Informations paratextuelles
Auteur : PAJAK, Frédéric et Yves TENRET Titre : Humour. Une biographie de James Joyce Lieux: Paris Éditions : PUF Collection : Perspectives critiques Année : 2001 320 pages
Appellation générique : dans le titre : biographie
Biographie de : James Joyce
Bibliographie de l’auteur : d’autres bios imaginaires, sur Apollinaire, sur Nietzsche et Pavese, sur Luther.
Quatrième de couverture : écrit par l’auteur Frédéric Pajak. Pacte de lecture est identifié : « En parlant de lui [Joyce], je me suis souvenu d’instants furtifs au bout de Sahara et ailleurs. J’étais en compagnie d’Yves Tenret. Nous discutions de tout, de rien, et justement de James Joyce, loin d’imaginer qu’un jour, vingt-cinq ans plus tard, nous mêlerions nos voix pour évoquer son histoire, comme s’il s’agissait d’une autobiographie – une autobiographie à la fois désinvolte et scrupuleuse dans laquelle l’humour joue à cache-cache avec le drame, et le récit avec deux cents dessins en couleurs.
Épigraphe : un avertissement qui est une citation de James Joyce, extrait de Finnegans Wake : « J’espère qu’on pourra tuer le temps et le sécher comme le sel. »
Résumé : La matière autobiographique respecte la chronologie et les thèmes abordés sont ceux du biographique : jeunesse, études, mariage, voyages, travail, famille. L’espace géographique est aussi occasion de découpage puisque Joyce a vécu dans plusieurs villes. Les situations, souvent tragiques, désespérées – pauvreté, alcoolisme et violence, maladie, mort, folie, guerre – sont décrites avec un humour cynique; de même lorsque « je » parle de lui ou des autres. Il est question de l’œuvre (présentée comme une nécessité d’écrire et surtout d’écrire ainsi), de sa réception aussi. Écriture par fragments, un peu comme dans le journal; idées réflexions notées mais peu développées, ton sans complaisance du je. Présence de quelques chapitres avec Frédéric et Yves, en voyage, auteurs de l’ouvrage. Dessins, parfois représentation du propos, parfois plutôt déconnectés, gratuits.
Sections : Avertissement : citation de Finnegans Wake « J’espère qu’on pourra tuer le temps et le sécher comme le sel ». Compte tenu des distorsions temporelles faites dans cette autobiographie imaginaire, on comprend la citation comme « accomplie ».
En prologue, Lettre fictive de J.J., Dublin, 20 juillet 2001 : où J.J. autorise la prise de parole de Frédéric et Yves ; où il semble leur dicter le projet du livre : « J’aimerais tant leur[Dublinois] raconter mon histoire simplement […] Cette vie pourrait être un livre […] » (9)
Un peu en dehors, décembre 1975 et Aussi léger que possible, janvier 1976 : Frédéric et Yves (prénoms des auteurs), d’anciens amis, se croisent dans le désert. Récit hétérodiégétique. Se termine sur allusion à James Joyce, sur ses mots-clés « silence exil et ruse »
Tremblez légèrement la petite note : fin août 1938. Écriture au je. Joyce à Lausanne; ton de l’anecdote (le Irish Time qu’il fait « rechercher » à travers la ville pour finalement le tenir au chaud)
Comme lointaine sonnerie de cors : Autobiographie : du cocasse, du fragmenté, parfois drôle, parfois cynique, aucune complaisance face à lui-même - réflexions sur Ibsen, sur son exil. - sur épiphanies (66)
En retenant et en s’effaçant : décembre 1902, départ pour Paris « Je lis un drôle de roman daté de 1888, Les lauriers sont coupés, signé par un certain Édouard Dujardin, un obscur écrivain français, symboliste et wagnérien. J’apprécie son penchant pour la banalité, et j’y découvre surtout le procédé du monologue intérieur que j’utiliserai dans Ulysse. » (78) « car le plagiat inspiré n’est pas le moindre de mes talents » (89) Stephen Dedalus comme pseudonyme (89).
Avec de brusques oppositions d’extrême violence et de passionnée douceur : - Trieste avril 2001 (93-98). Réflexions d’un narrateur (ici, Frédéric et Yves ne sont pas nommés) sur Trieste aujourd’hui - Trieste octobre 1904. Nora et James à Trieste. Quelques mots d’humour (108-109) Naissance de Lucia. Ici, Joyce en narration très ultérieure : « Lucia a un strabisme qui la perturbera follement plus tard » (111) Il y est question de Ulysse, Dublinois, Portrait de l’artiste.
