FICHE DE LECTURE (VERSION ABRÉGÉE) (lecture en diagonale de l’œuvre; fiche comme point de repère seulement) INFORMATIONS PARATEXTUELLES Auteur : CITATI, Pietro Titre : Kafka Édition : Paris, Gallimard, 1989 pour la traduction française (traductrice : Brigitte Pérol) / Milan, Rizzoli Editore, 1987 pour l’édition originale italienne (Kafka) Collection : L’arpenteur Année : 1987 (œuvre originale) 1989 (traduction française) Appellation générique : Aucune explicitement mentionnée Bibliographie de l’auteur : Auteur d’autres biographies (plus ou moins) imaginaires d’écrivains : Brève vie de Katherine Mansfield, Tolstoï, Goethe, La colombe poignardée : Proust et La Recherche (davantage « essai » que « biographie imaginaire »). Aussi : Le Printemps de Chosroès. Quatrième de couverture : Un commentaire général sur Kafka l’homme et l’écrivain (commentaire qui insiste surtout sur le sentiment de solitude qui envahit l’écrivain tchèque), suivi d’une notice sur l’œuvre que lui consacre ici Pietro Citati. J’en transcris un extrait : « La grande réussite du livre de Pietro Citati est de nous conduire au lieu central où il devient possible d’appréhender toute l’œuvre de Kafka, de La Métamorphose au Procès, de L’Amérique au Château, de La Muraille de Chine au Terrier. Tel un enfant, Kafka voulait trouver une réponse aux grandes questions qui avaient torturé les hommes depuis le jour où Adam avait été chassé du Paradis terrestre. Il envisagea toutes les hypothèses, toutes les possibilités. Son œuvre est sans doute l’édifice religieux le plus grandiose du monde moderne. Davantage qu’un roman, qu’une biographie ou qu’un essai, le livre de Pietro Citati est le rêve que chacun de nous rêve et continuera de rêver autour de Franz Kafka ». Rabats : Sans LES RELATIONS (INSTANCES EXTRA ET INTRATEXTUELLES) Auteur/narrateur : Bien qu’il ne se présente pas textuellement ainsi, le narrateur m’apparaît être l’auteur, qui fait davantage que narrer (platement) la vie de l’écrivain, avec cette prose lyrique qui est la sienne, son goût marqué des détails qui, tout à la fois, donne l’impression d’assister à la description d’un Kafka personnage de roman et d’un individu réel qu’il aurait été donné au narrateur de côtoyer (sans doute par procuration). Narrateur/personnage : Le narrateur n’apparaît pas ici à titre de personnage. On note une relation d’admiration mêlée de sympathie de la part de l’auteur-narrateur à l’endroit du biographé. Sujet d’énonciation/sujet d’énoncé : Citati/Kafka Ancrage référentiel : Très marqué (noms des personnages, lieux, dates, événements, occupations…). -Beaucoup de faits avérés concernant Kafka. -De nombreuses citations tirées de textes de/sur Kafka (notamment de lettres et de journaux intimes), dont on trouve la référence en fin d’ouvrage. (Citati y va également d’une note où il précise : « Ce livre, comme mes autres ouvrages, ne comporte pas de notes bibliographiques. Je voudrais simplement remercier ici tous ceux à qui je dois idées et informations » (p. 323). Suit, évidemment, une liste de noms d’auteurs.) Indices de fiction : -Les descriptions de Kafka assumées par l’auteur, dans une prose lyrique et comme s’il s’agissait d’un personnage de roman (descriptions qui intègrent également des pensées/paroles attribuées à l’auteur (parfois même sous forme de discours direct), pensées/paroles qui auraient pu, selon Citati, être celles de Kafka en telle ou telle occasion) : « Toutes les personnes qui ont rencontré Franz Kafka dans sa jeunesse ou son âge mûr ont eu l’impression qu’une "paroi de verre" l’entourait. Il était là, derrière ce verre parfaitement transparent, il marchait avec grâce, bougeait, parlait; il souriait, tel un ange léger et méticuleux, et son sourire était la fleur ultime d’une gentillesse qui se donnait et se dérobait aussitôt, se prodiguait et se repliait jalousement sur elle-même. Il semblait dire : "Je suis