====== L'instant même (éditions) ====== ===== Informations générales ===== **Lieu:** Québec (Qc) **Année de Fondation:** 1986 **Direction générale actuelle:** Marie Taillon **Distribution:** Diffusion Dimédia (Montréal) ===== Ligne éditoriale ===== Au commencement était la nouvelle. Ainsi pourrait être relaté l'acte créateur de L'instant même, le pastiche fournissant le coefficient de solennité que notre vingtième anniversaire récent exige. La suite se décline sur le mode de l'expansion, inversement proportionnelle à la brièveté consubstantielle d'un genre protéiforme : s'il est possible, à propos de la nouvelle, de se contenter du fragment (où loge d'ailleurs sa force de percussion), de l'addition des éclats (comme on le dit des miroirs fracassés), force est de constater qu'elle se déploie avec toute son éloquence dans l'espace du recueil. C'est afin d'assurer à la nouvelle contemporaine un espace éditorial voué à son développement qu'ont été créées, en 1986, les éditions de L'instant même. Une fois ce pari tenu, la maison a graduellement étendu sa sphère au roman (depuis 1993), à l'essai (catégorie au sein de laquelle figurent une collection didactique, « Connaître », ainsi que quelques livres d'art), au théâtre (« L'instant scène »), au cinéma (« L'instant ciné ») et à la photographie (« L'instant décisif »). Dans chaque sphère éditoriale, une même tonalité : la beauté du texte, l'importance de la littérature et du langage dans la culture de notre époque. Lire à l'enseigne de L'instant même, c'est « lire pour faire durer l'instant », pour échapper à l'usure du temps. La maison s'intéresse aussi à la traduction. Elle inclut aussi des livres numériques. Aux recueils de nouvellistes québécois s'ajoutent des anthologies thématiques et nationales (Québec, Canada anglais, Mexique, Irlande, Porto Rico, francophonie) ainsi que des ouvrages collectifs. La collection de romans de L'instant même comptera bientôt 60 titres. Dans un article publié sur « Erudit » l’éditeur Gilles Pellerin en parlant de //Tu attends la neige, Léonard ?// de Pierre Yergeau définit le type de roman qu’accueille L’Instant même: « Un « roman » tout à fait dans l'esthétique de la maison, puisque « plusieurs auteurs jouaient sur l'ambiguïté, le franchissement des genres, avec des recueils très codifiés, très organisés », dit M. Pellerin. ( Source : « Trois et L’Instant meme », http://id.erudit.org/iderudit/37188ac [site consulté le 16 avril 2013]) « C’est afin d'assurer à la nouvelle contemporaine un espace éditorial voué à son développement qu'ont été créées, en 1986, les éditions de L'instant même. Une fois ce pari tenu, la maison a graduellement étendu sa sphère au roman (depuis 1993), à l'essai (catégorie au sein de laquelle figurent une collection didactique, « Connaître », ainsi que quelques livres d'art), au théâtre (« L'instant scène »), au cinéma (« L'instant ciné ») et à la photographie (« L'instant décisif »). Dans chaque sphère éditoriale, une même tonalité : la beauté du texte, l'importance de la littérature et du langage dans la culture de notre époque. Lire à l'enseigne de L’instant même, c'est « lire pour faire durer l'instant », pour échapper à l'usure du temps. » [Source : http://www.instantmeme.com/ebi-addins/im/Actualite.aspx , site consulté le 6 février 2012]. ===== Historique ===== Voilà vingt ans, Gilles Pellerin, Marie Taillon et ]ean-Paul Beaumier, peut-être un peu inconscients mais surtout très passionnés, voulaient prouver, de Québec, que la nouvelle pouvait exister. Pari gagné, et la maison a élargi ses créneaux. De //Maisons pour touristes//, son premier titre, signé Bertrand Bergeron en 1986, jusqu'à 1993, L'instant même n'a publié que des recueils de nouvelles. Trente-neuf, très exactement. Puis vint //Tu attends la neige, Léonard ?//, de Pierre Yergeau, que l'éditeur Gilles Pellerin qualifie de « roman ». Un « roman » tout à fait dans l'esthétique de la maison, puisque « plusieurs auteurs jouaient sur l'ambiguïté, le franchissement des genres, avec des recueils très codifiés, très organisés », dit M. Pellerin. Sont passés par L'instant même les Jean Pierre Girard, Hugues Corriveau, Lori Saint-Martin, Sylvie Massicotte, Marc Rochette... La nouvelle s'y est déclinée en anthologies (mexicaine, québécoise), en collectifs belgo-québécois, mais a également transité par la maison un contingent de nouvelliers canadiens-anglais formidables : Douglas Glover, Steven Heighton, Alistair MacLeod, Bonnie Burnard, Isabel Huggan, Jane Urquhart, Matt Cohen, Eh/se Asco et Mavis Gallant « Après la publication de collectifs internationaux et d'écrivains étrangers en plus des Québécois, nous avions rempli notre mandat. « Si on n'avait fait que de la nouvelle, on serait mort. La mise en marché du roman nous permettait d'assurer nos bases du côté de la nouvelle. » Depuis peu, une ouverture sur le théâtre, avec la collection « L'instant scène » (textes de théâtre et essais), et le cinéma, avec « L'instant ciné». «Nous voulons mettre devant public des créateurs qui travaillent dans des domaines différents : peinture, cinéma, littérature», explique Gilles Pellerin. L'éditeur n'a pas perdu le goût des anthologies et en proposera peut-être une pour ce 20e anniversaire. Mais ce serait sans doute, alors, une anthologie à caractère thématique, une mode qui intéresse de plus en plus Gilles Pellerin. La grande maison de Québec reste néanmoins fidèle au genre qui l'a fondée, car son catalogue de près de 225 titres compte tout de même une centaine de recueils de nouvelles (source : http://id.erudit.org/iderudit/37188ac) • La génération X devient le thème principal de //La classe de Madame Valérie//. • La destruction, les espaces frontaliers servent de cadre à l’action des personnages (//La colère du faucon// de Hans-Jürgen Greif) • Nouveau genre littéraire : la twittérature • Le temps. Les frontières entre rêve et réalité s’estompent. • La fiction semble floue. « Sur fond noir, la fiction se fait brève et directe à quelques centimètres du canon d'un révolver, plus lente dans l'agonie d'un jeune chef de bande caché dans les égouts. Trahison, vengeance, corruption et règlement de comptes : la mort ne louvoie pas. Contre l'horizon, elle est floue et séduisante, dans le regard des femmes, sur le bas-côté d'une autoroute, dans un salon littéraire, dans une cabane où sexe et sang font alliance. Et si pour l'auteur la fiction n'était que volte-face, jeux de miroir et voyance ? » (source: site officiel de L’instant même). • Les dialogues. (« Théâtre ») « Entre pitié et cruauté se succèdent dialogues de sourds, divagations, cauchemars et hallucinations. Quelle vérité peut-il en résulter ? » (Source: site officiel de « L’instant même ») //Dissidents// de Philippe Ducros . • Le portrait des personnages n’est pas forcément délimité. « Couples, amis, parents et enfants, voisins, collègues, amants et inconnus, tous les protagonistes, narrateur compris, s'assemblent et s'additionnent dans ce qui n'est pas assez, ou déjà plus, trop ou trop peu ». (voir I2) de Gilles Pellerin. • À ceci, viennent s’ajouter des situations qui viennent désagréger le personnage : « rivalité, tromperie, méprise, mensonge, humiliation, imposture, ignorance, incommunicabilité. » (voir I2) • Quête identitaire marquée par l’oubli et la perte de soi (Voir //Un// de Mani Soleymanlou) • Les points de vue se multiplient. «Le plus infime mouvement modifie le point de vue. À grande échelle, les points de vue deviennent innombrables, telles les routes qui sillonnent forêts et jardins, bords de mer et montagnes, maints endroits déjà visités par Roland Bourneuf dans //Venir en ce lieu//.» (à propos de //Points de vue// du même auteur). • Le mouvement comme moyen de parcourir l’espace en renvoyant à une « disposition intérieure » prééminence de l’esprit pérégrinant (toujours à propos de //Points de vue// de Bourneuf ) • Le doute comme déclencheur des conflits (voir //Ventre// de Steve Gagnon) ===== Catégories ===== • Tous (330) • Anthologies • Beaux livres • Collectifs • Connaître • Dictionnaire et ouvrages pratiques • Essais • L’instant ciné • L'instant scène • Livres numériques • Nouvelles • Poches • Romans et récits • Théâtre • Traductions ===== Genres ===== • Nouvelles • Romans et récits • Essais • Théâtre • Cinéma • Photographie • Twittérature • Deux livres de twittérature. • Publie seulement des auteurs canadiens et québécois. • La publication des romans depuis 1993. • Publication des romans, essais, pièces de théâtre et le cinéma. • « Dans chaque sphère éditoriale, une même tonalité : la beauté du texte, l'importance de la littérature et du langage dans la culture de notre époque. » • Nous nous limitons ici seulement à un recensement des romans et des récits. • Comme dans le cas des Éditions Alto ces récits témoignent d’un nouvel imaginaire qui provient soit de la nature fantastique de l’événement, soit de l’étrangeté de l’espace ou soit d’un passé lointain. • La représentation de l’art de l’artiste et de la création dans le récit (//Un jour ce sera l’aube// d'Engel, //L’attachement// d'Ouellet, //Les cahiers d’Isabelle Forest// de Sylvie Chaput, //Ballade sous la pluie// de Yergeau, //Loin des yeux du soleil// de Michel Dufour, //Azul// de Miguel Almeyda Morales, //Les désirs de la ville// de Dionne Brand, etc.) • Bien que la quête d’identité soit toujours présente dans ces romans, mais elle se manifeste plutôt par une intrigue bien développée et une enquête historique ou aventurière. (//La matamata// de France Ducasse) • Plusieurs de ces récits établissent un rapport imaginaire à l’histoire. Le protagoniste rêve de changer le monde en Pologne (//Oubliez Adam Weinberger// de Vincent Engel) ou il prend part à la guerre d’Indépendance (//Le rédempteur// de Douglas Glover) • Le voyage représente dans ces romans le moyen d’exploration d’espace, du temps et de l’histoire. Porosité spatiale, temporelle et historique. • Les espaces. Ces récits peuvent se caractériser par la littérature de l’espace. Le récit étant parfois un prétexte à relater l’espace. Pierre Yergeau l’écrivain le plus publié de L’instant même figure parmi ces écrivains, ses récits se situant souvent en Abitibi. • Le rapport à la famille est un autre point remarquable dans ces romans contemporains. Ce rapport constitue une relation étrange en même temps que familière, semblable à la manière dont l’espace se présente dans ces récits. ===== Auteurs ===== 88 livres de 46 auteurs. ===== Résumés (par année) ===== ==== 1990 ==== **Bergeron, Bertrand, //Transits//, Québec, L'instant même, 1990, 129 pages. (Nouvelles)** Chez Bertrand Bergeron, l’insolite ne se détache jamais de la dimension intime, d’où l’expression sans cesse renouvelée d’une émotion palpable. Ici, l’auteur se livre à une réflexion sur l’éthique de la reproduction, parallèle à celle des philosophes et des biologistes. Parallèle, donc distincte. « Dans les nouvelles de ce recueil, jamais un mot de trop, pas la moindre affectation ; loin de confiner les textes dans l’aridité et la froideur du minimalisme excessif, cette retenue, cette pudeur même leur confère au contraire une efficacité accrue. » (Stanley Péan, //Québec français//) **Bourneuf, Roland, //Mémoires du demi-jour//, Québec, L'instant même, 1990, 152 pages. (Nouvelles)** Par son recours à l’hyperbole ou à l’ellipse confondante, Roland Bourneuf présente le rêve dans l’amplitude extravagante de ses images, sans en trahir la substance. Un rêveur traverse les textes, qu’on invite en soi. « L’ellipse, cette figure du vide plein de sens, et l’hyperbole donnent [...] la mesure de ces textes si brefs qu’on a d’une page à l’autre l’impression de sauter dans un train en marche, filant à vive allure, et qui nous jette lui-même en bas, presque aussitôt le parcours entamé. C’est dire la densité du langage qu’il faut atteindre pour produire des effets de sens, qui se constituent ici un peu comme dans un vidéoclip. » (Michel Lord, //Québec français//) **//En une ville ouverte//, nouvelles de P. Baquiast, J.-P. Beaumier, P.-Y. Cachard, J.-P. Cannet, C. Chouinard, A. Dandurand, D. Dussault, S. Gagné, O. Rosec et M. Sousse, avant-propos de Gilles Pellerin et préface de Gilles Archambault, Québec/Villelongue d'Aude, L'instant même/Atelier du gué/OFQJ, 1990, 203 pages. (Nouvelles)** Les dix nouvelles que voici témoignent, par la liberté de ton et l'originalité de l'inspiration, de la vigueur d'un genre indissociable de l'aventure littéraire de langue française de part et d'autre de l'Atlantique. Alors que l'ensemble du recueil reflète à peu près toutes les avenues littéraires que peuvent emprunter les nouvellistes, du polar sordide à l'intimisme doux, de l'humour fin à l'humour noir, du fantastique pure laine à l'expressionnisme pur intello, il se dégage de ces dix nouvelles un évident plaisir d'écrire qui relie l'ensemble. (Marie-Claude Fortin, //Voir//) ==== 1991 ==== **Beaumier, Jean-Paul, //Petites lâchetés//, Québec, L'instant même, 1991, 157 pages. (Nouvelles)** À quoi s’attendre lorsqu’on habite l’univers des pas perdus, des poissons d’argent et des professeurs distraits et qu’on n’a à leur opposer que ses petites lâchetés ? L’onirisme de Beaumier met à nu les drames intimes et les dérobades de la pensée livrée à elle-même. « Ces vingt-quatre récits [...] sont des pièges, poignants, diaboliques, répartis en trois groupes aux titres suggestifs et significatifs : Les contours de l’oubli, Derrière les mots, Espaces fragiles. Fragiles comme les êtres humains, hagards, blafards, qui hantent ces espaces, sans s’y perdre vraiment, sans s’y retrouver jamais. » (Jean-Loup Martin, //Brèves//) **Cannet, Jean-Pierre, //La lune chauve//, Québec/La Tour d'aigues, L'instant même/L'Aube, 1991, 109 pages. (Nouvelles)** La lune chauve se lève sur un monde de teigneux, de petits futés et d’enfants qui font l’amour grand comme quand on a quatorze ans. Elle règne dans la nuit de tous les désirs, de toutes les aventures. Ils sont jeunes, ils habitent des châteaux dévastés, migrant sur les toits, ils sont si jeunes qu’on croit reconnaître l’âge qu’on a oublié d’avoir. « Les mondes de //La lune chauve// sont étouffants, étouffés et barbares. C’est la guerre. C’est le meurtre. C’est des enfants épouvantables. C’est des adolescences de bums en fugue. C’est de la pauvreté hallucinante. C’est... C’est concentré – avec une goutte d’humour de temps en temps. [...] Cannet manie la langue comme un fleuret tranchant. Son écriture est toute tailladée, étonnante, envoûtante. » (J. Gagnon, //Voir//) **Dufour, Michel, //Passé la frontière//, Québec, L'instant même, 1991, 105 pages. (Nouvelles)** Rites sataniques dans un immeuble de rapport, folie entomologique, culte voué à des ramoneurs célestes, erreurs sur la personne, liaison téléphonique, voilà des thèmes qui exigeaient des textes jetés à la façon de Michel Dufour. « Chez les personnages de //Passé la frontière//, on note une constante : tous ont à affronter un quotidien qui, très vite, bascule dans l’absurde ou la pure fantaisie, la folie en étant souvent la résultante inéluctable. » (Christiane Lahaie, //Québec français//) ==== 1992 ==== **Cannet, Jean-Pierre, //Bris de guerre//, dessins de Benoist Demoriane, Québec/Creil, L'instant même/Dumerchez, 1992, 49 pages, 13 encres. (Nouvelles)** Regard aigu porté sur la guerre, la dévastation, collage tiré des cendres de la bataille, ce recueil de Jean-Pierre Cannet, agrémenté des encres de Benoist Demoriane, se présente comme une rafale d'éclairs dans la nuit, rafale qui perce le silence ou plutôt le tumulte d'un monde qui n'en peut plus. « Pour ceux qui auront lu //La lune chauve// et qui en redemanderont sans doute, voici un petit livre qui est aussi un bel objet, puisqu'aux « brèves » de Cannet s'ajoutent des encres d'un peintre, Benoist Demoriane. Les textes ne sont pas des nouvelles au sens strict, mais des instantanés où l'œil aigu de Cannet se resserre autour de la guerre : attention, les personnages n'y font pas la guerre, mais sont en guerre (un peu comme on peut être en amour sans le faire), immergés dans le danger, juste avant la mort. » (Roland Échinard, //Nyx//) **Girard, Jean Pierre, //Espaces à occuper//, Québec, L'instant même, poche, 1999 [1re éd. 1992], 179 pages. (Nouvelles)** Jean Pierre Girard place ses personnages dans des espaces sans cesse différents, les uns apparemment clos, penderie, alcôve, les autres soumis à l'esprit de la route, habitacles d'automobile ou de camion, accotements de fortune. Cette oscillation trouve son écho dans une langue qui a choisi de ne pas se fixer, l'oral imposant sa présence avec l'accent d'un caméléon qui irait tour à tour à Joliette, Paris, Trois-Rivières et Saint-Machin. Et qui y va. Le film //La penderie//, de Mario Zunino, a été tiré de la nouvelle du même titre, l'un des sommets de ces Espaces à occuper. Justification: On y trouve de porosité spatiale qui paraît donner lieu à une porosité discursive. ==== 1993 ==== **Bergeron, Bertrand, //Visa pour le réel//, Québec, L'instant même, 1993, 123 pages.