Avec la liberté d’une chanson populaire : 29 juillet 1909, voyage à Dublin. Vers 1916, séjour à Zurich. Commentaires sur la communauté artistique, que vraisemblablement, il n’a pas fréquenté. Narration qui présente ceux qu’il n’a pas rencontré et qui étaient à Zurich à la même époque. En voici le ton : (150) J’entends parler du Cabaret Voltaire, fondé […] par un certain Hugo Ball. […] Il y a là Emmy Hennings, les frères Janco, Hans Arp, Richard Huelsenbeck, Tristan Tzara et quelques autres qui créent le mouvement « Dada » — longtemps après, ils se disputeront encore la paternité de ce nom. (151) Mais je ne les fréquente pas. Les « avant-gardes » ne m’intéressent pas, qu’elles soient artistiques ou politiques. Le futuriste Filippo Tommaso Marinetti affirmera plus tard que ses italianissimes mots en libertés m’auraient influencés et que, par conséquent, je lui en serais redevable. […] (152) Je ne connais pas non plus ceux qui, sous l’influence de Richard Huelsenbeck, deviendront les dadaïstes de Berlin — notamment Hannah Hoech, Johannes Baader et Raoul Hausmann, l’inventeur probable du « photomontage ». (153) Leurs poèmes statiques, simultanés ou phonétiques me laissent froid car, contrairement à eux, je suis révolutionnaire parce que je suis un classique excessif. […] je suis un solitaire. (154) Il est vrai néanmoins que certaines de leurs pitreries pourraient m’amuser. […] (155) S’il devait y avoir un artiste, parmi ces agitateurs, auquel je puisse faire écho, ce serait Kurt Schwitters, mais il ignore tout de moi et j’ignore tout de lui, jusqu’à son nom! Donc, énonciation « impossible » de Joyce parlant de ceux qu’il n’a pas connu, pas rencontré. Par ailleurs, ce qui est dit à propos de Schwitters (155-158) crée un rapprochement entre ce peintre et Joyce (intention des auteurs Pajak et Tenret refilée au je narrateur malgré l’irréalisme de la chose).
Comme un écho de la phrase entendue précédemment : une partie sur Ezra Pound, vie et mort en quelques pages; raconté par le je narrateur « Joyce », mais ici il y a des « incongruités » énonciatives : (175) Sur le conseil d’Ezra Pound, nous quittons Trieste et gagnons Paris, pour un séjour d’une semaine. Nous y resterons vingt ans! En chemin, nous visitons Venise. (176) Pound y sera enterré en 1972. Étrange destin que celui de cet homme né dans un décor de western, poète érudit, amoureux fou de l’Italie — il se dédiera à elle jusque dans ses paroxysmes et éructera à la radio mussolinienne. (177) En 1945, l’armée américaine l’inculpera pour haute trahison et l’enfermera dans une cage en plein air avec les condamnés à mort, à Pise — dans une mer de fils de fer. (178) Ennemi viscéral de son pays, Pound y sera interné dans un hôpital psychiatrique treize ans durant avant de finir ses jours ici, solitaire et muet. (179) Quant à moi, jamais je ne reverrai l’Italie. (180) Par la fenêtre du train, je contemple les rizières près de Vercelli, ces rizières à risotto que je découvris un jour sous la crème d’un brouillard d’été. - comment le je narrateur Joyce peut-il énoncer ce temps passé à Paris s’il n’est en dehors de ce temps (c’est-à-dire mort puisqu’il est mort à Paris)? Il ne peut pas annoncer la mort, postérieure à la sienne, de Pound. Idem pour l’an 1945. Idem pour les treize ans à l’hôpital. Le je narrateur est bien Joyce quittant l’Italie (le ici de p. 178) pour la France. Là encore, le « jamais je ne reverrai l’Italie » ne peut être prononcé que par un Joyce mort. Retour au temps « réel » et au présent grammatical (temps chrono. de la biographie) p. 180.
Volubile : Paris, 1920. Superstition : « Je mourrai un 13 janvier […] (p. 189). rencontre Proust (p. 190) « je ne lui trouve aucun talent : le lecteur termine ses phrases avant lui. J’assisterai tout de même à ses obsèques. » (p. 191)
Quasi tambouro : Ulysse dont les 18 chapitres sont ici résumés (195-203).
Dans une brume doucement sonore : sur Finnegans Wake (p. 211-212). Sur le lien entre alcool et littérature (p. 220).
Dans la sonorité du début : Ostende, juillet 1976 et Paris, printemps 1980. Yves et Frédéric, faits divers. « Ils lisent Ulysse. « James Joyce est pour eux […] » (p. 235) narration hétérodiégétique.
Mais en dehors et angoissé : vers 1927. « le monde de la nuit ne peut être décrit avec le langage du jour » (p. 241) répond Joyce à Miss Weaver qui lui reproche écriture de Work in progress (le futur Finnegans Wake). Sur James Stephen (p. 243-245) : est-ce un écrivain réel ou fictif? Un nom d’emprunt?