comme vous. Je suis l’un de vous, je souffre et je jouis tout comme vous". Mais plus il prenait part au destin et aux souffrances des autres, plus il s’excluait du jeu, et cette ombre légère d’invite et d’exclusion qui errait au bord de ses lèvres témoignait qu’il ne pourrait jamais être présent, qu’il vivait loin, très loin, en un monde qui n’était pas même le sien. Que voyaient-ils, les autres, derrière cette délicate paroi de verre ? C’était un homme grand, maigre, frêle, qui promenait son long corps comme s’il l’avait reçu en présent. Il avait l’impression qu’il ne se développerait jamais, et que jamais il ne connaîtrait le poids, la stabilité, l’horreur de ce que les autres nomment, avec une joie incompréhensible, la "maturité" » (incipit, p. 7). -Les hypothèses du narrateur peuvent également appartenir, d’une certaine façon, à la fiction : « Kafka se rendit compte qu’il risquait d’être emporté par la violence de ses propres projections; et dans un geste qu’il répéta indéfiniment, il s’efforça de transformer son amitié [pour Oskar Pollak] en une simple relation épistolaire. La parole écrite, dont il avait tant douté, n’était-elle pas, au fond, la perfection ? Les cœurs ne s’ouvrent totalement que lorsque les visages sont éloignés : lorsque la présence ne nous emprisonne pas, que les regards ne se croisent pas —, mais qu’une main froide et passionnée couvre de signes le papier blanc. Alors nous devenons légers; et au-dessus de nous brille le regard distant de la lune » (p. 17). Topoï : La solitude, le vide, l’écriture des œuvres… Biographé : Franz Kafka (1883-1924) Pacte de lecture : Aucun pacte de lecture n’est explicitement énoncé. Thématisation de l’écriture et de la lecture : Oui, l’accent étant davantage mis, toutefois, sur la vie plutôt que sur l’œuvre proprement dite ou plus précisément, sur la vie de Kafka telle qu’elle se trouve influencée par l’écriture de ses œuvres. Un exemple à propos de La Métamorphose : « Durant cette période [celle de l’écriture de La Métamorphose], une double transformation se produisit dans la petite chambre de la Niklasstrasse. Tandis qu’il écrivait dans sa tanière nocturne, Kafka descendit de plus en plus profondément sous la terre, là où nul explorateur des abîmes n’avait pénétré avant lui. Comme tous les grands créateurs, il manifesta le don de revêtir toutes les formes et de changer d’espèce : en l’espace d’un mois environ, avec un froid délire, il s’incarna dans un autre corps; il suivit la métamorphose de son personnage d’une regard plein d’attention et de volupté, comme si lui aussi, tandis qu’il couvrait le papier de signes plus fins que de petites pattes vibrantes, devenait lentement un Ungeziefer, un énorme insecte parasite. Tolstoï aussi se fait insecte, cheval, oiseau, pour devenir l’immensité de l’univers vivant. Kafka, en revanche, ne se transformait que pour découvrir sa propre profondeur. En même temps, il transposait l’appartement de la Niklasstrasse, où il vivait avec ses parents, dans l’appartement de Grégoire Samsa. Tout correspondait : l’armoire à linge, le bureau et le divan; l’hôpital en face de la fenêtre, les lumières de la rue qui se reflétaient dans les parties hautes de la chambre, les portes, la disposition des autres pièces de l’appartement. Ainsi, pendant un mois, sa chambre devint le théâtre d’une tragédie qui avait duré un hiver » (p. 68-69). Attitude de lecture : Convient (très) modérément. S’il y a bel et bien une certaine imbrication (quoique ténue) du fictionnel et du factuel, le travail de la fiction réside moins, cependant, dans les éléments rapportés que dans la façon (lyrique) de raconter , ce lyrisme ayant d’ailleurs (en plus) tendance à s’estomper au fil des pages, cédant la place à une écriture biographique somme toute assez traditionnelle. Hybridation, Différenciation, Transposition : Autres remarques : Lecteur/lectrice : Caroline Dupont