(document de travail)
« Pour avoir une signification, le contemporain ne peut en rester au factuel de la simultanéité. L’auteur étiqueté contemporain doit dire, consciemment ou pas, quelque chose sur le temps présent. » (F. Noudelmann, 2010 : 65)
« Les Grands Récits ne sont pas morts, ils ont seulement changé. Il ne content plus l’histoire par le commencement, perdu dans la nuit des temps, mais par la fin, souvent, ou par le milieu, collant bout à bout bras et jambes, coudes et genoux, les yeux dans le dos et le cœur au milieu du visage. Collage et recollage, l’Histoire n’apparaît plus que sous les multiples formes ou ses morceaux s’agencent : dans l’ordre et le désordre. » (P. Ouellet, 1993 : 112)
Résumé : Ce document n’est pas un rapport de recherche mais plutôt une synthèse des idées, compte rendu de lecture et citations regroupés autour des quatre points sur lesquelles il avait été entendu que l’introduction se penche, soit : 1- Le concept de « contemporain » (et les notions avoisinantes) 2- Notre thèse, notre méthode, notre angle d’approche (un résumé) 3- Le « début » et la « fin » du contemporain (donc notre objet et champ d’investigation) 4- Le contexte socio-historique et éditoriale (la mise en place). Il est toutefois à noter que nous avions pris la décision que ces deux points ne seraient pas séparés dans la rédaction même de l’introduction. Toutefois, c’était plus clair ici de les séparer. J’ai ajouté, en dernier, un complément sur la notion de « valeur » qui pourra servir à la rédaction de la conclusion.
Pour chacun de ses aspects, je donne la « ligne directrice », quelques idées-clés et un résumé de mes principales observations. Je joins aussi des tableaux dans lesquelles on retrouve les renvois à des articles et réflexions importantes (d’où la longueur du document). En bref, il s’agit d’un document de travail pour aider à la rédaction de l’introduction.
On peut aussi consulter le PDF plan_et_notes_de_taille_es_de_l_intro.pdf
Ligne directrice : Réfléchir au concept problématique de « contemporain », à son archéologie, à sa difficile appré¬hension, aux problèmes méthodologiques que cela suppose (notamment sur le plan historique, mais aussi sur le plan terminologique), l’interroger par rapport à la notion de modernité, de postmodernité, mais aussi d’extrême contemporain et d’ « actuel ».
À l’origine de cet ouvrage, se trouve l’hypothèse que le contemporain n’est plus un déictique pur, qu’il est une notion, un objet construit, particulièrement à l’intérieur du champ littéraire et que, par ailleurs, il y a une spécificité de la narrativité contemporaine repérable tant dans le discours critique que dans les pratiques littéraires.
Il semble en effet qu’aujourd’hui le terme prend une valeur axiologique, qu’il y ait un déplacement de la notion de contemporain qui va au-delà de « qui est du même temps que soi ». Il y a en tout cas une sorte d’ « effet de mode » qui fait en sorte qu’on s’interroge sur cette notion elle-même, qu’on tente de la saisir par divers biais : pensons aux travaux de Viart pour la France mais aussi à des collectifs comme celui dirigé par Lionel Ruffel et celui dirigé par René Audet, chacun porteur d’une réflexion sur la notion elle-même. Dans le récent dossier de Tangence dirigé par Mathilde Barraband, ce phénomène est aussi observé et oriente en partie le numéro : « Le titre du dossier l’indique, son ambition n’est pas seulement de s’intéresser à l’histoire de la littérature lorsqu’elle se penche sur le moment présent, mais, plus fortement, d’interroger les frontières d’une discipline, l’histoire littéraire, et d’une notion, le contemporain. Il se situe ainsi dans le sillage d’une historiographie déjà ancienne et abondante, en France comme au Québec, mais il entre aussi en résonnance avec une préoccupation actuelle des études littéraires qui, de manière soutenue depuis quelques années, prennent acte du succès du corpus du contemporain et s’attachent à mettre en perspective non seulement la chose mais aussi le mot. » (2013 : 7) Il faut toutefois mentionner un numéro de la revue interdisciplinaire en sciences sociales Le genre humain intitulé « Actualités du contemporain » et paru en 2000, numéro avec qui personne, à ma connaissance, entre véritablement en dialogue. J’y ai pourtant retenu un article très pertinent de Vincent Combes.