Strident : écriture de Work in progress sur James Stephen (p. 269)
Presque plus rien : fin 1936. Fin de Finnegans Wake (p. 284)
Comme un fond de paysage triste et glacé : Paris, 1939. Mort de Joyce. Et continue de raconter l’histoire après son décès (p. 298-302).
Quittez, en laissant vibrer : Espagne, été 1985, Yves et Frédéric. Se termine sur incident à un souper d’amis sur le bord de la Méditerranée : Yves, épuisé et ivre mort, est ramené par des policiers qui l’ont trouvé très loin de la côté nageant pour atteindre l’Algérie. sur Molly Bloom et le roc de Gibraltar (p. 307).
Pacte de lecture Précisé en quatrième de couverture : voix mêlées de Pajak et Tenret (et Joyce?) pour évoquer histoire de Joyce « comme s’il s’agissait d’une autobiographie – une autobiographie à la fois désinvolte et scrupuleuse dans laquelle l’humour joue à cache-cache avec le drame, et le récit avec deux cents dessins en couleurs ». (c’est moi qui souligne)
Les relations et mode de présence auteur/ narrateur/ biographe/ biographé personnages, sujet d’énonciation/ sujet d’énoncé Un joyeux mélange : Les auteurs peuvent être assimilés, dans certains chapitres, à des personnages fictifs (Frédéric et Yves), mais ils ne sont jamais directement sujets d’énonciation. La relation biographe /biographé passe par ces personnages qui lisent Joyce, parlent de lui, visitent les lieux où il a vécu. Les narrateurs : dans la majorité des chapitres, c’est Joyce et donc, il s’agit d’une autobiographie fictive. Dans les autres chapitres, narration hérétodiégétique avec Yves et Frédéric comme protagonistes, ou avec personne (description de Trieste aujourd’hui). La définition du projet et de la relation entre le biographe et le biographé est établie dans la lettre du prologue où c’est Joyce qui énonce ce qui serait la façon de faire sa biographie. Tout y est, le projet et la façon d’aborder le sujet : les dessins en couleurs « Cette vie pourrait être un livre rempli de dessins en couleurs à la fois affectueux et parodiques, comme une peinture de camouflage qui me représenterait à tout âge pour mieux me dissimuler, comme je l’ai fait moi-même avec les mots ». Un album du probable : « en m’y retrouvant chaque fois un peu plus trahi, et pourtant si probable ». Le portrait d’un destin : « J’y verrais au fil des pages cette puissance que jamais je n’ai pu contenir dans ma main et qui s’appelle le destin ». Le type de narration et la relation sujet d’énonciation et sujet d’énoncé : « D’ailleurs, j’y entendrais parfois ma voix à la première personne, non pas tel que je parlais en vérité, mais tel que je parle contradictoirement dans les voix d’Yves et Frédéric. » La relation auteur/ lecteur : « Après tout, s’ils sont mes lecteurs, bons ou mauvais, je leur appartiens autant qu’ils m’appartiennent, car que reste-t-il d’un écrivain, sinon ses lecteurs, gardiens de son éternité de papier? » et en finale, parle de « lecteurs prêts à tout pour me trahir, c’est-à-dire m’honorer ».
La présence sensible de cette relation auteur/lecteur n’est-elle pas ce qui regroupe tous les auteurs de bios imaginaires d’écrivain? C’est-à-dire que les bios imaginaires sont toujours des bios de lecteurs (d’abord).
Ancrage référentiel (marqueur de réalité) Détails de la vie privée semblent bien véridiques, les dates, les déménagements, les relations avec les proches, etc.
Indices de fiction d’ordre thématique On sait que Joyce n’a pas écrit d’autobiographie; donc tout le processus est d’ordre fictif. Joyce continue de raconter l’histoire après son décès.
Thématisation de l’écriture Il y est beaucoup question de ses livres, dates de parution, réception, censure, etc. tous éléments factuels de la bio. Sinon, voir autour des pseudonymes : personnages des livres de Joyce? Voir écrivain James Stephen (243-245)
Attitude de lecture - évaluation par rapport à un corpus « biographie imaginaire » tout à fait bio imaginaire, non par le contenu référentiel de l’énoncé qui, en ce qui se rapporte à Joyce, son entourage, son époque, apparaît comme exact, mais du côté de l’énonciation où Joyce raconte, même après sa mort, ce qui lui arrive, à lui ou à d’autres (voir sur Pound), où Joyce (ou J. J.) signe le prologue en 2001. Le « je » fictif qui fait lire une biographie comme une autobiographie est clairement identifié comme fictif.
Hybridation, Différenciation, Transposition
Autre Photocopie de : Avertissement Prologue signé J.J. Dublin, le 20 juillet 2001 Pages ici et là dans le livre : 66, 78, 89, 93-98, 108-112, 150-159, 175-180, 189-191, 195-203, 211-212, 220, 235, 238, 243-245, 269, 284, 298-302, 307. Quatrième de couverture
Lecteur/lectrice : Anne-Marie Clément