FICHE DE LECTURE INFORMATIONS PARATEXTUELLES Auteur : Beryl BAINBRIDGE Titre : According to Queeney Lieu : New York Édition : Carroll & Graf publishers Année : 2001 Pages : 216 p. Cote : McGill PR 6052 A3195 A64 2001 Désignation générique : Aucune. J’ai cependant trouvé ce titre en faisant une recherche sur le moteur Muse sous la désignation « biographical fiction » Bibliographie de l’auteur : Elle publie depuis 1967 beaucoup de romans de divers genres (réalistes, historiques, tels Every man for Himself (1996) et Master Georgie (1998), etc.). Elle a aussi écrit une biographie fictive du jeune Hitler (Young Adolf - 1978). Biographé : Samuel Johnson et Hester Thrale Piozzi Quatrième de couverture : (Empruntée au site de la maison d’édition) Bainbridge’s brilliantly imagined, universally acclaimed, Booker Prize-longlisted novel portrays the inordinate appetites and unrequited love touched off when the most celebrated man of eighteenth-century English letters, Samuel Johnson, enters the domain of a wealthy Southwark brewer and his wife, Hester Thrale. The melancholic, middle-aged lexicographer plunges into an increasingly ambiguous relationship with the vivacious Mrs. Thrale for the next twenty years. In that time Hester’s eldest daughter, the neglected but prodigiously clever Queeney, will grow into young womanhood. Along the way, little of the emotional tangle and sexual tension stirring beneath the decorous surfaces of the Thrale household will escape Queeney’s cold, observant eye. “A dark, often hilarious and deeply human vision ... a major literary accomplishment.”—Margaret Atwood, Toronto Globe and Mail “...at the end of this luminous little novel ... we feel two losses ... the personal one and the loss to civilization.”—Richard Bernstein, New York Times “Dialogue and descriptions subtly and skillfully convey a sense not only of the period but also the personalities.”—Merle Rubin, Los Angeles Times Préface : Aucune Autres (note, épigraphe, photographie, etc.) : 1) Chaque chapitre porte en en-tête une entrée du dictionnaire de Johnson (le premier dictionnaire de langue anglaise) qui vient donner la description encyclopédique du titre du chapitre. 2) De plus, chaque chapitre raconte un épisode distinct de cette période où Johnson a fréquenté les Thrale et se termine par une lettre de Queeney (la Queeney du titre), devenue une adulte sur le point de se marier et qui répond aux lettres d’une Madame Laetitia Hawkins, donnant indirectement des indications supplémentaires pour la compréhension de l’histoire que nous venons de lire (j’y reviendrai – voir rubrique « Thématisation de la biographie ») LES RELATIONS (INSTANCES EXTRA ET INTRATEXTUELLES) : Auteur/narrateur : Différents puisqu’il s’agit d’un roman. Narrateur/personnage : Au début de la biographie, Johnson n’est présenté qu’au « il » et il s’écoule un certain temps avant qu’il soit nommé (Sam ou Johnson), ce qui crée un flou interprétatif qui peut être gênant mais qui place Johnson comme un personnage observé par une conscience narrative limitée dans son savoir ou qui, inversement, n’a pas besoin de trop en dire. La focalisation est multiple et passe, un peu à la manière d’une caméra, d’un personnage à l’autre, d’une focalisation interne à une autre sans que le narrateur n’intervienne directement (par exemple, pour raconter l’enfance de Johnson, le narrateur aura recours à un personnage secondaire - p.99). Ainsi, le titre du roman, qu’on peut traduire librement par « selon ou d’après Queeney » se révèle trompeur puisqu’elle n’est pas la seule par qui le lecteur peut apprendre sur les personnages et l’univers où ils évoluent comme dans le fameux What Maisie knew d’Henry James. Cependant, à la manière d’un portrait impressionniste créé par petites touches, les consciences ne sont jamais entièrement révélées, comme si les personnages eux-mêmes ne savaient pas exactement la nature de ceux-ci – et le lecteur se trouve donc dans la même position qu’eux. Cela renforce la complexité de la relation entre Johnson et Mrs Thrale qui est au cœur de