Fiche de lecture

1. Degré d’intérêt général

Quête: nada

Diffraction: oui

Premières pages, encore une fois pénible pour mes yeux (alerte au complot ! Pour une raison qui m'échappe encore, les auteurs et les éditeurs de Flammarion, dans les années 80, ont comploté - j'en suis intimement convaincu - afin d'écrire et publier des livres interminables, dans une typographie trop dense en plus; à suivre… fin de la montée de lait), Premières pages, donc, est constitué de 41 premiers chapitres. De prime abord, cela semble alléchant pour un lecteur en quête de marques de discontinuité narrative, cependant, le lecteur en question ferait mieux de ne pas trop s'emballer. Car les 41 premiers chapitres ne sont pas, à proprement parler, des premiers chapitres. Ils sont plutôt des hybrides entre des nouvelles (au sens où les chapitres sont pour la plupart auto-suffisants et non des parties d'un hypothétique roman) et des parties d'un récit global qui se dessine en filigrane de chacun des “premiers chapitres”.

2. Informations paratextuelles

2.1 Auteur : Yves Navarre

2.2 Titre : Premières pages

2.3 Lieu d’édition : Paris

2.4 Édition : Flammarion

2.5 Collection : -

2.6 (Année [copyright]) : 1983

2.7 Nombre de pages : 269 p.

2.8 Varia : Sous-titré “roman”

3. Résumé du roman

La plupart des 41 premiers chapitres racontent chacun une nouvelle histoire. Mais à ces pseudo-débuts de récit se greffe presque toujours des bribes d'un autre récit à propos de la vie que partagent Lola Kubler, une écrivaine féministe un peu “hasbeen”, et sa secrétaire-amante-servante-femme-à-tout-faire, la narratrice Peggy Carnieri, qui affirme écrire pour la première fois des pages pour elle-même et non plus seulement recopier ce que lui dicte Lora. De plus, bon nombre des pseudo-débuts de récits tissent une toile complexe de personnages dont on réalise peu à peu qu'ils ont tous côtoyé, de près ou de loin, voire uniquement par personnes interposées, Lora ou Peggy.

4. Singularité formelle

La division du roman en 41 premiers chapitres, chacun étant identifié “Chapitre 1”. Comme je l'ai mentionné plus haut (point 1), ces “premiers chapitres” ne sont toutefois pas de véritables premiers chapitres étant donné que, à l'image de nouvelles regroupées en recueil, ils produisent du sens à la fois individuellement (par leurs différentes histoires) et collectivement, par leur cohabitation ainsi que par les différents fils et récurrences qui traversent l'ensemble du roman. cf. Les concepts de brièveté et de discontinuité, discutés notamment par André Carpentier.

5. Caractéristiques du récit et de la narration

Peggy Carnieri est la narratrice du récit diffus de la vie qu'elle partage avec Lora et de leur univers à toutes deux. J'écris “récit diffus” parce qu'il est intégré, souvent sans mention typographique ou transition explicite, aux récits des “premiers chapitres”. Ceux-ci, justement, écrits par la main fictive de Peggy, sont tous - à moins d'exceptions qui m'auraient échappé - racontés par des narrateurs hétérodiégétiques.

6. Narrativité (Typologie de Ryan)

6.1- Simple

6.2- Multiple

6.3- Complexe

6.4- Proliférante

6.5- Tramée

6.6- Diluée

6.7- Embryonnaire

6.8- Implicite

6.9- Figurale

6.10- Anti-narrativité

6.11- Instrumentale

6.12- Suspendue

Justifiez :

J'hésite entre des narrativités complexe et proliférante parce qu'il n'est pas possible de déterminer, à mon avis, si les micro-récits finissent par véritablement avoir raison ou non du macro-récit diffus (justement, peut-être, parce que celui-ci demeure diffus du début à la fin). De plus, le fait que les micro-récits et le macro-récit, dans Premières pages, finissent par se répondre partiellement, me semblait quelque peu problématique.

7. Rapport avec la fiction

Procédé autoreprésentatif somme toute classique de la mise en scène d'un écrivain. Peggy justifie d'ailleurs ainsi la forme particulière de son oeuvre: “au chapitre II commence le terrible mensonge de l'oeuvre établie, structurée, ordonnée. Au chapitre II, nous perdons déjà la mémoire. Nous attendons la suite. L'histoire n'est plus qu'une.” (p.21-22). Dans ce passage transparaît assez clairement la volonté de la narratrice de ne pas se restreindre à un seul fil conducteur et donc, à un seul sens, ce qui serait proprement, toujours selon Peggy, artificiel et mensonger. Bref, l'éclatement narratif comme représentation ou comme courroie de transmission plus honnête que la classique structuration linéaire…

De tels passages où Peggy explique ou s'interroge sur son projet d'écriture sont assez nombreux dans le roman.

8. Intertextualité

Rien à signaler.

9. Élément marquant à retenir

Discours métafictionnel révélateur d'une fascination de la narratrice pour l'éclatement de la narration, d'où les 41 “premiers chapitres”.

Exemple patent de brièveté discontinue telle que définie par André Carpentier, si ma mémoire est bonne.