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FICHE DE LECTURE « Les Postures du biographe » et « Figures d’écrivain »
INFORMATIONS PARATEXTUELLES
Auteur : Daniel OSTER Titre : Stéphane Lieu : Paris Édition : P.O.L. Collection : Aucune Année : 1991 Pages : 125 Cote BAnQ: Oster O852s
Biographé : Stéphane Mallarmé Pays du biographe : France Pays du biographé : France
Désignation générique : Roman Quatrième de couverture : La quatrième de couverture semble faire partie du texte : elle adopte exactement le même style et le même ton, et elle annonce certains thèmes abordés dans le livre, sans pourtant constituer une entrée en matière objective. Préface : Aucune
Autres informations : Deux épigraphes : « Il est facile de descendre aux enfers, mais revenir sur ses pas et remonter vers la lumière du jour, cela exige un travail pénible. » Virgile, Énéide, VI « Prends garde ! En jouant au fantôme on le devient. » Villiers de l’Isle-Adam, L’Eve future.
Textes critiques sur l’œuvre et/ou l’auteur :
DELVAILLE, Bernard. « Compte rendu du livre Stéphane de D. Oster », Magazine littéraire, no 296 (février 1992), p. 74-75.
PETILLON, Monique. « Mallarmé vécut-il ? », Le Monde, vendredi 17 janvier 1992, p. 25. Résumé fidèle à l’esprit du roman, qui traite notamment de l’écriture « savoureusement parodique », des liens entre le contenu du roman et la conférence sur Villiers, mettant en relation le « Sait-on ce que c’est qu’écrire ? » de Mallarmé et les questionnements sur l’écriture qu’on retrouve particulièrement dans le dernier chapitre.
QUINSAT, Gilles. « Mémoire », Théodore Balmoral, Automne-Hiver 2000, n o 36/37, p. 163-165. Ce texte s’intéresse à la manière dont Oster a développé le personnage de Stéphane, influencé à la fois par une conception particulière de l’évocation biographique (davantage liée à « quelque chose d’esquissé et de suspendu, de presque aérien, qui en appelle au théâtre de la parole » qu’au détail biographique) et par ce qu’appelle l’œuvre de Mallarmé.
SYNOPSIS
Résumé ou structure de l’œuvre : Le roman est divisé en cinq parties :
« STÉPHANE » (1991 : 9-31) raconte le voyage en train de Paris jusqu’à Bruxelles. Le roman s’ouvre sur le personnage qui dort d’un sommeil léger et fait des rêves tourmentés. Lorsqu’il s’éveille, il titube jusqu’aux toilettes, puis retourne s’asseoir à sa place, où il s’interroge sur l’identité de sa jeune voisine. Le train fait ensuite une brève halte en pleine campagne, et le personnage sort quelques instants pour prendre l’air. Une fois à la gare, Stéphane croise sans s’arrêter le comité réuni pour l’accueillir, et va s’asseoir au bar.
« PUTMANS » (1991 : 31-53) est le personnage qui va rejoindre Stéphane à la gare, lui annonçant qu’Edmond Picard, qui devait le recevoir chez lui pendant son séjour à Bruxelles, ayant attrapé une bronchite, ce sera chez lui qu’il logera. Plutôt que de le conduire directement au concert de Vincent d’Indy, où il était attendu, Putmans traîne Stéphane jusque dans la demeure délabrée où agonise son père, dont, sous les yeux de son invité, il change les draps et les vêtements souillés. Putmans et Stéphane arrivent juste à temps pour entendre la fin du concert, et celui-ci s’endort sur sa chaise. Ils sortent ensuite tous deux.
« PATERNITÉ » (1991 : 55-65) Cette partie se déroule pendant le voyage en cab, de la salle de concert jusqu’à la maison de Putmans. Il s’agit d’un long monologue où celui-ci raconte la vie de son père, homme pauvre, fatigué et humilié, aux aspirations littéraires déçues.
