FICHE DE LECTURE INFORMATIONS PARATEXTUELLES Auteur : Colm TÓIBÍN Titre : The Master Lieu : Toronto Édition : McClelland & Stuart Ltd Année : 2004 Pages : 342 p. Cote : McGill : PR6070 O455 M37 2004 (édition grand format) Désignation générique : L’édition grand format porte le titre The Master : a novel. L’éditon paperback à partir de laquelle je fais cette fiche ne porte pas de désignation générique. Bibliographie de l’auteur : Irlandais d’origine, l’auteur a écrit plusieurs ouvrages de fiction : The South, The Heather Blazing, The Story of the Night, The Blackwater Lightship ; et d’essais : Bad Blood : A Walk Along the Irish Border, Homage to Barcelon, The Sign of the Cross : Travels in Catholic Europe, Love in a Dark Time. Biographé : Henry James Quatrième de couverture : Quelques commentaires de critiques (d’ailleurs, la page de garde de l’édition est également recouverte recto verso de commentaires) suivis d’un résumé descriptif de l’ouvrage dont voici un extrait : «Time and again, James, a master of psychological subtlety in is fiction, proves blind to his own heart. In The Master, Colm Tóibín has written his most powerful novel, one that enters the mind and soul of Henry James, the man and the writer, to give us a true portrait of the artist.» Préface : Aucune Autres (note, épigraphe, photographie, etc.) : Ironiquement, une note de l’éditeur – probablement dû à la loi indique : «This book is a work of fiction. Names, characters, places, and incidents either are products of the author’s imagination or are use fictitiously. Any resemblance to actual events or locales or persons, living or dead, is entirely coincidental.» LES RELATIONS (INSTANCES EXTRA ET INTRATEXTUELLES) : Auteur/narrateur : Il s’agit sans conteste d’une œuvre romanesque dans laquelle l’auteur n’intervient pas. Narrateur/personnage : Narration en mode hétérodiégétique avec focalisation interne sur le personnage de James. Biographe/biographé : Malgré sa forme romanesque, ce récit m’apparaît comme éminemment biographique au sens où le biographe est totalement subordonné et effacé derrière la figure du biographé. On sent peu une volonté de recréation de sa figure, mais bien le désir de faire une biographie intime. Ainsi, James est saisi dans sa conscience et sa pensée, mais l’auteur ne va jamais au-delà d’une certaine limite, d’un certain respect. Il ne va pas, comme le fait Lodge par exemple, tenter d’offrir un portrait psychologique complexe du biographé où se permettre de conjecturer sur ses émotions. Cela donne un personnage un peu stérile, un rapport biographe biographé plein de tendresse mais manquant de piquant. L’ORGANISATION TEXTUELLE Synopsis : Le roman est divisé en onze chapitre portant chacun une date spécifique, de janvier 1985 à octobre 1899. La trame de base tourne autour de la période où Henry achète une grande propriété à Rye, Lamb House, et décide donc de se retirer partiellement de la vie londonienne. Toutefois, chaque chapitre porte sur un thème ou un aspect particulier de la vie de James, surtout autour de personnages qui ont été importants pour lui et, ainsi, la trame en général ne suit pas la chronologie de James mais fait régulièrement des retours dans son passé pour expliquer tel ou tel aspect d’une de ses relations et les personnages dont il sera fait mention dans les chapitres subséquent ne sont souvent pas nommés avant que leur «tour» ne vienne. Par exemple, il y a un chapitre sur Alice James (sa sœur), un sur Minnie Temple (une cousine qu’il a beaucoup admiré), un sur Constance Fennimore Wilson (une amie qui était probablement amoureuse de lui), un sur Hendrick Anderson (un sculpteur qui fait naître en James des sentiments équivoques), un sur les Smith (le couple de serviteur de James) et le dernier chapitre ne fait aucunement office de conclusion puisqu’il porte sur William James, le frère d’Henry James. Chaque chapitre a donc son cadre particulier (Venise, Rye, Londres, la Nouvelle-Angleterre, etc.) qui permet d’introduire d’autres aspects relatifs à ce qu’il a vécu de particulier dans chacun de ces endroits. Ancrage référentiel : Bien qu’il paraisse que l’auteur ait peu inventé , il ne semble pas très soucieux de doter son récit d’indices permettant un ancrage référentiel, à l’exception, bien sûr, des personnages, qui ont tous existés, et des noms de lieux. Comme je l’ai mentionné, la chronologie prend peu de place (même si les titres des chapitres sont constitués d’une date) et je veux souligner