l’intrigue puisque les sentiments qu’ils éprouvent l’un pour l’autre sont ambigus et changeants. Cependant, lorsque les émotions semblent plus complexes, c’est Queeney qui en est témoin et en témoigne avec sa conception d’enfant. Il faut mentionner les lettres que Queeney, une fois devenue adulte, envoie à la biographe qui la talonne de questions, et dont l’écriture est régie par la politesse requise à l’époque. On sent toutefois un malaise de la part de la correspondante qui prend une distance très grande avec son enfance et tente d’en dire le moins possible, faisant référence à un passé qui lui pèse : « It is hard to travel and be gay when one is burdened with the baggage of the past. » (p.117) Pour le lecteur, il est difficile de comprendre cette froideur de Queeney qui ne s’expliquera que par le dénouement de l’histoire. Onomastique : Le premier chapitre, « Crisis », où Johnson succombe à la folie, est raconté par la conscience des autres personnages. Johnson est donc vu de l’extérieur et selon divers points de vue, ce qui crée un jeu onomastique intéressant dans ce chapitre en particulier : « the distraught man » (p.15), « the sick man » (p.16), etc. Biographe/biographé : Comme dans tous romans, cette relation ne peut se voir qu’en filigrane, à travers le portrait du biographe tracé par la forme romanesque. Ici, Johnson est « multidimensionnel » puisque présenté selon les divers points de vue des personnages, principaux et secondaires. Par exemple, Mme Desmoulins, une vieille fille qui vit dans la même pension que Samuel et est secrètement amoureuse de lui depuis des années le voit comme un « grand homme », mais ce regard a bien sûr quelque chose de naïf : « Crushed, it had nonetheless occurred to her how curious it was that, in order to express themselves, great men constantly relied on the thoughts of those long dead. » (p.12) / «It was curious, was it not, that great man who compiled dictionaries, whose intellect enabled them to expound upon the state of nations, had not the words or the understanding to define the small business of love.» (p.164) Mais le portrait va bien au-delà de cela et ce qui déstabilise le plus dans ce roman est sans doute le portrait « d’antihéros » qui s’accorde à Johnson, mais aussi à tous les personnages qui sont somme toute peu attachants et peu sympathiques : Queeney voit sa mère comme une égoïste et, malgré sa lucidité d’enfant, elle ressemble peut-être plus à sa mère qu’elle ne le voudrait. Un épisode est particulièrement remarquable à cet égard : lors d’une sortie dans la ville natale de Johnson, Hester écrase le talon de Queeney sans s’excuser ; lorsque Johnson constate que l’enfant est renfrognée, il lui demande ce qui ne va pas et elle lui explique qu’elle saigne et qu’elle en veut à sa mère. Craignant que Hester retourne à l’auberge si elle apprend l’incident, il préfère faire passer ses intérêts avant ceux de l’enfant qui pense : «He and Mamma have much in common, she thought, for both are selfish.» (p.92) En s’intéressant davantage à la vie de Johnson qu’à son œuvre, l’auteur marque une coupure très nette entre la majesté de l’un et la maladresse de l’autre. À la limite, Johnson a parfois l’air pitoyable et ridicule : « Miss Reynolds said there was a positive plague on insects in town, and Mrs. Jackson said Yes, yes, indeed there was, and tittered shrilly. She couldn’t keep her eyes form Mr. Johnson who, standing up and wildly dashing his glass back and forth in an effort to disperse the flies, spilled lemonade onto the cloth. Mrs. Thrale felt a grudging sympathy for Mrs. Jackson, who was openly chewing on her nails. It was obvious she had not been prepared for an encounter with Mr. Johnson, and though her husband may have explained to her that she was to rub shoulders with a great lexicographer and poet, it was doubtful if he had thought to paint a true portrait. The reality of Johnson, in appearance and behaviour, the scarred skin of his cheeks and neck, his large lips forever champing, his shabby clothing and too small wig with its charred