FICHE DE LECTURE COLLECTION « L’UN ET L’AUTRE »

INFORMATIONS PARATEXTUELLES

Auteur : Patrick Wald Lasowski

Titre : La maison Maupassant [Cette « maison » fait certes référence à l’idée de lieu qui serait une sorte d’obsession fugace dans l’œuvre de Maupassant, mais il fait aussi en quelque sorte référence à une maison close qui réunirait les nombreuses prostituées qui peuplent, de près ou de loin, l’œuvre de Maupassant – elle est aussi une sorte de « maison de commerce », métaphore de son œuvre entière (l’interprétation est finalement assez libre et complexe)]

Lieu : Paris

Édition : Gallimard

Collection : « L’un et l’autre »

Année : 2009

Pages : 101 p.

Cote : BNQ niveau 1 843.8 M452L 2009

Désignation générique : Aucune

Préface : Aucune.

Rabats : Deux rabats : extrait du livre et programme de la collection. « “Cré matin, le bon mobilier de putain !” note Edmond de Goncourt, à propos du nouvel appartement de Maupassant. Son mobilier l'érige en tenancier de maison close. Jamais Maupassant n'aura su sauver les meubles. Mais, du château de Miromesnil à la maison de santé du docteur Blanche, la femme offre-t-elle un refuge ? C'est l'interrogation qui nourrit ses contes. “Si je la pouvais comparer à une maison, je dirais qu'elle n'est habitable que lorsqu'un mari a essuyé les plâtres.” La femme est habitable. Sans doute. À quel prix ? » Le style de ce résumé, assez décousu, rend bien compte du style de l’auteur et du style de l’œuvre.

Image de la couverture : Un lampadaire rouge, illustrant de façon métonymique, un bordel.

Autres (note, épigraphe, etc.) : À la toute fin, il y a les « indications bibliographiques » et, à la fin de celles-ci, un mot disant que cet essai a permis à l’auteur de revoir certaines de ses éditions des œuvres de Maupassant (qui ne sont pas dans sa bibliographie). Il signale également que une des parties du livre, intitulé « Mon Guy » est une deuxième version d’un texte écrit par lui et son frère Roman ont écrit ensemble, texte intitulé « La petite voix » et paru dans la Revue des sciences humaines.

INFORMATIONS SUR LE BIOGRAPHE :

Pays d’origine : France

Profession : Professeur à l'université Paris VIII (Vincennes - Saint-Denis), Patrick Wald Lasowski partage son temps entre l'enseignement et la recherche. Spécialisé dans la littérature française des XVIIIe et XIXe siècles, il a mis son érudition et sa plume réjouissante au service de nombreux essais consacrés à la sensibilité libertine, parmi lesquels 'Le Traité des mouches secrètes' (2003), 'Le Traité du transport amoureux' (2004), 'L' Ultime Faveur' (2006) et 'Guillotinez-moi - Précis de décapitation' (2007). Egalement éditeur de Maupassant et Barbey d'Aurevilly, il a contribué à l'édition des 'Romanciers libertins du XVIIIe siècle' dans la prestigieuse collection de la Pléiade. Sa dernière publication, intitulée 'Le Grand Dérèglement', analyse cette période de l'Histoire, à travers ses grands auteurs, Crébillon et Laclos, et les bouleversements qu'elle a provoqués dans les moeurs et dans les croyances. Tiré de : http://www.evene.fr/celebre/biographie/patrick-wald-lasowski-13455.php

Bibliographie : Outre les titres mentionnés, il n’a pas publié d’autres titres dans la collection.

Autres informations :

INFORMATIONS SUR LE BIOGRAPHÉ :

Identification du biographé : Maupassant

Brève biographie du biographé : Maupassant est surtout reconnu pour ses nouvelles, mais a aussi publié six romans. Son œuvre s’inscrit dans le courant réaliste, avec une touche, parfois, de fantastique. Il est mort à 42 ans de syphilis.

Époque du biographé : 1850-1893

Pays d’origine : France

Autres informations : Il était un ami de Flaubert.

LES RELATIONS (INSTANCES EXTRA ET INTRATEXTUELLES) :

Auteur/narrateur : Il s’agit d’un essai biographique. L’auteur est donc le narrateur. Il ne s’implique pas directement dans le texte.

Narrateur/personnage : Rien de particulier à signaler sur cette relation. Bien sûr, le narrateur n’intervient pas comme personnage.

