**Fiche de lecture** **1. Degré d’intérêt général** Un roman teinté d'exotisme très riche, très agréable à lire et dont le dénouement équivoque (quoiqu'un peu trop moralisateur à mon avis)apporte un éclairage nouveau sur l'ensemble des sept récits qui le composent. Ce n'est qu'à la lecture de ce dénouement que la diffraction du roman prend tout son sens; bien que le procédé ne soit pas utilisé de la façon la plus originale, il fait très bien ressortir la question de la vérité des récits qui sont donnés à lire, de la concurrence des versions de la même réalité. **2. Informations paratextuelles** **2.1** Auteur : Martine Desjardins **2.2** Titre : Maleficium **2.3** Lieu d’édition : Québec **2.4** Édition : Alto **2.5** Collection : -- **2.6** (Année [copyright]) : 2009 **2.7** Nombre de pages :183 pages **2.8** Varia : Les récits sont précédés d'un avertissement au lecteur qui dresse l'histoire du manuscrit donné à lire : le livre présente la version remaniée des écrits de l'abbé Savoie qui aurait retranscrit des confessions qu'on lui aurait faites. Frappé de surdité soudaine, le prêtre aurait fini ses jours dans un monastère et son manuscrit, considéré comme dangereux, aurait été emmuré dans une alcôve par l'archevêché de Montréal. Étant donné la nature du texte,le lecteur de ce livre risque non seulement la souillure morale, mais aussi l'excommunication. **3. Résumé du roman** Sept hommes se succèdent dans le confessionnal et racontent à l'abbé Savoie les histoires invraisemblables et inquiétantes qu'ils ont vécu. Tous leurs récits mettent en scène une jeune femme maléfique à la lèvre fendue qui, selon eux, aurait disséminé son venin dans l'église en contaminant les bénitiers, l'autel, les hosties et le vin de messe... Les sept hommes sont tous des passionnés, des collectionneurs qui ont entrepris des voyages dans les régions les plus reculées de l'Orient afin d'acquérir les objets les plus exceptionnels : le premier est un marchand d'épices en quête du plus parfumé des safrans, le second un médecin fasciné par la courbure exceptionnelle des reins de la mystérieuse jeune femme, les autres, un entomologiste à la poursuite de locustes rares, un architecte fasciné par les plus hautes tours du monde, un lunetier en quête des écailles les plus blondes, un collectionneur de tapis d'Orient voulant acquérir le tapis du paradis et un savonnier à la recherche de la recette secrète du savon de Naplouse. Dans tous les cas, ils trouvent la jeune femme sur leur chemin, et elle leur permet d'acquérir l'objet de leurs désirs. Toutefois, l'avidité des hommes est immanquablement punie, et il s'abat sur eux un mal, lié à leur passion, qui dénature leur rapport au monde. Par exemple, le marchand d'épices, en respirant le parfum enivrant d'un pistil qui pousse entre les jambes de la femme, perd son nez. Le lunetier, lui, récolte les larmes de la femme qui, en séchant, deviennent des écailles claires, et les applique sur ses yeux; elles se soudent alors à sa cornée, lui faisant voir toute la laideur du monde, etc. La dernière et huitième confession est celle de la femme à la lèvre fendue : elle est en fait la cousine des sept hommes, tous frères. Adoptée par leur père suite à la mort de ses parents, la fillette a été maltraitée, réduite au silence et rendue invisible par les sept garçons. Sa lèvre a été même fendue par son oncle pour la punir d'avoir raconté des contes à ses fils. Adulte, elle a fui jusqu'aux confins du monde où ses cousins l'ont toujours retrouvée. Elle a alors changé, est devenue un démon de vengeance, venu à Montréal pour punir aussi le prêtre qui a écouté et absout ses sept tortionnaires. **4. Singularité formelle** Comme je l'ai signalé plus haut, le roman est composé de huit confessions, la dernière servant de lien entre toutes les autres. L'avertissement au lecteur qui précède le tout veut, lui, faire passer la fiction pour la réalité. **5. Caractéristiques du récit et de la narration** On retrouve, d'un récit à l'autre, beaucoup d'éléments communs : les histoires sont teintées d'exotisme, sont rédigées dans des styles semblables et comportent des thèmes et des références récurrentes (des groupes de missionnaires ou de pèlerins, des odeurs de safran, et, bien sûr, la femme à la lèvre fendue). La narration est assurée par un individu différent à chaque fois, mais le texte lui-même est attribué à un prêtre, et remanié par un éditeur : une aura de mystère entoure donc les récits puisque l'énonciateur d'origine se perd plus ou moins. De plus, à la lecture de la confession de la femme, tous les récits précédents se révèlent mensongers, puisque les sept frères la connaissaient. Le roman se contredit donc lui-même à la fin, tandis que la note du début veut plutôt affirmer sa véracité. **6. Narrativité (Typologie de Ryan)** **6.2-** Multiple : Huit narrateurs distincts racontent chacun leur histoire. **7. Rapport avec la fiction** Voir le point 5. **8. Intertextualité** On mentionne les Mille et une nuits à quelques reprises, mais cela n'a pas d'impact majeur dans le texte. **9. Élément marquant à retenir** L'effet que produit le dernier récit sur l'ensemble.