top-piece, his tics and mutterings, his propensity to behave as though no one else was present, was at variance with the elegant demeanour imagined to be proper to a man of genius. » (p.33) Même un des garçons de Mrs. Thrale est mal à l’aise devant Johnson : « As for little brother Harry, why, he was in fear of Mr. Johnson because of the noises he made when deep in thought. Mamma had assured him that such whistles and groans were common to men of intellect, but he had nightmares in which Mr. Johnson, hooting like an owl, pursued him down a dark tunnel. » (p.49) Une fois devenue adulte, Queeney dira : « It is not that I had no fondness for him, rather than I was wary of allowing my fondness to grow, a state of affairs much helped by his disgusting manners at table and the often strong odour about his person.» (p.179-180) Le portrait stéréotypé de l’homme de génie est donc défait. On croirait même que Bainbridge s’acharne sur lui… Mais, plus encore, c’est dans sa relation à Mrs. Thrale qu’il se révèle le plus pathétiquement enclin à la mesquinerie, à l’égocentrisme et à l’infantilisme, voire à la perversion, bien qu’il parvienne à se racheter dans ses bons sentiments : « Seizing her hand he covered it with kisses, looking up at her all the time with such distress in his eyes that immediately she forgot how troublesome he was and remembered only in what affection she held him. » (p.43) Le personnage est, en fait, très impulsif et contrôlant, tandis que Mrs. Thrale fait preuve de patience et de soumission à son égard : «Familiar as she was with his moods it was not always possible to find the correct approach. Sometimes he was so angry and out of sorts that it did no good to reason with him; at others it was talk he needed and a sympathetic ear. » (p.139) L’autoportrait que Johnson trace n’est pas des plus reluisants non plus : «Worse, he had disregarded his father’s wishes, squandered his time at Oxford, ignored his brother’s pleas for help, spent Tetty’s [sa femme] money, failed to attend his mother’s funeral, allowed his mind to be polluted by impure thoughts, doubted the existence of a life beyond the grave.» (p.73) À la toute fin, lorsque Mrs. Thrale en aura assez de lui, elle le présentera en ces termes très peu flatteurs : «As for her, what with his many illnesses and slovenly ways, she feared she was beginning to regard him much as one would an old troublesome dog, smelly, wheezing, and constantly under one’s feet. Besides, he shambled in the way of her future happiness.» (p.200) Autres relations : Il me semble important de dire quelques mots sur le triangle amoureux qui est le moteur de l’action dramatique dans ce roman, non pas celui entre Hester, Samuel et Henry Thrale (le mari d’Hester accepte de très bonne grâce la présence de Johnson dans sa famille sans jamais craindre un adultère – et à raison puisque la relation entre Hester et Samuel semble revêtir un caractère plus complexe), mais entre Hester, Samuel et Queeney. En fait, la relation d’attirance/répugnance des deux adultes a quelque chose de masochiste pour l’un comme pour l’autre (« She was not sure she liked him abject, for his roughness of manner and strong convictions were the qualities she found exciting. » p.75) ; Johnson voudrait avoir l’exclusivité de l’attention d’Hester et celle-ci, accaparée par ses enfants, ses grossesses et son mari lui donne toute l’attention dont elle est capable mais s’exaspère à l’occasion de l’avoir constamment sur les talons : « He took to following Mrs. Thrale from room to room, endeavouring to engage her in conversation. If she did not answer him immediately or her gaze wandered from his face, he showed his displeasure by stamping his foot. When she hid in her chamber and did not answer his peevish knocking, he paced the passage outside, muttering aloud between bouts of coughing. » (p.74) Cela rappelle davantage la relation d’une mère à son enfant que celle d’un amant et d’une amante et c’est peut-être en ce sens que Queeney offre un contrepoint dramatique puisque, en dépit de son affection