===== FICHE DE LECTURE COLLECTION « L’UN ET L’AUTRE » ===== === INFORMATIONS PARATEXTUELLES === Auteur : Armand Farrachi Titre : Michel-Ange face aux murs Lieu : Paris Édition : Gallimard Collection : « L’un et l’autre » Année : 2010 Pages : 118 Cote : 927 M6231f 2010 (BAnQ) Désignation générique : Aucune Préface : Aucune. Rabats : Deux rabats : extrait du livre et programme de la collection. Image de la couverture : Détail de la fresque du Jugement dernier représentant saint Barthélemy en martyr, tenant un couteau ainsi que sa peau écorchée. Michel-Ange avait donné au saint ses propres traits. Autres (note, épigraphe, etc.) : Une note à la toute fin de l’ouvrage mentionne les ouvrages consultés pour la réalisation du livre. (Il ne s’agit pas d’une bibliographie à proprement parler, mais plutôt d’une note explicative.) === INFORMATIONS SUR LE BIOGRAPHE : === Pays d’origine : Je ne suis pas parvenue à recueillir des informations biographiques sur l’auteur, mais on peut sans doute présupposer, à la sonorité de son nom, qu’il a des origines italiennes (d’ailleurs, dans la note bibliographique qui se trouve à la fin de l’ouvrage il dit avoir lui-même traduit les vers de Michel-Ange, ce qui implique une bonne connaissance de la langue italienne). Profession : Écrivain. Bibliographie : L’auteur a écrit plusieurs romans et essais polémiques ou littéraires. Il a fait paraître, dans la collection « L’un et l’autre », un texte intitulé Bach, dernière fugue en 2004. Autres informations : === INFORMATIONS SUR LE BIOGRAPHÉ : === Identification du biographé : Michelangelo Buonarroti (1575-1564). Brève biographie du biographé : Michel-Ange est un sculpteur, peintre, architecte florentin de la Renaissance. Il est surtout connu pour ses fresques de la chapelle Sixtine, qui font l’objet du livre de Farrachi, mais aussi pour ses sculptures telles David, la Pietà, le tombeau de Jules II et celui des Médicis. Époque du biographé : Le début du XVIe siècle. Pays d’origine : Italie (Michel-Ange est Florentin mais vécut à Rome pendant une grande partie de sa vie, en raison de ses obligations professionnelles, mais aussi parce qu’il s’était fait des ennemis à Florence). Autres informations : === LES RELATIONS (INSTANCES EXTRA ET INTRATEXTUELLES) : === Auteur/narrateur : Le narrateur correspond à l’auteur, mais il est extradiégétique. Je cite un extrait, où l’auteur explique le point de vue qu’il a choisi d’adopter par rapport à Michel-Ange, ainsi que celui qu’il a au contraire rejeté : « Le Michel-Ange que je montre est de dos, debout, silencieux, immobile, face au mur. Un lecteur aimerait peut-être le voir, ou un auteur le décrire longeant les rives du Tibre sur une jument morelle […], avec des dialogues réalistes et des postures comme on en trouve dans les romans populaires : ‘‘Que se passe-t-il, demanda Michel-Ange en tournant la tête ? – Je ne sais pas, répondit Antonio qui se doutait pourtant de quelque chose…’’ » (2010 : 97) Narrateur/personnage : Le narrateur s’exprime à la première personne à quelques reprises dans le texte, mais sa présence est en général assez effacée. Il ne parle en son nom propre que lorsqu’il fait des comparaisons entre Michel-Ange et d’autres figures artistiques ou historiques, ou encore lorsqu’il parle de sa propre expérience face aux œuvres de Michel-Ange. Biographe/biographé : L’auteur est évidemment admiratif par rapport à l’œuvre de Michel-Ange, mais il ne cache pas sa perplexité face à la personnalité de celui-ci. Il s’intéresse donc particulièrement au contraste entre la beauté de l’œuvre et la laideur physique et morale de l’artiste. Autres relations : === L’ORGANISATION TEXTUELLE === Synopsis : L’ouvrage est séparé en quatre chapitres qui correspondent à quatre moments de la vie de Michel-Ange. Les chapitres ne racontent toutefois pas de manière chronologique : l’auteur alterne entre le récit de la réalisation des œuvres, celui des événements plus quotidiens de la vie de Michel-Ange, la description des œuvres, des commentaires et des comparaisons avec d’autres artistes, pris en charge directement par l’auteur. Chapitre I : L’incipit est le seul moment du récit où l’auteur s’approprie réellement Michel-Ange en tant que personnage : il nous le montre, marchant entre les immeubles jaunâtres de Florence, vêtu du manteau violet que lui avait offert Laurent de Médicis. Il explique ensuite que Michel-Ange s’est toujours considéré non pas comme un peintre, mais d’abord comme sculpteur, préférant