fq-equipe:paul_ricoeur_2000_la_memoire_l_histoire_l_oubli
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- | ===== Paul RICOEUR (2000), La mémoire, l’histoire, | + | ====== Paul RICOEUR (2000), La mémoire, l’histoire, |
**Paris, | **Paris, | ||
Notes de lecture par Mariane Dalpé** | Notes de lecture par Mariane Dalpé** | ||
- | ==== I – DE LA MÉMOIRE ET DE LA RÉMINISCENCE ==== | + | ===== I – DE LA MÉMOIRE ET DE LA RÉMINISCENCE |
La première partie de l’ouvrage, | La première partie de l’ouvrage, | ||
- | === CHAPITRE 1 : Mémoire et imagination === | + | ==== CHAPITRE 1 : Mémoire et imagination |
Objectif du chapitre : procéder à un découplage entre imagination et mémoire. | Objectif du chapitre : procéder à un découplage entre imagination et mémoire. | ||
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« Il doit y avoir dans l’expérience vive de la mémoire un trait irréductible qui explique l’insistance de la confusion dont témoigne l’expression d’image-souvenir. Il semble bien que le retour du souvenir ne puisse se faire que sur le mode du devenir-image. La révision parallèle de la phénoménologie du souvenir et de celle de l’image trouverait sa limite dans le processus de mise en image du souvenir […]. » (2000 : 7) | « Il doit y avoir dans l’expérience vive de la mémoire un trait irréductible qui explique l’insistance de la confusion dont témoigne l’expression d’image-souvenir. Il semble bien que le retour du souvenir ne puisse se faire que sur le mode du devenir-image. La révision parallèle de la phénoménologie du souvenir et de celle de l’image trouverait sa limite dans le processus de mise en image du souvenir […]. » (2000 : 7) | ||
- | === CHAPITRE 2 : La mémoire exercée : us et abus === | + | ==== CHAPITRE 2 : La mémoire exercée : us et abus ==== |
**I. Les abus de la mémoire artificielle : les prouesses de la mémorisation :** | **I. Les abus de la mémoire artificielle : les prouesses de la mémorisation :** | ||
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« C’est aux abus de la mémoire naturelle que sera ensuite consacrée la plus longue section de ce chapitre ; nous les distribuerons sur trois plans : au plan pathologique-thérapeutique ressortiront les troubles d’une mémoire empêchée ; au plan proprement pratique, ceux de la mémoire manipulée ; au plan éthico-politique, | « C’est aux abus de la mémoire naturelle que sera ensuite consacrée la plus longue section de ce chapitre ; nous les distribuerons sur trois plans : au plan pathologique-thérapeutique ressortiront les troubles d’une mémoire empêchée ; au plan proprement pratique, ceux de la mémoire manipulée ; au plan éthico-politique, | ||
- | === CHAPITRE 3 : Mémoire personnelle, | + | ==== CHAPITRE 3 : Mémoire personnelle, |
**I. La tradition du regard intérieur :** | **I. La tradition du regard intérieur :** | ||
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**III. Trois sujets d’attribution du souvenir : moi, les collectifs, les proches :** | **III. Trois sujets d’attribution du souvenir : moi, les collectifs, les proches :** | ||
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« C’est à ce stade de la discussion que je proposerai de recourir au concept d’attribution comme concept opératoire susceptible d’établir une certaine commensurabilité entre les thèses opposées. Suivra l’examen de quelques-unes des modalités d’échange entre l’attribution à soi des phénomènes mnémoniques et leur attribution à d’autres, étrangers ou proches. » (2000 : 114-115) | « C’est à ce stade de la discussion que je proposerai de recourir au concept d’attribution comme concept opératoire susceptible d’établir une certaine commensurabilité entre les thèses opposées. Suivra l’examen de quelques-unes des modalités d’échange entre l’attribution à soi des phénomènes mnémoniques et leur attribution à d’autres, étrangers ou proches. » (2000 : 114-115) | ||
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Phénoménologie de la mémoire au sein de la réalité sociale : Alfred Schutz souligne l’aspect transgénérationnel de la mémoire qui s’inscrit dans la zone mitoyenne entre mémoire individuelle et mémoire collective : la mémoire des proches, c’est-à-dire des autres prochains, des « autruis privilégiés » (2000 : 162) dont la mémoire partagée viendra notamment combler les lacunes de la mémoire individuelle, | Phénoménologie de la mémoire au sein de la réalité sociale : Alfred Schutz souligne l’aspect transgénérationnel de la mémoire qui s’inscrit dans la zone mitoyenne entre mémoire individuelle et mémoire collective : la mémoire des proches, c’est-à-dire des autres prochains, des « autruis privilégiés » (2000 : 162) dont la mémoire partagée viendra notamment combler les lacunes de la mémoire individuelle, | ||
- | ==== II – HISTOIRE/ | + | ===== II – HISTOIRE/ |
La deuxième partie de l’ouvrage, | La deuxième partie de l’ouvrage, | ||
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Précision : par phase de l’opération historiographique, | Précision : par phase de l’opération historiographique, | ||
- | === CHAPITRE 1 : Phase documentaire : la mémoire archivée === | + | ==== CHAPITRE 1 : Phase documentaire : la mémoire archivée |
**I. L’espace habité :** | **I. L’espace habité :** | ||
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**III. Le témoignage :** | **III. Le témoignage :** | ||
+ | |||
« [N]ous suivrons le mouvement à la faveur duquel la mémoire déclarative s’extériorise dans le témoignage ; nous donnerons toute sa force à l’engagement du témoin dans son témoignage […]. » (2000 : 181) | « [N]ous suivrons le mouvement à la faveur duquel la mémoire déclarative s’extériorise dans le témoignage ; nous donnerons toute sa force à l’engagement du témoin dans son témoignage […]. » (2000 : 181) | ||
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Confusion : faits avérés et événements survenus. L’événement est bref, fugace. C’est cela au sujet de quoi on témoigne. Le fait est le contenu d’un énoncé visant à la représenter. Il est construit dans le discours historique et par conséquent lié au langage. | Confusion : faits avérés et événements survenus. L’événement est bref, fugace. C’est cela au sujet de quoi on témoigne. Le fait est le contenu d’un énoncé visant à la représenter. Il est construit dans le discours historique et par conséquent lié au langage. | ||
- | === CHAPITRE 2 : Explication/ | + | ==== CHAPITRE 2 : Explication/ |
**I. La promotion de l’histoire des mentalités :** | **I. La promotion de l’histoire des mentalités :** | ||
Ligne 187: | Ligne 189: | ||
Ricœur, après avoir évoqué les travaux de Carlo Ginzburg, conclut sur un problème qui subsiste par rapport au terme de représentation et à l’utilisation qu’il en fait : comment parler des représentations-objets sans anticiper sur les représentations opérations ? | Ricœur, après avoir évoqué les travaux de Carlo Ginzburg, conclut sur un problème qui subsiste par rapport au terme de représentation et à l’utilisation qu’il en fait : comment parler des représentations-objets sans anticiper sur les représentations opérations ? | ||
- | === CHAPITRE 3 : La représentation historienne === | + | ==== CHAPITRE 3 : La représentation historienne |