pour Johnson, elle sent confusément que celui-ci détourne sa mère d’elle-même et de son père : « For a full month the atmosphere within the house had been discordant. Mamma spent most of her time closeted in the counting offices with Perkins, the chief clerk, or else sitting at her writing desk scribbling notes to Mr. Johnson, who was away in Ashbourne staying with Dr. Taylor. Not an hour passed without Mamma commenting on how sorely he was missed. She didn’t miss Papa, who hardly ever came home, not even for church on Sundays. » (p.47) Lorsqu’elle sera plus vieille, Queeney dira, dans sa correspondance avec Miss Hawkins: «I do not care to comment on my mother’s relationship with Dr. Johnson; sufficient to say she needed an audience and he a home. As to my own relationship with him, I cannot in all honesty say that I loved him - he was too large, too variable in mood, too insistent on the attention of my mother.» (p.150) L’ORGANISATION TEXTUELLE Synopsis : Après avoir terminé, à l’été de 1766, l’accomplissement de cette tâche monumentale que constitue le premier dictionnaire de langue anglaise, Johnson souffre d’une grave dépression nerveuse. Afin de l’aider à recouvrir sa santé, Henry Thrale, propriétaire d’une brasserie londonienne, et sa femme Hester l’invitent à passer l’été dans leur maison de campagne. Par la suite, Johnson s’attachera aux pas de cette famille pendant plus de vingt ans dont il sera l’ami respecté tout en représentant souvent, de par l’attention constante qu’il requiert, un poids pour eux. Johnson est peut-être d’autant plus toléré que la relation qui l’unit à Mrs. Thrale revêt des accents amoureux qui n’ont pourtant rien à voir avec la passion. Accablée par de nombreuses grossesses, par les nombreux deuils qu’elle doit faire de ses enfants souvent mort-nés, devant s’occuper de sa mère vieillissante et vivant avec un mari pour qui elle n’éprouve que le respect d’un mariage convenu, Mrs. Thrale est finalement tiraillée entre une vie consacrée entièrement aux autres et la difficulté que cela représente de sacrifier constamment son propre bonheur. Au milieu d’un cercle d’amis, les Thrale mène l’existence des londoniens mondains, recevant et voyageant au gré des saisons, à Bath, à Brighton, en France. Après la mort de son mari, Mrs. Thrale, devenue amoureuse du professeur de chant de sa fille aînée, Mr. Piozzi, doit choisir entre lui et sa famille ; elle optera finalement de partir en Italie, ce que Queeney et Johnson ne lui pardonneront jamais. Ancrage référentiel : Tous les personnages sont historiques, mais on ne peut vérifier (du moins, d’après le livre seulement) si les événements rapportés le sont aussi. Voici toutefois quelques informations prises sur Internet : Narrating this, Bainbridge respects her reader enough not to flaunt her research, though this is a novel stitched together from original material. There are shards of real letters, quotations from Boswell and from Mrs Thrale's own diary (her Thraliana), fragments of Fanny Burney's journals and of Johnson's own writings. This is skilfully done, yet Bainbridge's very absorption in her sources gives her problems. The novel demands to be true to the words of its progenitors: even the thoughts of the characters are studded with quotations. This sometimes results in an uncertainty of tone. Bainbridge does not want to take modern liberties with the novel's diction, yet her closeness to 18th-century cadences is uneven. Several of Bainbridge's novels have been populated by real characters from the past, but perhaps no life in the history of humanity has been so well documented as that of Johnson. The result is that many of the incidents she describes are known to have happened, and many of the words she puts in to Johnson's mouth are those he is reported to have said. This verisimilitude makes it all the more disconcerting to discover that the action we are apparently witnessing through the eyes of the narrator is not necessarily to be relied upon. Indices de fiction : Nous sommes manifestement en présence d’une