====== Madeleine Ouellette-Michalska (1984), La maison Trestler ou le 8e jour d'Amérique ====== ==== I- MÉTADONNÉES ET PARATEXTE ==== Auteur : Madeleine Ouellette-Michalska Titre : La maison Trestler ou le 8e jour d’Amérique Éditeur : Québec/Amérique Collection : Littérature d’Amérique Année : 1984 Éditions ultérieures : En 1995, une édition remaniée est parue dans Bibliothèque Québécoise. Désignation générique : Roman (couverture) Quatrième de couverture : « La maison Trestler existe. On la dit hantée. De qui? De quoi? Voici ce que se demande une romancière qui en apprend l’existence par un reportage, la visite, s’éprend de la famille qui l’a habitée au XIXe siècle, tout particulièrement la fille cadette Catherine à laquelle elle finit par s’identifier. À travers ce personnage et celui du père, député au Parlement de Québec et riche négociant de fourrures, arrivé ici comme mercenaire dans le régiment de Hesse-Hanau appelé à lutter contre la révolution américaine, s’effectue une remise en question de l’histoire et du mythe de l’Amérique. Car ce livre touchant, moderne, souvent drôle, fait plus que raconter une saga familiale. L’actualité politique, les rêves, les souvenirs de lectures que la narratrice faisait, enfant, dans le vieux grenier familial, font surgir des faits anciens et actuels qui interrogent le passé et l’avenir en regard de l’attachement au passé et l’avenir en regard de l’attachement porté à la France et la dangereuse proximité américaine. » Notice biographique de l’auteur : « Madeleine Ouellette-Michalska a déjà publié cinq romans, des poèmes, un essai acclamé par la critique. D’abord journaliste à Chatelaine, Perspectives, L’Actualité, elle s’est également fait connaître du public par sa chronique de littérature au quotidien Le Devoir, ses dramatiques et documentaires à Radio-Canada. Née à Rivière-du-Loup, l’auteur habite en banlieue de Montréal et anime des ateliers d’écriture aux Universités de Montréal et d’Ottawa. » ==== II - CONTENU ET THÈMES ==== Résumé de l’œuvre : Puisqu’il n’est pas facile de bien résumer le roman, je reprends ici deux résumés, d’abord celui du DOLQ puis un résumé d’Aurélien Boivin, paru dans Québec français. 1/ DOLQ : « Point d’ancrage dans la réalité, un fait divers des années 1980 : la visite du ministre français Raymond Barre (ici, Monsieur B.), au Québec et son passage dans un centre culturel de Dorion connu sous le nom de Maison Trestler. La narratrice, qui découvre dans un magazine le compte rendu de cette visite, est intriguée par l’histoire de la maison, bâtie en 1798 par un mercenaire allemand engagé dans l’armée britannique, lors de la guerre d’indépendance des Etats-Unis. Avec son ami Stefan, elle décide de se rendre sur les lieux et tombe sous le charme de la maison Trestler, tenue par Éva et Benjamin avec lesquels elle sympathise. / À partir de cet événement inaugural, l’intrigue se déploie sous un double plan où se donnent à lire en parallèle l’histoire de l’écriture du roman et celle de la famille Trestler dont Catherine, l’une des deux filles [la cadette], va occuper le premier plan. Car la narratrice, au fur et à mesure qu’elle reconstitue la vie de famille, à partir d’archives et de photos d’époque, se découvre semblable à Catherine. La fusion des deux consciences donne à la narration ce flou énonciatif qui fait le charme du roman. En effet, le “je” de l’écriture tout en racontant l’histoire de Catherine, à la troisième personne, s’ouvre à la confidence et dévoile sa propre intériorité dans un procès fusionnel où les deux voix se rejoignent et se recouvrent dans le discours à la première personne. Cette variabilité de la focalisation avec ses mouvements continuels d’ouverture, de rétrécissement, de superposition des champs de vision, s’accompagne d’une fluidité du temps qui, entremêlant les fils des deux histoires, fait passer le lecteur, dans le discontinu même de la rêverie, de l’époque de Trestler, à celle de la narration, à près de deux siècles de distance. » (Marc Gontard, DOLQ, tome VII, p.567) 2/ Boivin : « Madeleine Ouellette-Michalska, par l'entremise de sa narratrice, qui lui ressemble comme son double, puisqu'elle a été, elle aussi, journaliste, a beaucoup voyagé pour participer à des rencontres, congrès, colloques, séminaires un peu partout dans le monde, a épousé un étranger, etc., imagine une romancière qui, à la suite d'une visite à la maison Trestler, décide, après avoir consulté des documents historiques conservés par les nouveaux propriétaires, d'écrire un roman et d'imaginer les personnages qui ont habité ce lieu depuis la fin du XVIIIe siècle. Elle s'intéresse au propriétaire, J. J. Tresder, un mercenaire allemand, venu, mais trop tard, pour participer aux côtés des Britanniques à la défense du Canada contre les envahisseurs américains en 1775. Mais c'est surtout sa fille cadette, née d'un premier mariage, que la romancière met en scène dans cette histoire qui se développe en deux volets. Il y a d'abord l'histoire de Catherine, l'insoumise, qui résiste à son père, qui