Objectif du chapitre : « Ainsi sera souligné avec force le fait que la représentation au plan historique ne se borne pas à conférer un habillage verbal à un discours dont la cohérence serait complète avant son entrée en littérature, | Objectif du chapitre : « Ainsi sera souligné avec force le fait que la représentation au plan historique ne se borne pas à conférer un habillage verbal à un discours dont la cohérence serait complète avant son entrée en littérature, | ||
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Ricœur emploie le terme de « lieutenance pour préciser le mode de vérité propre à la représentance […]. » (2000 : 365) | Ricœur emploie le terme de « lieutenance pour préciser le mode de vérité propre à la représentance […]. » (2000 : 365) | ||
- | ==== III – LA CONDITION HISTORIQUE ==== | + | ===== III – LA CONDITION HISTORIQUE |
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La troisième partie de l’ouvrage, | La troisième partie de l’ouvrage, | ||
Cette partie réfléchit aux conditions de possibilité du discours historique : « Qu’est-ce que comprendre sur le mode historique ? » (2000 : 373) demande Ricœur. | Cette partie réfléchit aux conditions de possibilité du discours historique : « Qu’est-ce que comprendre sur le mode historique ? » (2000 : 373) demande Ricœur. | ||
+ | |||
Versant critique de la question : limites à toute prétention totalisante | Versant critique de la question : limites à toute prétention totalisante | ||
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Versant ontologique de la question : explorer les présuppositions existentiales du savoir historiographique. | Versant ontologique de la question : explorer les présuppositions existentiales du savoir historiographique. | ||
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Par condition, Ricœur renvoie à la fois au concept de situation et à celui de conditionnalité. | Par condition, Ricœur renvoie à la fois au concept de situation et à celui de conditionnalité. | ||
« La cohérence de l’entreprise repose dès lors sur la nécessité du double passage du savoir historique à l’herméneutique critique et de celle-ci à l’herméneutique ontologique. Cette nécessité ne peut être démontrée a priori : elle ne procède que de sa mise en œuvre qui vaut mise à l’épreuve. Jusqu’à la fin, l’articulation présumée restera une hypothèse de travail. » (2000 : 374) | « La cohérence de l’entreprise repose dès lors sur la nécessité du double passage du savoir historique à l’herméneutique critique et de celle-ci à l’herméneutique ontologique. Cette nécessité ne peut être démontrée a priori : elle ne procède que de sa mise en œuvre qui vaut mise à l’épreuve. Jusqu’à la fin, l’articulation présumée restera une hypothèse de travail. » (2000 : 374) | ||
L’oubli ; le pardon. | L’oubli ; le pardon. | ||
- | === CHAPITRE 1 : La philosophie critique de l’histoire === | + | ==== CHAPITRE 1 : La philosophie critique de l’histoire ==== |
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+ | **I. « Die geschichte selber », « l’histoire même » :** | ||
- | I. « Die geschichte selber », « l’histoire même » : | ||
« Nous prendrons d’abord la mesure de l’ambition la plus haute assignée au savoir de soi de l’histoire par la philosophie romantique et postromantique allemande. Je mènerai cette enquête sous la conduite de Koselleck dans son grand article « Histoire » - Geschichte – consacré à la constitution de l’histoire comme singulier collectif reliant l’ensemble des histoires spéciales. La sémantique d’autosuffisance qu’exprime la formule ‘‘ histoire même’’ (Geschichte selber) revendiquée par les auteurs concernés. Ce rêve sera conduit jusqu’au point où il retourne contre lui-même l’arme du ‘‘tout histoire’’. » (2000 : 386) | « Nous prendrons d’abord la mesure de l’ambition la plus haute assignée au savoir de soi de l’histoire par la philosophie romantique et postromantique allemande. Je mènerai cette enquête sous la conduite de Koselleck dans son grand article « Histoire » - Geschichte – consacré à la constitution de l’histoire comme singulier collectif reliant l’ensemble des histoires spéciales. La sémantique d’autosuffisance qu’exprime la formule ‘‘ histoire même’’ (Geschichte selber) revendiquée par les auteurs concernés. Ce rêve sera conduit jusqu’au point où il retourne contre lui-même l’arme du ‘‘tout histoire’’. » (2000 : 386) | ||
- | II. Notre modernité : | + | **II. Notre modernité :** |
Cette critique appliquée à l’ambition la plus extrême et la plus déclarée du savoir de soi de l’histoire sera ensuite appliquée à une prétention en apparence diamétralement opposée à la précédente, | Cette critique appliquée à l’ambition la plus extrême et la plus déclarée du savoir de soi de l’histoire sera ensuite appliquée à une prétention en apparence diamétralement opposée à la précédente, | ||
2 mises à l’épreuve pour la philosophie de l’histoire : | 2 mises à l’épreuve pour la philosophie de l’histoire : | ||
+ | |||
- le traitement de l’histoire comme singulier collectif érigé en sujet de soi-même : l’Histoire (c’est ce dont traitant la première partie du chapitre). | - le traitement de l’histoire comme singulier collectif érigé en sujet de soi-même : l’Histoire (c’est ce dont traitant la première partie du chapitre). | ||
- élever à l’absolu le présent historique érigé en observatoire. Se fonde sur le concept de modernité. Notre temps et sa construction en relation avec le passé. | - élever à l’absolu le présent historique érigé en observatoire. Se fonde sur le concept de modernité. Notre temps et sa construction en relation avec le passé. | ||
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Lyotard et le postmodernisme. La fin des discours de légitimation. Difficulté liée à la possibilité de définir notre époque, qu’on la considère moderne ou postmoderne. | Lyotard et le postmodernisme. La fin des discours de légitimation. Difficulté liée à la possibilité de définir notre époque, qu’on la considère moderne ou postmoderne. | ||
- | III. L’historien et le juge : | + | **III. L’historien et le juge :** |
+ | |||
« La polarité entre le jugement judiciaire et le jugement historique est l’une de ces dialectiques remarquables en même temps qu’elle demeure une limitation externe à laquelle est soumise l’histoire : le vœu d’impartialité commun aux deux modalités de jugement est soumis dans son exercice effectif à des contraintes opposées. L’impossibilité d’occuper seul la position du tiers est déjà rendue manifeste par la comparaison entre les deux parcours de la prise de décision, procès d’un côté, archive de l’autre […]. L’accent principal tombe sur la concentration du jugement judiciaire sur la responsabilité individuelle opposée à l’expansion du jugement historique aux contextes les plus ouverts de l’action collective. » (2000 : 387) Ces considérations servent à introduire une réflexion sur les grands crimes du XXe siècle, qui furent tour à tour soumis la justice pénale et au jugement historique. « Un des enjeux théoriques de la comparaison concerne le statut assigné à la singularité à la fois morale et historique des crimes du siècle. Au plan pratique, l’exercice public de l’un et de l’autre jugement est l’occasion de souligner le rôle thérapeutique et pédagogique du ‘‘dissensus civique’’ suscité par les controverses animant l’espace public de la discussion aux points d’interférence de l’histoire et dans le champ de la mémoire collective. Le citoyen est ainsi lui-même un tiers entre le juge et l’historien […]. » (2000 : 387) | « La polarité