fiction puisque la focalisation interne (l’accès aux pensées des personnages incluant deux rêves de Johnson – p.9, p.40) ne peut être qu’un procédé romanesque. Il s’agit d’une recréation biographique sous la forme fictionnelle. Rapports vie/œuvre : L’œuvre est passablement passée sous silence pour faire place à une « tranche » de vie relativement restreinte et à un épisode particulier, soit les 20 dernières années de la vie de Johnson marquées par sa relation à la famille Thrale. Son travail est mentionné à l’occasion, surtout pour souligner l’énergie dont il doit disposer pour la mener à termes et les conséquences terribles pour sa santé physique et mentale : « Mrs. Williams said he hadn’t yet recovered from his recent labours in putting Shakespeare to rights. » (p.12) Thématisation de l’écriture et de la lecture : Pas thématisées. Thématisation de la biographie : 1) Tel que mentionné plus haut, une trame narrative de moindre importance se superpose à la première, soit celle de « Miss Hawkins » qu’on présume être une sorte de biographe à la recherche de la vérité concernant Samuel Johnson (elle prétend en fait écrire un essai sur « the Johnsonian Circle » p.19) et adressant quantités de lettres à Queeney, devenue H.M. Keith. On peut voir dans ces échanges une certaine théâtralisation ou mise en abîme de l’entreprise biographique. L’insistance, voire l’indiscrétion de la biographe en herbes (que l’on ne peut reconstruire qu’à partir des lettres de Queeney puisque celles de Miss Hawkins ne sont pas reproduites) vis-à-vis des témoins et de ses « sources » contrastent très admirablement avec la réticence de ces mêmes témoins à se révéler : « Thouhg reluctant to answer questions of a speculative nature – I have no wish to revive memories which, owing to circumstances, arouse in my breast none but melancholy thoughts – I will do my best to reply to your more factual querries. » (p.19) Ainsi, seuls les « faits » ont le droit de cité pour Queeney et il reste que ses lettres, teintées par une rhétorique qui cache mal la douleur de la jeune femme face à son passé, témoignent avant toute chose de l’impossibilité d’une reconstitution biographique objective. Le doute est jeté tant sur les propos de Queeney que sur la biographie que nous sommes en train de lire. Il est impossible de trancher et, de toute façon, la complexité des sentiments s’en trouverait amoindrie. Vers la fin du roman, Queeney adressera une lettre à Fanny Burney (devenue Madame d’Arblay) puisque cette dernière subit à son tour les assauts de la biographe. Cette lettre (p.178-181) est de première importance puisque, outre son agacement vis-à-vis de l’entreprise de Miss Hawkins, Queeney discute de l’intégrité des «anecdotes» que sa propre mère a écrit au sujet de Johnson, mais, plus encore, demande à Fanny de ne pas révéler les secrets qu’elle lui a confié concernant sa mère et Johnson alors qu’elle était encore enfant. 2) Une autre mise en abyme, moins développée, est tout aussi intéressante, soit celle de la biographie de Johnson que Boswell prépare de son vivant. Le personnage de Boswell apparaît occasionnellement et toujours dans son rapport à Johnson : « Though Queeney had not met Mr. Boswell she knew he was a lawyer who was in awe of Mr. Johnson, hung on his every word and desired he should go with him on a tour of his native Hebrides. » (p.77) / «Garrick then pressed him as to whether it was true that Boswell was keeping a journal of their conversations together, and indeed of Johnson’s discourse in general, and if so, did he not find it intrusive? “Why, no, Sir. Why should I? It will not be accurate, for man’s compulsion is to replicate himself. Think of painting – one has only to examine a portrait to see in the sitter a resemblance to the artist. And did not Mrs. Garrick say that Bozzy saw his own image in the eyes of a dead man? Besides, he does not expect me to read what he has written.” “What if others read it?” persisted Garrick, “after you are gone? What will you think then?” “Think then, Sir! Think then…” spluttered