Les tableaux suivants présentent des synthèses des quatre principaux textes (penseurs) qui réfléchissent sur la notion, mais je signale d’emblée que, à la lecture de l’ouvrage collectif de Ruffel, on peut dresser un constat en deux temps :
Je reviens en détails sur ces deux aspects dans les pages suivantes.
Selon Ruffel, le terme s’est imposé comme une notion de plus en plus forte : « Il est des notions que l’on utilise sans y prendre garde. Des notions dont on imagine qu’il n’est pas nécessaire de les penser, de les définir, de les critiquer. Des notions faibles sûrement, en tout cas de faible intensité, mais qui finissent parfois par s’imposer, doucement, à l’ombre de débats plus spectaculaires. Et puis un jour elles sont là, incontestablement présentes, curieusement incontestées, et il faut reprendre le travail. “Contemporain” est une de ces notions, un de ces impensés de la tradition esthétiques que ce volume souhaite explorer. » (2010b : 9)
Dans cette introduction, Ruffel remarque d’abord que, vis-à-vis la question, on a dans un premier temps envie de l’évacuer par une remarque du genre « le contemporain, c’est cela, cela qui passe, cela que nous vivons » - ce qui implique que, dans ces conditions, « le contemporain n’est pas une catégorie sérieuse, du moins pour le champ épistémologique ». (2010b : 9-10) Mais d’ajouter : « Pourtant c’est une non-catégorie qui se porte bien et surtout qui ne s’est jamais aussi bien portée qu’aujourd’hui. Car pour une détermination partielle, sans qualités (le contemporain ne se suffit pas à lui seul, on est contemporain de “quelque chose”), elle s’est imposée là où il est le plus difficile de s’imposer, par exemple dans le monde universitaire et académique. » (2010b : 10) Soit, les discipline du « contemporain ».
Mais il en vient aux principaux constats que :
La solution (celle des contributeurs du collectif) : adopter une posture théorique et métacritique, et tenter de répondre à des questions plus nuancées : « Pourquoi parler aujourd’hui de contemporain?, Qu’est-ce que parler de contemporain?, Comment le faire? » (2010b : 16) En bref, déportation de la question de « l’ontologique vers une étude de la fabrique notionnelle » (2010b : 16).
Mais la réflexion de Ruffel se poursuit autour de la notion elle-même et de son évolution historique. Il voit une transition du « moderne » vers le « contemporain » : « Le triomphe du contemporain doit beaucoup aux pensées du ressentiment anti-moderne qui se sont développées dans la dernière partie du XXe siècle. » (2010b : 32) Il fait du « contemporain » un temps de la 2e moitié du 20e siècle : « Il existe bel et bien un moment contemporain de l’histoire qui s’arrache au flux du temps, […] qui naît après la deuxième guerre mondiale [et qui] se caractérise en grande partie […] par l’usage du terme contemporain pour se désigner. Ce terme, loin d’être vide de sens, marque une série de transformations importantes qui dialectisent certains des principes de la modernité tout en n’en récusant pas les fondements. […] » (2010b : 31)
En résumé, le contemporain selon Ruffel, on peut en faire soit un 1/ usage temporel 2/ usage esthétique. Celui-ci identifie trois bouleversements amenant le passage du moderne au contemporain : massification, décentrements, contestations. La conclusion de Ruffel est que le contemporain « est un moment de la modernité » (un 3e usage du terme, donc, selon ma compréhension à moi).