entre le jugement judiciaire et le jugement historique est l’une de ces dialectiques remarquables en même temps qu’elle demeure une limitation externe à laquelle est soumise l’histoire : le vœu d’impartialité commun aux deux modalités de jugement est soumis dans son exercice effectif à des contraintes opposées. L’impossibilité d’occuper seul la position du tiers est déjà rendue manifeste par la comparaison entre les deux parcours de la prise de décision, procès d’un côté, archive de l’autre […]. L’accent principal tombe sur la concentration du jugement judiciaire sur la responsabilité individuelle opposée à l’expansion du jugement historique aux contextes les plus ouverts de l’action collective. » (2000 : 387) Ces considérations servent à introduire une réflexion sur les grands crimes du XXe siècle, qui furent tour à tour soumis la justice pénale et au jugement historique. « Un des enjeux théoriques de la comparaison concerne le statut assigné à la singularité à la fois morale et historique des crimes du siècle. Au plan pratique, l’exercice public de l’un et de l’autre jugement est l’occasion de souligner le rôle thérapeutique et pédagogique du ‘‘dissensus civique’’ suscité par les controverses animant l’espace public de la discussion aux points d’interférence de l’histoire et dans le champ de la mémoire collective. Le citoyen est ainsi lui-même un tiers entre le juge et l’historien […]. » (2000 : 387) | ||
Similitudes entre le travail de l’historien et du juge : intention de vérité et de justice, place de tiers, regard impartial. | Similitudes entre le travail de l’historien et du juge : intention de vérité et de justice, place de tiers, regard impartial. | ||
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Impartialité : faire abstraction de l’individualité de son point de vue ; adopter une perspective abstraite. | Impartialité : faire abstraction de l’individualité de son point de vue ; adopter une perspective abstraite. | ||
Comparaison : procès au tribunal/ | Comparaison : procès au tribunal/ | ||
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Comparaison avec l’investigation historiographique : 1. phase délibérative et 2. phase conclusive du jugement. | Comparaison avec l’investigation historiographique : 1. phase délibérative et 2. phase conclusive du jugement. | ||
Différences : le juge apporte un jugement définitif, ce que l’historien ne fait généralement pas car cela rendrait son travail trop vulnérable aux critiques des autres historiens. Autre différence : le juge pose un jugement sur un cas singulier, sur un individu particulier, | Différences : le juge apporte un jugement définitif, ce que l’historien ne fait généralement pas car cela rendrait son travail trop vulnérable aux critiques des autres historiens. Autre différence : le juge pose un jugement sur un cas singulier, sur un individu particulier, | ||
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Ricœur lie cette réflexion aux juges des grands crimes du XXe siècle. | Ricœur lie cette réflexion aux juges des grands crimes du XXe siècle. | ||
Obstacles dressés à la prétention des juges à écrire une histoire juste : | Obstacles dressés à la prétention des juges à écrire une histoire juste : | ||
- l’argumentaire aux mains de l’accusation et de la défense. Contraste : le juge s’intéresse aux individus ; l’histoire aux foules et aux courants. Autre contraste : le juge émet une version qui est considérée officielle, alors que le travail de l’historien est soumis à des remises en question. | - l’argumentaire aux mains de l’accusation et de la défense. Contraste : le juge s’intéresse aux individus ; l’histoire aux foules et aux courants. Autre contraste : le juge émet une version qui est considérée officielle, alors que le travail de l’historien est soumis à des remises en question. | ||
« Ce n’est pas seulement le rapport de l’historien au juge qui se trouve ainsi inversé, l’historien travaillant sous le regard du peuple juge qui a déjà prononcé la condamnation. C’est le rapport à une tradition historiographique qui, en éliminant la louange et de façon générale l’apologétique, | « Ce n’est pas seulement le rapport de l’historien au juge qui se trouve ainsi inversé, l’historien travaillant sous le regard du peuple juge qui a déjà prononcé la condamnation. C’est le rapport à une tradition historiographique qui, en éliminant la louange et de façon générale l’apologétique, | ||
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Ricœur revient sur les questions du blâme et de l’inacceptable. | Ricœur revient sur les questions du blâme et de l’inacceptable. | ||
Nolte : il propose de réviser l’histoire du nazisme non pas pour en atténuer l’horreur, | Nolte : il propose de réviser l’histoire du nazisme non pas pour en atténuer l’horreur, | ||
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Pour soutenir que les crimes nazis soient singuliers, il faut d’abord définir ce qu’on entend par singularité. Ricœur propose ces thèses : | Pour soutenir que les crimes nazis soient singuliers, il faut d’abord définir ce qu’on entend par singularité. Ricœur propose ces thèses : | ||
1. La singularité morale et la singularité historique sont deux concepts différents. Le fait que le nazisme ne soit pas né ex nihilo, donc qu’il ne soit pas singulier au plan historique, ne signifie pas qu’il ne soit pas singulier sur le plan moral. | 1. La singularité morale et la singularité historique sont deux concepts différents. Le fait que le nazisme ne soit pas né ex nihilo, donc qu’il ne soit pas singulier au plan historique, ne signifie pas qu’il ne soit pas singulier sur le plan moral. | ||
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Ricœur conclut cette partie de son analyse en expliquant, à la suite de Mark Osiel, que après toutes les délibérations des juges et des historiens, il revient au citoyen de réfléchir à ces événements (d’où la notion de dissensus évoquée par Osiel). | Ricœur conclut cette partie de son analyse en expliquant, à la suite de Mark Osiel, que après toutes les délibérations des juges et des historiens, il revient au citoyen de réfléchir à ces événements (d’où la notion de dissensus évoquée par Osiel). | ||
- | IV. L’interprétation en histoire : | + | **IV. L’interprétation en histoire :** |
« Une dernière polarité souligne la limitation interne à laquelle est soumis le savoir de soi de l’histoire. Elle n’est plus entre l’histoire et son autre, comme l’est le jugement judiciaire ; elle est au sein même de l’opération historiographique sous les espèces de la corrélation entre le projet de vérité et la composante interprétative de l’opération historiographique elle-même. Il s’agit de bien plus que de l’engagement subjectif de l’historien dans la formation de l’objectivité historique : du jeu d’options qui jalonne toutes les phases de l’opération, | « Une dernière polarité souligne la limitation interne à laquelle est soumis le savoir de soi de l’histoire. Elle n’est plus entre l’histoire et son autre, comme l’est le jugement judiciaire ; elle est au sein même de l’opération historiographique sous les espèces de la corrélation entre le projet de vérité et la composante interprétative de l’opération historiographique elle-même. Il s’agit de bien plus que de l’engagement subjectif de l’historien dans la formation de l’objectivité historique : du jeu d’options qui jalonne toutes les phases de l’opération, | ||