** Téléphone, télécommande, vacances à Kennebunk Port, les éléments les plus quotidiens trouvent à s’entremêler, dans le quatrième recueil de Bertrand Bergeron, à ces déclencheurs de mythes personnels ou collectifs que sont la cathédrale, la peinture, le journal intime et la cartomancie. « [...] il demeure toujours étonnant de constater, à la lecture de Visa pour le réel, à quel point nous assistons à la consécration d’un mode d’expression différent de la littérature québécoise traditionnelle. » (Jean-Philippe Gervais, //Solaris//) **Bourneuf, Roland, //Chronique des veilleurs//, Québec, L'instant même, 1993, 108 pages. (Nouvelles)** //Chronique des veilleurs// nous amène hors de l'espace restreint dans lequel Roland Bourneuf avait jusqu'ici choisi d'enfermer ses personnages, tous anonymes et laissés diffus à dessein. Cette fois les personnages s'évadent du piège du texte bref, franchissant des strates d'Histoire (Antiquité, Moyen Âge, Temps modernes) par ce relais que constitue dès lors le recueil. « Alors que la littérature québécoise, et la nouvelle en particulier, se complaît souvent dans de petites angoisses de la génération yuppie, les nouvelles de Roland Bourneuf abordent avec lucidité des questions fondamentales. Un très beau recueil. » (Serge L'Heureux, //Le Nouvelliste//) Justification: Porosité fictionnelle qui affecte le personnage. **Cotnoir, Louise, //La déconvenue//, Québec, L'instant même, 1993, 105 pages. (Nouvelles)** Dire des personnages de Louise Cotnoir qu'ils se livrent, c'est plonger au cœur du mot, dans ce qui tient de la confession avec ou sans témoin, du secret murmuré, de l'abandon amoureux ou de la captivité à Auschwitz. Les décors mis en place par l'auteure sont ces endroits qui se donnent pour publics (un bar, par exemple), mais qui deviennent volontiers les lieux de la solitude (à soi ou à celle des autres) la plus implacable. « L'écriture nerveuse, contrôlée de Louise Cotnoir s'accommode admirablement bien au genre de la nouvelle, où elle met en scène des personnages, généralement des femmes, qu'on dirait mal à l'aise, incertaines de leur place dans le monde. » (Serge L'Heureux,// Le Nouvelliste//) Justification : Les espaces se transforment. De publics, ils deviennent des espaces de solitude. **Daviau, Diane-Monique, //La vie passe comme une étoile filante : faites un vœu//, Québec, L'instant même, 1993, 182 pages. (Nouvelles)** Par la grâce d’une remarquable fusion de la précision et de l’écriture artiste, on se retrouve tantôt dans le monde de l’enfance, les joies et les drames qui la composent étant vus alternativement à la hauteur des bambins et à celle des enfants que nous ne sommes plus ; tantôt on est convié au voyage par des personnages chez qui l’existence menace de s’étioler. Voyages ailleurs et ici, au loin ou au tréfonds de soi. Et toujours le sentiment très prenant de la littérature, de ce qui doit être dit et écrit. « Daviau excelle dans cet art difficile de raconter des histoires dont la brièveté la force à asseoir rapidement son propos sans vendre la mèche. » (Isabelle Richer, //Le Devoir//) **Potvin, Claudine, //Détails//, Québec, L'instant même, 1993, 99 pages. (Nouvelles)** Comme aux racines de la littérature occidentale, la famille est ici déchirée, fille contre mère, sœur contre sœur, fille contre père. Cela n'est pas sitôt avancé que voilà que le texte bascule dans la tendresse, tendresse filiale ou maternelle, tendresse des amants et des amantes. « En filigrane, désirs inavouables et autres petites et grandes violences se donnent à lire à travers la violence faite à la forme verbale. En un sens, cela peut avoir à faire avec une certaine idée de la poésie ou de la prose poétique, brisée, mais incantatoire. À lire Potvin, on songe d'ailleurs à « la mort du genre » - comme on le disait il y a peu à la défunte //Nouvelle Barre du Jour//, là où Potvin a d'ailleurs publié quatre des textes de //Détails// -, tant le discours est potentiellement polygénérique ou, inversement, agénérique. » (Michel Lord, //Lettres québécoises//) Justification: porosité générique extrême au point de atteindre l’« agénérique ». **//L'année nouvelle. Le recueil : soixante et onze nouvelles//, préface de Vincent Engel, Québec/Dole/Bruxelles/Echtermach, L'instant même/Canevas/Les Éperonniers/Phi, 1993, 302 pages.** L'aire culturelle comme facteur constitutif des variations à l'intérieur d'un même domaine linguistique apparaît clairement dans cette //Année nouvelle// qu'a composée Vincent Engel en faisant appel à soixante et onze nouvellistes écrivant en français et provenant de vingt-trois pays différents. Le recueil a été au centre de la Fureur de lire de 1993, en France, en Belgique et en Suisse. **//Meurtres à Québec//, nouvelles de H. Corriveau, M. Dufour, D. Glover, S. Pàmies, S. Péan, J. Pelchat, G. Pellerin et P. Yergeau, Québec, L'instant même, 1993, 133 pages. (Nouvelles)** Huit auteurs ont décidé de fouiller sous l’apparente quiétude de Québec : ils y ont trouvé de sombres histoires de vengeance, une version surprenante de la Conférence de Québec de 1943, les croquis morbides d’un botaniste dessinateur, l’annonce d’un meurtre à être commis pendant les Médiévales, le réveil ahuri d’une touriste lors du Carnaval d’hiver. Chacun nous emmène dans une ville inédite comme seules peuvent l’être les villes de rêve. ==== 1994 ==== **Cannet, Jean-Pierre, //Gueules d'orage//, photographies de Ralph Louzon, Québec/Paris, L'instant même/Marval, 1994, 103 pages, 9 photos n. et b. (Nouvelles)** Dans ce nouveau dialogue de Jean-Pierre Cannet avec un artiste du visuel, le photographe Ralph Louzon, on est en pays de mines, dans les terres d’un Germinal qui ne se serait pas accompli totalement il y a un siècle. C’est dire que les personnages sont sales d’être tant allés à la peine, que les paysages sont âpres. L’écriture ? Vigoureuse comme une empoignade. **Cloutier, Guy, //Ce qu'il faut de vérité//, Québec, L'instant même, 1994, 107 pages. (Nouvelles)** Sur l'île de Beauté, les personnages de Guy Cloutier parviennent parfois à l'extase du vide entre ciel et roc, entre vents et vagues ; le plus souvent, ils plongent dans des eaux moins claires, là où il faut faire la part du mensonge. Ainsi l'écrivain mesure-t-il ce qu'il faut de vérité pour construire la fiction, l'œuvre ne s'accomplissant qu'au prix de la désagrégation du réel. « Quand le nouvelliste nous promène dans les remugles de la conscience malheureuse, il ne s'épargne ni ne nous épargne rien. Telle est, je crois, l'ambition de M. Cloutier, qui se montre très exigeant quant à la forme, mais capable aussi d'aller débusquer, où il se trouve, « ce qu'il faut de vérité » pour que le beau mensonge soit. » (Réginald Martel, //La Presse//) Justification: Remise en question de la réalité donnant lieu à un conflit entre vérité et mensonge. Est-il possible de penser à un type de porosité inscrite dans la fiction? **Corriveau, Hugues, //Courants dangereux//, Québec, L'instant même, 1994, 121 pages. (Nouvelles)** Dans //Courants dangereux//, la chair est vive, crue, à la fois matériau et blessure, génératrice de vie et de mort. À des personnages complexes, mus par des passions hors du commun, répond une prose qui participe de l'esprit fin de siècle, l'excès s'y étalant dans la plus grande jubilation. « On imagine facilement que cette dangereuse écriture va nous poursuivre le jour et la nuit, pour le meilleur et pour le pire. Rares sont les livres qui ont cette destinée sur nos consciences. » (Michel Lord, //Lettres québécoises//) **Dussault, Danielle, //L'alcool froid//, Québec, L'instant même, 1994, 113 pages. (Nouvelles)** La passion de la voix trouve dans le deuxième livre de Danielle Dussault une partition hardie, confiée à qui admet chanter faux ou à qui a l'habitude de se taire. En contrepoint à la voix solitaire, vive, les personnages de //L'alcool froid// partent à la recherche d'un fétiche (dont la nature souvent nous échappe puisque seul importe le fait qu'il agisse dans un rituel amoureux) qu'ils pourraient bien avoir eux-mêmes dissimulé dans la chambre des échos. « C'est un livre d'une habileté redoutable. Il propose tout en nuances, en contrastes et en clairs-obscurs des univers de personnes vivant ou tentant d'assumer jusqu'au bout leur fragilité intérieure. C'est un monde régi par le principe d'incertitude - où l'on n'est plus sûr de rien ... » (José Acquelin, président du jury du Prix Alfred-Desrochers 1994) Justification: Dès le titre, on constante des échanges qu’on suppose temporels. L’incertitude paraît plus une conséquence qu’une type de porosité. **Jolicœur, Louis, //Saisir l’absence//, Québec, L'instant même, 1994, 135 page (Nouvelles)** Absences à saisir, failles à maintenir : dans l’écriture comme dans le reste, le jeu l’emporte sur l’objet. Le jeu : on serait tenté de dire que chez Louis Jolicœur il ne connaît pas de frontières, l’auteur aimant varier le théâtre de sa comédie humaine, Mexique, Portugal, Québec, Pérou, Turquie, Iran. Mais voilà qu’en y regardant de plus près, on est séduit par l’inverse : et si le jeu se connaissait des frontières qui échappent au joueur ? « L’insolite et la mélancolie teintent l’écriture impeccable de ces nouvelles qui nous entraînent dans des ailleurs réels ou imaginés à la suite d’un narrateur unique et pourtant multiple. » (Commentaire du jury du Prix littéraire du Gouverneur général du Canada, 1995) Justification: porosité spatiale, porosité discursive (narrateur à voix multiples) ==== 1995 ==== **Dufour, Michel , //N'arrêtez pas la musique !//, Québec, L'instant même, 1995, 101 pages. (Nouvelles)** Jeunesse, potion amère : en évoquant dès la première page le souvenir de Robert Schumann, Michel Dufour mêle audacieusement les accents pathétiques d’une génération et l’écho de Schubert, Mozart, Mahler, Brel, Prokofiev et quelques autres grâce à qui la musique ne saurait s’arrêter. « Peut-être à cause de la brièveté et de la densité du propos, et certainement parce que chacune des dix-huit nouvelles semble taillée comme un diamant, dont elles gardent une certaine dureté, le dernier recueil de Michel Dufour me laisse croire que l’on assiste à l’efflorescence d’une des plus belles œuvres nouvellières du Québec » (Michel Lord, //Lettres québécoises//) **//Québec : des écrivains dans la ville//, textes de P. Aubert de Gaspé, Aude, A. Berthiaume, C. Brouillet, J. Cartier, S. de Champlain, A. Choquette, G. Cloutier, O. Crémazie, E. Croft, M. Ferron, L. Fréchette, A. Grandbois, M. Guyart, J.-C. Harvey, A. Hébert, L. Jolicœur, M. Laberge, F. Leclerc, S. Lelièvre, R. Lemelin, J. Marmette, C. Martin, A. A. Michaud, P. Morency, S. Paradis, S. Péan, G. Pellerin, J. Poulin, M. Proulx, J. Provencher, A. Ricard et G. Vigneault, narration générale de G. Pellerin, avant-propos de J.-P. L'Allier, J. R. Porter et de D. Lebrun, photographies de L.-A. Couturier, C. Huot et neuf autres artistes. Québec, L'instant même, 1995, 175 pages, 100 photos couleurs, 33 photos n & b, ouvrage relié sous jaquette, 21,5 x 28 cm. (Il n’y a pas de mention générique)** À travers des textes des origines à nos jours, dont une dizaine d’inédits, une trentaine d’écrivains nés à Québec ou y ayant passé une partie de leur vie créatrice révèle l’esprit romantique d’une ville forte, génératrice d’imaginaire. Conçu comme un hommage aux écrivains qui ont contribué à sa renommée, //Québec : des écrivains dans la ville// est peut-être davantage l’inverse : l’hommage à Québec de ses enfants. ==== 1996 ==== **Bourneuf, Roland, //Le chemin du retour//, Québec, L'instant même, 1996, 238 pages. (Roman)** Louis-Édouard Dubuc, enfant de notre siècle, « être flou » mal dessiné par une enfance quelconque, n'est pas tendre avec lui-même au moment de se remémorer ce que fut sa vie. Roland Bourneuf signe ici un roman d'apprentissage, le Bildungsroman d'un personnage en quête de sérénité et capable de pardon à l'égard des autres... et de lui-même. « Il y a une austérité dans la démarche de Roland Bourneuf qui évoque celle des églises, et si l'on est parfois, bien rarement, tenté de lui opposer un certain sarcasme – à d'autres ce néant qui se donne des allures de sacré ! –, on est beaucoup plus souvent ému, paralysé, dans un état proche du recueillement. » (Julie Sergent, //Le Devoir//) Justification: Incertitude. Jusqu’à quel point elle participe de la porosité? **Chaput, Sylvie, //Les cahiers d'Isabelle Forest//, Québec, L'instant même, 1996, 296 pages. (Roman)** Sylvie Chaput nous présente une jeune Québécoise du XIXe siècle s'initiant à la peinture dans l'atelier de son oncle, Joseph Légaré. Tenant la première galerie d'art à avoir été ouverte chez nous, elle y fait la rencontre d'un jeune homme d'esprit romantique, journaliste fougueux et écrivain, Philippe Aubert de Gaspé. Les temps sont agités : le choléra emporte une large part de la population, les patriotes prennent les armes, Lord Durham débarque. Par le biais d'une enfant du siècle, Sylvie Chaput restitue la vie intellectuelle et politique d'une époque dont il semble parfois qu'elle fasse encore l'actualité. « Pour une fois, ciblez en vous la volatil(e) et puis tirez. L'épreuve vous sera bonne et belle. Vous aurez compris le charme de ces //Cahiers// qui sans prétention combattent l'oubli. Vous apprécierez que de jeunes écrivains travaillent autant et si bien pour votre plaisir. Vous applaudirez la réussite de ce premier roman. Vous lirez. Vous jouirez. Vous serez en vacances. Dans l'espace originel, le delta du mythe québécois. » (Jacques Allard, //Le Devoir//) **Corriveau, Hugues, //Attention, tu dors debout//, Québec, L'instant même, 1996, 104 pages. (Nouvelles)** L'univers des adultes est bien étouffant pour les enfants de ces dix-sept nouvelles, qui tentent d'échapper au mal, au désarroi, à la souffrance, à l'inconnu. Ils rêvent, ces petits, qu'ils peuvent s'envoler, ils réinventent le désert, ils hument l'écorce, ils miment des vols de bernaches, ils tracent le chemin qui mène jusqu'à Noël. Et ils grandissent. « Malgré toute l'originalité et l'audace du regard qu'il porte sur l'enfance, on lit avant tout Hugues Corriveau pour le plaisir brut du texte. À condition, bien sûr, de consentir à s'abandonner au plaisir de la forme, de prendre le temps de savourer, à petites bouffées, sa puissance et sa justesse d'évocation peu communes. » (Pierre Cayouette, //Le Devoir//) **Dussault, Danielle, //Ça n'a jamais été toi//, Québec, L'instant même, 1996, 128 pages. (Nouvelles)** Une femme écrit des lettres qu'elle n'envoie pas, en réponse à l'amour dont ne lui parvient pas l'écho. Elle a tout essayé : la fuite, le refoulement, l'attente, l'amitié, la quête, la rencontre, la folie... Flouée par le refus des hommes qui arrivent à aimer sans vraiment aimer, trop vivante pour renoncer. Il y a bien la musique, parfois. Il y a bien ce correspondant imaginaire qui profite du meilleur d'elle-même. Et peut-être Dieu, cet inconnu au bout de l'attente. Ce qui reste de certain, avec toute la puissance du désir d'amour, c'est l'espérance de l'impossible. « //Ça n'a jamais été toi// témoigne d'une cohérence thématique et formelle soutenue du début à la fin. Toutes les nouvelles traitent d'une coupure (amant, ami, mère, mari, soeur) que la narratrice tente apparemment de réparer au moyen de lettres imaginaires. Glissant parfois du côté du journal intime (« Indigence ») ou de la confidence (« Peine perdue »), l'écriture de la lettre se donne comme un rituel essentiellement solitaire. » (Claudine Potvin, //Lettres québécoises//) **//Dix ans de nouvelles. Une anthologie québécoise//, nouvelles de J.