la déshérite après son mariage, car il la destinait à un riche bourgeois et non à un simple petit commis aux écritures. Soutenue par son mari, la jeune femme, mineure, intente à son père un procès pour récupérer sa part d'héritage qu'elle destine à ses futurs enfants. Avant de mourir, son père accepte finalement de donner satisfaction à sa fille, mais refuse de voir son premier petit-fils. Quant à la deuxième histoire, elle concerne la vie ou le quotidien de la romancière, qui rend souvent visite aux propriétaires de la maison, Èva et Benjamin, en réalité, Judith et Louis Dubuc, qui ont transformé la maison en Centre culturel. La narratrice plonge dans son passé, dans son enfance, qui ne fut pas très heureuse, et fait part de ses angoisses, de ses joies et de ses peines, surtout depuis le départ de son mari, de ses difficultés aussi rencontrées dans le processus d'écriture de son roman, en particulier sur sa cohérence avec l'Histoire et sur la vérité historique. » BOIVIN, Aurélien (2006), « La maison Trestler ou le procès de l’Histoire et du patriarcat », Québec français, n° 140, p. 93-96. Thème principal : Procès de l’Histoire et du patriarcat + le rapport à la France et à son Histoire. Description du thème principal : Plusieurs passages remettent en cause l’Histoire dont la « version officielle » est contestée. Par ailleurs, l’Histoire, dans sa version masculine, constitue un poids sur l’identité des femmes. Le procès du patriarcat se fait en parallèle et se manifeste entre autres par une valorisation de l’histoire des femmes et de la sphère privée et domestique. De ce fait, ce sont les femmes qui peuvent fournir la partie oblitérée de l’Histoire. Quant au rapport à la France et à son Histoire, il est assez problématique et tout autant central pour comprendre le roman. La France, à l’instar de J.J. Trestler, est un « père » négligeant – même quand et surtout il envoie des ministres comme Monsieur B. lui rendre visite. Et, parallèlement, le Québec entretient envers elle – tout comme Catherine envers son père – une relation amour-haine, un désir d’être reconnu(e) qui ne viendra jamais Thèmes secondaires : la quête identitaire, la révolte, les événements historiques ayant marqués la Nouvelle-France et le Canada Français, le tournant du 19e siècle, le féminisme, les relations parents-enfants, l’écriture, les liens du Québec et de la France, etc. ==== III- CARACTÉRISATION NARRATIVE ET FORMELLE ==== Type de roman (ou de récit) : roman historique « contemporain » ou « postmoderne » (voir à ce sujet l’étude de Janet M. Paterson dans Moments postmodernes dans le roman québécois) Type de narration : Deux types de narrations : autodiégétique et hétérodiégétique. La narratrice du roman peut bien sûr être aisément associée à l’auteur elle-même. S’il ne s’agit pas de jouer le jeu des parallèles – et de sourire quand on voit la mention, en début d’ouvrage, « Les situations et les personnages de ce roman sont fictifs. Toute ressemblance avec des personnes vivantes ou décédées ne serait que pure coïncidence » p.6 –, il reste que ce roman donne d’abord à voir une écriture en train de se faire, dans un mélange de passé et de « présent »; il donne à lire la relation complexe qui peut se tisser entre un auteur et ses personnages. C’est ce jeu complexe de mise en scène de l’écrivain qui donne sa première originalité au roman. L’entremêlement des voix, des époques et des personnages (le ministre B. devient personnage, tout comme la reine Élisabeth II et on a accès à leur conscience et pensées) contribue aussi au foisonnement des points de vue de la narratrice sur le monde et sur l’Histoire pour tenter de comprendre ce qui se passe à la fois chez elle, si on peut dire, et en elle. À quelques reprises, il y a un glissement qui s’opère entre la voix de la narratrice et celle de Catherine, les deux « je » se confondant (par ex : p. 143). Personnes et/ou personnages mis en scène : Tous des personnages d’inspiration historique ou autobiographique. Les personnages mis en scène ont tous existé : J.J Trestler, Catherine Trestler, La Reine Elisabeth II, etc. Lieu(x) mis en scène : Le Québec, la Nouvelle-France, Vaudreuil-Dorion, Montréal, La Maison Trestler, Laval. Types de lieux : Maison ancestrale, campagne, banlieue, la nature et les petites villes du début du 19e siècle. Date(s) ou époque(s) de l'histoire : Temporalité multiple (deux, en fait : le tournant du 19e siècle pour l’histoire de Catherine Trestler et les années 1980 pour la narratrice, avec quelques bonds dans l’histoire contemporaine). Intergénérité et/ou intertextualité et/ou intermédialité : non Particularités stylistiques ou textuelles : Le texte est découpé en chapitres, mais ceux-ci sont redécoupés par blocs. Les époques se superposent sans cesse tout comme les voix de la narratrice et celle de sa protagoniste. Ce roman donne surtout à lire l’histoire d’une fiction et sa mise en œuvre explicite. Plusieurs commentaires sur l’écriture, donc une métatextualité importante. Auteur(e) de la fiche : Manon Auger