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- | CHAPITRE 2 : Histoire et temps | + | ==== CHAPITRE 2 : Histoire et temps ==== |
+ | |||
+ | **I. Temporalité :** | ||
- | I. Temporalité : | ||
S’inspirant de Heidegger, Ricœur ouvre le débat entre philosophie et histoire en se penchant sur la question du « temps indéfini de la nature » par rapport à « la dure loi de la finitude mortelle » (2000 : 457). « Ma thèse est que l’historien n’est pas laissé sans voix par cette manière radicale d’entrer dans la problématique entière de la temporalité. […] Je suggère humblement une lecture alternative du sens de la mortalité, où la référence au corps propre impose le détour par la biologie et le retour à soi par une patiente appropriation d’un savoir tout extérieur de la mort commune. Cette lecture sans prétention frayerait la voie à une attribution multiple du mourir : à soi, aux proches, aux autres. Parmi tous ces autres, les morts du passé, que le regard rétrospectif de l’histoire embrasse. Ne serait-ce pas alors le privilège de l’histoire d’offrir à ces absents de l’histoire la pitié d’un geste de sépulture ? L’équation entre écriture et sépulture se proposerait ainsi comme la réplique du discours de l’historien à celui du philosophe […]. » (2000 : 457) | S’inspirant de Heidegger, Ricœur ouvre le débat entre philosophie et histoire en se penchant sur la question du « temps indéfini de la nature » par rapport à « la dure loi de la finitude mortelle » (2000 : 457). « Ma thèse est que l’historien n’est pas laissé sans voix par cette manière radicale d’entrer dans la problématique entière de la temporalité. […] Je suggère humblement une lecture alternative du sens de la mortalité, où la référence au corps propre impose le détour par la biologie et le retour à soi par une patiente appropriation d’un savoir tout extérieur de la mort commune. Cette lecture sans prétention frayerait la voie à une attribution multiple du mourir : à soi, aux proches, aux autres. Parmi tous ces autres, les morts du passé, que le regard rétrospectif de l’histoire embrasse. Ne serait-ce pas alors le privilège de l’histoire d’offrir à ces absents de l’histoire la pitié d’un geste de sépulture ? L’équation entre écriture et sépulture se proposerait ainsi comme la réplique du discours de l’historien à celui du philosophe […]. » (2000 : 457) | ||
- | II. Historicité : | + | **II. Historicité :** |
+ | |||
« Je propose de compenser l’approche en termes de déficit ontologique par une prise en compte des ressources de possibilisation existentiale de la démarche historiographique que recèlent à mon avis certains thèmes forts de l’analyse heideggérienne : la distinction, | « Je propose de compenser l’approche en termes de déficit ontologique par une prise en compte des ressources de possibilisation existentiale de la démarche historiographique que recèlent à mon avis certains thèmes forts de l’analyse heideggérienne : la distinction, | ||
- | III. Être-dans-le-temps : | + | **III. Être-dans-le-temps :** |
« C’est au niveau de l’intratemporalité – de l’être-dans-le-temps – que l’ontologie du Dasein rencontre l’histoire, | « C’est au niveau de l’intratemporalité – de l’être-dans-le-temps – que l’ontologie du Dasein rencontre l’histoire, | ||
- | IV. L’inquiétante étrangeté de l’histoire | + | ==== IV. L’inquiétante étrangeté de l’histoire |
« Le dernier mot sera laissé à trois historiens qui, joignant l’existentiel à l’existential, | « Le dernier mot sera laissé à trois historiens qui, joignant l’existentiel à l’existential, | ||
Ligne 403: | Ligne 419: | ||
- Les mémoires collectives sont multiples, mais il n’y a qu’une seule histoire. | - Les mémoires collectives sont multiples, mais il n’y a qu’une seule histoire. | ||
« Le texte de Maurice Halbwachs décrit ainsi une courbe : de l’histoire scolaire, extérieure à la mémoire de l’enfant, on s’est élevé à une mémoire historique qui, idéalement, | « Le texte de Maurice Halbwachs décrit ainsi une courbe : de l’histoire scolaire, extérieure à la mémoire de l’enfant, on s’est élevé à une mémoire historique qui, idéalement, | ||
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2. Yerushalmi : « malaise dans l’historiographie » | 2. Yerushalmi : « malaise dans l’historiographie » | ||
Le cas singulier de la mémoire juive. L’injonction biblique à se souvenir abolit la frontière entre le proche et le lointain. | Le cas singulier de la mémoire juive. L’injonction biblique à se souvenir abolit la frontière entre le proche et le lointain. | ||
L’historiographie se heurte au sens théologique accordé à l’histoire juive. | L’historiographie se heurte au sens théologique accordé à l’histoire juive. | ||
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3. Pierre Nora : insolites lieux de mémoire | 3. Pierre Nora : insolites lieux de mémoire | ||
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Changement du ton de Nora entre ses articles de 1984 et 1992 : de l’assurance à l’agacement. Ce mouvement de bascule révélerait selon Ricœur le côté insolite de la notion même de lieu de mémoire. | Changement du ton de Nora entre ses articles de 1984 et 1992 : de l’assurance à l’agacement. Ce mouvement de bascule révélerait selon Ricœur le côté insolite de la notion même de lieu de mémoire. | ||
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a) Les trois thèmes de l’article de 1984 : | a) Les trois thèmes de l’article de 1984 : | ||
1. Rupture entre mémoire et histoire. La perte du lien direct avec la mémoire : avant, la mémoire n’appartenait pas au passé. | 1. Rupture entre mémoire et histoire. La perte du lien direct avec la mémoire : avant, la mémoire n’appartenait pas au passé. | ||
Ligne 415: | Ligne 435: | ||
L’article de 1984 se terminait sur l’annonce, | L’article de 1984 se terminait sur l’annonce, | ||
« Sous le couvert du patrimoine, évoqué avec faveur, le maléfice de la patrimonialisation n’est pas encore perçu dans sa tendance à réduire le lieu de mémoire au site topographique et à livrer le culte de la mémoire aux abus de la commémoration. » (2000 : 528) | « Sous le couvert du patrimoine, évoqué avec faveur, le maléfice de la patrimonialisation n’est pas encore perçu dans sa tendance à réduire le lieu de mémoire au site topographique et à livrer le culte de la mémoire aux abus de la commémoration. » (2000 : 528) | ||
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b) Essai « La nation-mémoire », qui suit le volume sur la nation. | b) Essai « La nation-mémoire », qui suit le volume sur la nation. | ||
Les types de mémoire nationale : mémoire fondatrice, mémoire-État, | Les types de mémoire nationale : mémoire fondatrice, mémoire-État, | ||
Dernier essai de Nora : dans la mémoire-patrimoine, | Dernier essai de Nora : dans la mémoire-patrimoine, | ||
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c) La notion de génération : dans l’essai consacré à cette notion, le concept de lieu de mémoire se transforme au contact de celui de patrimoine. | c) La notion de génération : dans l’essai consacré à cette notion, le concept de lieu de mémoire se transforme au contact de celui de patrimoine. | ||
Dans chaque société, une génération particulière servirait de modèle au concept général : en France, il s’agit des « enfants du siècle ». | Dans chaque société, une génération particulière servirait de modèle au concept général : en France, il s’agit des « enfants du siècle ». | ||