-P. Beaumier, B. Bergeron, R. Bourneuf, O. Boutenko, G. Cloutier, H. Corriveau, L. Cotnoir, D.-M. Daviau, N. de Bellefeuille, M. Dufour, D. Dussault, J. P. Girard, M. Henrie, L. Jolicoeur, C. Lahaie, S. Lantagne, A. Legault, S. Massicotte, P. Ouellet, J. Pelchat, G. Pellerin, C. Potvin, W. Schwarz, S. Tremblay, C. E. Yance et P. Yergeau, réunies et présentées par Gilles Pellerin. Québec, L'instant même, poche, 1996, 261 pages. (Nouvelles)** L'instant même a su regrouper une grande partie des voix essentielles de la nouvelle québécoise contemporaine. Leur réunion dans la présente anthologie permet de tracer un portrait fidèle des avenues actuelles du genre en vingt-six escales du bonheur de lire. « Chaque texte est présenté avec beaucoup d'esprit par [Gilles] Pellerin, qui en profite pour souligner la largeur du spectre de la nouvelle. Un excellent ouvrage d'introduction au genre ainsi qu'à la littérature québécoise contemporaine. » (Marcel Jean, //Le Devoir//) ==== 1997 ==== **Cavenne, Alain, //Un mariage à trois//, Québec, L'instant même, 1997, 158 pages. (Roman)** Suzanne est coiffeuse, Conrad, épicier. Ils se rencontrent dans l’effervescence du printemps 1960, qui mènera à la victoire les libéraux de Jean Lesage. Tous les espoirs semblent permis, toutes les barrières sautent. Non, pas tout à fait : la grossesse inopinée (inévitable ?) de Suzanne impose ledit mariage à trois. Lequel ne tarde pas à battre de l’aile. Banal ? C’est parfois ce que Philippe se dit en écrivant l’histoire de Suzanne et Conrad, obligé qu’il est de négocier certaines scènes avec ses personnages sous le regard amusé du mystérieux Alain qui ne se gêne pas pour tancer le romancier tenté par la capitulation. //Un mariage à trois// ravive les années soixante avec tendresse et humour. « //Un mariage à trois// est un roman fort bien articulé, écrit avec beaucoup de tact et sans longueur aucune, ce qui n’est pas la moindre des qualités. Le genre de livre que l’on appelle, dans le métier, une belle surprise. » (Tristant Malavoy-Racine, //Voir Québec//) **De Bellefeuille, Normand, //Ce que disait Alice//, Québec, L'instant même, poche n° 8, 1997 [1re éd. 1989], 166 pages. (Nouvelles)** La réédition en format poche de //Ce que disait Alice// permet de redécouvrir un des recueils majeurs des années quatre-vingt, qui a su rendre avec spontanéité les drôleries et les petits drames de tous les jours. Des insupportables tendresses d'une grand-mère, l'auteur a tiré une série de tableaux qu'on qualifierait d'inoubliables s'ils ne portaient pas en eux l'ambiguïté du souvenir. Ils ne surgissent en effet jamais sans conséquence, que l'on projette un vieux film de famille, que l'on évoque le sang donné à boire ou que l'on rie quand la vieille dame menace ses petits-fils de ses grosses fesses noires. Une enfance est ainsi recomposée, l'art de Normand de Bellefeuille consistant à y donner à voir les possibles visages du réel. « Qu'il s'agisse de souvenirs ou de réflexions sur des événements quotidiens, apparemment sans grande importance mais qui, si on s'y arrête quelques secondes « de trop », font basculer l'univers du côté où plus rien ne tient, la plupart de ces textes m'ont plu, plusieurs m'ont remuée et je crois que //Ce que disait Alice// est un petit livre touchant et bien écrit qu'on ne peut pas regretter avoir lu. » (Diane-Monique Daviau, //Lettres québécoises//) « Nous ne sommes pas tant dans l'exploration que dans l'affleurement : avec ces textes légers, pétillants, au style d'une incontestable modernité, de Bellefeuille montre qu'il est un nouvellier habile. » (Francine Bordeleau, //XYZ//)

 **//Le fantastique même. Une anthologie québécoise//, nouvelles de J.-P. Beaumier, B. Bergeron, R. Bourneuf, H. Corriveau, M. Dufour, D. Dussault, J. P. Girard, C. Lahaie, S. Massicotte, C. Mathieu, P. Ouellet, J. Pelchat, G. Pellerin et C. E. Yance, réunies et présentées par Claude Grégoire. Québec, L'instant même, poche, 1997, 239 pages (Nouvelles)** Si le fantastique et la nouvelle font bon ménage, c’est probablement que la brièveté de cette dernière convient parfaitement à la statégie par laquelle le récit fantastique piège le personnage. Claude Grégoire observe que depuis une dizaine d’années plusieurs des nouvellistes québécois les plus actifs ont placé leur voix dans le sillage de Kafka, certains d’entre eux offrant cependant, en contrepartie au piège, une évasion, un espace où le point de contact de l’irréel et du réel ne semble plus susciter de problème. Il nous présente ici ces auteurs qui vont et viennent aux confins de ce que l’on tient pour la réalité. Une chose est certaine, cependant : on risque de ressortir de la lecture de ce recueil avec le sentiment que, dorénavant, on sait très bien ce qu’est le fantastique ou que, du moins, on est familier avec une certaine façon de le pratiquer ici, maintenant. (Sylvie Bérard, //Lettres québécoises//) ==== 1998 ==== **Beaumier, Jean-Paul, //Dis-moi quelque chose//, Québec, L'instant même, 1998, 121 pages. (Nouvelles)** L'écriture de Jean-Paul Beaumier se voue à l'exploration de la conscience avec justesse et précision. Ces femmes, ces hommes que l'auteur rassemble dans la trame quotidienne du travail et de l'amour, nous les connaissons, nous nous reconnaissons en eux. Avec //Dis-moi quelque chose// l'auteur nous livre un recueil traversé par la tendresse. Tendresse tantôt fébrile, tantôt inquiète du père devant les questions posées par les enfants à l'heure du bain ou du conte. Tendresse grave pour l'être aimé au moment où il s'engage dans ces avenues que l'on fréquente seul. Tendresse enfin de l'écrivain pour l'être humain, avec ses faiblesses, ses manquements, ses doutes et ses angoisses, et parfois ses moments de grandeur. « Les dix-huit courtes nouvelles du recueil naviguent ainsi à travers la vie (rencontres diverses, séparations surtout, accidents de parcours...) et nous offrent des tableaux à la fois intenses et discrets de cette réalité qui fait le bonheur et surtout le malheur des hommes et des femmes. Une écriture d'une grande finesse cisèle toutes ces nouvelles. » (Michel Lord, //Lettres québécoises//) **Chaput, Sylvie, //Promenades//, Québec, L'instant même, 1998, 109 pages. (Roman)** « Ils ont été indépendantistes dans leur jeunesse et le sont restés, même si les débats politiques actuels les agacent ; ce sont des purs et durs... tièdes, à l’image des Québécois francophones dont ils soulignent plaisamment le goût pour les dualités paradoxales », observait Robert Chartrand (//Le Devoir//) à propos d’Hélène et Louis, les protagonistes de //Promenades//. Intelligents, artistes, ouverts au monde et capables de faire face aux contradictions qui semblent s’abattre sur les quadragénaires de ce pays paradoxal, ils viennent de traverser une dizaine d’années somme toute heureuses quand point la menace. Avec la délicatesse et la pudeur qui avaient ravi les lecteurs des //Cahiers d’Isabelle Forest//, Sylvie Chaput retrace la trajectoire amoureuse d’un autre couple, cette fois résolument moderne. « C’est plutôt lorsqu’il s’agit de traquer l’émotion éphémère des moments privilégiés de l’amour (comme dans les premier et dernier chapitres, très réussis), que l’écriture de Sylvie Chaput révèle véritablement toute sa force. Et c’est dans la sobriété et le raccourci que le style de l’auteure, tout comme celui de Nancy Houston, trouve son efficacité. » (Blandine Campion, //Lettres québécoises//) **Ducasse, France, //La matamata//, Québec, L'instant même, 1998, 168 pages. (Roman)** « Christophe Colomb n’a-t-il pas découvert l’Amérique alors qu’il se croyait aux Indes ? » La question qui ouvre ce roman a des allures de constat : les chemins menant à cet ici qui loge au tréfonds de soi sont parfois tortueux, imprévisibles, voire illisibles. Sur la Côte Nord se rencontrent donc, à l’envers de l’histoire qu’elle estimait déjà écrite pour elle, une Québécoise et un Indien ayant fui l’Ouganda d’Idi Amin. Revenus de tous les égarements et errances, ils s’aiment, tiennent un Couette et Café dans le Vieux-Québec, les enfants viennent en grappe, le monde qu’on croyait anéanti se reconstruit comme il y a très longtemps une tortue amazonienne, la matamata, contribua à ce que cela se fasse, que des ténèbres naisse la lumière. « Il y a, dans //La matamata//, une voix juste et belle, un imaginaire résolument original, une écriture un peu sauvage, intuitive et libre, qui cherche à percer les mystères du monde. » (Marie-Claude Fortin, //Lettres québécoises//) **//Déclarations//, nouvelles de F., Boulanger, M.-G. Cadieux, D. Champagne, O. Coyette, D. Dorais, M. Duval, G. Lambrette, Morgan, A. Pronovost, E. Roy, M. Stiénon et Y. Ziegler, Québec/Bruxelles, L'instant même/Les Éperonniers/AQWBJ, 1998, 189 pages. (Nouvelles)** Déclarations propose douze variations sur le thème de l'ouverture. Des incidents de frontière, les tribulations d'une jeune Montréalaise en Hongrie et en Pologne qui reviendra avec ses orteils en guise de talisman, le mutisme auquel on entreprend de soustraire une jeune femme, sont notamment au programme du recueil. //Déclarations// est le deuxième recueil de l'échange littéraire annuel (de 1997 à 2002) organisé par L'Agence Québec Wallonie Bruxelles pour la jeunesse. L'objectif était d'améliorer la diffusion des littératures actuelles en provenance du Québec et de Wallonie-Bruxelles. Pour participer, des jeunes auteurs âgés de 18 à 30 ans du Québec et de la Communauté française de Belgique devaient présenter une nouvelle inspirée d'un thème choisi annuellement par l'Agence ; ces six thèmes sont également le titre des publications qui réunissent les nouvelles lauréates. « [...] l'espace occupé par les lauréats, plus de cent quatre-vingts pages, s'organise dans une pluralité thématique foisonnante d'originalité et, surtout, de fraîcheur, pluralité soutenue par un fil tantôt discret, tantôt franchement explicite, celui de la déclaration. Oscillant entre l'intimité d'un aveu et le solennel de la proclamation officielle, elle manifeste sa présence dans le discours des auteurs selon l'importance de son apport au récit. » (Nicolas Tremblay, //XYZ//) ==== 1999 ==== **Corriveau, Hugues, //Le ramasseur de souffle//, Québec, L'instant même, 1999, 117 pages. (Nouvelles)** La découverte de l’obsession d’une femme depuis longtemps disparue est une expérience perturbante pour le ramasseur de souffle. Sa propre entreprise s’en trouve remise en question, l’équilibre de sa vie, menacé. À l’instar de ce pathétique monomaniaque, les personnages du recueil sont la proie de passions insensées qui trouvent à s’exercer aussi bien dans le champ de la gastronomie que dans celui de la peinture. « [...] ces quinze moments de passion dévorante deviennent, par la grâce d’une écriture jubilatoire et délicatement perverse, quinze moments de délice. » (Francine Bordeleau, //XYZ//) **Daviau, Diane-Monique, //Ma mère et Gainsbourg//, Québec, L'instant même, 1999, 184 pages. (Récit)** Quand on perd sa mère, tout disparaît, à commencer par l’inflexion particulière de la voix disant « maman » autrement que dans son absence, appelant « maman ! » dans le dénuement de la petite fille que l’on a été et que l’on reste à jamais. Le fait d’être au mitan de sa vie n’atténue pas la perte. Il faut recomposer un monde dont maman sera dorénavant absente. Si la littérature donne du sens à ce qui en apparence en paraît dépourvu – la mort –, l’écriture de Diane-Monique Daviau, belle de pudeur, y ajoute la lumière. « Pour dire cette blessure commune à bien des femmes, Diane-Monique Daviau a trouvé des mots justes et émouvants. De son récit, on ressort convaincue que la mort de la mère est l’une des expériences les plus troublantes qui soient. » (Francine Bordeleau, //La Gazette des femmes//) **Dufour, Michel, //Les chemins contraires//, Québec, L'instant même, 1999, 158 pages. (Nouvelles)** Le passage à l'âge adulte laisse parfois des séquelles aux âmes fragiles. Ainsi en est-il des personnages de ce recueil, êtres esseulés, hypersensibles, affligés d'une inextinguible nostalgie de l'enfance, secoués par les petits drames intimes qui s'abattent sur eux comme une punition - mais quelle faute ont-ils donc commise ? ==== 2000 ==== **Cloutier, Guy, //Des causes perdues//, avec des œuvres de Julius Baltazar et des calligraphies de Jean Cortot. Québec, L'instant même, 2000, 115 pages. (Nouvelles)** On s'aime, on se quitte. On se dit que tout cela est terriblement banal. Mais on souffre. Créateur des soirées « Les poètes de l'Amérique française » lors desquelles la musique et la littérature dialoguent, Guy Cloutier a poussé plus loin la rencontre des deux arts : des partitions envahissent le texte dans //Des causes perdues// - à moins que ce ne soit l'inverse. À un moment de la vie où l'on sent que tout nous échappe, il faut peut-être tenter de retrouver sa voix. **Lantagne, Suzanne, //La marche//, Québec, L'instant même, 2000, 109 pages. (Nouvelles)** Marcher, survivre sans mémoire, savoir que vous aurez fatalement oublié quelque chose au moment de partir en voyage, fuir en n’étant pas certaine que vous fuyez, deviner l’obscénité dans la langue étrangère dont l’amant vous mouille l’oreille, mais avancer, traverser, gravir, trouver une partie de soi dans la lumière du Portugal, de l’Indonésie, des états-Unis. Les personnages de Suzanne Lantagne occupent le temps comme on occupe un édifice public : le présent s’étire, s’étale, il a la voix verte et belle de ceux qui se lèvent tôt parce que dehors il y a le désert, la montagne baignée de nuages. Oui : se lever, marcher. Justification: Porosité spatiale et temporelle et reliant les deux, le déplacement, l’errance. Ce dernier est récurrent dans la production de la maison. **//Les travaux de Philocrate Bé découvreur de mots. Suivis d’une biographie d’icelui//, textes de J.