les formes, les volumes, la profondeur, à la couleur. Farrachi dresse ensuite le portrait de Michel-Ange : un homme au caractère éminemment désagréable, incapable de supporter la compagnie de ses semblables, imbu de lui-même, d’une frugalité excessive mais paradoxalement avide de richesse, au physique ingrat aggravé par une fracture au nez (causée par un coup de poing d’un autre artiste, qu’il avait insulté) qui lui a laissé le nez croche pour le reste de ses jours. Farrachi raconte ensuite les événements qui ont mené à la réalisation de la voûte de la chapelle Sixtine. Le pape de l’époque, Jules II, avait commandé un somptueux tombeau à Michel-Ange, mais, alors que le travail était à peine amorcé, décida plutôt de lui demander de peindre la voûte de la chapelle Sixtine. Le projet initial ne ressemblait en rien à ce qui fut finalement réalisé : il s’agissait de peindre les apôtres dans les pendentifs surmontant les colonnes et de peindre des motifs ornementaux sur le reste de la voûte. Michel-Ange se montra d’abord peu enthousiaste par rapport au projet, puisqu’il avait très peu d’expérience en tant que peintre et qu’il aurait préféré poursuivre le tombeau du pape. Il crut même à un complot ourdi contre lui (par Bramante et Raphaël, notamment), pour le détourner de son art véritable et nuire à sa réputation déjà bien établie, en prouvant qu’il y avait un domaine de l’art qu’il ne maîtrisait pas. Il accepta donc le contrat à contrecœur. La fin du chapitre traite du début des travaux, notamment de l’installation de l’échafaudage qui fut faite une première fois avant l’arrivée à Rome de Michel-Ange et qu’il fit refaire d’après ses propres plans, refusant de monter sur l’échafaudage qui avait été installé (l’édification de l’échafaudage était particulièrement complexe notamment à cause de la hauteur du bâtiment, mais aussi parce qu’il ne devait pas être appuyé au sol, pour ne pas entraver les processions religieuses pendant les travaux). Lorsque Michel-Ange s’apprêta à débuter, il se dit que le projet pour lequel on lui avait donné un contrat n’était pas assez ambitieux pour lui et il décida plutôt de réaliser la fresque la plus grande et la plus complexe jamais peinte. Chapitre 2 : Le deuxième chapitre traite de la réalisation de la fresque, qui prit quatre ans (Michel-Ange croyait au départ qu’il suffirait de quelques mois pour achever le travail) et qui fut marquée par de nombreux obstacles. Le début des travaux fut particulièrement éprouvant, non seulement parce que l’artiste se montrait irascible envers ses aides, mais aussi parce qu’il fallut reprendre plusieurs sections de la fresque à quelques reprises (l’auteur explique que la technique utilisée, celle de la peinture à fresque (qui est en fait une sorte d’enduit) requérait beaucoup plus d’habileté et des conditions météorologiques plus spécifiques que la peinture à l’huile) à cause d’infiltration d’eau, de la peinture qui changeait de teinte en séchant, de l’humidité, du froid, etc. L’auteur explique à quel point Michel-Ange était absorbé par son art, peignant jour et nuit, mangeant et dormant dans l’échafaudage. Il compare l’artiste à des gens comme Newton, Littré et Bach, qui se consacrèrent entièrement et exclusivement à leur œuvre. Il le compare ensuite à d’autres génies nécessiteux obsédés par l’argent comme Van Gogh, Mozart, Faulkner, Joyce, Baudelaire, à la différence que les constantes demandes d’argent de Michel-Ange ne découlaient pas d’une véritable nécessité, puisqu’il vivait dans le dénuement le plus complet malgré une fortune de plus en plus grande. « Job par l’être et Crésus par l’avoir. » (2010 : 67) Lorsque Michel-Ange eut complété environ la moitié de la voûte, il décida de renvoyer tous ses aides, à l’exception d’un seul, chargé de préparer la peinture, et termina le travail seul, dans la souffrance et l’épuisement physique, obsédé par la beauté de son œuvre. Il acheva donc la fresque dans le silence et la solitude. Celle-ci fut finalement dévoilée dans l’enthousiasme général (seuls les cardinaux furent dégoûtés par la profusion de corps nus). Chapitre 3 : Le troisième chapitre traite de la fresque du Jugement dernier, ornant le mur au-dessus de l’autel de la chapelle, réalisée entre 1537 et 1541, donc longtemps après la voûte. Michel-Ange décida une fois de plus de travailler seul, avec la collaboration d’un seul aide chargé de préparer la peinture. Cet aide, Urbino, fut l’une des seules personnes que Michel-Ange