« HÉLÈNE » (1991 : 67-97), l’épouse de Putmans, reçoit son mari et leur hôte pour le repas du soir. Le lendemain matin, elle va trouver Stéphane et lui annonce qu’elle l’amène avec elle pour la journée. Ils profitent de la matinée brumeuse pour faire une promenade dans un parc où elle lui désigne un petit pavillon, dans lequel elle lui raconte avoir jadis perdu sa virginité, avec Putmans. Le chapitre se conclut sur le désir ressenti par les deux personnages, dont on ne sait pas exactement s’il aboutit concrètement.
« VALVINS » (1991 : 99-126) Le dernier chapitre rompt brusquement avec les précédents. On n’y suit plus le personnage, mais l’auteur, qui discourt sur les circonstances entourant l’écriture du roman qu’on vient de lire. Il nous y apprend que l’histoire qu’il a choisi de raconter ne correspond pas à une description stylisée des faits tels qu’ils se sont produits, qu’il s’agit plutôt d’une « histoire de rechange », qui selon lui est aussi vraie, ou du moins pas plus mensongère qu’une histoire qui aurait voulu dépeindre les faits le plus strictement possible.
Topoï : Individualité, paternité, écriture, conscience.
Rapports auteur-narrateur-personnage : Dans toute la partie qui met Stéphane en scène, le narrateur omniscient est très effacé, et ne laisse pas paraître (du moins pas de manière manifeste) sa subjectivité. Il donne l’impression d’être très près de la conscience du personnage, par les impressions duquel transige la vision du monde qui nous est soumise.
Mallarmé, qui n’est jamais nommé que par son prénom, est véritablement un personnage du roman, et n’est donc pas réellement dépeint comme un personnage biographique.
Dans le dernier chapitre, il semble évident que l’auteur s’exprime en son propre nom.
FIGURES D’ÉCRIVAIN
Résumé du projet : Devant la multiplication de ces figures, nous faisons l’hypothèse que l’articulation de la vie et de l’œuvre est devenue pour les auteurs contemporains un enjeu majeur de l’écriture qui renvoie à un enjeu capital de la critique. Nous serons ainsi amenés à examiner la manière dont les productions contemporaines jouent sur la frontière qui tantôt unit, tantôt sépare un écrivain (réel ou fictif) et son œuvre (avérée ou inventée).
Objectif : Dégager un portrait d’ensemble du rapport vie-œuvre tel qu’il est mis en scène dans la littérature contemporaine (entendre, depuis 1980).
Porter une attention aux points suivants :
1) Les schémas argumentatifs au fondement des métadiscours qui envisagent le rapport entre la vie et l’œuvre, l’étayant ou le contestant selon les cas : inventaire et interprétation des divers schèmes argumentatifs qui arriment la vie à l’œuvre. L’objectif est de cartographier et systématiser les topoï et les visées qui sous-tendent l’argumentaire contemporain du rapprochement vie-œuvre, de façon à pouvoir identifier nettement quelles conceptions de ce rapport migrent vers la fiction et la déterminent.
Le schéma argumentatif convoqué par Oster me semble être le sien propre : l’amalgame organique à partir duquel il pense le rapport entre la vie et l’œuvre (qu’il développe explicitement dans La Gloire), c’est-à-dire sa théorie du geste (le geste écrit et le geste posé sont pour lui également significatifs), ainsi que ses idées sur les lacunes et les intervalles qui biaisent l’interprétation de toute existence constituent l’immense tache aveugle des biographes, se trouvent reconduites ici.
Ainsi, il dépeint la pensée de Mallarmé en des termes semblables à ceux que le poète utilise dans ses écrits (davantage sa correspondance que sa poésie, car la prose d’Oster semble toutefois spontanée), mais surtout les mêmes thèmes sont évoqués. Le point de vue qu’Oster fait poser à son personnage sur le monde est donc empreint d’absolu, et délivré de l’universel reportage en ceci que le personnage voit dans les objets – et dans le monde – davantage que ce qu’on y voit normalement.