Nora explique que la notion de génération a toujours été un mélange d’histoire et de mémoire, mais que la proportion s’est inversée. « L’inversion consiste en ceci que la notion de génération, | Nora explique que la notion de génération a toujours été un mélange d’histoire et de mémoire, mais que la proportion s’est inversée. « L’inversion consiste en ceci que la notion de génération, | ||
Nora, au terme de cette analyse du concept de génération, | Nora, au terme de cette analyse du concept de génération, | ||
+ | |||
d) L’article de 1992. Constat : alors que les lieux de mémoire devaient disséquer les commémorations, | d) L’article de 1992. Constat : alors que les lieux de mémoire devaient disséquer les commémorations, | ||
Avec la fin du monde paysan, la fin des guerres, l’année du Patrimoine de 1980 : « [L]a métamorphose est en route qui, de l’histoire, | Avec la fin du monde paysan, la fin des guerres, l’année du Patrimoine de 1980 : « [L]a métamorphose est en route qui, de l’histoire, | ||
« Le contresens sur la notion même de lieu de mémoire est en place : d’instrument symbolique, dont l’intérêt heuristique était d’immatérialiser le ‘‘lieu’’, | « Le contresens sur la notion même de lieu de mémoire est en place : d’instrument symbolique, dont l’intérêt heuristique était d’immatérialiser le ‘‘lieu’’, | ||
- | CHAPITRE 3 : L’oubli | + | ==== CHAPITRE 3 : L’oubli |
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+ | **I. L’oubli et l’effacement des traces :** | ||
- | I. L’oubli et l’effacement des traces : | ||
« La première section de ce chapitre sera consacrée aux discussions portant sur la notion de trace mnésique. D’elle résulte le destin de la première forme d’oubli profond, l’oubli par effacement des traces. L’accès aux présumées traces psychiques est tout autre. Il est beaucoup plus dissimulé. […] Mais la difficulté attachée à la problématique des deux traces n’est pas seulement l’accès aux phénomènes concernés. Elle touche à la signification même qui peut être donnée de ces deux acceptions de la trace, l’une extérieure, | « La première section de ce chapitre sera consacrée aux discussions portant sur la notion de trace mnésique. D’elle résulte le destin de la première forme d’oubli profond, l’oubli par effacement des traces. L’accès aux présumées traces psychiques est tout autre. Il est beaucoup plus dissimulé. […] Mais la difficulté attachée à la problématique des deux traces n’est pas seulement l’accès aux phénomènes concernés. Elle touche à la signification même qui peut être donnée de ces deux acceptions de la trace, l’une extérieure, | ||
- | II. L’oubli et la persistance des traces : | + | **II. L’oubli et la persistance des traces :** |
+ | |||
Il s’agit dans la seconde section de se pencher sur « la présupposition sur laquelle s’établit le recours à une notion distincte de trace psychique, quoiqu’il en soit de son conditionnement neuronal. L’expérience clé, on vient de le dire, est celle de la reconnaissance. » (2000 : 541) Ricœur explique ensuite qu’il s’intéressera à la « persistance de l’impression originaire » (2000 : 541). « C’est ce discours que je tenterai de porter à son plus haut degré d’incandescence en explorant à la suite de Bergson dans Matière et Mémoire la présupposition toute rétrospective d’une naissance du souvenir dès le moment même de l’impression, | Il s’agit dans la seconde section de se pencher sur « la présupposition sur laquelle s’établit le recours à une notion distincte de trace psychique, quoiqu’il en soit de son conditionnement neuronal. L’expérience clé, on vient de le dire, est celle de la reconnaissance. » (2000 : 541) Ricœur explique ensuite qu’il s’intéressera à la « persistance de l’impression originaire » (2000 : 541). « C’est ce discours que je tenterai de porter à son plus haut degré d’incandescence en explorant à la suite de Bergson dans Matière et Mémoire la présupposition toute rétrospective d’une naissance du souvenir dès le moment même de l’impression, | ||
- | III. L’oubli de rappel : us et abus | + | **III. L’oubli de rappel : us et abus** |
+ | |||
Ricœur place cette section « sous le titre de la pragmatique de l’oubli » (2000 : 542). « L’oubli manifeste est aussi un oubli exercé. Pour nous aider dans le déchiffrage des phénomènes ressortissant à cette pragmatique de l’oubli, j’adopterai la grille de lecture des us et abus de la mémoire, soumise à l’épreuve des analyses du deuxième chapitre de la première partie. Une hiérarchie semblable scandera la montée en manifestation de l’oubli exercé. L’oubli n’offrira pas seulement un redoublement de la description où les mêmes usages de la mémoire se révéleraient sous l’angle nouveau des usages de l’oubli, ces derniers apporteront avec eux une problématique spécifique, | Ricœur place cette section « sous le titre de la pragmatique de l’oubli » (2000 : 542). « L’oubli manifeste est aussi un oubli exercé. Pour nous aider dans le déchiffrage des phénomènes ressortissant à cette pragmatique de l’oubli, j’adopterai la grille de lecture des us et abus de la mémoire, soumise à l’épreuve des analyses du deuxième chapitre de la première partie. Une hiérarchie semblable scandera la montée en manifestation de l’oubli exercé. L’oubli n’offrira pas seulement un redoublement de la description où les mêmes usages de la mémoire se révéleraient sous l’angle nouveau des usages de l’oubli, ces derniers apporteront avec eux une problématique spécifique, | ||
Ricœur croise deux règles de manifestation : du plus actif au plus passif ; du plus manifeste au plus profond. | Ricœur croise deux règles de manifestation : du plus actif au plus passif ; du plus manifeste au plus profond. | ||
+ | |||
1. L’oubli et la mémoire empêchée | 1. L’oubli et la mémoire empêchée | ||
La psychanalyse et les empêchements de la mémoire : les traumas restent dans la mémoire. Ils peuvent être remplacés dans la conscience par des symptômes ou peuvent revenir à la conscience par pans entiers. | La psychanalyse et les empêchements de la mémoire : les traumas restent dans la mémoire. Ils peuvent être remplacés dans la conscience par des symptômes ou peuvent revenir à la conscience par pans entiers. | ||
Bergson et Freud ont des conceptions très différentes de l’inconscient. Pour Freud, l’inconscient a à voir avec le refoulement, | Bergson et Freud ont des conceptions très différentes de l’inconscient. Pour Freud, l’inconscient a à voir avec le refoulement, | ||
Psychopathologie de la vie quotidienne, | Psychopathologie de la vie quotidienne, | ||
+ | |||
2. L’oubli et la mémoire manipulée | 2. L’oubli et la mémoire manipulée | ||
Le caractère indubitablement sélectif du récit : même si on se souvient de tout, on ne peut pas tout raconter. | Le caractère indubitablement sélectif du récit : même si on se souvient de tout, on ne peut pas tout raconter. | ||
Ligne 449: | Ligne 477: | ||
3. Phase du retour du refoulé : les témoins se décident à parler ; pendant cette phase se produit le dissensus citoyen dont parlait Mark Osiel. | 3. Phase du retour du refoulé : les témoins se décident à parler ; pendant cette phase se produit le dissensus citoyen dont parlait Mark Osiel. | ||