ici l’absence des repères temporels que l’on retrouve assez fréquemment dans les biographies romanesques. Autre point très important ; une toute petite phrase, bien cachée à l’intérieur de la partie «Aknowledgments» signale : «I wish to acknowledge that I have peppered the text with phrases and sentences from the writings of Henry James and his family.» (p.340) Il est toutefois impossible de retrouver ces citations puisque l’auteur les a «fondu» dans son œuvre. Indices de fiction : Beaucoup d’analepses, accès aux pensées des personnages, etc. J’aimerais spécifier que si l’auteur introduit à l’occasion des dialogues, la majeure partie du récit est essentiellement descriptif, mêlant la vitesse de la scène et du sommaire ou, plutôt, une vitesse entre les deux. Rapports vie-œuvre : Le fait que James utilise des éléments de son vécu pour créer son œuvre me semble être un topos important, bien que les œuvres en question ne soient à peu près jamais nommées ; en fait, il n’est souvent fait mention de l’œuvre que dans la mesure où elle est investie de ce vécu même transposée à l’intérieur du roman. Toutefois, on ne peut savoir dans quel sens s’opère ce mouvement : le biographe utilise-t-il l’œuvre afin de générer du vécu ? Ou si, au contraire, le vécu a réellement servi à créer l’œuvre et que c’est dans cette mesure que Toibin s’intéresse à l’œuvre ? À plusieurs reprises, donc, on voit James dans sa position d’écrivain qui prend parti des histoires qu’on lui raconte ou qu’il voit afin de les transposer en un roman («…while thinking how he could use this. He must write it down as soon as she left.» p.7-8 ; «He listened to Gosse and asked questions and from the answers began to construct the story.» p.75 ; «…fascinated Henry now as a possible drama.» p.294, etc.) Certains événements de sa vie, comme un été de jeunesse en compagnie de sa cousine en Nouvelle-Angleterre, vont marquer particulièrement son œuvre : « He did not realize then and did not, in fact, grasp for many years how this few weeks in North Conway […] would be enough for him, would be, in effect, all he needed to know in his life. In all his years as a writer he was to draw on the scenes he lived and witnessed at that time […]» (p.102) Henry s’inspire aussi, semble-t-il, de lui-même, mais, surtout, de femmes qu’il a connues et aimées, dont sa sœur Alice, sa cousine Minny Temple et son amie Constance Fenimore Wilson : À propos d’Alice: «As he pondered and tried to shape the story of the two abandoned children told to him by the archbishop, he found himself thinking about his sister’s puzzling presence in the world. He went over the scenes where she had made clear to them her considerable intelligence and her raw vulnerability. She was the only little girl he had ever known, and now, as he began to imagine a little girl, it was his sister’s unquiet ghost which came to him.» (p.49) / «He wrote two novels during Alice’s stay in England which were saturated with the peculiar atmosphere of his sister’s world.» (p.59) À propos de Minny: «He could control her destiny now that she was dead, offer her the experiences she would have wanted, and provide drama for a life which had been so cruelly shortened.» (p.105) / «In “Poor Richard”, he had sent her to Europe where she did not marry. In “Daisy Miller”, in which he had emphasized her brashness and bravery and careless attitude to conventions, she had died in Rome. In “Traveling Companions”, he had invented a marriage for her, dramatizing the Italian circumstances of her meeting with her consort. He did not follow her into the daily domestic routines managed in the shadow of a dull man.» (p.106) À propos de Constance: «So that Isabel Archer [from Portrait of a Lady] saw what Constance Fenimore Wilson saw and may indeed have felt what she felt, if only he could have fully divined what Constance felt.» (p.215) Curieusement, toutefois, lorsque Constance remarque qu’Henry a puisé son inspiration pour Portrait of a Lady dans une demeure italienne amie, ce dernier en est fortement contrarié (p.221-222). Heureusement, ceux qui se retrouvent dans ces romans ne semblent pas s’en offusquer : «Francis Boott exceptional cultivation was matched by his great mildness. He seemed incapable of giving or taking offense. When The Portrait of a Lady appeared and it was clear that he himself, his house and his daughter had been openly used in the book and that cold villain of the novel had his very face, he made no protest to