L’idée de lacune chère à Oster est également inscrite directement dans le texte. À quelques reprises, le personnage, songeant à la tournure imprévue que prend son voyage, se dit qu’il ne pourra pas raconter ces événements à sa femme et à sa fille : « Rien de tout cela, bien sûr, ne pourra être écrit aux Dames. Rien. Il y aura donc une lacune – une de plus. » (1991 : 85) L’existence, sujette à l’indicible, participe donc du langage, et apporte par conséquent une nouvelle confirmation de l’absence de rupture entre la vie et l’œuvre.
2) Les stratégies diégétiques qui font apparaître la figure de l’écrivain en tant que point d’ori¬gine de l’œuvre ou, à l’inverse, pure manifestation de celle-ci : spécification des modes d’in¬carnation de la figure d’écrivain, selon qu’on a affaire à un écrivain réel ou fictif, dans une biographie imaginaire ou dans une fiction. Donc, d’abord : Identifier le « dispositif structurant » (s’agit-il d’une biographie imaginaire d’un écrivain réel, d’un texte mettant en scène un écrivain réel dans une fiction ou d’un texte mettant en scène un écrivain fictif?); ensuite voir comment l’histoire (la diégèse) et la forme (le genre, entre autres) interprètent le rapport vie/œuvre et le mettent en scène.
Le texte est une biographie imaginaire d’un écrivain réel. Les seules parties qui correspondent à des événements réels sont le voyage en train et le concert d’Indy.
Le texte ne s’arrêtant pas réellement sur des œuvres de Mallarmé (excepté la conférence sur Villiers de l’Isle-Adam, bien sûr, dont le contenu n’est toutefois que vaguement évoqué dans la partie intitulée « Hélène »), rien ne permet dans le texte de soutenir que l’œuvre soit le point d’origine de la vie. D’ailleurs, puisque le personnage nous est présenté lors de seulement deux journées, alors qu’il a 46 ans et qu’il bénéficie d’une grande notoriété dans les milieux littéraires, on a plutôt l’impression que le poète et son œuvre sont indissociables, et que l’homme n’est pas non plus forcément le point d’origine de l’œuvre.
3) Les modèles explicatifs qui viennent spécifier le rapport vie-œuvre, qu’il s’agisse de la psychanalyse, de l’histoire (générale ou littéraire), de la sociologie, etc. : analyse des modèles explicatifs qui amalgament, dans une figure d’écrivain, l’œuvre et la vie. Dans ce volet de la recherche, il faudra analyser plus avant les modèles explicatifs qui, entre les unités discrètes que constituent une œuvre et une vie, réalisent l’amalgame qu’incarne, au final, toute figure d’écrivain.
Puisque l’objet de Stéphane est davantage Mallarmé-individu que Mallarmé-écrivain, il apparaît difficile de déterminer quel modèle influence la manière dont Oster pense le rapport entre vie et œuvre.
4) Les déterminations éthiques reliées à l’évocation ou à la création d’une figure d’écrivain, et plus particulièrement les valeurs axiologiques qui se trouvent au principe du rapport établi entre la vie et l’œuvre : mise au jour des fondements axiologiques au cœur des réhabilitations comme des démythifications. Ce volet s’applique plus particulièrement aux textes qui entendent justifier les « erreurs » de la vie de l’écrivain par son œuvre ou, inversement, les textes qui cherchent à réhabiliter certaines figures d’écrivains et/ou leurs œuvres. Il s’agit de voir sur quelles bases (engagement politique, moralité douteuse, ambition démesurée, etc.) on dresse la vie contre l’œuvre (et inversement).
