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Josée Marcotte, Hikikomori

ORION + POROSITÉ - FICHE DE LECTURE

I- MÉTADONNÉES ET PARATEXTE

Auteur : Josée Marcotte

Titre : Hikikomori

Éditeur : L’instant même

Collection : –

Année : 2014

Éditions ultérieures : –

Désignation générique : roman (couverture)

Autres informations :

Quatrième de couverture : Pourquoi rester dans ta chambre ?… Si j'avais un avenir, je serais la première à le savoir… Tu pourrais travailler à temps partiel. Tu ne sers à rien. Rien ne sert à rien… Je devrais faire quelque chose, comme aller à l'université… Pourquoi ?… Je pourrais jouer. Pourquoi sortir ? Je suis vide… Tu es vide et c'est mieux de rester ici pour remplir le vide, si tu sors, le vide va grossir, grossir et grossir. Le monde en trois dimensions n'est pas pour toi… Le monde en trois dimensions n'est pas pour moi… Viens jouer… Je vais jouer… [extrait de l’œuvre]

Ces jeunes adultes qui vivent en marge, reclus dans l'univers des jeux vidéo et d'Internet, sont les héros de multiples fins du monde. L'écran est l'unique fenêtre sur la vie. Mais dans la réalité, tous ne survivent pas. Marie s'envole pour Tokyo avec l'espoir de se rapprocher du lieu d'origine de ce mal-être social qu'est l'hikikomori et dont souffrait son frère jumeau Marc. Elle cherche les gamers qui l'ont côtoyé le jour de sa mort, lit le Dit des Heiké et noue des liens d'amitié avec Kengo, Mei et Azumi, sous le signe de l'éphémère et de l'imminence de l'apocalypse prophétisée par le calendrier maya. En soixante et un épisodes brefs, la fiction s'échelonne sur différents niveaux, comme dans un jeu, entre le récit de voyage et la chronique, l'aventure amoureuse et le portrait, la quête de vérité et le retour à la vie en société.

Notice biographique de l’auteur : Avec Hikikomori, Josée Marcotte continue d'écrire depuis la marge : ses personnages finement développés sont porteurs d'un regard original, capables de percevoir des réalités autres, si ténues soient-elles, telles des présences fantomatiques. Pour l'auteure des Amazones, si le roman est un espace fantasmé de retrait, il est très certainement un lieu de liberté créative.

II - CONTENU ET THÈMES

Résumé de l’œuvre : Le roman se déroule sur 4 mois : juin, juillet, août, septembre; et qui constitue les quatre parties du récit, elles-mêmes découpées en courts chapitres (2 à 3 pages). On y suit d’abord l’histoire de Marie, dont le frère jumeau est mort d’avoir passé plusieurs jours à jouer à des jeux vidéo, sans dormir et sans manger (une insuffisance cardiaque au bout de trente-cinq heures, p. 45). Voulant entrer en contact avec les dernières personnes qui ont eu des échanges en ligne avec lui, elle part pour le Japon. Elle tente, en fait, de donner un certain sens à cette mort, de faire son deuil, puisque son frère, après le décès de leurs parents, a commencé à s’isoler de plus en plus, évitant les contacts avec l’extérieur pour ne vivre que dans un monde virtuel (c’est le phénomène « Hikikomori »). C’est ce phénomène qu’elle cherche indirectement à s’expliquer. Là-bas, elle fera la rencontre de Kengo, apprenti mangaka, dont la cousine, Mei, souffre du même problème. Ensemble, ils l’aideront à reprendre confiance en elle et en la vie. Marie pourra ensuite rentrer chez elle.