4. Phase de l’obsession : l’obsession fait en sorte que certains éléments sont privilégiés alors que d’autres sont négligés. | 4. Phase de l’obsession : l’obsession fait en sorte que certains éléments sont privilégiés alors que d’autres sont négligés. | ||
+ | |||
3. L’oubli commandé : l’amnistie | 3. L’oubli commandé : l’amnistie | ||
Dans cette section, Ricœur ne s’intéresse qu’à l’aspect institutionnel de l’amnistie. Celle-ci est utilisée pour proclamer la réconciliation entre citoyens, pour célébrer le retour de la paix civique. | Dans cette section, Ricœur ne s’intéresse qu’à l’aspect institutionnel de l’amnistie. Celle-ci est utilisée pour proclamer la réconciliation entre citoyens, pour célébrer le retour de la paix civique. | ||
Ligne 456: | Ligne 485: | ||
L’amnistie est une thérapie sociale d’urgence, | L’amnistie est une thérapie sociale d’urgence, | ||
+ | ===== ÉPILOGUE – LE PARDON DIFFICILE ===== | ||
+ | === I. L’équation du pardon : === | ||
- | ÉPILOGUE – LE PARDON DIFFICILE | ||
- | |||
- | I. L’équation du pardon : | ||
« Je parlerai tout au long de cet essai d’une différence d’altitude, | « Je parlerai tout au long de cet essai d’une différence d’altitude, | ||
Ligne 466: | Ligne 494: | ||
Attribution à soi de la faute : l’aveu, qui est un exercice de remémoration. L’abîme entre l’action et son agent : la faute est limitée à la règle qu’elle enfreint, et exclut donc les conséquences indirectes. | Attribution à soi de la faute : l’aveu, qui est un exercice de remémoration. L’abîme entre l’action et son agent : la faute est limitée à la règle qu’elle enfreint, et exclut donc les conséquences indirectes. | ||
Phénoménologie de la faute (faute/mal moral) : mise en relation de la faute avec les autres expériences négatives ; l’excès associé au mal : « C’est en ce point que s’annoncent des notions telles que l’irréparable du côté des effets, de l’imprescriptible du côté de la justice pénale, de l’impardonnable du côté du jugement moral (2000 : 602). | Phénoménologie de la faute (faute/mal moral) : mise en relation de la faute avec les autres expériences négatives ; l’excès associé au mal : « C’est en ce point que s’annoncent des notions telles que l’irréparable du côté des effets, de l’imprescriptible du côté de la justice pénale, de l’impardonnable du côté du jugement moral (2000 : 602). | ||
+ | |||
2. Hauteur : le pardon | 2. Hauteur : le pardon | ||
La question de l’impardonnable, | La question de l’impardonnable, | ||
Ligne 471: | Ligne 500: | ||
Pour Jacques Derrida, à qui Ricœur donne raison, « le pardon s’adresse à l’impardonnable ou n’est pas. Il est inconditionnel, | Pour Jacques Derrida, à qui Ricœur donne raison, « le pardon s’adresse à l’impardonnable ou n’est pas. Il est inconditionnel, | ||
- | II. L’odyssée de l’esprit de pardon : la traversée des institutions : | + | === II. L’odyssée de l’esprit de pardon : la traversée des institutions : === |
+ | |||
L’odyssée du pardon « traverse une série d’institutions suscitées par l’accusation publique. Celles-ci apparaissent elles-mêmes étagées en plusieurs couches selon le degré d’intériorisation de la culpabilité prononcée par la règle sociale […]. Le parcours se poursuivra du plan de la culpabilité criminelle à celui de la culpabilité politique et morale, inhérente au statut de citoyenneté partagée. La question posée est alors celle de la place du pardon dans la marge d’institutions en charge de la punition. S’il est vrai que la justice doit passer […], le pardon ne peut se réfugier que dans des gestes incapables de se transformer en institutions. Ces gestes qui constitueraient l’incognito du pardon désignent la place inéluctable de la considération due à tout homme, singulièrement au coupable […]. » (2000 : 594) | L’odyssée du pardon « traverse une série d’institutions suscitées par l’accusation publique. Celles-ci apparaissent elles-mêmes étagées en plusieurs couches selon le degré d’intériorisation de la culpabilité prononcée par la règle sociale […]. Le parcours se poursuivra du plan de la culpabilité criminelle à celui de la culpabilité politique et morale, inhérente au statut de citoyenneté partagée. La question posée est alors celle de la place du pardon dans la marge d’institutions en charge de la punition. S’il est vrai que la justice doit passer […], le pardon ne peut se réfugier que dans des gestes incapables de se transformer en institutions. Ces gestes qui constitueraient l’incognito du pardon désignent la place inéluctable de la considération due à tout homme, singulièrement au coupable […]. » (2000 : 594) | ||
Dans cette partie, Ricœur s’inspire des travaux de K. Jaspers. | Dans cette partie, Ricœur s’inspire des travaux de K. Jaspers. | ||
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1. La culpabilité criminelle et l’imprescriptible | 1. La culpabilité criminelle et l’imprescriptible | ||
Prescription : après un certain temps, il n’est plus possible qu’un crime soit soumis aux tribunaux. La prescription est un effet du temps, différente du pardon. | Prescription : après un certain temps, il n’est plus possible qu’un crime soit soumis aux tribunaux. La prescription est un effet du temps, différente du pardon. | ||
Les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles à cause de leur gravité extrême. Ces crimes horribles ayant été concertés, ils justifient qu’on les traite avec un zèle particulier. | Les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles à cause de leur gravité extrême. Ces crimes horribles ayant été concertés, ils justifient qu’on les traite avec un zèle particulier. | ||
Imprescriptible vs. impardonnable ? Pardonner ces crimes serait une grande injustice. Pourtant, une certaine confusion règne, du fait que le principe de proportion qui régit les châtiments ne peut s’appliquer dans ces cas. Si le crime est impardonnable, | Imprescriptible vs. impardonnable ? Pardonner ces crimes serait une grande injustice. Pourtant, une certaine confusion règne, du fait que le principe de proportion qui régit les châtiments ne peut s’appliquer dans ces cas. Si le crime est impardonnable, | ||
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2. La culpabilité politique | 2. La culpabilité politique | ||
La culpabilité de ceux qui faisaient partie du corps politique qui a ordonné ces crimes. Ces gens ont une responsabilité d’ordre politique et morale, mais pas criminelle. | La culpabilité de ceux qui faisaient partie du corps politique qui a ordonné ces crimes. Ces gens ont une responsabilité d’ordre politique et morale, mais pas criminelle. | ||
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3. La culpabilité morale | 3. La culpabilité morale | ||
Les actes qui ont contribué à la culpabilité criminelle et politique par leur acquiescement tacite ou exprès. | Les actes qui ont contribué à la culpabilité criminelle et politique par leur acquiescement tacite ou exprès. | ||
Klaus M. Kodalle, se demandant si les peuples peuvent pardonner, en vient à la conclusion que non : les peuples ne peuvent pardonner, car la collectivité n’a pas de conscience morale. La collectivité reste dans ses vieilles inimitiés, dans le ressassement. | Klaus M. Kodalle, se demandant si les peuples peuvent pardonner, en vient à la conclusion que non : les peuples ne peuvent pardonner, car la collectivité n’a pas de conscience morale. La collectivité reste dans ses vieilles inimitiés, dans le ressassement. | ||