-N. Blanc, R. Bourneuf, N. Dickner, V. Engel, C. Lahaie, A. Legault, C. Martin, S. Massicotte, P. Ouellet, G. Pellerin, M. Rochette, L. Saint-Martin et de membres de l’Association Guyane-Québec, Québec/Québec, L'instant même/Musée de la civilisation du Québec, 2000, 206 pages. (Nouvelles)** Un des livres les plus rigolos des dernières années : chaque auteur convié à la constitution des travaux et de la vie de l’immortel Philocrate Bé (philologue, sémioticien, ethnologue, grand aventurier, fabulateur, mauvais poète, psychologue d’occasion, séducteur impénitent et quelques autres occupations) devait fournir un néologisme bien français d’allure. Car voilà la principale activité de Philocrate : il trouve des mots – il ne fait pas que les chercher. Cela est assorti d’aventures parfois rocambolesques qui nous mèneront le lecteur de tout bord tout côté dans les méandres de la langue française – réputée universelle, on comprendra désormais pourquoi ! En sus des nouvelles attendues, on trouvera le texte d’une conférence de Bé (doublé d’une version apocryphe provenant d’un enregistrement pirate), quelques pages d’un journal intime, les révélations d’une de ses amantes, d’autres sur son passé plus que trouble (suborneur ? terroriste ? nazi ?). Une folle équipée placée à l’enseigne du plaisir. ==== 2001 ==== **Chabot, Vincent, //À l'intérieur du labyrinthe//, Québec, L'instant même, 2001, 328 pages. (Roman)** À l'automne 1207, le troubadour champenois Guyot de Provins débarque en Bretagne, chargé d'une mission secrète. L'amour l'y attend pendant que prend forme une quête d'une autre nature, celle du Graal. Mais Guyot est bientôt entraîné dans la tourmente de la croisade contre l'hérésie cathare. Sous le fer et le feu, il soutient le combat du bien et du mal pour parvenir au cœur de l'être. Les chemins qu'il emprunte sont tortueux ; un Minotaure est tapi dans l'ombre, le labyrinthe semble n'avoir plus d'issue. Mont-Saint-Michel, Chartres, Saint-Jacques-de-Compostelle, Montségur, étape par étape les symboles tombent en place. Vincent Chabot, connu pour la réussite du Maître de Chichen Itza, donne du Moyen Âge une image complexe et riche : un creuset des civilisations à l'origine de notre culture. **Dufour, Michel, //Loin des yeux du soleil//, Québec, L'instant même, 2001, 139 pages. (Roman)** Sous le nom d’Autrement, un poète – dont le seul talent sans doute est celui de tout rater – relate sa vie d’avant l’effondrement du monde : son amour pour la belle Maya ; sa relation avec Mme Sabatier ; l’apparition foudroyante de Charles Baudelaire, le jumeau, l’ange tutélaire ; le duo qu’il forme dans les couloirs du métro avec Musie, la musicienne muette et paraplégique ; puis, après l’horreur, sa rencontre avec le mystérieux Edgar Pleau. Désormais, Autrement ne conçoit plus la vie de la même façon. Mais pourra-t-il échapper à son destin ? ==== 2002 ==== **Dussault, Danielle, //L'imaginaire de l'eau//, Québec, L'instant même, 2002, 94 pages. (Roman)** Une photo de mariage, un voile qui s’envole, l’installation d’un jeune couple dans une maison isolée : le cadre est en place pour que se déploie l’imaginaire. La proximité d’eaux dormantes crée un espace de rêve – quelle que soit la signification que l’on donne à l’expression. L’esthétique de Danielle Dussault creuse un canal offert au ruissellement, à l’expansion des eaux, une zone de diffraction où la conscience est appelée à reconsidérer l’événement, le lieu, le temps. //L'imaginaire de l'eau//, son sixième titre, s'inscrit dans l'activité Livres comme l'air, événement d'importance qui jumelle un écrivain québécois à un écrivain étranger emprisonné. **//Clair-obscur//, nouvelles de A. Chrétien, D. Mees, S. Boutin, S. Thévoz, M.-È. Belzile et P. Mornac, Québec/Cour-Saint-Étienne/Bruxelles, L'instant même/Images d'Yvoires/AQWBJ, 2002, 107 pages. (Nouvelles)** Le signal est donné : « Au premier coup d'œil, le visage de l'homme m'avait paru familier. » De jeunes écrivains de la Communauté française de Belgique et du Québec se placent en retrait d'une scène à composer. La lumière ? Tantôt diffuse, tantôt latérale. Le clair-obscur dote les objets et les êtres d'une profondeur nouvelle : une jeune femme veut abandonner un amant accablant ; une jeune femme ne veut pas abandonner un homme qui pourrait ne plus être désormais qu'un dossier numéroté ; quelque chose se cache sous les lattes du plancher ; à la frontière, on est soumis à un interrogatoire ; des enfants s'amusent avec des rebuts ; cœur battant, un soldat s'approche de sa cible - des visages blêmes ! Les nouvelles de //Clair-obscur// ont en commun de marcher sur l'arête, sur le tranchant, au point de rencontre de ce qui, pour être familier, n'en est pas moins déroutant. La nuit et le jour se frottent l'un contre l'autre comme des silex. Les personnages se penchent sur ce qui jaillit. « Dehors c'est encore dedans », nous dit l'un d'entre eux. L'obscur a rendez-vous avec le clair. //Clair-obscur// est le sixième et dernier recueil de l'échange littéraire annuel (de 1997 à 2002) organisé par L'Agence Québec Wallonie Bruxelles pour la jeunesse. L'objectif était d'améliorer la diffusion des littératures actuelles en provenance du Québec et de Wallonie-Bruxelles. Pour participer, des jeunes auteurs âgés de 18 à 30 ans du Québec et de la Communauté française de Belgique devaient présenter une nouvelle inspirée d'un thème choisi annuellement par l'Agence ; ces six thèmes sont également le titre des publications qui réunissent les nouvelles lauréates. ==== 2003 ==== **Boisvert, Jean-François, //Les noces de vair//, Québec, L'instant même, 2003, 132 pages. (Nouvelles)** Un wagon de métro, un bal masqué, une chambre anonyme : le désir ne s’embarrasse guère des lieux ou des circonstances. Attisé ou tenu en laisse, il demeure le principe d’action pour les personnages des Noces de vair. Jeunes avides d’expériences nouvelles, baby boomers nostalgiques, vieillard blasé, tous cherchent à animer une existence sans relief, quitte à se satisfaire d’ersatz ou à découvrir qu’ils poursuivaient un leurre. Dans ce premier recueil, Jean-François Boisvert varie habilement les registres afin de répondre à un impératif : raconter ! **Bourneuf, Roland, //La route innombrable//, Québec, L'instant même, 2003, 168 pages. (Récits)** Un voyageur traverse des terres parfois inhospitalières, parfois douces comme l’odeur du pressoir aux soirs de vendanges : l’alternance qui rythme ce livre de Roland Bourneuf est mise en place. Les paysages, toujours si prégnants dans son œuvre, et les vestiges qui s’y accrochent, tracent une histoire du monde – monde du vert, du brun, du noir, histoire de racines, de taillis, de futaies, monde de la guerre, de l’espoir, de l’évasion. Tout se joue au point de contact entre le roc et l’humus, le sable et la racine, la terre et l’eau, l’imaginaire compact et les images de la fluidité. Un voyageur traverse l’histoire. Elle devient sienne. **Cossette, Gérard, //Le dragon borgne//, Québec, L'instant même, 2003, 174 pages. (Nouvelles)** Le regard peut parfois agir comme bouclier, par jumelles interposées. Mais on ne saurait toujours se placer en retrait. Dans //Le dragon borgne//, le regard peut aussi se montrer actif, se laisser persuader, et l'œil, devenir persuasif. Les autres sens ? Ils ne se contentent pas de faire antichambre, ils appellent à la découverte du monde, au-delà de la dune, en pleine terre, en pleine enfance et par-delà l'enfance, accumulant ce qui s'inscrira à jamais dans la mémoire du corps. La vivacité du style de Gérard Cossette permet des mises à nu, touchantes ou incisives : de là-bas on peut dire que c'est ici, d'hier que c'est aussi maintenant. Et d'une silhouette, qu'elle s'incarne, qu'elle acquiert la densité de ceux qui ont choisi de vivre et d'aimer. **Cotnoir, Louise, //Carnet américain//, Québec, L'instant même, 2003, 101 pages. (Nouvelles)** Un saxophoniste noir, un ange exterminateur revenu du Viêt-nam, un restaurateur florentin, un photographe japonais, un chauffeur de taxi russe, un jeune homme issu d'une famille nazie : il faut de tout pour faire un monde. Or il arrive que le monde soit New York, grand creuset culturel, immense fourre-tout où l'humanité a rendez-vous avec elle-même. Conjuguer son histoire personnelle au grand drame d'une ville qui s'offre en représentation permanente, c'est tout un programme en ces lieux où les mythes modernes se sont créés et sans cesse régénérés. Le second recueil de nouvelles de Louise Cotnoir loge à l'enseigne de la déambulation, les récits prenant le relais l'un de l'autre pour composer le tableau d'une ville qui tient à la fois de l'île et du continent. **//Anthologie de la nouvelle québécoise actuelle//, nouvelles de Aude, J.-P. Beaumier, B. Bergeron, R. Bourneuf, G. Brulotte, H. Corriveau, D.-M. Daviau, M. Dufour, J. P. Girard, H.-J. Greif, S. Jacob, L. Jolicœur, R. Lalonde, S. Massicotte, G. Pellerin, M. Proulx et M. J. Thériault, réunies et présentées par Gilles Pellerin, Québec, L'instant même, poche n° 19, 2003, 288 pages. (Nouvelles)** La nouvelle compte pour beaucoup dans la vitalité de la littérature québécoise des vingt dernières années. Les écrivains rassemblés ici ont marqué le genre de leur empreinte, dans une grande diversité de forme. De l'écolière inquiète qui ouvre le livre jusqu'à la femme solitaire du dernier texte, les personnages font face aux aléas de la vie. Parfois on reconnaît les travers du monde contemporain (réunions d'un conseil d'administration virant à l'absurde, passion d'une femme pour les feuilletons télévisés) ; le plus souvent, c'est la condition humaine qui est interrogée : comment traverser son enfance ? comment s'arranger de la mort ? En avant-propos Gilles Pellerin retrace le parcours dynamique de la nouvelle québécoise actuelle. ==== 2004 ==== **Ducasse, France, //La Mort ne tue personne//, Québec, L'instant même, 2004, 162 pages. (Nouvelles)** Un noyé dérivant au gré des marées : le tableau pourrait être morbide si une petite troupe d’enfants ne s’empressait de lui recréer une existence. De même ce qui s’annonçait comme un désastre écologique fournit-il à une communauté de moines étouffant sous le silence l’occasion de renouer avec le monde. Qu’elle prenne les traits d’une petite sœur ou ceux d’un amour avorté, la mort est intrinsèquement liée à la condition humaine ; aussi convient-il de l’apprivoiser, comme le suggère un vieux sculpteur à Lucas l’orphelin. Dans une prose qui conjugue le réalisme et le fabuleux, où les maisons, les arbres et les enfants sont pareillement animés, France Ducasse convie la mort à une joyeuse célébration de la vie. **Dufour, Michel, //L'inconnu dans la voiture rouge//, Québec, L'instant même, 2004, 138 pages. (Roman)** Prisonnier de la tourmente familiale, Victor vieillit trop vite pour son âge. Seules ses rêveries parviennent parfois à l’isoler de la violence de son beau-père, à lui procurer un peu de bien-être. Réfugié au fond d’un puits abandonné, il tente d’ordonner sa vie. Son esprit oscille entre l’imaginaire positif et la douleur intime des cauchemars. Pour Victor, la mise à l’épreuve des remparts de l’enfance ne fait que commencer... Fidèle artisan de la nouvelle - il a publié quatre recueils dont l’un, //Les chemins contraires//, lui a valu le prix Adrienne-Choquette -, Michel Dufour donne un second roman ancré dans un réalisme incisif. L’expérience du drame humain que tous ses livres traduisent est ici confiée par la voix tantôt naïve, tantôt lucide, d’un enfant pour qui la fantasmagorie est l’expression de la survie. **//L'atelier des apparences//, nouvelles de B. Bergeron, R. Bourneuf, E. Croft, G. Pellerin, M. Rochette, J.-S. Trudel et L. Vekeman, sur des œuvres de Paul Béliveau, Québec, L'instant même, 2004, 92 pages, 15 planches couleur. (Nouvelles)** Les tableaux de Paul Béliveau sont dotés d'une formidable puissance évocatrice. Sept écrivains, Bertrand Bergeron, Roland Bourneuf, Esther Croft, Gilles Pellerin, Marc Rochette, Jean-Sébastien Trudel et Lise Vekeman laissent leurs personnages réinventer la toile. Regarder, lire : entrer dans l'atelier des apparences. ==== 2005 ==== **Chartier, Jean, //La taupe. Chronique d'un référendum. Acte 1 : Les américains à Québec//, Québec, L'instant même, 2005, 336 pages. (Roman)** Du référendum de 1995 nous connaissons ce que les médias ont rapporté. Or des faits ont été passés sous silence, apprenons-nous progressivement, et leur importance a été primordiale, compte tenu de la mince marge qui aura séparé le OUI du NON le soir du 30 octobre de cette année marquante dans notre histoire. La taupe s’amorce au moment où Frédéric Chevalier et Miguel Cortès s’engagent dans l’équipe à laquelle le gouvernement du Québec a confié le soin d’évaluer les coûts d’accession à l’indépendance. Les deux compères redoutent de vivre un nouveau chapitre de l’histoire de la dépossession que le pays à venir semble revivre sans arrêt depuis la Conquête. Que reste-t-il en effet du Montréal d’avant les marchands britanniques ? Nos racines françaises peuvent-elles survivre dans les institutions canadiennes ? Et si le péril était dans les lieux mêmes où se concoctent les stratégies du OUI... Au gré des marées les glaces du Saint-Laurent s’entrechoquent devant Québec tandis que les parties en présence affûtent leur argumentation. Frédéric et Miguel sont devenus nos témoins. Journaliste pendant trente ans à la radio, à la télévision, pour deux quotidiens, des hebdomadaires et des mensuels, Jean Chartier est aussi docteur en littérature française. Il a connu la campagne référendaire de l’intérieur à titre de conseiller en communication à l’emploi du gouvernement du Québec. Son pari est séduisant : tisser la trame d’un roman historique à partir d’événements dont nous continuons à ressentir l’onde de choc, nous à qui il a été demandé d’envisager que le Québec se dote démocratiquement de l’autonomie politique dévolue aux États et qui assistons au spectacle quotidien de la tension entre deux gouvernements. Lecture saisissante : ce roman nous inclut ! La fiction permet un regard neuf sur les événements de l’hiver 1995. ==== 2006 ==== **Dickner, Nicolas, //L'encyclopédie du petit cercle//, Québec, L'instant même, poche n° 26, 2006 [1re éd. 2000], 120 pages. (Nouvelles)** L'encyclopédie embrasse, prétend le dictionnaire (un proche parent que l'on consulte pour ces questions), elle embrasse le cercle du savoir, s'intéresse au pergélisol du Nunatak, aux souvenirs malgaches et aux paysages nilotiques, s'en remet au puisatier comme au chamelier – il faudra boire en cours de route –, inventorie les catalogues des grands magasins montréalais aussi bien que les stèles anciennes et les