====== Josée Marcotte (2012), Les Amazones ====== ==== I- MÉTADONNÉES ET PARATEXTE ==== Auteur : Marcotte, Josée Titre : Les Amazones Éditeur : L’instant Même Collection : --- Année : 2012 Éditions ultérieures : --- Désignation générique : Roman (couverture) Quatrième de couverture : « Je suis venue en ces terres. J'ai vu le tranchant de l'arme de Lizgoth s'abattre sur la nuque de Nanny. J'ai vaincu la débandade, entendu les cris, respiré la peur et l'odeur des fauves féroces, aperçu les vierges de sang tombées au sol, au combat, l'une après l'autre, lors de l'assaut final. Et je l'ai vue. Morphale a couru vers moi. Et j'ai cligné les yeux comme une nouvelle-née, avant qu'elle ne prenne ma main et ne m'attire à elle. On ne m'avait jamais pris la main. À l'aube du millénaire post-capitaliste, le monde est en guerre. Dans une caverne sombre de la forêt bordant le grand fleuve, deux Amazones se cachent. De qui, de quoi ? Depuis leur naissance, elles n'ont connu que l'emprise de leurs dirigeantes, les manœuvres militaires, les purges et les catharsis, la mémoire scellée par le babil quotidien, et la Loi du ventre vide. Une vie à sens unique au nom du combat contre l'Autre, le clan des hommes. À distance du chaos, Morphale rapporte ce qu'elle a vu, alors que Tirésia se souvient de ses sœurs d'armes : Julianna, Malanie, Emrala, Vania, Tori, Lizgoth, Bérénice, Artémise... L'histoire tragique et tourmentée de notre époque imprègne Les Amazones, allégorie politique actualisant le thème antique des femmes guerrières, qui raconte que la frontière entre les sexes est parfois un front, une zone d'affrontement. L'auteure fait le portrait de femmes d'essence post-féministe vivant au sein d'une société autarcique où un ordre, en apparence immuable, les rend identiques et interchangeables, stériles et insensibles. À la fois singulière et plurielle, la prose de Josée Marcotte s'enrichit de l'écho de Rimbaud, Michaux, Valéry et Volodine, et permet le glissement des préceptes du groupe vers des élans individuels, mais aussi celui du temps sacré, indéterminé par essence, vers une sécularité inquiétante, si près de nous. » Notice biographique de l’auteur : --- ==== II - CONTENU ET THÈMES ==== Résumé de l’œuvre : Le récit est composé d’une quarantaine de courts chapitres coiffés, en guise de titre, du nom d’un personnage d’Amazone. Cependant, la narration est assurée par le personnage de Tirésias qui a trouvé refuge dans la Grotte avec Morphale suite à une insurrection de trois Amazones (ce qu’on apprend plus clairement à la fin du récit) et qui dresse un portrait (à la fois subjectif et légèrement omniscient) des femmes de son clan. Nous sommes, en fait, dans un monde post-apocalyptique, mais aussi post-capitaliste où la tribu des Amazones vit en autarcie mais sous un régime totalitaire instauré par les Mères fondatrices. Ces dernières ont découvert comment créer des femmes déjà adultes – en puisant à même le sol et ses fruits, et à l’aide d’incantations – et sont en guerre ouverte contre la tribu des hommes qui, de temps en temps, la nuit, vient enlever des femmes pour pouvoir préserver leur espèce. Dans cette société « nouvelle », les femmes guerrières sont réduites à des fonctions : celles en poste de garde, celles qui chassent, celles qui s’occupent du jardin, celle qui confectionne les armes, etc. Certaines, toutefois, ont des positions plus élevée : une seule, Nanny, a le pouvoir de créer de nouvelles femmes, Barika est la Big Sister et Mamika est la commandante jardinière. Toutes les trois, elles dirigent la tribu où tous les livres sont interdits, où la parole n’est permise que lors des babils (sorte de rituel liturgique) et la sexualité exprimée seulement lors de catharsis contrôlée, chacune dans son espace. À la toute fin, lorsque Tirésias réalise que son monde – celui qu’elle a toujours connu – est en ruine, elle prend la décision d’aller, avec Morphale, vers l’Autre, vers la vie, vers l’inconnu. Thème principal : Totalitarisme (sous-tendu par la soif de pouvoir) Description du thème principal : Si nous nous trouvons dans une société post-capitaliste, fondée sur les ruines de la société du spectacle (un personnage, Apo, est morte en direct après avoir passé des mois sur un monticule et s’être lentement désagrégée), et dans une société matriarcale composée uniquement de l’élément féminin, reste que cette société n’a rien d’idyllique. Le récit déconstruit ainsi le mythe d’une société féminine qui serait différente de celle des hommes puisque celles-ci ne font qu’en reproduire les pires travers, aliénées qu’elles sont par la soif de pouvoir : « Nous ne saurons jamais si de ce régime autarcique des mères fondatrices aurait pu naître quelque chose de beau et de plein, car la femme a recréé, c’était sans doute inévitable, le jeu de pouvoir des hommes. Le sexe n’est pas en jeu ici. Il n’a absolument rien à voir. Par cette démonstration, nous savons enfin que l’Homme comprend l’homme et la femme, que la femme est l’égale de l’homme. » (p.90) Dans ce régime totalitaire, l’individualité est proscrite et les femmes ne sont que des pions profitant à l’idéologie mise en place. C’est toutefois par le biais de trois nouvelles femmes – qui font mines d’adhérer totalement au système – que le despotisme sera renversé et la tribu disséminée. Thèmes secondaires : Femmes, féminité et féminismes; sexualité, corps, guerre, rejet de l’Autre, etc. ==== III- CARACTÉRISATION NARRATIVE ET FORMELLE ==== Type de roman (ou de récit) : récit diffracté Type de narration : Homodiégétique (la narratrice raconte avant tout en tant que témoin) Personnes et/ou personnages mis en scène : le mythe des Amazones est réactivé Lieu(x) mis en scène : Lieux non nommés. Types de lieux : La forêt, le camp des femmes, le fleuve, la grotte. Date(s) ou époque(s) de l'histoire : Plus ou moins indéterminé (nous sommes, selon les calculs de la narratrice en « l’an -20 »), mais dans le futur. Intergénérité et/ou intertextualité et/ou intermédialité : Il y a une forte intertextualité dont l’auteur nous donne les indices à la fin de l’ouvrage : « Merci au vingtième siècle d’avoir donné naissance à des œuvres démesurées, qui nous aident, sinon à comprendre, du moins à exhiber l’esprit humain sous tous ses aspects, toutes ses couleurs innombrables. De courts extraits empruntés à ces écrivains ont été donnés, pour la plupart en caractère italiques : Réjean Ducharme, Antoine Volodine, Jean-Aubert Loranger, Jean-Paul Sartre et Boris Vian, Amélie Nothomb, Pierre Yergeau, George Orwell, Paul Valéry, Georges Perec, Virginia Woolf, Henri Michaux, Roland Giguère, Arthur Rimbaud l’intemporel… On découvrira aussi, dans Les Amazones, des poussières de femmes fortes, qu’elles se trouvent dans les écrits bibliques, la mythologie gréco-romaine, l’histoire de l’ancienne Égypte, ou un imaginaire près de chez-vous. » (p. 93) Particularités stylistiques ou textuelles : On est ici dans le micro-récit, où chacun fait sens en lui-même mais donne aussi cohérence à l’ensemble. Je crois que ça rappelle l’idée de « narrats » développée par Volodine. Écriture érudite, avec jeux de mots, travail important sur la langue et le langage. Auteur(e) de la fiche : Manon Auger