====== GENEVIÈVE PETTERSEN - LA DÉESSE DES MOUCHES À FEU ====== == ORION + POROSITÉ - FICHE DE LECTURE == ==== I- MÉTADONNÉES ET PARATEXTE ==== **Auteur** : Geneviève Pettersen **Titre** : La déesse des mouches à feu **Éditeur** : Le Quartanier **Année** : 2014 **Désignation générique** : Roman **Quatrième de couverture** : « La déesse des mouches à feu, c'est Catherine, quatorze ans, l'adolescence allée chez le diable. C'est l'année noire de toutes les premières fois. C'est 1996 à Chicoutimi-Nord, le punk rock, le fantôme de Kurt Cobain et les cheveux de Mia Wallace. Des petites crisses qui trippent sur Christiane F. et des gars beaux comme dans les films en noir et blanc. Le flânage au terminus et les batailles de skateux contre pouilleux en arrière du centre d'achats. L'hiver au campe dans le fin fond du bois, les plombs aux couteaux, le PCP vert et les baises floues au milieu des sacs de couchage. C'est aussi les parents à bout de souffle et les amants qui se font la guerre. Un jeep qui s'écrase dans un chêne centenaire, les eaux du déluge qui emportent la moitié d'une ville et des oiseaux perdus qu'on essaie de tuer en criant. » **Notice biographique de l’auteur** : [Quatrième de couverture] « Née à Québec en 1982, Geneviève Pettersen vit à Montréal. La déesse des mouches à feu est son premier roman. » ==== II - CONTENU ET THÈMES ==== **Résumé de l’œuvre** : Le 18 juillet 1995, le jour du quatorzième anniversaire de Catherine, son avocat de père, suite à une autre dispute avec sa femme, envoie le Grand Cherokee de celle-ci dans le chêne centenaire qui fait face à la maison. C'est le début de la fin du couple, qui se séparera peu de temps après. La quinzième année de Catherine sera celle des nouvelles expériences. Le lecteur la suit alors qu'elle boit pour la première fois avec ses amies, qu'elle commence à traîner au centre d'achats de Chicoutimi, à fréquenter les gars plus vieux. Son premier chum, puis son second, les bitcheries des autres filles, parfois jalouses. Ses premières expériences avec la drogue (de la mess, donc du PCP), puis ses autres, de plus en plus rapprochées, jusqu'à ce que ça devienne une habitude d'exagérer et de se geler à huit heures du matin. À travers tout ça, il y a les amies qui changent, les premières expériences sexuelles, le besoin de s'intégrer et de ne pas avoir l'air d'une pisseuse, le divorce violent des parents, la négligence des parents, la lecture du roman Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée…, qui finit par ressembler beaucoup plus à un guide qu'à un contre-exemple. Le roman n'est pas facile à résumer puisqu'il ne contient presque aucun événement majeur. Plutôt, la narration effectue des va-et-vient, raconte le quotidien, montre l'évolution du personnage de Catherine qui, de petite pisseuse désespérée par le besoin de faire partie des cool, deviendra la déesse des mouches à feu, la fille que tous les gars regardent, que toutes les filles jalousent, qui n'a peur de rien, même pas de ses parents. Sauf qu'une nuit, Keven, le chum de Catherine, avec qui elle aurait voulu passer toute sa vie, quitte le party sans l'annoncer à personne, sans bottes, et sans que Catherine, trop gelée, s'en rende compte. Le lendemain, il est retrouvé par ses parents dans le garage, pendu. Catherine n'en revient pas, ne comprend pas, mais n'arrête pas pour autant sa consommation de drogue. Au contraire, les amis, dans le parc devant le salon funéraire, se feront chacun une ligne, plus une autre qu'ils souffleront en l'honneur du défunt. Le roman se termine à l'aube du quinzième anniversaire de Catherine. En punition prolongée pour l'été, à cause de sa consommation, elle obtient la permission de partir dans les Monts en voyage de pêche avec son père. Anormalement gentil et paisible, celui-ci finit par lui proposer d'emménager dans le quatre-et-demi qu'il vient d'aménager dans son sous-sol. Ils rentrent à Chicoutimi après des vacances gâchées par des pluies torrentielles, et réalisent que toute la région est inondée (notons qu'entre le 19 et le 21 juillet 1996, un réel déluge à touché la région). Ils ont tout juste le temps, avant qu'elle s'engloutisse, de voir parmi les autres maisons transportées par les courants celle que la famille avait, il y a longtemps, presque achetée. **Thème principal** : L'adolescence **Description du thème principal** : Par son thème, La déesse des mouches à feu s'inscrit dès le départ dans un genre informel qui rappelle le roman d'apprentissage mis au goût du