cartes du ciel. Le savoir est parfois le chemin le plus long entre deux points. //L'encyclopédie du petit cercle// est un livre réjouissant, la première lettre dans la carrière de Nicolas Dickner. En attendant Gorde et Gotop à une terrasse alexandrine, inventons-lui une famille : Swift, Borges. « On navigue ici aux larges du fantastique, sans jamais accoster carrément sur ses terres. Mais avec cette écriture somptueuse, économe mais jamais sèche, avec ce ludisme érudit et cet humour discret, //L'encyclopédie du petit cercle// envoûtera le lecteur avide de dépaysement textuel. » (Stanley Péan, //La Presse//) **Herdhuin, Claude Jacqueline, //Chuchotements//, Québec, L'instant même, 2006, 120 pages. (Roman)** Un jour, j'oublierai volontairement de rentrer. Je resterai accrochée, quelque part entre Sydney et Paris, dans les bras d'un homme ou d'un autre. Au petit matin, je regarderai un corps d'homme dormir. Je le caresserai du regard, de la voix, ou de l'imagination. Peut-être ses mains s'égareront-elles sur mon sexe. Peut-être ses yeux me parleront-ils. Peut-être me libérerai-je de cette boule de colère qui habite mon ventre. Paris, Sydney, Téhéran, Montréal, Alger : pour la narratrice de //Chuchotements//, ces lieux sont imprégnés du souvenir d'un homme, de son odeur, sa voix, sa chaleur, ou sa cruauté. Pour que la colère qui menace de la détruire éclate et fasse enfin place à l'amour, elle doit revivre dans toute leur crudité les scènes cristallisées autour de la blessure originelle. Dans ce premier roman, Claude Jacqueline Herdhuin pratique une stylistique concise qui n'est pas sans lien avec le langage cinématographique. Les évocations sont actualisées dans une phrase brève, rapide, parfois nominale. Chaque scène va droit à l'essentiel, à l'intensité de l'émotion, dite autant par le corps de la narratrice que par les mots de la narration. Justification: Il paraît y avoir une faible porosité des connaissances. Il faudrait se demander si l’auteur utilise le langage cinématographique à cause de l’instantanée du message. ==== 2007 ==== **Bastien, Marie-Josée, //La librairie//, avec un guide d'exploration de Jean Pelletier, Québec, L'instant même, « L'instant scène », 2007, 90 pages, ill. (Théâtre)** Une jeune femme décide de relancer une librairie de quartier, qui se révèle hantée par le fantôme de l'ancien propriétaire. La libraire contribuera à libérer le fantôme d'une histoire d'amour irrésolue en parvenant à surmonter sa timidité et à déclarer ses sentiments à son voisin le chocolatier. Que le texte de La librairie soit enfin publié réjouira les enseignants : ils connaissent l'effet de la pièce sur les enfants. Ils disposeront en outre d'un bref guide d'exploration de l'œuvre proposant des activités à mener avant et après la représentation. **Charuest, Lyse, //Marcher sur l'eau//, Québec, L'instant même, 2007, 198 pages. (Roman)** Dans ses pensées, le temps se déroulait comme un rouleau de soie sur lequel, en quelques traits d’encre noire, des souvenirs s’étaient imprimés : l’escalier du moulin à farine, la roue à godets qui tourne et grince, ses larmes d’enfant à la mort de son père. Sur le promontoire, la maison aux deux tourelles ; debout sur la véranda de bois, sa mère en deuil, ses quatre sœurs formant rempart. Sur le rivage de l’anse, des gamins le poursuivant jusqu’à son refuge de la pointe aux Hirondelles. À marée basse, sa sœur Marie-Louise traversant à gué la rivière sauvage, lui apportant papiers, pinceaux et couleurs. Aujourd’hui, au mitan de la soixantaine, Gabriel contemplait cette peinture du passé par-dessus l’épaule des continents et des océans qu’il avait traversés. Le temps et la distance avaient atténué sa rancœur. À l’automne 1938, rompant avec trente années d’exil en Chine, le peintre Gabriel Bélanger remonte le cours du fleuve pour faire la paix avec son passé. Lors de sa naissance, en 1873, rien ne va plus au manoir de la Grande Anse, un village du Bas-Saint-Laurent. Le maître des lieux dilapide la fortune de sa famille. La passion qu’il éprouve pour la belle Lucienne Joffre entraînera dans son sillage les femmes de son paysage romantique : Marie-Berthe, l’épouse trompée, ainsi que Joséphine et Clara Bourgault, deux sœurs à l’emploi des Bélanger. Gabriel retrouvera ces dernières, mais pourra-t-il briser le pacte du silence qu’elles ont jadis conclu ? Jouant sur deux tableaux, Lyse Charuest recrée le Québec rural de la fin du XIXe siècle et celui qui veut naître à l’aube de la modernité et du bouleversement mondial de la Deuxième Guerre. Tout au plaisir de la création, la romancière écrit comme si elle maniait un pinceau chinois, le geste inventant la forme. « La romancière, qui semble issue d'un vivre indissociable de la littérature et de la peinture, a poli pendant sept ans ce premier roman féministe et social, porté par une érudition légère et un sens narratif impressionnant. » Suzanne Giguère,// Le Devoir//, 17 novembre 2007. **Dussault, Danielle, //Salamandres//, Québec, L'instant même, 2007, 96 pages. (Roman)** - ==== 2008 ==== **Chrétien, Annie, //La volière//, Québec, L'instant même, 2008, 150 pages. (Roman)** Sa femme fumait-elle ? Comme le reste, elle était devenue une accoutumance ; le traducteur oubliait de se rendre compte de sa présence. Il lui parlait, l'embrassait, faisait bien pire encore, sans vraiment porter attention à elle. Absent. Craignant d'en être à sa toute première crise d'amnésie, il tira une bouffée avec méfiance. Aucun malaise, pas de nausée. D'abord un nain, clown jaune ayant passé une mauvaise nuit. Puis la promesse que clame un prospectus : « Pour devenir riche, vous n'avez qu'à savoir mon nom ! » Être riche, voilà qui permettrait à un traducteur convaincu de s'être trompé sur tout, sa femme en particulier, d'enfin devenir quelqu'un. Et d'écrire le livre dont il rêve depuis si longtemps. « Écrire. Devenir autre chose. Abandonner l'idée du passé. » Mais voilà, incapable de ne pas croire au désastre, « le traducteur ne se mettrait jamais vraiment à l'écriture de son roman tant qu'il ne saurait pas s'il était veuf ou séparé, cocu ou assassin, bourreau ou victime ». Roman de l'absurde, fable pour adulte à l'ère des travailleurs autonomes, le premier roman d'Annie Chrétien se déroule au rythme de l'angoisse fébrile d'un homme placé en état de siège par des hypothèses fumeuses et un travail qu'il ne comprend guère. **Corbeil, Guillaume, //L'art de la fugue//, Québec, L'instant même, 2008, 147 pages. (Nouvelles)** J'aurais voulu partir et être le spectateur de mon propre départ, pour me regarder disparaître à l'horizon, debout sur le quai de la gare et en même temps assis dans le train, pour me voir rapetisser à mesure que le train s'éloignerait, jusqu'à me perdre de vue et disparaître, trop loin. L'art de la fugue tient notamment de la répétition : les auditeurs prennent plaisir à la réapparition du sujet originel, la relance des voix, les modifications de texture qu'elles permettent, ainsi qu'aux subtiles inversions du contre-sujet. Chez Guillaume Corbeil, la fuite se confond volontiers à la poursuite : il n'est pas toujours possible de distinguer ce qui est devant de ce qui est derrière. Cherchant à se semer eux-mêmes, les personnages n'arrivent parfois qu'à revenir sur leurs pas et à se glisser dans des phrases familières. Les lecteurs prendront plaisir à la réapparition des motifs, aux échos diffractés, au jeu du mensonge et de la vérité qu'ils permettent.// L'art de la fugue// tient en haleine. **Daviau, Diane-Monique, //Dessins à la plume suivi de Histoires entre quatre murs//, Québec, L'instant même, poche n° 29, 2008 [1res éd. 1979,1981], 286 pages. (Nouvelles)** « Quand je suis seul, comme ça, entre les quatre murs, parfois j'ai peur ou je m'ennuie. Mais chaque fois que tu me racontes l'histoire de la chambre, dit-il en tirant la courtepointe jusque sous son menton, on dirait que la chambre est pleine de monde, et je me sens bien dans mon lit. » Enchantement, raffinement, charme de petits poèmes en prose... Voilà ce qu'on a dit des nouvelles de Diane-Monique Daviau lors de la parution de ses deux premiers recueils au tournant des années 1980. Et ce qu'on dira encore aujourd'hui à l'occasion de leur réédition très attendue. Dans ces textes fondateurs, marqués par une intense sensibilité au monde, se trouvent d'emblée les thèmes et variations chers à l'auteure : les mots, leurs jeux étonnants et leurs fêtes magiques ; la langue, son large territoire de liberté et la perception aiguisée que procure sa maîtrise ; l'écriture, ses dessins énigmatiques, ses instruments précieux et la vitalité de ses mouvements. Entre parole et silence, au plus intime du Moi ou dans la périphérie d'Autrui, vont et viennent l'anodin et le singulier, le réel et le rêve, l'enfance et l'âge adulte, l'amour et la solitude. Comme le souligne en préface Michel Lord, dans l'œuvre nouvellière de Daviau, tout malheur a sa source dans la difficulté de communiquer. Mais lorsque la parole exulte, l'écriture ouvre la voie au bonheur. **//Aquitaine Québec, je me souviens//, textes de S. Airoldi, S. Avon, C. Beausoleil, S. Benson, A. Berthiaume, C. Bourgeyx, C. Chambard, J.-F.Chassay, G. Cloutier, M. Cosnay, J.-L. Coudray, F. Ducasse, P. Girard, H.-J. Greif, M. Lefebvre, G. Pellerin, A. Ricard, M. Rochette et A. Roux, Bordeaux/Québec/Bordeaux, Le Castor Astral/L'instant même/Lettres du monde, 2008, 176 pages. (Il n’y a pas de mention générique)** Placé sous le signe de la rencontre, ce livre est destiné à fêter le 400e anniversaire de la fondation de la ville de Québec. À cette occasion, il salue les liens entretenus depuis fort longtemps entre l'Aquitaine et le Québec. Fruit des échanges entre deux éditeurs - l'un aquitain, Le Castor Astral ; l'autre québécois, L'instant même - et l'association Lettres du monde, ce livre marque la rencontre entre des écrivains dont les textes réunis formeraient une utopique communauté littéraire entre l'Aquitaine et le Québec. Chacun des auteurs puise son inspiration dans ses souvenirs et dans la devise de la ville de Québec, Je me souviens. Je me souviens... de l'Aquitaine... du Québec..., de l'Aquitaine et du Québec, Je me souviens... Selon de subtiles variations s'enchaînent alors poèmes ou proses poétiques, nouvelles, visites, promenades, récits d'une enfance ou d'une adolescence, fantaisies inspirées... Les dix-neuf contributions composant ce recueil sont pour la plupart des créations originales, d'autres étant extraites d'œuvres déjà publiées. Autant de croisements a priori improbables et pourtant bien partagés par dix-neuf écrivains d'ici et de là-bas. ==== 2009 ==== **Blais, François, //Iphigénie en Haute-Ville//, Québec, L'instant même, livre numérique PDF, 2011 [1re éd. 2009], 204 pages. (Roman)** L’histoire que nous nous proposons de raconter dans ces pages est celle d’un couple. En conséquence, elle finira mal. Tout ce long préambule pour que tu te résignes à cette idée, pour que tu ne te sentes pas floué à la fin, que tu ne maudisses pas l’auteur qui, d’ailleurs, est plutôt chroniqueur servile puisqu’elle est, cette histoire, authentique à 100%. Toute ressemblance avec des personnes vivantes ou décédées serait dans l’ordre des choses, je le jure sur la Bible, sur le Coran, sur les Védas, sur le bouquin que tu veux. C’est l’histoire d’un couple, donc. Le garçon s’appelle Érostate, la fille s’appelle Iphigénie. Ça se passe à Québec. D’une beuverie, Érostate, jeune homme tout ce qu’il y a de plus québécois, ne se rappelle qu’un graffiti lu dans des toilettes publiques, vantant certaines mérites d’une intrigante Iphigénie, numéro de téléphone fourni. Ça ne coûte qu’un coup de fil, après tout, pour voir de quoi il retourne de cette charmante personne. Enfin, voir n’est peut-être pas le mot approprié dans les circonstances: la jeune fille s’apprête à passer les vacances d’été à Grand-Mère. Loin des yeux, loin du coeur? On est à l’époque d’Internet: la Mauricie, la littérature russe, les fabliaux qu’on s’échange sur le ton de la connivence, le traité d’ésotérisme qu’on se propose d’écrire à quatre mains, tout est possible! La connivence se déguise en séduction, on en veut un peu plus. Mais que veut-on, au juste? François Blais signe comme première oeuvre l’un des romans les plus réjouissants des dernières années, une faintaisie de tous les instants. Un livre vivifiant, lancé par le postulat suivant : « Certaines idées, bien qu’excellentes dans leurs énoncés, échouent de façon spectaculaire au test de la réalité. » La réalité d’Iphigéne en Haute-Ville? Allez-y voir… **Bourneuf, Roland, //L'ammonite//, Québec, L'instant même, 2009, 234 pages. (Récit)** J'ai vécu longtemps frileux et inquiet. Maintenant que je suis sur les routes, souvent la peur m'empoigne, qui est celle du vide. Le refuge, temporaire, je le cherche alors dans une halte minable au bord d'une route, un travail quelconque, le lit d'une femme, le bavardage avec des roulants de mon espèce ou des sédentaires bien plantés sur leurs jambes. Le temps de remonter à la surface. Je me chauffe un peu auprès des autres humains, je cherche à savoir comment ceux-là vivent que je quitterai le lendemain. Il m'arrive même de suivre des inconnus, simplement pour savoir où ils vont, qui ils sont, ou de me mêler à des foules dans les rues, sur les marchés, dans les gares, sur les places où l'on fête et flâne. Un coffret déniché chez un antiquaire, des figurines, il n'en faut pas davantage pour lancer Arnaud Bermane dans le récit de ceux qui forment sa famille. Papa, maman : un propriétaire terrien qui a épousé une jeune fille de belle souche. Un frère rebelle, un grand-père âpre au gain. Des cousins : un exemplaire saint-cyrien et un fantasque explorateur. La table est mise pour que défilent de larges pans de l'histoire de France, la France des petites gens, celle des illusions, mais aussi celle de la guerre, des guerres. Les temps s'apaisent, l'appel de la route devient plus fort que tout, Arnaud s'y engage, dans une solitude à la fois désirée et rebutante, noircissant des carnets dans l'espoir que sa fille, jamais connue, les découvre. L'ammonite du titre fait figure de talisman, car la tradition peut paralyser (« Je portais le poids des choses apprises », déclare Arnaud). Surtout elle dessine une spirale sur la laquelle Roland Bourneuf dépose un récit enchaînant les réflexions les unes aux autres, au milieu duquel les lecteurs qu'avait séduits //Pierres de touche// (prix Victor-Barbeau de l'essai en 2008) se trouveront en terrain connu. « [...] //L'ammonite// tient plus précisément du journal, du roman dit intérieur et même en partie du roman d'aventures [...] fort bien ficelé, où l'on apprécie l'efficace équilibre entre l'onirisme des souvenirs et le réalisme brut de la matière convoquée. [...] Il faut lire lentement ce livre pour en savourer toute la savante simplicité et en apprécier en même temps la noble portée. » (Jean-Guy Hudon, //Nuit blanche//.) « L'auteur ramène à la vie ces oubliés de l'histoire. Un monde qui ne peut survivre que dans la mémoire et les souvenirs. À la lecture de //L'ammonite//, j'ai souvent pensé à Marie Rouanet, cette écrivaine admirable qui a su si bien cultiver l'art de la mémoire. Roland Bourneuf est de cette lignée. » (Yvon Paré, //Lettres québécoises//.)