- | III. L’odyssée de l’esprit de pardon : le relais de l’échange : | + | === III. L’odyssée de l’esprit de pardon : le relais de l’échange : === |
+ | |||
« Dans la seconde étape de notre odyssée, il est pris acte d’une relation remarquable qui, pour un temps, place la demande de pardon et l’octroi du pardon sur un plan d’égalité et de réciprocité, | « Dans la seconde étape de notre odyssée, il est pris acte d’une relation remarquable qui, pour un temps, place la demande de pardon et l’octroi du pardon sur un plan d’égalité et de réciprocité, | ||
- | Relation entre le pardon demandé et le pardon accordé : le pardon devrait être inconditionnel, | + | Relation entre le pardon demandé et le pardon accordé : le pardon devrait être inconditionnel, |
+ | |||
Olivier Abel et la géographie des dilemmes : dilemmes relatifs à la mise en relation du coupable et de la victime : 1. Attendre l’aveu 2. Le cercle des victimes s’élargit : la famille, les communautés, | Olivier Abel et la géographie des dilemmes : dilemmes relatifs à la mise en relation du coupable et de la victime : 1. Attendre l’aveu 2. Le cercle des victimes s’élargit : la famille, les communautés, | ||
+ | |||
1. L’économie du don | 1. L’économie du don | ||
Mettre le pardon en rapport avec le don, avec l’échange. | Mettre le pardon en rapport avec le don, avec l’échange. | ||
Le don est sans retour, il est en principe sans réciprocité. Et pourtant, remarque Ricœur, le don attend un autre don en retour. | Le don est sans retour, il est en principe sans réciprocité. Et pourtant, remarque Ricœur, le don attend un autre don en retour. | ||
+ | |||
2. Don et pardon | 2. Don et pardon | ||
L’échange : donner lie le bénéficiaire, | L’échange : donner lie le bénéficiaire, | ||
Ligne 498: | Ligne 535: | ||
« Mais ce relais [le détour par la question du don] était nécessaire pour faire apparaître la dimension d’altérité d’un acte qui est fondamentalement une relation. Nous avons attaché ce caractère relationnel au vis-à-vis qui confronte deux actes de discours, celui de l’aveu et celui de l’absolution : ‘‘Je te demande pardon. – Je te pardonne.’’ Ces deux actes de discours font ce qu’ils disent : le tort est effectivement avoué, il est effectivement pardonné. La question est alors de comprendre comment cela se fait, compte tenu des termes de l’équation du pardon, à savoir l’incommensurabilité apparente entre l’inconditionnalité du pardon et la conditionnalité de la demande de pardon. Cet abîme n’est-il pas d’une certaine façon franchi à la faveur d’une sorte d’échange qui préserve la polarité des extrêmes ? Se propose alors le modèle du don et sa dialectique de contre-don. La disproportion entre la parole de pardon et celle de l’aveu fait retour sous la forme d’une unique question : quelle force rend capable de demander, de donner, de recevoir la parole de pardon ? » (2000 : 630) | « Mais ce relais [le détour par la question du don] était nécessaire pour faire apparaître la dimension d’altérité d’un acte qui est fondamentalement une relation. Nous avons attaché ce caractère relationnel au vis-à-vis qui confronte deux actes de discours, celui de l’aveu et celui de l’absolution : ‘‘Je te demande pardon. – Je te pardonne.’’ Ces deux actes de discours font ce qu’ils disent : le tort est effectivement avoué, il est effectivement pardonné. La question est alors de comprendre comment cela se fait, compte tenu des termes de l’équation du pardon, à savoir l’incommensurabilité apparente entre l’inconditionnalité du pardon et la conditionnalité de la demande de pardon. Cet abîme n’est-il pas d’une certaine façon franchi à la faveur d’une sorte d’échange qui préserve la polarité des extrêmes ? Se propose alors le modèle du don et sa dialectique de contre-don. La disproportion entre la parole de pardon et celle de l’aveu fait retour sous la forme d’une unique question : quelle force rend capable de demander, de donner, de recevoir la parole de pardon ? » (2000 : 630) | ||
- | IV. Le retour sur soi : | + | === IV. Le retour sur soi : === |
+ | |||
« Une dernière tentative de clarification reposant encore une fois sur une corrélation horizontale se propose avec le couple du pardon et de la promesse. Pour se lier par la promesse, le sujet de l’action devrait aussi pouvoir se délier par le pardon. La structure temporelle de l’action, à savoir l’irréversibilité et l’imprédictibilité du temps, appellerait la réplique d’une double maîtrise exercée sur la conduite de l’action. Ma thèse est ici qu’une dissymétrie significative existe entre le pouvoir pardonner et le pouvoir promettre, comme en témoigne l’impossibilité d’authentiques institutions politiques du pardon. Ainsi se trouve mis à nu, au cœur de l’ipséité et au foyer de l’imputabilité, | « Une dernière tentative de clarification reposant encore une fois sur une corrélation horizontale se propose avec le couple du pardon et de la promesse. Pour se lier par la promesse, le sujet de l’action devrait aussi pouvoir se délier par le pardon. La structure temporelle de l’action, à savoir l’irréversibilité et l’imprédictibilité du temps, appellerait la réplique d’une double maîtrise exercée sur la conduite de l’action. Ma thèse est ici qu’une dissymétrie significative existe entre le pouvoir pardonner et le pouvoir promettre, comme en témoigne l’impossibilité d’authentiques institutions politiques du pardon. Ainsi se trouve mis à nu, au cœur de l’ipséité et au foyer de l’imputabilité, | ||
1. Le pardon et la promesse | 1. Le pardon et la promesse | ||
+ | |||
Hannah Arendt : Pardon-promesse/ | Hannah Arendt : Pardon-promesse/ | ||
Pardon : aura religieuse. Promesse : maîtriser l’avenir comme s’il s’agissait du présent. | Pardon : aura religieuse. Promesse : maîtriser l’avenir comme s’il s’agissait du présent. | ||
Ligne 507: | Ligne 546: | ||
Le pardon, explique Ricœur à la suite de Arendt, est lié à l’amour : non pas l’agapê de l’apôtre, | Le pardon, explique Ricœur à la suite de Arendt, est lié à l’amour : non pas l’agapê de l’apôtre, | ||
Ricœur croit que Hannah Arendt est restée sur le seuil de la véritable énigme du pardon, car elle situe « le geste à la jointure de l’acte et de ses conséquences, | Ricœur croit que Hannah Arendt est restée sur le seuil de la véritable énigme du pardon, car elle situe « le geste à la jointure de l’acte et de ses conséquences, | ||
+ | |||
2. Délier l’agent de son acte | 2. Délier l’agent de son acte | ||
+ | |||
Ricœur entame cette partie en expliquant que tout ce qui a été dit à propos du pardon jusqu’à maintenant a eu pour objectif de combler la faille entre la faute impardonnable et le pardon impossible, mais le problème fondamental du pardon reste : comment peut-on délier l’agent de son acte ? | Ricœur entame cette partie en expliquant que tout ce qui a été dit à propos du pardon jusqu’à maintenant a eu pour objectif de combler la faille entre la faute impardonnable et le pardon impossible, mais le problème fondamental du pardon reste : comment peut-on délier l’agent de son acte ? | ||