Oster ne cherche manifestement ni à réhabiliter, ni à démythifier Mallarmé (malgré les conclusions qu’on peut être tenté de tirer à partir du fait que l’auteur mette en scène le grand poète assis sur une toilette). De même, les raisons qui semblent avoir motivé l’écriture de ce livre semblent davantage intimes que liées à des valeurs.
POSTURES DU BIOGRAPHE
I. ASPECT INSTITUTIONNEL
Position de l’auteur dans l’institution littéraire : Avant la parution de Stéphane, Oster a publié plusieurs textes de fiction, essais critiques, préfaces, et édité plusieurs auteurs. De plus, il travaille au secrétariat de l’Académie française depuis le début des années 1960, où il est notamment chargé de la publication du dictionnaire. Il collabore également aux revues Les Nouvelles littéraires et La Quinzaine littéraire. Il reste cependant assez peu connu même au sein de l’institution littéraire.
Position du biographé dans l’institution littéraire : Stéphane Mallarmé (1842-1898) a été un des poètes les plus importants de son époque. Sa figure a traversé tout le XXe siècle, écrivains et critiques s’y référant comme à un maître. Il demeure l’un des plus grands emblèmes de la poésie française.
Transfert de capital symbolique : Attirer à soi le prestige de Mallarmé ne semble aucunement faire partie des objectifs visés par Daniel Oster. D’abord, la personnalité discrète de l’auteur est souvent évoquée, que ce soit par Oster lui-même ou par d’autres, par exemple Jean-Marie Goulemot (voir « Au revoir Daniel… », Quinzaine littéraire, no 762) ou Gilles Quinsat, qui dans son article sur Stéphane appelle Oster par ses initiales en lettres minuscules, ainsi qu’il avait l’habitude de signer, respectant par là le caractère effacé de l’auteur. Mais surtout, le fait que le nom de famille de Mallarmé n’apparaisse nulle part dans le texte confirme l’absence d’ostentation de la démarche de Daniel Oster.
II. ASPECT GÉNÉRIQUE
Place de la biographie dans l’œuvre de l’auteur : Voir la bibliographie préparée pour le dossier Oster.
La question de la biographie est omniprésente dans l’œuvre d’Oster, puisque celui-ci considère qu’il n’y a pas réellement de clivage entre la vie et l’œuvre, celle-ci faisant selon lui partie des événements de la vie. Plus particulièrement :
• Dans l’intervalle, Paris, Éditions P.O.L., 1987, 184 p. Biographie imaginaire d’Edmond Teste, personnage de Monsieur Teste, qui met en scène des personnages fictifs et des personnes réelles, notamment Ettore Schmitz, plus connu sous le nom d’Italo Svevo.
• La Gloire, Paris, Éditions P.O.L., 1997, 171 p. Portrait fragmenté de Mallarmé, dressé à partir de recours à la critique mallarméenne, de témoignages, et d’impressions personnelles.
• L’individu littéraire, Paris, Presses Universitaires de France (Coll. « Écriture »), 1997, 239 p. Dans cet essai consacré à la figure de l’écrivain, Oster se penche particulièrement sur la question de la biographie.
Stratégies d’écriture et dynamiques génériques : Les quatre premières parties reprennent le modèle du roman, en empruntant également à la poésie. Le romanesque qu’on retrouve dans ce texte n’est pas traditionnel, mais la progression chronologique, l’intérêt pour la psychologie des personnages et les péripéties nous permettent néanmoins de faire une lecture romanesque de ce texte. Même si on retrouve un ancrage référentiel important (l’atmosphère d’époque, les lieux où se situe l’action, les caractéristiques de la figure de Mallarmé), qui nous permet par ailleurs de voir du biographique dans cet ouvrage, les personnages sont néanmoins traités comme des personnages fictifs plutôt que comme des personnages historiques. On le remarque surtout en ce qui concerne Stéphane, par la manière dont le narrateur s’infiltre au plus près de sa conscience.