the author and seemed to be amused.» (p.223) Thématisation de l’écriture et de la lecture : Le Henry James présenté ici en est un beaucoup moins ambitieux que celui de Lodge ; lorsqu’un personnage lui demande «Did you always know that you would write all these books ?», il répond «I know the next sentence and often the next story and I take notes for novels». (p.292) C’est un Henry James pour qui la Nouvelle-Angleterre n’est pas un lieu fertile pour l’écriture (p.161) et qui se fait reprocher par son frère de ne pas écrire sur l’Amérique (p.315-317). Aussi, un écrivain qui est entièrement voué à son art : «Nonetheless, he wanted his books to sell, he wanted to shine in the marketplace and pocket the proceeds without compromising his sacred art in any way.» (p.20) / «He grew determined that he would become more hardworking now. He took up his pen again – the pen of all is unforgettable efforts and sacred struggle. It was now, he believed, that he would do the work of his life. He was ready to begin again, to return to the old high art of fiction with ambitions now too deep and pure for any utterance.» (p.64) Souvent, il prend des notes dans son carnet, est accaparé par de nouvelles idées pour des histoires à venir : «Often, ideas came like this, casually, without warning ; often, they occured to him at moments when he was busy with other things. This new idea for a story about a brother and sister developed with a sort of urgency, something that he barely needed to write down.» (p.63) La lecture est un peu thématisée, surtout lorsque James fait la lecture d’Hawthorne (p.162-164) Thématisation de la biographie : N’est pas thématisée, à une exception près : James imagine un personnage de biographe qui lui ressemble beaucoup et l’imagine s’introduisant dans sa maison pour enquêter sur un écrivain qui lui ressemble beaucoup (p.287). Topoï : L’identité sexuelle ; l’œuvre qui se greffe à la vie ; la famille ; l’art de la fiction ; la société anglaise, etc. Hybridation : Entre biographie et roman. Différenciation : Pas une volonté claire de se différencier de la biographie traditionnelle ni même du roman traditionnel. Transposition : - L’œuvre est transposée sous forme de descriptions, c’est-à-dire que le biographe ne reprend pas des éléments mêmes des œuvres, mais transpose les moments de l’écriture de celle-ci, de la notation des idées à leur matérialisation, en passant par le biais des longues périodes de gestation (exemple : p.138-142) - L’œuvre est également transposée dans la mesure où elle permet l’introduction d’analepses, de souvenirs de James. Par exemple, alors qu’il est en train de dicter une histoire, James substitue le nom d’Alice à celui de son personnage et est alors happé par un souvenir de son enfance. (p.142) - Une transposition de l’œuvre est faite sans que l’on puisse savoir s’il s’agit d’une invention de l’auteur : Pendant la guerre de Sécession, Henry est dispensé d’aller à la guerre à cause d’une blessure au dos. Cependant, deux de ses frères y vont et lorsque l’un de ceux-ci revient blessé, Henry est frappé par l’odeur qui se dégage de sa couverture, l’odeur de la guerre et, lorsqu’il écrit une nouvelle sur ceux qui sont restés à la maison pendant la guerre (en l’occurrence, les femmes), il transpose cet épisode (p.183). Autres remarques : Mise en scène du corps – Une seule mention du corps de James, alors qu’il revient d’une visite chez le docteur et qu’il est encore un jeune adulte : « He wondered indeed if the visit itself, in all its humilation and roughness, had not in fact caused a genuine, serious backache that was with him to this day. He had suffered a great deal from constipation as well, and often blamed it on Dr.Richardson, and made sure to keep away from others of his profession lest they should cause some new malady.» (p.155) LA LECTURE Pacte de lecture : Pacte fictionnel. Seule la partie «Acknowledgments» donne la liste des biographies et essais qui ont été «extremely useful while working on this novel» et laisse ainsi sous-entendre que ce roman se fonde sur une large part de factuel. Attitude de lecture : Peut-être à cause de ma lecture récente de la «version lodgienne» d’Henry James, j’ai pris peu de plaisir à la lecture de celle-ci. Certes, la prose et la structure sont irréprochables, mais cette fiction me semble très conventionnelle et offre peu de chose, esthétiquement parlant, à part un portrait intime de James et de sa famille. Lecteur/lectrice : Manon Auger