Biographe/biographé : J’ai du mal à bien décrire cette relation. Il y a en tout cas une forme de passion pour l’homme et son œuvre, mais celle-ci est à la limite dérangeante, se situant entre la fascination et l’irrévérence. Par exemple, dans la partie « L’homme blessé », le biographe dresse un portrait peu flatteur de Maupassant malade, s’attardant entre autres à sa corporalité rendue hideuse par la maladie, telle que la décrit entre autres Edmond de Goncourt dans son Journal (2009 :79-81). Le portrait dressé est en fait complexe, mais s’attarde aux côtés plus sombres de l’écrivain. Le tout me semble très « masculin ». De plus, l’obsession autour de l’idée de la maison me semble davantage le fait du biographe qui, ayant relevé cette singularité, a voulu l’exploiter à fond, que de Maupassant lui-même.

Autres relations :

L’ORGANISATION TEXTUELLE

Synopsis : L’œuvre s’ouvre sur une sorte de « prélude » (l’expression est de moi) qui décrit un voyage en canot sur la Seine fait par deux personnages de Maupassant, Pierre Simon Remou et Jacques Dérive (dans « De Paris à Rouen », une nouvelle ? écrite en 1883). Intercalé au milieu, une réflexion sur le tiraillement de Maupassant entre le désir d’habiter une maison, d’avoir une demeure, pourrait-on dire, et ses « instincts vagabonds, le désir du voyage, l’appel du désert » (2009 : 10). Ce prélude, fort court, résume l’essentiel des thèmes à venir (le désir d’ « habiter », le désir de voyager et la fascination pour les maisons closes), mais aussi de la manière d’en parler (mélange de propos sur la vie et l’œuvre).

Ensuite, 5 parties qui, chacune, traite d’un thème particulier =

1/ « Maison Maupassant, contes et nouvelles » avec pour sous-titre : « comptoirs à Rouen, Paris, Cannes, Travaux robustes, Fins devis, Frissons » : C’est la question du rapport de Maupassant aux maisons, mais surtout aux maisons closes et à la sexualité. La prostitution serait centrale dans l’œuvre de Maupassant et explique aussi son génie : « Après la prostituée en fuite [Boule de Suif], la maison close, qui fonde la série de ses recueils de nouvelles [La Maison Tellier], boucle le génie de Maupassant. » (2009 : 27) (voir section vie-œuvre)

2/ « Fuir ! » : Sur le désespoir qui envahit Maupassant face à la solitude et aux froids de l’hiver et sur comment cela se traduit dans les contes, surtout ses contes fantastiques. L’auteur insiste ensuite sur la répétition des thèmes dans l’œuvre de Maupassant qui est somme toute la « fatalité du conteur » qui ne peut fuir… Mais comme Maupassant cherchait à fuir la monotonie qui, partout, est omniprésente, l’auteur évoque les lieux de fuite possible tels que les évoquent la vie et l’œuvre de Maupassant : le bord de l’eau, principalement, qui apporte nombre de plaisirs (sportifs et sexuels), mais qui contient aussi son envers : la vase, les cadavres, etc.

3/ « Le cri de l’autrefois » : sur Alfred Le Poittevin, oncle de Maupassant que sa sœur Laure (la mère de Maupassant), ne cessera de pleurer suite à son décès relativement précoce d’une maladie du cœur aggravée par la syphilis. Dès lors, c’est le jeune Maupassant qui remplace Alfred dans le cœur de Flaubert, grand ami d’Alfred. Il y a là comme un culte du passé qui, une fois Flaubert mort, fait de Maupassant « la grande maison vide hantée des souvenirs, où des voix perdues résonnent dans la nuit » (2009 : 56). « L’Autrefois » devient alors un leitmotiv de certaines œuvres de Maupassant.

4/ « L’homme blessé » : Sur la forte présence du feu. « Tout à son aise. Maître chez lui. Dans la vie comme dans l’œuvre, qui consume ce qu’elle peut, qui consume ce qu’elle veut, pour entretenir le brasier, avec ses bougies allumées et ses maisons qui flambent. » (2009 : 65-66) L’auteur dévie ensuite sur les maladies de Maupassant et celles que l’on retrouve dans ses œuvres, et particulièrement les maladies vénériennes.

5/ « Mon Guy » : Sur les bruits et les voix qui hantent Maupassant et son œuvre. Le titre fait référence au frère de Maupassant qui l’implorait ainsi de ne pas le laisser mourir seul. Cela renvoie ainsi à l’enfance de Maupassant.

« Post-lude » ( !!) aussi à la fin.

Ancrage référentiel : Certains éléments de la vie de Maupassant semble bien sûr vrais et attestés, mais les références à la vie et à l’œuvre se mélangent si allégrement qu’il faut rester bien attentif pour savoir ce qui appartient à quoi.