Le texte a également un aspect très poétique, l’auteur recourant à certains procédés d’écriture qui sont plus poches de la poésie que du roman. Ainsi, le regard que Stéphane pose sur les choses les transforme en objets poétiques. Par exemple, la description qui est faite du lit où gît le père de Putmans : « Il est comme un buisson desséché sur un morceau de pelouse ravagé par la sécheresse. Comme un centre du monde. » (1991 : 40) On remarque aussi une utilisation de la majuscule qui renvoie à un usage poétique : « Une seule heure, Minuit. Un seul geste, la Fugue. Un seul train, la Nuit. Une seule compagne, la Glace, celle-ci blanche, avec la buée tiède en dedans, le givre au-dehors. » (1991 : 16) Il y a donc une sorte d’onirisme poétique – d’ailleurs le roman s’ouvre sur un rêve que fait Stéphane – qui plane dans le texte, et qui rappelle la première phrase de la conférence sur Villiers : « Un homme au rêve habitué, vient ici parler d’un autre, qui est mort. »
Dans la partie intitulée « PATERNITÉ », on retrouve, enchâssé, le récit que fait Putmans de la vie de son père. Il s’agit d’une petite biographie dont le ton rappelle celui des Vies imaginaires de Schwob, dont il est par ailleurs question à quelques reprises (1991 : 22-23; 48). Le premier chapitre de la partie « HÉLÈNE » (1991 : 67-76) fait vaguement songer à la « Lettre de Madame Émilie Teste » dans Monsieur Teste, tant par le ton lucide de la narratrice que par le tempérament semblable de ces deux personnages, qui se caractérisent par une grande dévotion envers leurs époux marginaux, la curiosité intellectuelle dont elles font preuve et leur condition de petites-bourgeoises. (Je souligne que le fait qu’Oster renvoie à Monsieur Teste dans tous ses autres ouvrages accentue l’impression de parallélisme entre Hélène Putmans et Émilie Teste.)
La dernière partie, enfin, relève surtout d’un mélange entre roman et essai : l’auteur parle en son propre nom, mais il y a dans sa prise de parole une mise en scène qui le situe comme un personnage de sa propre énonciation, et qui le met en rapport avec la fiction de son propre roman. Mais il y a aussi des explications sur l’œuvre et sur sa rédaction qui mettent en lumière les positions de l’auteur face à l’écriture biographique (voir surtout 1991 : 110-115).
Thématisation de la biographie : Dans les quatre premières parties, on retrouve à quelques reprises des interrogations du personnage sur sa propre identité et sur les incertitudes qu’il ressent par rapport à elle (voir par exemple 1991 : 15; 22). Dans le dernier chapitre, plusieurs passages évoquent l’écriture biographique. Oster dit notamment à quel point il est difficile de parvenir à comprendre un homme, puisque les traces manquent ou mentent. (1991 : 112) Il va également jusqu’à proclamer l’impossibilité liée à toute écriture biographique : « Voilà pourquoi des différentes manières de raconter la vie d’un homme aucune ne convient. Aucune n’est efficace ni décente. Aucune n’est humaine. Aucune n’a le moindre rapport avec quelque chose qui fut lui. Ce qui fait que la plupart des hommes ne croient pas nécessaire de laisser des traces, sans qu’on sache si c’est innocence ou sagesse, incapacité ou lassitude. » (1991 : 111)
III. ASPECT ESTHÉTIQUE
Oeuvres affiliées du biographé : La conférence sur Villiers de l’Isle-Adam est mentionnée à plusieurs reprises, puisqu’elle est l’objet du voyage mis en scène par Oster. Son contenu est évoqué quelques fois, notamment le « Sait-on ce que c’est qu’écrire ? » sur lequel réfléchit le texte de Mallarmé. Plus particulièrement, la conversation pendant le repas à la résidence de Putmans (1991 : 77-83) tourne autour de thèmes abordés dans la conférence : « Puis [Stéphane] débite, au dessert, plagiaire de lui-même, trois pages de la conférence. » (1991 : 82) Sauf erreur, la conférence est la seule œuvre de Mallarmé qui soit évoquée explicitement, les autres ne l’étant que par allusion.