jour; disons le roman d'adolescence. Ce que je remarque, cependant, c'est le thème de l'adolescence est traité d'une façon quelque peu différente de ce qu'on peut habituellement voir dans ce type de roman. Le personnage de Catherine ne cherche pas tant, du moins au début, à se distinguer et à affirmer son individualité. Plutôt, elle veut ressembler à d'autres, aux filles dans les clips de NoFx, aux autres qui prennent de la mess dans le campe. Surtout, d'un point de vue moral, le récit, ou la narratrice, ne nous indiquent jamais que Catherine est dépendante, ou que sa consommation est mauvaise : elle se fait des amis, elle vit des aventures, ses notes sont les meilleures de toute l'école. Les seuls qui tentent de la convaincre qu'elle devrait arrêter la drogue sont sa mère, superficielle et nunuche, son père, impulsif et négligeant, et l'agent Martial, intervenant en toxicomanie, anciennement le plus gros dealer de tout Chicoutimi. C'est donc un roman d'apprentissage, oui, de premières fois sauvages, mais qui ne s'achève pas sur un « retour sur le droit chemin » pour la narratrice; un roman qui vient peut-être même nier l'idée d'un droit chemin. Et Catherine, bien qu'elle évolue à travers l’œuvre, ne change que de façon superficielle. **Thèmes secondaires** : La drogue, les années 1990, le Saguenay, les premières fois. ==== III- CARACTÉRISATION NARRATIVE ET FORMELLE ==== **Type de roman (ou de récit)** : roman **Commentaire à propos du type de roman** : La narration autodiégétique, la « mode » dans la production littéraire contemporaine et l'intérêt connu du Quartanier pour les textes autofictionnels font qu'on peut croire à un certain aspect autofictionnel au roman. Cependant, l'hypothèse reste faible, surtout vers la fin du roman. **Type de narration** : Autodiégétique. **Lieu(x) mis en scène** : Chicoutimi-Nord (et ses différents quartiers), le centre d'achats. Dans le bois : le « trou » et le « campe », Les Monts, où les gens ont leurs chalets de chasse et de pêche. **Date(s) ou époque(s) de l'histoire** : Du 18 juillet 1995 au 18 juillet 1996. **Intergénéricité et/ou intertextualité et/ou intermédialité** : Le texte ne présente par d'inter[x] particulièrement notables. Remarquons tout de même les quelques références au roman Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée…de Kai Hermann et Horst Rieck, que la narratrice lit pendant une bonne partie du roman, et à laquelle elle semble beaucoup s'identifier. Notons aussi les nombreuses références, qui ne semblent pas particulièrement importantes, aux groupes punk et rock des années 1990, ainsi qu'aux films d'horreur. **Particularités stylistiques ou textuelles** : Le plus grand intérêt du roman se situe dans la langue qu'il emploie. C'est une langue extrêmement orale, oui, mais parsemée d'un lexique saguenéen précis et varié. Rapidement : « on bummait », « skateux », « pouilleux », « malécoeureuse », « trippe-bouffer », « pleutasser », etc. Ce lexique est intégré d'une façon naturelle et ne rend pas la narration obscure ou difficile à suivre. Le résultat est un récit fluide, rapide, à la fois familier et exotique. ==== IV- POROSITÉ ==== **Phénomènes de porosité observés** : Porosité langagière **Description des phénomènes observés** : Le roman, aux plans thématique et générique, ne me semble pas particulièrement poreux. Cependant, la langue employée par la narratrice me semble pouvoir être envisagée selon la perspective de la porosité, en ce sens où la construction du lexique familier mentionné plus haut est rigoureuse, plus que dans le simple joual auquel on est habitué. Les mots qui seront employés une fois seront employés à nouveau en un pareil contexte, et seront donc réellement intégrés à langue. De plus, ces mots, avec lesquels l'auteure ne pouvait raisonnablement imaginer que le lecteur serait familier, sont intégrés au texte sans explications, laissant au contexte la tâche exégétique. De tout cela je retiens une sorte de porosité entre une perspective populaire sur la langue littéraire et une perspective savante; une sorte de langue familièrement savante. Pour reprendre à Marie-Pascale Huglo son expression, la langue présente une oralité stylisée, dans un sens presque iconographique. Le lexique est stylisé comme un alphabet, c'est-à-dire simplifié, organisé, signifié. Au sein du texte, le régionalisme n'indique plus simplement un relâchement de style, ou la vulgarité d'un personnage, mais fait partie d'une esthétique plus complexe. **Auteur de la fiche** : Alex Tommi