affaire ainsi à réunir d’emblée les « deux corps du roi » (Michon, Corps du roi), comme il le fera à nouveau plus tard, au début de Paul Verlaine : histoire d’un corps (1995). Avec ce livre en effet, Buisine dira vouloir réconcilier le grand poète et l’infâme pourceau « indûment » illuminé par la grâce poétique. Les biographies de Buisine forment souvent leur projet en opposition à un certain discours critique.

LES RELATIONS (INSTANCES EXTRA ET INTRATEXTUELLES) :

Auteur/narrateur : S’agissant proprement d’une « biographie critique », l’œuvre de Buisine n’invite à aucune distinction entre l’auteur et le narrateur. A = N.

Narrateur/personnage : Pour la même raison (susmentionnée), N ≠ P.

Biographe/biographé : Au début de Laideurs de Sartre, Alain Buisine confesse que son intérêt au sujet de la laideur était en quelque sorte autobiographique. Dans Proust et ses lettres, il faisait déjà une confession similaire. Toutefois, dans ce cas-ci, c’est a contrario : Buisine explique qu’autant la lettre est importante pour lancer l’écriture proustienne, autant elle inhibe la sienne propre : « À supposer qu’en littérature comme en amour on connaît ses plus grandes passions pour des écrivains ou des femmes qui ne sont pas notre genre, tel Swann entiché d’Odette de Crécy si conforme à ses goût picturaux qu’elle déçoit ses préférences physiques qui, franchement vulgaires, ont toujours été à l’opposé de ses valeurs esthétiques, je suis d’autant plus attiré par Marcel Proust que la lettre joue dans son œuvre et dans son élaboration un rôle décisif qu’elle n’a jamais eu dans mon rapport au texte, qu’elle excite et même fonde son écriture à proportion qu’elle perturbe et inhibe la mienne (comme dirait Barthes, la comparaison est ici de pratique et non de valeur). » (17)

Autres relations :

L’ORGANISATION TEXTUELLE

Synopsis : À partir des lettres fictives de la Recherche et de la correspondance réelle de Proust, Buisine entreprend une réflexion critique sur l’épistolaire proustien en général. L’idée la plus récurrente concerne le double rapport de distance et de proximité introduit par la lettre en milieu proustien. Dans la foulée, le biographe explore une pléthore de thèmes liés, selon lui, à l’épistolaire : la maternité et la grand-mère, le souffle, la mort, la distance, le (contre)temps, le mensonge, le corps, etc.

Ancrage référentiel : Les éléments biographiques sur lesquels Buisine appuie ses interprétations (parallèlement aux éléments romanesques) sont vérifiables. D’ailleurs, le biographe cite bon nombre de témoins (Céleste, Maurice Duplay), de biographes et de critiques (Deleuze) de Marcel Proust, comme quoi son travail est documenté.

Indices de fiction : La fiction réside dans les interprétations de Buisine, et plus concrètement dans la lettre elle-même qui, comme le dit l’auteur lui-même, n’est pas l’autre de la fiction : « Comment reconnaître plus explicitement que l’épistolaire n’est pas l’autre de la fiction, mais une de ses conditions, la principale peut-être? Sans cette débauche de courrier en milieu de journée, pourrait-il encore poursuivre son roman en fin de soirée? » (15)

Rapports vie-œuvre : Comme dans les autres biographies de Buisine, ce rapport est très important, et discuté en connaissance de cause. Déjà, Buisine apparaît comme un précurseur en s’opposant, dès 1983 (un an avant que ne commence le renouveau biographique selon Viart…), aux diktats de la critique struturalisante et sémiotisante. Ainsi, une parenthèse qui en dit long : « Question décisive que celle de la ventilation quand on vit auprès d’un “Proust” (volontairement appeler du nom de Proust l’amant d’Albertine signifie pour nous que la distinction entre auteur et narrateur farouchement défendue par une certaine poétique est emportée, dépassée dans le domaine de l’imaginaire par le jeu de la fiction qui fait entrer la vie et l’œuvre dans un même corpus). » (67) C’est là une idée que Buisine défendra au moins jusqu’en 1995 avec son Verlaine. Bien sûr, Buisine est conscient de l’apparente hérésie que représente une critique biographique de l’auteur de Contre Sainte-Beuve : « Je me risque donc à ressourcer la pratique littéraire de Marcel Proust, à l’originer dans une écriture privée, dans l’intimité de la correspondance. Or je n’ignore pas que dans son Contre Sainte-Beuve, il s’est violemment élevé contre cette démarche critique qui rapproche systématiquement l’homme de l’œuvre, qui recherche les secrets de l’auteur non dans sa création elle-même, mais dans ses propos, ses lettres, son vécu anecdotique […] » (17) Or, comme Pietro Citati avant lui (La colombe poignardée), Buisine trouve que Proust témoigne d’une certaine mauvaise foi dans son Contre Sainte-Beuve. Selon lui, sa thèse est des plus subjective en elle-même et s’adresse avant tout à Maman. « Ainsi le biographique serait ce qui ne peut manquer de remonter insidieusement à la surface du texte quand bien même a-t-il été (fort) théoriquement condamné et exclu. » (21) Et comme la lettre, fût-elle fictive, représente pour Buisine le lieu par excellence où se profile la personne de l’écrivain, une démarche critique biographique est justifiée : « Si le Contre Sainte-Beuve semble déjà prouver que l’œuvre proustienne s’élabore à partir d’une dénégation du biographique, la lettre représente ce moment textuel où remonte le plus explicitement la personne de l’écrivain. Ainsi faire du courrier proustien son corpus critique (aussi bien les lettres fictives de la Recherche que sa correspondance privée) permet de s’installer en ce lieu décisif où s’échangent, communiquent, circulent le public et le privé, le romanesque et le biographique. » (22)

Thématisation de l’écriture et de la lecture : Buisine établit des parallèles frappant entre l’écriture romanesque et l’écriture épistolaire. Si bien qu’à la toute fin, il fait de la Recherche un post-scriptum de la correspondance! « Si je radicalise à l’extrême ma démonstration, je soutiendrai que les lettres ne sont pas le reste de la fiction littéraire (le surplus de l’écriture), mais que toute l’œuvre romanesque s’écrit comme le reste de la correspondance à la mère : tout ce qu’il ne lui avait pas dit dans ses lettres. La Recherche comme ultime et exhaustif compte-rendu, comme gigantesque post-scriptum à la correspondance à la mère. Une lettre bien plus longue que les autres, mais une lettre quand même dans sa destination. Au total il n’aura fait qu’écrire à maman. » (127)

Thématisation de la biographie : Le biographique est surtout thématisé dans son rapport au romanesque ; voir « rapports vie-œuvre ».

Topoï : lettre, écriture, souffle, mère, distance, proximité, Autres, mensonge, etc.

Hybridation :

Différenciation : La différenciation par rapport à la critique qui départage vie et œuvre, biographique et romanesque, Proust écrivain et Proust mondain, est importante.

Transposition :

Autres remarques :

LA LECTURE

Pacte de lecture :

Attitude de lecture : Livre intéressant, mais où la part critique l’emporte de loin sur la part biographique (d’où la relative brièveté de la fiche de lecture).

Lecteur/lectrice : Mahigan Lepage