Échos stylistiques : La prose d’Oster ne ressemble pas à celle de Mallarmé, où les phrases sont construites de manière éminemment complexe. La principale difficulté relative à l’écriture d’Oster est l’assimilation de toutes les métaphores qu’elle contient, figures qui ne me semblent pas aussi abondantes chez Mallarmé.
Toutefois, l’auteur a emprunté au poète certains mots ou expressions, par exemple « la mort annula le petit moi enfant » (1991 : 86) qu’on retrouve au début de Notes pour un tombeau d’Anatole (« annulant ce petit ‘‘soi’’ d’enfant » (S. Mallarmé, Œuvres complètes I, Paris, Gallimard (« Bibliothèque de la Pléiade »), 1998, p. 883)), ou encore le mot « Styx », qui revient à quelques reprises dans le texte, et qui apparaît dans le « Sonnet en X ». La première phase du texte, c’est-à-dire celle qui met le personnage en scène, se conclut sur cette phrase : « Venez, murmure-t-elle [Hélène Putmans] alors, je crois que je vais vous introduire dans mon histoire » (1991 : 97), en référence au premier vers du dernier poème des Poésies de Mallarmé.
On retrouve dans le roman une lettre que Stéphane aurait pu écrire aux « Dames », sa femme et sa fille (1991 : 85-86) et dont le ton rappelle dans une certaine mesure celui employé par Mallarmé dans ses lettres à sa femme et sa fille (voir Stéphane Mallarmé, Correspondance IV : 1890-1891, Paris, Gallimard, 1973, p. 48-62). Dans les lettres de Mallarmé, comme dans le « pastiche » d’Oster, le poète emprunte un style relativement simple, ludique, affectueux et empreint d’une grande complicité entre l’auteur et les destinataires.
Échos thématiques : La manière qu’a le personnage de voir l’absolu en chaque objet qui croise son regard (par exemple, voir, plus haut, la description du lit) rappelle la passion de Mallarmé pour le bibelot. De même, l’imaginaire du personnage est dominé par la pensée de l’absolu.
Oster fait également une place, dans l’imaginaire de son personnage, à l’ironie, thème auquel il consacre plusieurs pages dans La Gloire, voyant dans la vie et dans l’œuvre de Mallarmé (lui-même n’établit pas cette distinction, toutefois) plusieurs sources d’ironie, notamment dans l’obscurité mallarméenne et dans la manière dont le poète gérait son temps. Dans Stéphane, l’ironie se manifeste surtout dans le décalage entre ce que le personnage pense et ce qu’il semble projeter.
Des références au « Sonnet en X » (« Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx […] »), qui est le poème de Mallarmé évoqué le plus souvent par Oster, sont disséminées un peu partout dans Stéphane. Par exemple, le deuxième vers : « L’Angoisse ce minuit, soutient, lampadophore, » renvoie à trois éléments du texte d’Oster : « Comme [Stéphane] l’avait déclaré à l’employé du Petit Écho Républicain de Marlotte : ‘‘Là où le train vous mène, l’Angoisse vous y conduit encore plus vite. Avec une majuscule à Angoisse, s’il vous plaît.’’ » (1991 : 16) ; « Une seule heure, Minuit » (1991 : 16) ; enfin, lorsque Putmans mène Stéphane chez son père, il lui demande de tenir la lampe afin qu’il puisse changer ses vêtements et ses draps, ce qui fait de lui un « lampadophore ».
IV. ASPECT INTERCULTUREL
Affiliation à une culture d’élection : Non
Apports interculturels : Aucun
Autres commentaires :
Lecteur/lectrice : Mariane Dalpé