Thème principal : deuil et enfermement

Description du thème principal : Ce qui initie le récit est bien sûr le deuil que doit faire la jeune femme de son frère : « Je fais ce voyage pour moi, mais c’est Marc qui me motive à continuer. Cette mission a pour but d’assouvir mon besoin de contact avec mon frère perdu de façon trop brutale. Au passage, peut-être vais-je comprendre les raisons de ce geste désespéré…si c’en était un. Je ne sais même pas si c’était un suicide ou une simple mort absurde. » (45). Tout l’intérêt de la démarche de Marie réside dans le fait que, plutôt que de vivre son deuil intérieurement, de s’enfermer et de s’isoler (comme le font les Hikikomori dans une sorte de refus du monde tel qu’ils le connaissent, au profit d’un autre plus sécurisant et contrôlé), Marie quitte le confort et part à l’aventure, s’ouvre véritablement au monde, même si c’est pour se retrouver, à certains moments, passablement esseulée. Partant à la rencontre de « l’étranger », elle jouera un rôle clé dans le retour à la vie de Mei, tout comme Kengo jouera un rôle important dans le sien et dans celui de Mei, alors que lui-même, qui aurait pu sombrer dans le même état, s’éveille à la vie. En un certain sens, être Hikikomori, c’est se fermer à toute possibilité narrative : « c’est être l’histoire où rien n’arrive. On se crée un espace fantasmé de retrait, hors du temps et de la vie, une autarcie fabriquée de toutes pièces avec des morceaux de passé écorchés qu’on refuse. » (102) Contre cet enfermement, l’auteur suggère discrètement une acceptation des passions mais vécues dans un certain équilibre entre soi et les autres. On peut aussi consulter la fiche du service de presse : http://www.dimedia.com/spB0001034--fiche-service-de-presse.html

Thèmes secondaires : les passions, la liberté, les jeux vidéo, la culture japonaise, la solitude, la dépression.

III- CARACTÉRISATION NARRATIVE ET FORMELLE

Type de roman (ou de récit) : roman-récit

Commentaire à propos du type de roman : court roman qui se rapproche du récit dans la mesure où il n’explore pas avec la profondeur du roman mais joue plutôt de l’efficacité des courtes scènes, des courts chapitres.

Type de narration : multiple

Commentaire à propos du type de narration : Le personnage de Marie raconte en mode autodiégétique – le tout prend un peu l’aspect d’un journal puisque la protagoniste raconte au fur et à mesure. Les chapitres consacrés à Kengo, Mei et Naiko sont en mode hétérodiégétique. La narration se fait parfois au « on », comme si le narrateur s’incluait dans ce qu’il décrit.

Personnes et/ou personnages mis en scène : s/o

Lieu(x) mis en scène : Tokyo, Japon.

Types de lieux : ville de tokyo; trains, hôtels, rues, intérieurs.

Date(s) ou époque(s) de l'histoire : juin à septembre 2012

Intergénéricité et/ou intertextualité et/ou intermédialité : Intertextualité forte avec le Dit des Heiké, une chronique anonyme des guerres intestines dont fut victime le Japon au XIIe siècle après J-C. C’est le livre que Marie emporte avec elle et relit durant son voyage, dans une certaine recherche de transcendance. De plus, le personnage de Marie étant libraire, elle a une certaine connaissance livresque et cite souvent des auteurs pour illustrer son propos (ex : Ducharme, p. 37; Amélie Nothomb, p. 40, 1984 de Georges Orwell, Hiroshima mon amour de Marguerite Duras, Les trois mousquetaires d’Alexandre Dumas, etc.)

Intermédialité avec le jeu vidéo, essentiellement thématisé mais aussi souvent convoqué, réfléchi, et intégré à l’écriture. La culture japonaise du manga et de l’anime sont également très importantes. De plus, de nombreuses évocations sont faites du film Lost in translation de Sofia Coppola et avec d’autres références occidentales au Japon (IQ84 de Murakami, par exemple).

Particularités stylistiques ou textuelles : découpage bien structuré, sobriété dans l’écriture, efficacité. Beaucoup de références intertextuelles et interculturelles.

IV- POROSITÉ

Phénomènes de porosité observés : porosité des formes médiatiques; porosité culturelle (Québec/Japon); porosité savant (littérature) et populaire (la culture japonaise, la culture otaku).

Description des phénomènes observés : La littérature et la philosophie rencontrent ici le jeu vidéo, mais dans toute son humanité. Les codes du jeu vidéo sont souvent réactivés à même l’écriture. Quant aux autres formes de porosité, elles donnent son originalité à l’ouvrage et sa personnalité.

Auteur(e) de la fiche : Manon Auger