Informations paratextuelles Auteur : SARAMAGO, José Titre : L’année de la mort de Ricardo Reis Lieux: Paris Éditions : Seuil Collection : - Année : 1988

Appellation générique : roman

Biographie de : Ricardo Reis (hétéronyme de Fernando Pessoa)

Bibliographie de l’auteur : écrivain (poésie, contes, chroniques, théâtre, romans)

Quatrième de couverture : résumé du récit, précision sur l’identité de Ricardo Reis (hétéronyme de Fernando Pessoa) et sur la nature du projet : « fiction greffée sur une fiction et engendrant un mystérieux jeu de miroirs ». Aussi, quelques informations biographiques sur l’auteur.

Épigraphe : trois citations de Pessoa et de deux de ses hétéronymes, Ricardo Reis et Bernardo Soares.

Résumé : Après un séjour au Brésil, Ricardo Reis revient s’installer à Lisbonne. Au cours de ce séjour, il va rencontrer Fernando Pessoa, bien que déjà mort, à quelques reprises.

Pacte de lecture - appellation roman sur la page couverture - précision en quatrième de couverture (« fiction greffée sur une fiction », « qui ne va pas sans une interrogation profonde sur la vérité et l’unicité du sujet ») - note du traducteur avant le début du roman (qui en fait constitue une introduction) est très explicite : il précise ce qui constitue la trame du roman : « un jeu de renvois entre le mensonge du réel et la vérité du trompe-l’œil » et donne au lecteur quelques repères : sur Pessoa (qui signifie masque) et ses hétéronymes (notamment informations sur les traductions existantes) ; sur Ricardo Reis ; sur le projet de Saramago : « Comme en écho à la phrase de Pessoa “Je suis le personnage d’un roman qui reste à écrire”, Saramago, une fois les paramètres historiques, topographiques et politiques de son récit mis en place, fabule la rencontre de ces deux non-existences, celle du poète mort et celle de son hétéronyme, doublement fictif. » (12) ; sur la façon de lire le roman : »comme le produit de relation entre la littérature et le mythe, ce dernier subissant ici un traitement ironique et démystificateur. » (13) sur le commentaire de Saramago lui-même portant sur le vertige de ce jeu entre vérité, mensonge, vie, masque. sur la ponctuation particulière adoptée par Saramago dont le traducteur a tenté de respecter l’esprit : « l’absence de tirets et de paragraphes dans les dialogues, la substitution de virgules à un grand nombre de points finals, et la suppression systématique de tous les points d’exclamation et d’interrogation. »(13)

Donc si l’ouvrage se présente comme un roman, le lecteur est tout de même invité à reconnaître les traits empruntés à la réalité et le jeu entre réel et imaginaire. Il ne s’agit ni d’une biographie de Pessoa, ni d’une biographie de Ricardo Reis.

