PAGEAUX, Daniel-Henri (2011), « Réflexions sur la notion de contemporain : une lecture de A Sibila / La Sibylle d’Augustina Bessa Luis »,

dans Jean Bessière (dir.), Littératures d’aujourd’hui : contemporain, innovation, partages culturels, politique, théorie littéraire. Domaine européen, latino-américain, francophone et anglophone, Paris, Honoré Champion, p. 13-25.

Définition du contemporain :

« Si l’appréhension du contemporain passe par des dates ou des repères, il ne ‘‘renvoie’’ pas simplement à une coupe chronologique, à un moment, à une tendance. Le contemporain, comme le mot l’indique, fait coïncider au moins deux temps différents, deux séries de faits. […] Le problème est bien au départ celui du bien fondé des rapports ou des mises en parallèle de faits culturels hétérogènes. Sous prétexte qu’ils se sont produits en même temps, est-on fondé à les mettre dans un même ensemble, sans rapport de causalité, de ressemblance ou d’analogie? » (2011 : 13)

« Le contemporain qui m’intéresse ne se confond pas avec l’actuel. Il est d’abord un processus : un texte, une œuvre d’art deviennent contemporains. Doublement contemporain : par sa poétique propre, par ses propres moyens, si l’on peut dire, et par l’action déterminante de la critique. Le contemporain devient alors l’expression d’un rapport, certes, mais entre le temps de l’écriture et le temps de la lecture qui se fait jugement, choix, entre temps de la création et temps de la réception. Et comme il s’agit de temps différents, surgit une autre dimension du contemporain : est contemporain ce qui mérite d’être tenu pour contemporain. Le contemporain est avant tout reconnaissance. Par quelles raisons relevant de l’histoire, de la politique, de l’idéologie, de l’esthétique, un texte ou une œuvre d’art en viennent à partager un autre temps que celui de leur création, au point que ce temps soit reconnu comme une sorte d’autre présent, de présent de substitution. Pourquoi pouvons-nous, pourquoi voulons-nous établir de multiples rapports d’intelligence entre une œuvre du passé, plus ou moins lointain, et notre présent? Le contemporain est d’abord un rapport qui s’institue entre deux contextes différents; c’est surtout le processus par lequel une communauté veut faire siennes des œuvres en les reconnaissant comme des présents possibles, de vie, de culture, de systèmes de penser, de sentir. Le contemporain est ce processus de survie d’une œuvre qui permet son actualisation possible, souhaitée. » (2011 : 13-14)

« Nous avons appelé nouveau présent cette possibilité, par la présentation d’un monde imaginaire, d’offrir une alternative à la vie, à l’actualité. Est contemporain ce qui se substitue à un actuel défaillant, inutile, inadapté. Ce qui donne sens et cohérence au réel dans lequel nous vivons. » (2011 : 25)

Note : au fil des lectures, je remarque qu’il y a en effet 2 acceptions théoriques du mot, dont celle-ci qui en fait une forme d’équivalent du « classique » mais déshistoricisée.