ne se mit jamais à dos. L’auteur décrit longuement la fresque : ses thèmes, ses modèles, ses couleurs. Il traite ensuite de l’observation de la chapelle de nos jours, alors qu’elle est envahie chaque jour par des milliers de touristes. Il s’arrête ensuite à la passion de Michel-Ange pour l’inachèvement. L’artiste a volontairement, en effet, laissé de nombreuses œuvres inachevées, s’intéressant peu aux derniers détails, fasciné au contraire par les œuvres qui montrent encore les traces du travail de l’artiste. Chapitre 4 : Dans ce très court dernier chapitre, l’auteur raconte la vieillesse et la mort de Michel-Ange, à l’âge de 89 ans. L’artiste mourut dans un appartement lisse et pâle, contrastant avec les formes et les couleurs qui ont été sa seule passion. Ancrage référentiel : Assez important. L’auteur cite souvent Michel-Ange lui-même, ainsi que Giorgio Vasari, son biographe et contemporain, et quelques autres personnes qui ont côtoyé l’artiste. Il mentionne de nombreuses dates, les sommes versées à Michel-Ange, mais aussi des gens qu’il décrit dans les limites de ce qu’il est possible de savoir d’eux, mentionnant même parfois des lacunes documentaires. Indices de fiction : Il y en a très peu. Farrachi ne s’aventure pas, comme le font souvent les auteurs de la collection « L’un et l’autre », à mettre des mots dans la bouche de son biographé : lorsqu’il rapporte des phrases prononcées par Michel-Ange, il s’agit d’extraits tirés de sa correspondance ou d’autres écrits. Seuls l’incipit et le dernier chapitre laissent croire à une certaine invention de la part de l’auteur (encore que ce soit difficile à vérifier). Dans l’incipit, il décrit un trajet fait à pied par Michel-Ange à Florence, scène banale, quotidienne ; à la fin du récit, il mentionne que Michel-Ange mourut face au mur de sa chambre et que, sa main s’enfonçant dans les draps, il « éprouva une ultime fois les plis et les creux, la matière souple, facile à creuser d’une simple pression, sculpture fragile, éphémère, changeante, comme du temps où il pliait le marbre comme si ç’avait été un drap de lin […]. » (2010 : 119) Indices autobiographiques : Il ne semble pas y en avoir. L’auteur aborde son point de vue personnel de l’œuvre de Michel-Ange à quelques reprises, mais sans réellement indiquer en quoi cette œuvre a influencé sa vie. En général, lorsqu’il s’exprime à la première personne, c’est plus souvent pour faire valoir un point de vue contemporain que pour faire valoir ses impressions personnelles. Rapports vie-œuvre (l’œuvre pose-t-elle un questionnement intéressant par rapport à cette question ?) : La question des rapports entre la vie et l’œuvre du peintre est assez intéressante dans cet ouvrage, puisque l’auteur est fasciné par le clivage apparent entre les deux : une vie médiocre et une œuvre d’une beauté incomparable. Il explore l’articulation entre les deux de manière subtile, en examinant minutieusement l’œuvre et sa genèse ainsi que la personnalité de l’artiste. Thématisation de l’œuvre du biographé : L’œuvre de Michel-Ange est au cœur tant du propos de l’auteur que de la structure du texte : le premier chapitre traite du projet de peinture de la voûte de la chapelle Sixtine, le second de la réalisation des fresques, et le troisième des fresques du Jugement dernier. Ainsi, Farrachi vise autant à faire le portrait de l’artiste qu’à raconter l’histoire de ces deux œuvres monumentales qui demandèrent à l’artiste un travail titanesque et un complet abandon de soi à son art. On retrouve également de longues ekphrasis des fresques de Michel-Ange, l’auteur commentant la composition des œuvres, les couleurs utilisées, les thèmes, les modèles, la symbolique, etc. Thématisation de l’œuvre elle-même (métadiscours à l’intérieur de l’œuvre): Voir l’extrait cité à la catégorie « auteur/personnage ». Rapport entre le texte et le programme de la collection : Le texte correspond assez bien au programme de la collection. Topoï : Art, beauté, monstruosité, génie, travail. Hybridation : Biographie, essai, ekphrasis. Autres remarques : === LA LECTURE === Pacte de lecture : Le texte se lit tantôt comme un ouvrage biographique sur Michel-Ange, tantôt comme une méditation sur l’art et la création artistique. Remarques générales sur la collection : Ce texte, qui se plie de manière assez stricte au programme de la collection, montre à mon avis que celle-ci est encore pertinente après deux décennies d’existence. Lecteur/lectrice : Mariane Dalpé