Indices de fiction : Cette œuvre a quelque chose d’impressionniste. Sans pouvoir parler de fiction proprement dite, le caractère relativement décousu de la trame narrative nous la fait appréhender davantage comme une méditation sur Maupassant et son univers que comme un texte biographique et référentiel.

Indices autobiographiques : non

Rapports vie-œuvre (l’œuvre pose-t-elle un questionnement intéressant par rapport à cette question ?) : Chaque partie de l’essai, construite sur une thématique, s’amuse à intriquer tant la vie que l’œuvre au sujet de cette thématique. Cela est particulièrement frappant dans la première partie, « Maison Maupassant, contes et nouvelles », où Wald Lasowski présente des extraits et des personnages de nouvelles de Maupassant pour ensuite comparer l’auteur à ses personnages : « Maupassant a le même flair [que son personnage Célestin]. On peut se fier à lui pour trouver la bonne adresse lorsque, mêlant l’impatience du militaire et le doigté de Célestin, il s’arrête au bordel. Pour y vérifier ses capacités. Pour communiquer ses prouesses, dans un rire, à Flaubert. » (2009 : 19-20) Cette façon de faire, toutefois, demeure assez classique. Et là où Wald Lasowski établit des rapports plus complexes entre la vie et l’œuvre, c’est lorsqu’il associe la manie de la « comptabilité » que fait Maupassant de ses prouesses sexuelles (ce qui garantie que le rapport sexuel demeure un pur rapport) avec « l’économie qui gouverne l’écriture des contes et nouvelles, petites unités bien closes qui s’empilent en volumes » (2009 : 21) ; c’est lorsqu’il tisse des liens entre les « plaisirs rapides » qu’offrent les maisons closes et ceux qu’offrent la forme des nouvelles (2009 : 22), entre les « petites secousses » de l’orgasme et celles que l’on retrouve sous diverses formes dans les nouvelles (2009 : 23) ; c’est lorsqu’il associe l’appétit sexuelle insatiable de Maupassant à la frénésie du travail de l’écrivain qui sera consacré principalement sur dix ans (la décennie 1880) (2009 : 25). Wald Lasowski établit aussi un lien entre les maisons réelles de Maupasant (dont une qu’il a nommé le Maison Tellier) et son œuvre comme unique lieu « habitable » : « Car il sait bien qu’il ne pourra jamais pleinement l’habiter [la Maison Tellier], que son œuvre est son seul refuge, qu’il faut écrire, encore et encore, qu’il n’a d’autre moyen que de construire, nouvelle après nouvelle, fidèle à lui-même et toujours meilleur dans ses dernières productions, dont tous les narrateurs sont les habiles représentants de commerce, ayant ses comptoirs en Normandie, à Paris et à Cannes, pour solde de tout compte, la maison Maupassant, contes et nouvelles. » (2009 : 29, souligné dans le texte) Un commentaire également, directement sur le rapport vie-œuvre : « L’œuvre a sa logique propre. Autant il serait absurde de faire de la syphilis l’origine de la douleur ou de la mélancolique qu’exprime tel ou tel récit (comment oublier le rôle dévorant de la mère ? la séparation des parents ? la guerre de 1870 ? la maladie d’Hervé ? la démoralisation ambiante ? la mort de Flaubert ? Mille autres facteurs, mille événements encore), autant il serait vain de séparer absolument l’écriture des contes de l’épreuve quotidienne de la maladie. » (2009 : 78)

Thématisation de l’œuvre du biographé : L’œuvre est constamment convoquée. L’auteur la cite ou parle de ses personnages.

Thématisation de l’œuvre elle-même (métadiscours à l’intérieur de l’œuvre): non.

Rapport entre le texte et le programme de la collection : S’y inscrit très bien : « une vie mais telle que la mémoire l’invente, que la passion l’anime », etc. Il s’agit d’un portrait très subjectif qui ne vise nullement à l’exhaustivité.

Topoï : la sexualité, le bordel, la symbolique de la maison, le corps, la maladie, l’eau, le plaisir, etc.

Hybridation : essai biographique

Autres remarques :

LA LECTURE

Pacte de lecture : Texte relativement court mais extrêmement dense et dont il est difficile d’extraire l’essentiel et de résumer. C’est un texte difficile, opaque même à l’occasion, qui demande d’être lu avec beaucoup de rigueur.

Remarques générales sur la collection : Donne l’impression que le format se perpétue, mais qu’il est fécond, qu’il peut donner autant d’œuvres qu’il y a de biographes et de biographés potentiels.

Lecteur/lectrice : Manon Auger