 **Ducasse, France, //Valdera//, Québec, L'instant même, 2009, 252 pages. (Roman)** Ce don pour le chant, c'est le sien, elle le sait, elle pense que je lui ai volé ce talent et que je ne suis pas à ma place. Comme elle est orgueilleuse, Valderi se dit qu'elle aurait été soliste si elle avait poursuivi dans cette voie. En effet, ma sœur aurait pu devenir quelqu'un d'autre. Entre elle et moi, il y a toutes celles que nous rêvions d'incarner, divas et tragédiennes, et autant de secrets qui nous lient que d'aveux qui nous séparent. Valdera découvre que sa sœur néglige un talent qu'elle lui a toujours envié. Elle apprend donc à chanter, elle intègre même une chorale et courageusement, en dépit de son filet de voix, s'attaque au Cantique des Cantiques de Palestrina. Valdera vit enfin la vie que Valderi méritait, elle fusionne avec sa sœur et la prolonge en chantant et en ayant aussi des enfants, les enfants dont sa sœur n'a pas voulu, en leur inventant des personnages, des histoires, des jeux, des énigmes. Mais la vraie vie se moque de ses efforts de mère, de sœur et de choriste qui rêve d'harmonie. Le soir du concert, Valdera déchante. France Ducasse offre à ceux qui n'ont pas d'âge une fable moderne où l'imagination, ponctuée de musiques, de rires, de folies, d'intrigues, de secrets et de douleurs, improvise avec brio. Ce livre à la fois grave et fantaisiste doit être abordé avec tout le sérieux de l'enfant qui joue. //Valdera// « est la marque d'une liberté d'inspiration et d'invention. La vie se déverse dans la fiction, la fiction dans la vie, les deux se mélangent, se transforment. Comme si la romancière considérait la vie et l'écriture comme un jeu sans fin et regardait vivre, au milieu du vertige, ses personnages. » (Suzanne Giguère, //Le Devoir//) « Rares sont les histoires qui transpirent le plaisir à ce point, qui transfigurent, en quelque sorte, même la mort de certains protagonistes. Tout y est investi dans une sorte de déferlement de l'imaginaire, d'un jeu amoureux qui relance les personnages d'aventure en passion. [...] Ce n'est donc pas sans poésie que se déroule cette histoire et c'est heureux, et c'est jouissif. Roman à lire, vraiment, pour sa magie et la folie douce de ses dérapages imaginaires. » (Hugues Corriveau, //Lettres québécoises//) ==== 2010 ==== **Blais, François, //Vie d'Anne-Sophie Bonenfant//, Québec, L'instant même, livre numérique PDF, 2010 [1re éd. 2009], 246 pages.** Les biographies ont la cote en librairie, mais ce n'est pas la raison pour laquelle un jeune écrivain est amené à entreprendre celle d'Anne-Sophie Bonenfant, en espérant que, le jour où elle sera célèbre, quelqu'un se penchera sur ses modestes travaux. En effet, pour le moment, il s'agit d'une parfaite inconnue, plutôt imparfaite à vrai dire, mais jolie, belle, magnifique, irrésistible, intelligente, douée, spirituelle. Comme notre timide écrivain aime bien cadrer son travail, au besoin se rappeler à l'ordre, le chat sort du sac : l'entreprise lui permet de côtoyer la belle, rencontrée lors d'une séance de signature, dans l'espoir que...

Dès l'entrée en matière, il est clair qu'on se trouve engagé dans du pur François Blais, celui d'//Iphigénie en Haute-Ville//, Nous autres ça compte pas et //Le Vengeur masqué contre les hommes-perchaudes de la Lune//. La fluidité du récit, la prose vivifiante, l'art de la saillie, un sens appuyé et comique de l'autocritique, l'honnête mauvaise foi des personnages concourent au plaisir dans cet univers où tout est trop beau pour être vrai et assez vrai pour être beau. **Bureau, Luc, //Il faut me prendre aux maux//, Québec, L'instant même, 2010, 180 pages. (Récits)** Inutile d'essayer de départager la réalité de la fiction, le vrai du faux, le vécu du non-vécu dans les tableaux qui suivent, car tout y est vrai, et tout y est faux pourvu que l'on accepte le principe que les mots propagent indifféremment la vérité et le mensonge, la réalité et la fiction. En bout de piste, ce sont les mots qui nous inventent, qui nous engendrent. Mais pour la suite des choses, il est plus juste de dire que ce sont les maux qui nous créent. Endurer un lumbago, subir les aléas d'une double vie d'universitaire paysan, déjouer une espionne tchèque, goûter à la « diablerie scélérate » d'un collègue, soutenir une thèse au Minnesota, chercher une serpillière à Paris, dîner dans l'obscurité totale : faisant preuve d'un humour goguenard, Luc Bureau s'amuse de ses déconvenues quand tel est pris qui croyait prendre. À partir de quatorze mots, définis dans un esprit encyclopédique, le plus littéraire de nos géographes se console d'autant de maux puisés dans le « vaste souffroir » de la vie, et en tire une sagesse à quatre sous : « L'homme est un animal qui perd la tête quand le dos lui fait mal. » Auteur entre autres des ouvrages //Terra Erotica// et //Mots d'ailleurs//, Luc Bureau révèle un indéniable sens du récit dont tout lecteur fera son miel. « Avec une naïveté métissée d'autodérision, l'esprit malicieux de l'auteur se profile à chaque page. L'ensemble forme un collage pétillant et astucieux. Un livre réjouissant qui semble avoir été écrit par un brillant causeur. » (Ginette Bernatchez, //Québec français//.) « Esprit vif et narquois, piqué d'un humour constant et d'une autodérision qui fonctionne sans défaillir, Luc Bureau enfile, dans une langue riche et vivante, une quinzaine de récits qui nous feront rire et réfléchir. » (Christian Desmeules, //Le Devoir//.)

 ==== 2011 ==== **Beaumier, Jean-Paul, //Trompeuses, comme toujours//, Québec, L'instant même, livre numérique PDF, 2011 [1re éd. 2006], 126 pages. (Nouvelles)** Ce jour-là. Il s’en souvient, sa mère lui avait souri en lui tendant la dernière carte qu’il lui avait expédiée, une vue de la terrasse du parc Gaël surplombant la ville. Il n’avait pu s’empêcher de la retourner pour lire ce qu’il avait écrit : Bonjour à vous deux, j’espère que vous allez bien. Ici, le temps est magnifique, les gens courtois et le vin fort agréable. Je vous embrasse. J.B. Elle lui en tendit une autre, postée de Dublin, puis encore une autre de Washington, d’Athènes, de Sarajevo, de Lisbonne. De lire ainsi le même message en rafale lui avait fait une curieuse impression. Comme si tous les déplacements qu’il avait effectués au cours des ans s’étaient brusquement condensés dans une même fuite, comme si tous les lieux avaient soudainement perdu leur consistance, leur sens. S’il est parfois possible de s’aventurer sans trop de risque de l’autre côté du décor, la traversée des apparences semble plus périlleuse, à en juger par le sort réservé aux personnages de ces dix-sept nouvelles. Que l’écran s’apparente aux rituels a priori les plus anodins, à la surface projective d’une petite annonce, à la déclinaison maniaque d’un savoir fossilisé; qu’il prenne la forme d’une fenêtre d’ordinateur ou les règles du quotidien, voir les fondations d’une vie. De faire émerger la conscience…alors qu’il serait si confortable de rester dans l’illusion. Comme « en passant », et mine de rien, Jean-Paul Beaumier nous convie à une réflexion sur la nature souvent trompeuse des apparences. **Blais, François, //La nuit des morts-vivants//, Québec, L'instant même, 2011, 174 pages. (Roman)** Un jour qu'il faisait très froid, des porcs-épics se serrèrent étroitement pour se tenir chaud. Mais bientôt ils sentirent réciproquement les effets de leurs piquants, ce qui les éloigna de nouveau les uns des autres. Chaque fois que le besoin de se réchauffer les rapprochait, ce second inconvénient se reproduisait, de sorte qu'ils allaient et venaient entre les deux maux jusqu'à ce qu'ils eussent trouvé entre eux un éloignement modéré. Selon Pavel, la métaphore de Schopenhauer s'applique parfaitement à sa vie sentimentale ; quant à Molie, elle se range elle-même dans la catégorie des porcs-épics non frileux. Pavel et Molie vivent la nuit, le premier en raison de son emploi, la seconde parce qu'elle est plutôt asociale. Ils habitent tous deux Grand-Mère, ont fait partie de la même cohorte de finissants du secondaire, ils louent les mêmes films d'horreur au même club vidéo et lisent le même exemplaire d'un roman de George Eliot, mais ne se croisent jamais. Les âmes sœurs, en effet, tombent rarement l'une sur l'autre au coin de la rue. D'ailleurs, qui croit à l'âme sœur de nos jours ? Dans son cinquième roman, François Blais nous lance de nouveau sur la piste d'un duo, éminemment réaliste et savoureusement fictif. On y reconnaît son sens aigu du dialogue et du métissage de tons, cette habileté à raconter qui emporte et captive. Surtout, on y retrouve le pur plaisir du récit, qui s'alimente de la plus infime circonstance. Avec délectation. « Les romanciers pouvant passer du subjonctif imparfait au joual ou citer Schopenhauer et Hannah Montana dans la même page sont des oiseaux rares. François Blais est de ceux-là. Il pratique ce qu'il appelle le « métissage de tons », et il le fait avec intelligence et brio... François Blais a écrit un roman résolument rivé sur son époque, dont il a su dégager l'improbable poésie. La monotonie n'a jamais été aussi trépidante. » (Patrick Bergeron, //Nuit blanche//.) **@Centquarante (Jean-Michel Le Blanc), //Le compte des mille et un tweets//, Québec, L'instant même, 2011, 176 pages (Récits)** L'auteur présente 1 001 tweets, c'est-à-dire courts textes d'exactement 140 caractères, initialement prévus dans un échange avec des internautes. Comme le suggère le titre, ces textes sont autant de petites histoires dont un certain nombre mettent en scène les relations amoureuses. Il se dégage de l'ensemble l'impression que les individus vivent d'immenses malentendus. L'auteur met à profit le calembour comme déclencheur dramatique de ces minuscules drames. Des drames souvent féroces ! **Desmeules, Georges, //Le projet Syracuse. Vie et mort de Wolf Habermann (1985 ? - 1979 ?), mathématicien, philologue, amateur de baseball et soi-disant conspirateur//, Québec, L'instant même, livre numérique PDF, 2011 [1re éd. 2008], 248 pages (Roman)** Les sports nationaux remplacent la liturgie. Ils enseignent l'appartenance à un groupe tout autant que la stratégie, la croyance en une deuxième saison, une seconde vie après celle que l'on nomme saison régulière, comme si le paradis ne pouvait être « régulier ». Si les équipes qui participent aux séries éliminatoires au baseball sont peu nombreuses, c'est bien la preuve que le sport national américain est pratiqué par des protestants et des puritains. Alors que la menace de conflit se précise, un espion d'Hitler conçoit un système mathématique à double équation destiné à détourner les scientifiques américains des enjeux militaires de l'heure. La Seconde Guerre mondiale ayant mal tourné, Wolf Habermann, s'installe aux Etats-Unis sous une nouvelle identité, fasciné par le baseball, en quoi il voit l'essence profonde de l'Amérique (ce qui ne l'empêche pas de se pencher sur la signification du football...). Ses pérégrinations le mettront en contact avec des mathématiciens, un journaliste mystérieux, une secte ésotérique d'amateurs de baseball, un joueur nain et un astucieux propriétaire d'équipe. Georges Desmeules a imaginé une intrigue policière dont le rythme rappelle le déroulement d'un match de baseball : une action qui flotte au milieu d'éventualités, de délires statistiques, de règles en apparence absconses, mais qui revêtent aux yeux des amateurs une signification profonde. Guerre de Sécession, puritanisme, protestantisme, histoire romaine, mythe du bouc émissaire, orientation du losange, cartographie de l'Amérique : tout y passe dans ce sport où il est censé ne rien se passer. **//Vingt-cinq ans de nouvelles. Une anthologie québécoise//, nouvelles de Jean-Paul Beaumier, Bertrand Bergeron, Roland Bourneuf, Guy Cloutier, Guillaume Corbeil, Hugues Corriveau, Louise Cotnoir, Diane-Monique Daviau, Normand de Bellefeuille, Camille Deslauriers, Nicolas Dickner, David Dorais, Michel Dufour, Danielle Dussault, Éric Fourlanty, Jean Pierre Girard, Marie-Pascale Huglo, Natalie Jean, Louis Jolicœur, Stéphanie Kaufmann, Christiane Lahaie, Anne Legault, Marie Claude Malenfant, Claire Martin, Sylvie Massicotte, Gilles Pellerin, Pascale Quiviger, Marc Rochette, Lori Saint Martin, Claude-Emmanuelle Yance et Pierre Yergeau, rassemblées et présentées par Philippe Mottet et Gilles Pellerin, avant-propos de Philippe Mottet. Québec, L'instant même, poche n° 33, 2011, 318 pages. (Nouvelles)** Depuis sa fondation en 1986, L'instant même a publié cent cinquante recueils de nouvelles, l'équivalent d'un recueil tous les deux mois. Prolifique pendant ces vingt-cinq ans, le « petit genre » a imposé des qualités stylistiques et esthétiques qu'on peut mesurer à la faveur du présent regroupement par lustres. Les trente et une nouvelles retenues, — qu'elles jouent d'astuce narrative dans le registre fantastique ou racontent avec sobriété en mode réaliste — s'intéressent au décret du hasard et aux rencontres furtives, au mal de vivre des adolescents et à la tendresse des amants, aux réminiscences d'enfance et aux champs magnétiques de l'imagination. Bref, ce florilège de nouvelles témoigne de l'aventure audacieuse du premier quart de siècle des éditions de L'instant même. ==== 2012 ==== **Blais, François, //Document 1//, Québec, L'instant même, 2012, 182 pages. (Roman)** Faire du tourisme en pantoufles convenait parfaitement à notre nature. Les fois où on se disait que ça serait cool de partir