Citant Derrida, Ricœur explique que pardonner à l’agent tout en continuant de condamner la faute, c’est en quelque sorte pardonner à un autre que celui qui a commis la faute. Pour Ricœur, ce problème est complexe ; la réponse « est à chercher […] du côté d’un découplage plus radical que celui supposé par l’argument entre un premier sujet, celui du tort commis, et un second sujet, celui qui est puni, un découplage au cœur de la puissance d’agir – de l’agency –, à savoir entre l’effectuation et la capacité que celle-ci actualise. Cette dissociation intime signifie que la capacité d’engagement du sujet moral n’est pas épuisée par ses inscriptions diverses dans le cours du monde. Cette dissociation exprime un acte de foi, un crédit adressé aux ressources de régénération de soi. » (2000 : 638) | Citant Derrida, Ricœur explique que pardonner à l’agent tout en continuant de condamner la faute, c’est en quelque sorte pardonner à un autre que celui qui a commis la faute. Pour Ricœur, ce problème est complexe ; la réponse « est à chercher […] du côté d’un découplage plus radical que celui supposé par l’argument entre un premier sujet, celui du tort commis, et un second sujet, celui qui est puni, un découplage au cœur de la puissance d’agir – de l’agency –, à savoir entre l’effectuation et la capacité que celle-ci actualise. Cette dissociation intime signifie que la capacité d’engagement du sujet moral n’est pas épuisée par ses inscriptions diverses dans le cours du monde. Cette dissociation exprime un acte de foi, un crédit adressé aux ressources de régénération de soi. » (2000 : 638) | ||
- | Le couple pardon/ | + | Le couple pardon/ |
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Le déliement acte/agent s’inscrit dans une « philosophie de l’action où l’accent est mis sur les pouvoirs qui ensemble composent le portrait de l’homme capable » (2000 : 639) | Le déliement acte/agent s’inscrit dans une « philosophie de l’action où l’accent est mis sur les pouvoirs qui ensemble composent le portrait de l’homme capable » (2000 : 639) | ||
+ | |||
Dans ses écrits sur le mal et la religion, Kant soutient que le penchant au mal est radical, tandis que la disposition au bien est originaire. Ainsi, l’homme serait primitivement bon. Il est donc possible de pardonner parce que le bien peut être rétabli chez celui qui a commis l’acte. Ricœur conclut cette section sur ces mots : « Sous le signe du pardon, le coupable sera tenu pour capable d’autre chose que de ses délits et de ses fautes. Il serait rendu à sa capacité d’agir, et l’action rendue serait saluée dans les menus actes de considération où nous avons reconnu l’incognito du pardon joué sur la scène publique. C’est enfin de cette capacité restaurée que s’emparerait la promesse qui projette l’action vers l’avenir. La formule de cette parole libératrice, | Dans ses écrits sur le mal et la religion, Kant soutient que le penchant au mal est radical, tandis que la disposition au bien est originaire. Ainsi, l’homme serait primitivement bon. Il est donc possible de pardonner parce que le bien peut être rétabli chez celui qui a commis l’acte. Ricœur conclut cette section sur ces mots : « Sous le signe du pardon, le coupable sera tenu pour capable d’autre chose que de ses délits et de ses fautes. Il serait rendu à sa capacité d’agir, et l’action rendue serait saluée dans les menus actes de considération où nous avons reconnu l’incognito du pardon joué sur la scène publique. C’est enfin de cette capacité restaurée que s’emparerait la promesse qui projette l’action vers l’avenir. La formule de cette parole libératrice, | ||
- | V. Retour sur un itinéraire : récapitulation : | + | === V. Retour sur un itinéraire : récapitulation : === |
+ | |||
« Reste à tenter une récapitulation de l’ensemble du parcours effectué dans La Mémoire, l’Histoire, | « Reste à tenter une récapitulation de l’ensemble du parcours effectué dans La Mémoire, l’Histoire, | ||
Dans cette dernière section, Ricœur se propose d’explorer l’horizon d’accomplissement de l’entreprise menée par l’ouvrage. | Dans cette dernière section, Ricœur se propose d’explorer l’horizon d’accomplissement de l’entreprise menée par l’ouvrage. | ||
- | 1. La mémoire heureuse | + | |
+ | **1. La mémoire heureuse** | ||
« De cette typologie [celle des modes de franchissement du dilemme absence/ | « De cette typologie [celle des modes de franchissement du dilemme absence/ | ||
Le délier-lier et ses application dans les trois domaines : soi, les autres proches, les autres lointains : mémoire heureuse, apaisée, réconciliée. | Le délier-lier et ses application dans les trois domaines : soi, les autres proches, les autres lointains : mémoire heureuse, apaisée, réconciliée. | ||
- | 2. Histoire malheureuse ? | + | |
+ | **2. Histoire malheureuse ?** | ||
+ | |||
Différence histoire/ | Différence histoire/ | ||
Bien que le fossé histoire/ | Bien que le fossé histoire/ | ||
Le témoignage, | Le témoignage, | ||
+ | |||
Ricœur évoque deux corollaires qui résultent de cette constitution fragile du savoir historique : | Ricœur évoque deux corollaires qui résultent de cette constitution fragile du savoir historique : | ||
- | - La représentation mnémonique a pour seul correspondant historique le concept de représentance, | + | -La représentation mnémonique a pour seul correspondant historique le concept de représentance, |
- | - Impossible de trancher, au plan épistémologique, | + | -Impossible de trancher, au plan épistémologique, |
Conclusion de cette section : « Parlerons-nous d’histoire malheureuse ? Je ne sais. Mais je ne dirai pas : malheureuse histoire. En effet, il est un privilège qui ne saurait être refusé à l’histoire, | Conclusion de cette section : « Parlerons-nous d’histoire malheureuse ? Je ne sais. Mais je ne dirai pas : malheureuse histoire. En effet, il est un privilège qui ne saurait être refusé à l’histoire, | ||
- | 3. Le pardon et l’oubli | + | |
+ | **3. Le pardon et l’oubli** | ||
Les réticences de Ricœur à l’égard d’un happy end du pardon et de l’oubli : | Les réticences de Ricœur à l’égard d’un happy end du pardon et de l’oubli : | ||
- Les ruses de l’oubli (dont l’amnistie, | - Les ruses de l’oubli (dont l’amnistie, | ||
- Le malaise entourant le rapport de l’oubli au pardon : pourquoi ne peut-on pas parler d’oubli heureux comme on parle de mémoire heureuse ? Demande Ricœur. D’abord, affirme-t-il, | - Le malaise entourant le rapport de l’oubli au pardon : pourquoi ne peut-on pas parler d’oubli heureux comme on parle de mémoire heureuse ? Demande Ricœur. D’abord, affirme-t-il, | ||
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Il n’y a donc pas d’oubli heureux. Mais, demande ultimement Ricœur, peut-on parler d’un ars oblivionis comme on parle de l’ars memoriae ? Ricœur propose trois pistes possibles pour cet art de l’oubli : | Il n’y a donc pas d’oubli heureux. Mais, demande ultimement Ricœur, peut-on parler d’un ars oblivionis comme on parle de l’ars memoriae ? Ricœur propose trois pistes possibles pour cet art de l’oubli : | ||
- Un oubli qui serait une technique, une rhétorique de l’extinction de la mémoire. Il s’agirait en somme d’un autodafé, d’un saccage de la mémoire. | - Un oubli qui serait une technique, une rhétorique de l’extinction de la mémoire. Il s’agirait en somme d’un autodafé, d’un saccage de la mémoire. | ||
- Un travail de l’oubli qui s’ancrerait dans notre rapport au temps : passé, présent et futur. | - Un travail de l’oubli qui s’ancrerait dans notre rapport au temps : passé, présent et futur. | ||
Un oubli désœuvré : « Mais, sous peine de retomber dans les pièges de l’amnistie-amnésie, | Un oubli désœuvré : « Mais, sous peine de retomber dans les pièges de l’amnistie-amnésie, | ||
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