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ROYER, Jean (dir.) (1990), Dossier « La nouvelle littérature du Québec »

dans Europe, Paris, no 731, p. 3-157.

Remarques générales :

• je ne retiens ici que le mot d’introduction de Royer et l’article de Chassay sur le roman.

• On notera que ce dossier n’a pas eu grande presse ici. J’en ai trouvé la référence dans l’essai de Jacques Allard sur le Roman national. Dans une perspective métacritique, difficile de croire que ces réflexions ont eu des répercussions réelles, même si elles ne sont pas du tout hors propos.

• On note également que la période couverte par l’idée d’une « nouvelle littérature » remonte à 20 ans, ce qui signifie la période 1960/1970 à 1990. Ce numéro fait en fait suite à un premier paru en 1969 sur la littérature du Québec dont il constitue le complément historique si on peut dire.

Jean Royer, « Une littérature nouvelle », p.3

Passage du Québec à la modernité : « En deux décennies ou presque, le Québec est sorti de sa carte postale pour s’inscrire dans l’Atlas de l’univers moderne. De même, la production culturelle a rejoint les préoccupations économiques. Quant à sa littérature, elle a atteint sa maturité dans la diversité de ses voix, passant de ‘’l’âge de la parole’’ à un âge des langages. » (1990 : 6) *On note ici que Royer ne parle pas « d’âge de la prose » mais d’un « âge des langages » pour caractériser les années 1970-1980. L’expression, attribuable à Gauvin, est de toute façon postérieure à ce numéro (1992). À la fin de son mot, il reprend l’expression, mais disant cette fois que « cette littérature québécoise nouvelle a accédé à ‘’l’âge de l’essai’’, parcourant en tous sens le territoire de son langage. » (1990 : 6)

Résumé du numéro : « Ce que raconte ce dossier – préparé à Montréal, capitale économique et culturelle du Québec –, c’est l’histoire récente d’une littérature nouvelle : celle des poètes, romanciers et essayistes dans leur combat avec la langue et l’identité, avec la libre affirmation de soi et de la démesure de l’imaginaire face à l’Histoire. » (1990 : 6)

Jean-François Chassay, « Les nouveaux itinéraires du roman », p. 24-30.

But : proposer un bref parcours du roman québécois depuis les 20 dernières années afin de « cerner les moments clés de l’évolution du roman québécois de ‘’l’après-Révolution tranquille’’. »

Chassay voit toutefois les années 60 et 70 en continuité : « Il serait vain de chercher une coupure entre la fin des années 1960 et le début des années 1970 sur le plan romanesque. » (1990 : 24)

Le roman devient selon lui, dans les années 1970 et 1980, le genre littéraire majeur, et cela décourage les synthèses : « En moins de vingt ans, le nombre de titres publiés annuellement a quadruplé, ce qui rend oiseuse, devant la variété des discours, des thèmes, des styles, toute tentative pour déterminer un courant ou un axe central. » (1990 : 24)

Il remarque toutefois quelques tendances qu’il évoque dans son introduction :

1/ Présence du politique et de l’idéologique dans l’écriture, consécutive des événements politiques majeurs comme la Crise d’octobre et, ensuite, de la montée du féminisme. (24-25)

2/ Montréal occupe une place accrue dans le roman, « devenant même omniprésents [sic] dans la problématique romanesque », ce qui fait glisser d’une poétique du pays à une poétique du paysage : « Autant, dans la mouvance du nationalisme politique, la littérature québécoise des années 1960 a été marquée par la thématique du pays, autant, depuis le début de la présente décennie, elle tend à s’identifier à un paysage, et principalement au paysage urbain. Au désir d’un territoire national intériorisé par l’écriture s’est substitué un plaisir du lieu que l’on voit tous les jours, sans pour autant que le regard qui y est posé soit limitatif puisque la ville exprime le monde moderne et met en scène sa complexité. » (25)

3/ Les États-Unis remplacent la France dans l’imaginaire et l’ « américanité » québécoise « occupe de plus en plus d’espace, en même temps que se fait prégnante la question de l’exil et la place de l’Autre à l’intérieur du territoire québécois. » (25)

Chassay reprendra ensuite ces catégories dans le corps de son texte, mais pas de façon exclusive et stricte.

1. Histoire et histoires : « Déterrer le passé pour mieux comprendre le présent, pour saisir avec plus d’acuité la situation particulière du Québec en Amérique du Nord […] a poussé de nombreux romanciers à circonscrire ou à ‘’cartographier’’ son Histoire. » (1990 : 25) Ex : Jacques Ferron, VLB, Hubert Aquin, Gérard Bessette, Roch Carrier, Alice Parizeau, Michel Tremblay, Francine Noël, Yves Beauchemin.

2. Perspectives féministes : « Comme dans la plupart des sociétés occidentales, l’idéologie féministe a touché le Québec dans les années 1970. Le roman a reflété cette mutation sociale. » (1990 : 26) Ex : Nicole Brossard, Louky Bersianik, Jovette Marchessault, Madeleine Gagnon, France Théoret, Monique La Rue.

3. Voyager, circuler : « Tourné de plus en plus vers les États-Unis dans les années 1980, le roman québécois [se] nomadise, utilisant à foison les grands espaces américains. » (1990 : 27). Ex : Madeleine Monette, Pierre Turgeon, Jacques Marchand, Louis Gauthier, Jacques Godbout, Yolande Villemaire.

4. L’autre : « De plus en plus, depuis le début des années 1980, le regard de l’Étranger, de l’Immigrant enrichit le paysage romanesque d’une nouvelle perspective. » (1990 : 28) Ex : Gérard Étienne, Émile Olivier, Dany Lafferrière [sic], Régine Robin, Marilù Mallet.

5. Refuser l’âge adulte : « Dans un essai sur le roman québécois, Gilles Marcotte soulignait que chez plusieurs romanciers importants, la maturité, l’âge adulte semblent une menace contre laquelle leurs personnages cherchent à se prémunir. Loin de décroître, cette tendance semble s’amplifier dans le roman des dernières années. » (1990 : 28) Ex : Réjean Ducharme, Marie-Claire Blais, Jacques Poulin, Jacques Savoie, Suzanne Jacob, Sylvain Trudel, Pauline Harvey, François Gravel, Daniel Gagnon, Gilbert La Rocque, etc.

6. La nouvelle : « La nouvelle est nettement plus populaire au Québec que dans le reste de la francophonie. » (1990 : 29) Ex : André Major, Gaétan Brulotte, Micheline La France, Monique Proulx, Louis-Philippe Hébert, André Carpentier, Jacques Brossard, Jacques Benoit. + Percée du roman d’anticipation. Ex : Elisabeth Vonarburg, Esther Rochon, Jean Basile.

Conclusion : « Le plus important est peut-être le fait qu’il existe de plus en plus un ‘’fonds littéraire’’ qui permet de croire qu’au-delà de quelques noms importants, de quelques titres qui surnagent au-dessus des autres, le roman québécois commence à posséder une profondeur véritable, une ossature qui permet d’en dégager une personnalité propre. » (1990 : 30)