pour vrai, de sentir sur notre peau le vent de Pimplico, de magasiner au centre-ville de Happyland, de se faire des amis à Dirty Butter Creek, on savait tous les deux que ça n'était que du pétage de broue sans conséquence, d'ailleurs on prenait soin d'ajouter : « quand ça nous adonnera » ou « quand on aura les moyens ». Aussi bien dire jamais. Tess et Jude sont passés maîtres dans l'art du voyage virtuel. Un jour, l'idée de faire des Jack Kerouac d'eux-mêmes s'impose. Tess travaille au Subway, Jude est prestataire de l'aide sociale ; ils conviennent que rédiger le récit de leur expédition est l'unique moyen de la financer. Tess s'abreuve aux enseignements d'un gourou des lettres et tire les ficelles auprès d'un amoureux transi, auteur de romans abscons, afin d'obtenir une subvention du gouvernement. Le duo quittera-t-il enfin Grand-Mère à bord de sa Monte Carlo 2003 jaune pour sillonner les routes jusqu'à Bird-in-Hand, en Pennsylvanie ? Après l'échange épistolaire (//Iphigénie en Haute-Ville//), la biographie (//Vie d'Anne-Sophie Bonenfant//) et le journal intime (//La nuit des morts-vivants//), François Blais renouvelle le récit de voyage, le métamorphosant en chronique réjouissante, émaillée de dialogues savoureux. L'auteur s'amuse ferme — l'ironie sostenuto — du factice et de l'insolite projetés par l'écran d'ordinateur, alors qu'il sait, à l'instar de Schopenhauer, que l'entreprise est vaine et que le présent des personnages n'est qu'un point immobile dans un labyrinthe. « Il y a une ironie, un mordant, un humour là-dedans que je trouve assez unique au Québec. C'est un délice. » (Catherine Lachaussée, Radio-Canada / //Retour sur le monde//) « Évidemment, on sait donc déjà comment ça va se terminer. Ce nouveau roman de François Blais ressemble beaucoup aux autres. Et on s'en fout royalement. On rit. On rit comme on ne rit jamais assez en lisant un roman. Tess et Jude sont irrévérencieux, allumés, critiques. Ils sont attachants. Ils sont drôle, le ton est juste, ça coule. Ils ne feront jamais rien, ces deux-là. Même dans un prochain roman. Mais qu'est-ce qu'on s'en fout. Est-ce qu'on vous a dit qu'on les aime d'amour ? » (Bryan St-Louis. //CKIA, Épilogue//) « Vous aurez deviné que ce livre est un délice, comme les précédents. La narration coule de source, le lecteur est mis à contribution, l'humour se fait encore plus incisif qu'auparavant, la critique du monde de l'édition est si désopilante (et juste) que vous croyez avoir la berlue. (Hans-Jürgen Greif, //Québec français//)
 **Blais, François, //Nous autres ça compte pas//, Québec, L'instant même, livre numérique ePub, 2012 [1re éd. 2007], 180 pages. (Roman)** Lui, c'est Mitia, elle : Arsène. Les personnages de François Blais, n'ont rien de banal, à commencer par le nom. Ces deux-là vivent de l'air du temps, qui serait moins cher à Saint-Paulin, en Mauricie, qu'à Québec. Aussi, aidés de la mère de Mitia, une excentrique (ça va de soi), ils fuient au petit matin leur logement du quartier Saint-Roch en ayant pris soin de ne pas régler le loyer et d'avoir, la veille, fait la tournée des grands ducs. Là-bas, sur le bord d'un lac, ils découvrent que leur nouvelle maison est hantée, rien de moins. La voix narrative chez François Blais est un bonheur de tous les instants, notamment grâce à ce qu'elle suggère de mauvaise foi et de malaise social chez les deux personnages centraux. Il se creuse un léger écart entre le propos et l'action - les scènes de beuverie sont magnifiques, justes. On se sent totalement en Amérique, en littérature américaine. Lire François Blais, c’est entrer dans un récit astucieux, plein de relances, les lecteurs d’//Iphigénie en Haute-Ville// le savent bien. C’est aussi se laisser emporter par une voix narrative débordante de vitalité, un peu narquoise par moments, grâce à ce qu’elle suggère de mauvaise fois et de malaise social derrière la désinvolture apparente des deux personnages centraux. On se sent totalement en Amérique, en littérature américaine. **Boivin, Guy et Hans-Jürgen Greif, //La bonbonnière//, Québec, L'instant même, livre numérique ePub, 2012 [1re éd. 2007], 306 pages. (Roman)** Marie-Almande, Marien, Polycarpe, Richarde : le roman de Hans-Jürgen Greif et Guy Boivin plaît dès lors que commencent à tomber, de-ci de-là, les ahurissants prénoms d'une famille québécoise dont nous suivrons la trace d'une terre de roches à la ville, du XIXe siècle à maintenant. Génération après génération, la tribu redoute que ne se réalise la funeste prédiction d'un aïeul doté du pouvoir de prophétie : la disparition du nom. Cette obsession compose, de portrait en portrait, de lubie en extravagance, une image de ce que fut et reste notre société, fondamentalement inquiète de sa survie. La truculence attendue (à quels phénomènes avons-nous affaire !) est rendue dans une belle et digne sobriété de tonalité : les personnages sont drôles, mais le comique de caractère ou de situation nous en révèle l'humanité plutôt que le ridicule. Rarement voit-on pareille galerie de personnages ! S'il existe une mythologie québécoise, on la trouvera ici. **Boivin, Guy et Hans-Jürgen Greif, //Le temps figé//, Québec, L'instant même, livre numérique ePub, 2012, 278 pages.** Le 1er juin 2011, j’ai entrepris la rédaction de l’histoire de ma mère, Pauline Métivier. Elle est, pour bien des gens, ce que l’on appelle « une femme ordinaire ». Comme la plupart des êtres humains, elle ne laissera pas de traces quand elle disparaîtra. En ce moment, elle dort dans une maison médicalisée de laquelle elle ne sortira pas de son vivant. Maître relieur, Denis Giroux exerce son art avec passion et respect. Depuis plusieurs années, il s'occupe de sa mère, hospitalisée dans un centre de soins de longue durée, figée dans l'attente de la mort. Lorsqu'il perd la femme qu'il aime, fauchée par un cancer fulgurant, Denis craint de perdre pied. Pour apprivoiser sa peur de l'inéluctable, il consigne patiemment le meilleur et le pire du passé familial, le restaure avec minutie comme il le ferait pour un livre abîmé, découvrant comment ses parents, ses frères, sa soeur, ses amis, et surtout son maître, ont lentement façonné son existence. Hans-Jürgen Greif et Guy Boivin, bien au fait de la réalité vécue dans les centres d'hébergement pour aînés, nous offrent ce qui fit le succès de //La bonbonnière//, des portraits savoureux et des anecdotes divertissantes, nécessaire contrepartie à la gravité de leur constat : vieillissement et quête du bonheur se cherchent et se fuient dans une vaine tentative d'empêcher le temps d'accélérer sa course. //Le temps figé// témoigne de la vitalité de femmes et d'hommes résolus à ne pas se laisser pétrifier par la peur de la mort. **Bourneuf, Roland, //Le traversier//, Québec, L'instant même, livre numérique PDF, 2012 [1re éd. 2000], 141 pages. (Nouvelles)** Thomas aurait pu marcher vers ces collines qui précédaient les plateaux de craie arides, vers les montagnes, très longtemps. Rien ne pressait, rien n’importait que ces couleurs, ces souffles lents qui partaient vers l’horizon ou le soleil qui se dégagerait des brumes. De partout la campagne s’étalait largement, et cependant Thomas ressentait une intimité de bien-être proche. Quand il redémarra, un mot surgit. Une bulle qui s’arrondit dans une flaque du ruisseau à l’abri du courant, qui s’accroche à un caillou et crève. Immortalité. Les personnages de ce quatrième recueil de nouvelles de Roland Bourneuf sont empreints de mélancolie, affligés de ce mal gris qui naît de l’immédiat, du présent étriqué. Mais ils sont tirés de leur engourdissement, sauvés par la puissance tellurique des paysages de montagnes, la troublante majesté d’une île émergeant du brouillard matinal. Le passage s’ouvre devant eux, et aussi la possibilité de renouver avec le vivant, avec ce qui était resté intact au plus profond d’eux-mêmes. On retrouvera dans Le traversier l’écriture sensible de Roland Bourneuf. Les images, les sons et les odeurs coulent de source. De sa prose généreuse, l’écrivain redit sa profonde compassion pour l’humanité, engagée dans une quête perpétuelle mais souvent obscure, conviée peut-être à sa propre rencontre. **Cavenne, Alain, //Cavoure tapi//, Québec, L'instant même, livre numérique PDF, 2012 [1re édé 2003], 321 pages. (Roman)** Une bactérie dévoreuse de pétrole pour contrer les marées noires, voilà l'objet de l'ambitieux programme de recherche d'un institut montréalais. Mais ce dernier n'est plus seul dans la course aux brevets. Des fuites surviennent, on engage discrètement Alain Cavoure pour y voir plus clair. Le détective a tôt fait de se persuader que la mort d'un des chercheurs n'est pas fortuite. Ses déductions dérangent : il est convié à une balade en forêt par deux types plus portés sur le maniement des armes que sur les plaisirs de la conversation entre adultes bien élevés. Qu'on lui tire dessus n'enlève rien à sa verve. Mais le temps presse pour qui perd son sang. Alain Cavenne a créé le personnage du détective Alain Cavoure dans //L'art discret de la filature// (Québec/Amérique). L'homme est vif, il aime les chats, il ne tient pas à mourir. **Cavenne, Alain, //La petite Marie-Louise//, Québec, L'instant même, livre numérique PDF, 2012 [1re éd. 2001], 299 pages. (Roman)** L’histoire d’amour entre un vétérinaire et une costumière passionnée de l’Italie est perturbée par tout ce qu’elle et lui ont gardé de leurs amours anciennes. Les deux personnages sont d’une exquise vérité psychologique, les tourments de l’homme (qui agit comme narrateur, ce qui nous permet de pénétrer dans l’espace du doute) s’exprimant avec un souci d’honnêteté à l’égard des sentiments de son amoureuse. Dans cette attitude loge peut-être l’un des visages les plus émouvants de l’honnête homme contemporain. **Cavenne, Alain, //Platebandes//, Québec, L'instant même, livre numérique PDF, 2012 [1re éd. 2004], 288 pages. (Roman)** La vie de Myriam Sarfati bascule lorsqu’une lettre en provenance d’Italie lui apprend qu’elle a été adoptée à sa naissance, que sa mère biologique vient de mourir en lui léguant une importante somme d’argent et qu’elle ne doit pas chercher à découvrir l’identité de son père. Une recommandation qu’elle s’empresse d’ignorer en chargeant Alain Cavoure de l’enquête. Après être passé de l’état de biologiste à celui de détective privé dans //L’art discret de la filature//, Alain Cavoure a exploré les coulisses parfois sanglantes de la course aux brevets internationaux dans// Cavoure tapi//. Le voici maintenant à piétiner des platebandes que les règles élémentaires de la prudence interdisent aux curieux, même s’ils sont inspirés par la compassion. **Corriveau, Hugues, //Autour des gares//, Québec, L'instant même, livre numérique PDF, 2012 [1re éd. 2002], 230 pages. (Nouvelles)** Trouver mille trésors, enrobés de crainte et de désir, de tentation et de remords, voilà ce à quoi convie //Autour des gares//. En compagnie de Marcel Proust, cité dans chacune des cent nouvelles du recueil, Hugues Corriveau retrouve le temps du chemin de fer, quand le bout du monde était de l'autre côté du dangereux pont ferroviaire qu'il faudrait un jour traverser par bravade, quand dans la salle des pas perdus s'énervaient les voyageurs en partance, quand les senteurs du buffet le cédaient à l'odeur incomparable du voyage. **Cotnoir, Louise, //Le cahier des villes//, Québec, L'instant même, livre numérique ePub, 2012 [1re éd. 2009], 114 pages. (Nouvelles)** Elle sait que l'Histoire se fabrique de nombreuses couches successives où le passé devient parfois une fiction. Pourquoi en serait-il autrement pour les humains ? Un jour, on devient le personnage qu'on s'est forgé. Et on s'étonne devant cette autre personne au miroir Des hommes et des femmes déambulent dans des villes étrangères, interrogent l'architecture, le paysage, confessent leur fascination pour le passage du temps, affrontent l'angoisse de la mort. Ces douze nouvelles au style sobre, précis, vrai, constituent une célébration des arts et de l'artiste, de la conscience créatrice et, surtout, de la vie. Avec //Le cahier des villes//, Louise Cotnoir clôt le troisième volet de sa //Trilogie des villes// amorcée par //La déconvenue//, consacrée à des femmes vivant à Paris, et suivie du //Carnet américain//, mettant en scène des hommes vivant à New York. « Si l'urbanité est loin de toute exubérance chez Louise Cotnoir, elle est porteuse d'une conscience de la finalité de toute chose et portée par une écriture tout en finesse. » (Michel Lord, //Lettres québécoises//.) « Extraordinaire mise en mots, en littérature, Le Cahier des villes est ainsi paysage, attente et désir d'horizon. Encore. Il est sous-tendu par une profonde confiance dans l'art, la création, l'imagination comme dimension salvatrice... » (Suzanne Giguère, //Le Devoir//.) Dans ce recueil de nouvelles d’une rare intensité, les personnages créés par Louise Cotnoir traversent les grandes villes du globe à la recherche du bonheur. Que l’on passe par Dublin, suivant en cela les pas d’une grand-mère allemande décédée il y a longtemps (« Carnet de voyage »), ou que l’on parcoure jusqu’à l’excès les cimetières avec un homme habité par le souvenir d’une pièce de Schumann (« Le cabinet de curiosités »), on ne peut résister au voyage proposé par l’auteure. Si les villes sont véritablement le lien qui unit ces nouvelles, le lieu d’ancrage ou d’origine de l’errance se trouve ailleurs : dans l’enfance de chacun des personnages. Pour