Les relations et mode de présence auteur/ narrateur/ biographe/ biographé personnages, sujet d’énonciation/ sujet d’énoncé - habile jeu énonciatif qui s’appuie notamment sur la ponctuation particulière et qui rend difficile la reconnaissance de l’instance énonciative, mettant en scène la question de l’identité du sujet. - ex. de la lecture du journal (30-32) où le compte rendu est un amalgame d’extraits du journal (lecteur qui écrit au journal, rédacteur qui répond) de pensées et de commentaires de Ricardo Reis qui lit le journal, mais aussi peut-être de Ricardo endormi, ou d’un narrateur autre. Donc relation entre personnages, auteur et narrateur pas clairement identifiable, identité narrative n’est pas toujours reconnaissable : « Quand on a imaginé le spectacle, sachant qu’il ne se produira pas, il devient tout à coup très simple de distinguer les humains des animaux. Ce n’est pas le rédacteur qui a ajouté ce commentaire, bien entendu, ni Ricardo Reis qui pense à autre chose » (32). Voir aussi p. 46 où le narrateur intervient de la même façon, rappelant par là la distance entre le personnage et le narrateur(-auteur?) Voir aussi p 75. - autre exemple, alors que Ricardo Reis, lisant dans le journal la réaction suscitée par la mort de Pessoa : « le poète extraordinaire […] la mort l’a surpris […]en poésie, il n’était pas seulement Fernando Pessoa, mais aussi Alvaro de Campos, Alberto Caeiro, et Ricardo Reis, ça y est, il ne manquait plus que cette méprise, cette négligence ce on-dit, quand nous savons bien, nous, que Ricardo Reis est cet homme qui lit le journal de ses propres yeux, ouverts et vivants, ce médecin de quarante-huit ans, un an et plus que Fernando Pessoa au moment où on lui a fermé les yeux, bien morts ceux-là, ça devrait suffire pour prouver, certifier, qu’il ne s’agit pas de la même personne, et s’il y a encore ici quelqu’un qui doute, qu’il aille à l’hôtel […] Qui osera maintenant douter de la parole d’un gérant d’hôtel […] (36). (c’est moi qui souligne : Quel est ce nous et ce ici?). Voir aussi p. 43. - échanges intéressants entre Pessoa et Reis, deux personnages, deux auteurs : « Si quelqu’un nous regarde, qui voit-il, vous ou moi. Il vous voit, vous plus exactement, il voit quelque chose qui n’est ni vous ni moi. La somme que nous représentons divisée par deux. Non, je dirais plutôt le produit de la multiplication de l’un par l’autre. Cette opération existe. […] Et pourtant nous sommes multiples. […] » (86-87) Voir aussi p. 75-78.

Ancrage référentiel (marqueur de réalité) - dans le réel (Fernando Pessoa, le contexte politique, historique) et dans l’œuvre de cet écrivain (citations dans le texte). - Fernando Pessoa, cité par Claude Fages dans la note du traducteur (12), a dit : « Je suis le personnage d’un roman qui reste à écrire ».

Indices de fiction d’ordre thématique - présence de Fernando Pessoa mort qui revient dialoguer avec Ricardo Reis. - mise en fiction de Ricardo Reis, personnage déjà fictif.

Thématisation de l’écriture - dans l’écriture de Saramago (jeu avec la ponctuation), on retrouve la nature du projet d’écriture de Pessoa qui, avec l’invention de ses hétéronymes, voulait questionner l’identité et l’unicité du sujet. « en nous vivent des êtres sans nombre, que je pense ou que je sente, j’ignore celui qui sent ou pense, je suis seulement le théâtre de la sensation ou de la pensée […] qui se sert de moi pour sentir et penser […] qui suis-je que les autres ne sont pas, n’ont pas été, ne seront pas. » (26-27). Voir aussi p. 49 : « Ce Ricardo Reis-là n’est pas le poète, c’est juste un client de l’hôtel […] Et les gens n’imaginent même pas que celui qui termine une chose n’est jamais le même que celui qui l’a commencé, même s’ils portent tous le même nom, lui seul ne change pas, rien que lui. » - insertion de citations de Pessoa et de ses hétéronymes dans le roman - importance de l’écriture : partout des livres (références notamment à un livre « fictif » de Herbert Quain, tiré de l’œuvre de Borges. Voir dans le roman la note p. 24) des journaux, des papiers, Ricardo en train d’écrire (53) ou en train de lire, de parler de livres, etc.

Attitude de lecture - jeu de miroirs entre imaginaire et réel : « Il se souvient qu’il s’est assis là en d’autres temps, si éloignés qu’il, doute de les avoir vécus lui-même. Ou quelqu’un à ma place, avec peut-être le même visage, et le même nom, mais un autre. » (33). Voir aussi Ricardo devant le miroir (50-51). Le roman comme une mise en abyme de la pensée de Pessoa. - évaluation par rapport à un corpus « biographie imaginaire » : pas vraiment de l’ordre du biographique, mais du romanesque incluant et utilisant des faits biographiques portant surtout sur la spécificité de l’écriture de Pessoa.

Hybridation, Différenciation, Transposition

Autre photocopie : péritexte : page couverture, quatrième, épigraphe et note du traducteur ; 15-53 ; 74-79 ; 86-89 ; 376-379.

Lecteur/lectrice : Anne-Marie Clément