Johnson, “Why, Sir, I will think nothing, for if the ‘gone’ you refer to is the grave I dare say I shall have nothing to think with”.» (p.106-107) À la limite, on peut percevoir Boswell, à l’instar de Johnson envers Mrs. Thrale, comme le «petit chien» de Johnson, connaissant par cœur ses œuvres (p.191), consignant toutes leurs conversations et recherchant sans cesse sa compagnie. À la fin, lorsque Johnson sera définitivement venu à bout de son tempérament impulsif, il le réduira en larmes par une remarque méchante : «“It would need but one caller, you, Sir, for if your company does not drive him out of his house, nothing will”» ; ce à quoi le personnage témoin de cette scène affirme : «Though Boswell was undoubtedly a fool, he was sincerely fond of Johnson ans it was not nice ot see him treated so roughly.» (p.199) L’auteur offer, en somme, une vision différente de Johnson que celle offerte par Boswell, «the undefeatable colossus of English literature» : «Bainbridge's Johnson is not Boswell's witty and rumbustious conversationalist. He is a tormented man, spiritually fearful and sexually guilty.» (Internet) 3) À un autre niveau, Queeney (qui est tout autant l’héroïne du roman que Johnson et Mrs. Thrale), se trouve être en quelque sorte victime de toutes ces entreprises biographiques qui enserrent son existence : «Had I been born into a family unacquainted with Dr. Johnson […] I would not be forever facing myself. The attention given to the numerous emendations to Mr. Boswell’s Life, and the spate of reminiscences and contradictions trailing in its wake, constantly resurrects memories I would wish lost in the mists of time. For one so cold of temperament, an affliction my mother laments I inherit from my dead father, it is surprising how my emotions sea-saw. I understood as a child that age brings forgetfulness, and am considerably inconvenienced to find that the multiplication of years renders the past more real than the present.» (p.179) Topoï : Relations mère-fille, l’amour sous ses diverses facettes, société londonienne de la fin du 18e siècle, la folie, etc. Hybridation : Ne s’applique pas. Différenciation : ???? Transposition : Transposition du vécu en une forme fictionnelle (mais pas dans un cadre narratif explicitement fictif) Autres remarques : Mise en scène du corps du biographé : le premier chapitre s’ouvre sur une description de la mort de Johnson dont le corps est amené au médecin légiste. Une description détaillée du corps disséqué de Johnson donne d’entrée de jeu un ton « réaliste » à la biographie et participe, en quelque sorte, à une désacralisation de la figure du biographé. Exemple : « Opened the chest. Lungs did not collapse as they usually do, as though power of contraction lost. Heart exceedingly strong and large. » De plus, nous l’avons vu, le portrait de Johnson, tout au long du roman, est à la limite du rebutant et son corps n’y échappe pas : «As he passed through the quiet hall he saw his reflection in the glass, that of an old, wobbling man, belly bulging, legs swollen with the dropsy.» (p.200) Mrs Thrale elle-même verra son corps mis en scène de façon « réaliste » : « …he would have confided that Mrs Thrale had sparkling eyes, narrow shoulders, penetrating wit, scholarship of the female kind, a favourable interest in himself and a leakage of milk from her right breast. » (p.5, je souligne) LA LECTURE Pacte de lecture : S’offre comme un roman, mais crée, de par la mise en scène de personnages historiques, un flou référentiel. Attitude de lecture : Ce n’est pas une lecture facile essentiellement par ce jeu de perspective qui ne se révèle au lecteur que par petites touches, mais peut-être aussi à cause du manque «d’intrigue» puisque son caractère réaliste nous plonge dans le quotidien des personnages. Toutefois, en prenant le temps d’apprécier le style et la qualité de l’analyse de Bainbridge, on est plus à même d’apprécier ce roman qui s’inscrit magnifiquement dans notre corpus et est très marqué, il me semble, par l’esthétique contemporaine. Lecteur/lectrice : Manon Auger