un violoniste roumain (peut-être...) aux origines exotiques et romantiques, le soulagement survient grâce aux mains expertes d’une femme de ménage. Madame Pinto le dit si bien : Les hommes ont des gros chagrins, comme des enfants (« Madame Pinto, charges incluses »). De Copenhague à Vienne (cette ville qui ne se livre pas), en passant par Dachau et son immonde passé (« À Dachau, on entend la mer »), tendues entre New York et Paris, ces nouvelles illustrent à merveille ce que l’humain a d’universel. //Le cahier des villes// clôt une trilogie (//La trilogie des villes//) amorcée en 1993 avec //La déconvenue// (mention spéciale du jury au Grand prix de la nouvelle au Salon du livre du Mans, et nomination aux 1er Prix Desjardins 1994 et Alfred-DesRochers 1993). En 2003 paraissait le deuxième volet, //Carnet américain//, qui a reçu, en octobre 2003, le 2e prix au prix Alfred- DesRochers 2003 et en 2004 la mention spéciale du jury lors de l’attribution du prix Adrienne-Choquette 2004. **Daviau, Diane-Monique, //Une femme s'en va//, Québec, L'instant même, livre numérique PDF, 2012 [1re éd. 2004], 228 pages. (Roman)** Victime d’un tragique accident, une femme retourne auprès des siens, qu’elle avait soudainement quittés par une glaciale nuit de février, de nombreuses années auparavant. Chacun à sa manière, les membres de cette famille blessée mais toujours unie s’appliqueront à refaçonner une existence conditionnée par l’absence. Attentive à ce qui constitue la trame même de la vie, Diane-Monique Daviau signe un premier roman où l’alternance des voix rythme une traversée de la douleur illuminée d’espoir. Elle a déjà fait paraître cinq recueils de nouvelles remarqués et le poignant récit //Ma mère et Gainsbourg//. **Deslauriers, Camille, //Eaux troubles//, Québec, L'instant même, livre numérique ePub, 2012 [1re éd. 2011], 106 pages. (Nouvelles)** Mademoiselle Moema, arrêtez de végéter et remettez-vous au travail. « Végéter ». Moema a tout de suite adoré ce verbe. Elle en a vérifié le sens dans son dictionnaire. Et de là : végétal cellulose collodion, polymère thallophyte bactérie. Parasites. Subitement, toute la classe qui attrape des poux. Quand elle ouvre le dictionnaire, Moema y saute à pieds joints, telle une enfant dans une flaque d'eau boueuse, et elle éclabousse allègrement le réel. Moema, Émilie, Nicolas, Marc-Aurèle et les autres sont en adolescence, comme on dit en amour, en rébellion, en quête de l'inconnu. Entre un cours de français et un examen de maths, ils jettent des ponts sur l'eau trouble de leur vie : dessiner pour survivre à la disparition de son père en Afghanistan ; danser jusqu'au vertige sur le parapet du pont Jacques-Cartier pour mieux se rapprocher de sa vraie mère ; plonger dans les mots pour neutraliser la brutalité raciste. Troquer la seringue contre le violoncelle, surmonter les premières trahisons de l'amour ou choisir la dissolution totale. Troubles, les relations familiales, l'identité, l'amitié, le corps, la sexualité, l'imagination, l'avenir... « Les personnages évoluent dans un environnement a priori ordinaire, mais qui révèle au fil des pages des drames insoupçonnés. Talentueuse, Camille Deslauriers tente avec succès de rendre de façon vibrante cet univers dont la banalité n'est que façade. Force et sensibilité se dégage de ce roman. » (Source : Suzanne Ferland, //42Blog//.) **Dorais, David, //Le cabinet de curiosités//, Québec, L'instant même, livre numérique ePub, 2012 [1re éd. 2010], 228 pages. (Nouvelles)** Plus aucun magasin ouvert à cette heure. La pénombre des vitrines endormies ceignait d'un halo de mystère toutes les marchandises, même les plus banales. Chaque étalage rappelait celui d'un musée. Et que dire des objets déjà fabuleux en plein jour, qui acquéraient, dans la lueur ambrée des réverbères, un attrait fantasmatique ? David s'arrêta devant la boutique d'un antiquaire, où il avait cru voir s'animer une marionnette de démon maya, puis, un peu plus loin, devant une boutique de sous-vêtements féminins. La rue était étrangement déserte en cette nuit du mois d'août. Il faisait une chaleur torride à Montréal, et le ciel écrasait tout sous sa moiteur. Des vapeurs obscurcissaient la lune ; ce ne fut donc pas sa clarté qui tomba soudainement sur David, mais celle d'une vitrine éblouissante. Ouvrir coffre, armoire ou livre, c'est donner libre cours à l'inépuisable vitalité du fantasmagorique. L'écrivain curieux et le curieux écrivain qu'est David Dorais a rassemblé pour le lecteur une collection d'images insolites et de faits intrigants. Son musée imaginaire est hanté par une faune bigarrée : apprenti sorcier, marionnettes et automates, fœtus en bocal, Goliath guillotiné, vierge aux trois mains, maître de kung-fu manchot... Les espaces mêmes se transmuent selon une étrange alchimie : un parc d'attractions apparaît au cœur d'une montagne allemande, le sous-sol de Montréal est contrôlé par les francs-maçons, une maquette de Bruxelles devient le théâtre du monde, le parc de La Ronde met en scène une Saint-Jean apocalyptique. On retrouve dans Le cabinet de curiosités l'érudition excentrique du précédent recueil de nouvelles de David Dorais, Les cinq saisons du moine, mais aussi une gravité troublante, quand le monstrueux et l'artificiel s'unissent pour évoquer tous les drames de la vie humaine. « Les nouvelles regroupées dans //Le cabinet des curiosités// se révèlent à la hauteur du titre du recueil paru à L'instant même. David Dorais y démontre un impressionnant registre, une imagination hors du commun et une écriture envoûtante, voire spectaculaire. » (Commentaire des jurés du Prix Jacques-Brossard.) « Inventeur d'inventaires tordus, fasciné par la sexualité hors norme, déviante ou parfaitement imaginée, collectionneur patient, David Dorais nous ouvre la porte d'une toute petite pièce qui donne sur l'infini. À retenir. » (Christian Desmeules, //Le Devoir//.) « H. P. Lovercraft ou Stephen King vous ravissent ? Créatures mythologiques et autres bestiaires vous fascinent ? Allez donc donner un tour de clé dans la serrure du cabine de curiosités... » (Sylvain Sarrazin, //Entre les lignes//.) « Les lecteurs referment le livre tout en regrettant de ne pas avoir ce cabinet de curiosités sous la main. Mystérieux, intense et fort bien écrit. » (Suzanne Giguère, http://lanoraye.42blog.com.)

 Prix Jacques-Brossard, finaliste 2011 **Dorais, David, //Les cinq saisons du moine//, Québec, L'instant même, livre numérique ePub, 2012 [1re éd. 2004], 156 pages. (Nouvelles)** D'une saison à l'autre, de l'adolescence à la vieillesse, des moines sont hantés par une mystique personnelle qui les confond. L'un s'égare entre les enseignements de saint Benoît et ceux d'Ovide, l'autre prétend convoquer Dieu après avoir percé le secret de la musique des sphères ; un autre encore écume églises et monastères, de Tadoussac à Paris, à la recherche des reliques du Christ afin que celui-ci, une fois ressuscité, extermine les impies tel un Ulysse vengeur. Pour son premier livre, David Dorais renoue avec l'art du récit bref de langue française le plus ancien : ici flotte un parfum de fabliau, là jaillit une saillie matoise dans l'esprit de Boccace. Le surnaturel se déploie en toute aisance et bouscule la chronologie dans un joyeux chaos duquel jaillit la lancinante question de Dieu et de sa créature. **Ducros, Philippe, //Dissidents//, Québec, L'instant même, « L'instant scène », 2012, 90 pages. (Théâtre)** Isolé derrière une cloison de verre, un homme subit les interrogatoires de trois visiteurs : une femme, une fillette et un prétendu spécialiste des troubles du comportement. Tous cherchent à briser son silence, le poussent dans ses derniers retranchements pour lui arracher des aveux, le forcer à se justifier. Mais de quoi au juste ? Entre pitié et cruauté se succèdent dialogues de sourds, divagations, cauchemars et hallucinations. Quelle vérité peut-il en résulter ? Inspiré par les écrits sur le progrès de Ronald Wright et ceux de la militante altermondialiste Naomi Klein, Philippe Ducros se penche sur le destin d'un homme indigne et indigné, un concentré d'humanité en marge de la course effrénée au bonheur fabriqué par l'idéologie néolibérale. Prix du Gouverneur général, finaliste 2012 Prix Michel-Tremblay, finaliste 2012 Lui: Le noir. Le noir de l’eau... Non, plus gluant, plus opaque... Une vase de pétrole. Au plus profond des océans, une nappe de pétrole collante. Elle pénètre partout, dans mes narines, mes pores, mes oreilles, dans mes poumons même, les alvéoles, les bronches... Le noir partout. Le silence. Dur. Absolu. Au cœur même des profondeurs de la terre, je suis là. Quand je me réveille, quand j’émerge, je me sens remonter à la surface, m’extraire du pétrole, de son opacité, de sa densité... Et après une éternité, un peu de lumière. Je me réveille encore englué, ébloui. Je sais plus où je suis, où est le monde, en quelle année on est, et pourquoi il y a tant de lumière... Je ne sais rien. Puis je découvre que je suis ici. Que c’est réel. Que tout ça est bien arrivé. Que j’ai pas rêvé. **Ducros, Philippe, //La porte du non-retour//, Québec, L'instant même, « L'instant scène », 2012, 68 pages, 32 photos dont 24 en couleur. (Déambulatoire théâtral et photographique)** Ce texte est issu de deux voyages en Afrique. Le premier en 2008, de l'Afrique de l'Ouest, d'où sont partis les négriers, jusqu'à l'Éthiopie des grandes famines, celles qui hantaient le sommeil de mon enfance. Une descente qui aboutit au creux du désert, du vide, dans le camp de Kebribeyah où vivent seize mille réfugiés somaliens, depuis 1992 pour certains. Le deuxième voyage a eu lieu en 2010, en République démocratique du Congo, de Masina, commune délabrée en bordure de Kinshasa la débordante, jusqu'au camp de déplacés internes Mugunga 3, au Nord-Kivu, là où les conflits rivalisent encore d'horreur au pied des volcans Coincé en plein embouteillage sur le boulevard Lumumba, à Kinshasa, un homme tente de gérer le choc de ses rencontres et la violence qui l'entoure. Il revient du camp Mugunga 3, l'un des nombreux camps de déplacés internes où ont été poussées des millions de personnes depuis le début des conflits en République démocratique du Congo. Ces conflits, les plus meurtriers depuis la Deuxième Guerre mondiale, ont fait entre trois et cinq millions de morts. Le viol est épidémique, la vie ne tient à rien. De cette descente en enfer, le personnage comprend qu'il ne pourra jamais revenir tout à fait. Dans ce texte pour deux voix accompagné de photographies criantes de vérité, le dramaturge Philippe Ducros plonge au cœur des exodes d'hier à aujourd'hui, des navires négriers aux camps de réfugiés et de déplacés internes. Surgissent d'inévitables questionnements : notre inaction nous rend-elle complices des exactions commises au nom du profit ? Notre silence cautionne-t-il les atrocités subies quotidiennement par ces millions de personnes ? L'apocalypse est-elle devenue un lieu commun ? ==== 2013 ==== **Blais, François, //La classe de madame Valérie//, Québec, L'instant même, 2013, 402 pages. (Roman)** On porte toujours un masque en société, on est forcément la moyenne de ce que les autres veulent qu'on soit, de l'image qu'on souhaite projeter et de ce qu'on est en réalité. On joue ce personnage naturellement, sans y mettre aucune duplicité. Comme tout le monde, Philippe savait cela sans le savoir, du moins sans se soucier de l'énoncer. À onze ans, Philippe Châteauneuf, à l'instar de ses vingt-quatre camarades de la classe de cinquième année de Valérie Gauthier, a déjà assimilé un certain nombre de vérités concernant la vie en société. Ainsi, le premier prix du concours de costume d'Halloween est affaire de popularité davantage que d'originalité ; l'amitié est un absolu qui ne peut s'accommoder de la tiédeur ; le plaisir réside dans l'attente plus que dans la résolution, trop souvent décevante. Coralie, Joé, Marie-Élyse, Charles, Nicolas, Marie-Pier, Catherine et les autres rêvent de devenir joueur de centre pour les Canadiens, actuaire, écrivaine, concepteur de jeux vidéo, archéologue, médecin... Que reste-t-il de ces aspirations vingt ans plus tard ? François Blais compose une mosaïque à partir de fragments de vie, des fenêtres donnant accès à un personnage et à son environnement, à trois étapes cruciales : à la fin de l'enfance, à la fin de l'adolescence et à l'âge adulte. Microscosme de l'humanité, //La classe de madame Valérie// est le lieu de tous les désirs, de toutes les douleurs et de tous les espoirs. **Cloutier, Fabien, //La guerre des tuques//, Québec/Montréal, L'instant même/Dramaturges Éditeurs, « L'instant scène », 2013, 116 pages. (Théâtre)** D'un des plus fameux films pour la jeunesse de la cinématographie québécoise, Fabien Cloutier a tiré une pièce qui projette dans le proche avenir ces enfants qui ont décidé de se faire la guerre dans la neige. N'en attendons pas une imitation ni une simple transposition : les personnages ne sont pas des enfants, les acteurs ne jouent pas à l'enfant, le monde va mal, très mal. Et Pierre qui ne s'occupe pour ainsi dire plus de sa chienne Cléo... En jetant un regard neuf sur le scénario original de Roger Cantin et Danyèle Patenaude, réalisé par André Melançon, premier volet des Contes pour tous, Fabien Cloutier ouvre de nouvelles avenues à une œuvre marquante, l'installant en quelque sorte dans une réalité autre, sur une scène de neige, à quelques pas, à quelques années de nous.