S’interroge, en ouverture, sur la pertinence d’étudier le « contemporain » : 1- exercice éphémère ou 2- nécessité de porter un regard sur « soi-même » (2009a : 7). Pose ensuite la question de « qu’est-ce qui appartient à la catégorie du contemporain? » (2009a : 8)
Constat qu’il y a 2 façons de définir le contemporain : 1. Rupture entre actualité et historicité – le contemporain : ce qui est du même temps que soi et n’appartient pas à l’Histoire. Par conséquent, le contemporain n’est pas « racontable », par opposition à l’Histoire : « Une large part du malaise provoqué par le contemporain, dans une perspective historique, est fondée sur l’incapacité à saisir cette période. En effet, si l’inscription d’une certaine production littéraire dans l’histoire consiste à en décrire le mouvement (à intégrer les éléments pertinents et à les articuler en un ensemble organisé et orienté – Goldenstein, 1990), la difficulté propre au contemporain réside dans notre impossibilité à raconter cette période. » (2009a : 13, je souligne) « Le contemporain, par son immédiateté, n’a pas encore trouvé à s’intégrer à cette téléologie de l’histoire. » (2009a : 14) « Ce défaut de raconter le contemporain empêche son inscription dans la mythologie littéraire, puisque nous sommes toujours en attente de paramètres qui permettraient de définir la portée et la représentativité des œuvres de cette période, définitions qui en toute logique sont établies a posteriori. Le contemporain, de fait, se situe hors de l’histoire, narrativement parlant. » (2009a : 14)
2. En faire une étiquette sémantique pour désigner une période précise « Cette transformation du contemporain en étiquette sémantique, aussi périlleuse soit-elle, est propulsée par une forte pression historiographique, qui nous incite à inscrire l’actualité dans un récit, lequel a jusqu’ici donné du sens à une profusion d’œuvres et de courants esthétiques. » (2009a : 15)
Les constats des contributeurs, dans ce cas-ci, vont davantage du côté de la littérature contemporaine (c’est celle-ci qui est finalement l’objet du collectif, davantage que l’idée). Audet formule deux constats résultants de ces diverses études : 1/ « Le premier constat, déjà admis par tous, porte sur le caractère polymorphe et insaisissable du corpus littéraire, en raison de l’augmentation du volume de publication et de l’ouverture des frontières nationales, de l’attention portée à la mondialisation de la littérature. » 2/ « Une second constat, qui a eut tôt fait de se dessiner, concerne une supposée vacance du discours critique sur la période contemporaine. » (2009a : 15)
Selon Descombes, du point de vue philosophique, il y a il y a au moins « deux grandes conceptions possibles du contemporain » : 1/ celle fournie par la philosophie de l’histoire, voulant que le contemporain soit un âge, soit la pointe avancée du monde moderne : « La contemporanéité sera la quintessence de la modernité, elle-même comprise comme l’essence commune que partagent les phénomènes historiques des temps modernes. » (2000 : 21) ➢ Conception épochale du contemporain : la contemporanéité est alors « traitée comme une sorte de concitoyenneté d’époque : de même que des compatriotes sont du même pays, des contemporains sont du même temps historique » (2000 : 21) ➢ Amène à rechercher des « traits communs ou de propriétés typique à tout ce qui appartient à une époque, la nôtre » (2000 : 21)
2/ celle fournie par une philosophie du temps (réflexion sur l’idée de temps temps), soit « un concours entre plusieurs changements actuels » : « Être des contemporains, ce sera partager la même actualité historique. » – l’actualité étant « ce qui se produit effectivement, et ce qui est en train de nous affecter, même si les journaux omettent d’en parler » (2000 : 22). ➢ Compréhension modale du contemporain (2000 : 22)
• Descombes parle également de la « modalité affective » propre au chroniqueur du contemporain, parce que les événements sont encore en cours et peuvent donc affecter le chroniqueur (2000 : 24).
• Il insiste aussi sur l’idée que les événements historiques n’ont pas de contemporain à proprement parler puisqu’ils sont des interprétations (2000 : 26)
• De plus, c’est cette interprétation qui fera qu’un jugera différemment des groupes appartenant à la même période historique (certains seront « de leur temps » et d’autres se seront, en quelque sorte, « trompés d’époque ». (2000 : 27)
• Il fournit ensuite quelques clés pour décrire le contemporain : « il faut donner, non pas une liste de noms, mais un état des lieux, un état des procès en cours, et surtout un état du concours de ces procès, de la façon dont ils se combinent ou se contrarient. » (2000 : 29) En effet, ce qui fait que deux événements sont contemporains, selon lui, est non pas qu’ils se déroulent en même temps, mais qu’ils se font une sorte de compétition, de concurrence, ou au contraire qu’ils coopèrent (ce qu’il appelle la « commune actualité », 29). La chronologie définit donc une « contemporanéité indifférente » (2000 : 29) « De ce point de vue, le contemporain se présente d’abord comme le jeu d’ensemble des activités qui, parce qu’elles se produisent en même temps, se contrarient ou se renforcent les unes les autres. » (29)
• Il conclut sur l’impossibilité de définir un archétype du contemporain : « Toutes les tentatives pour définir un archétype de notre contemporain participent de l’erreur selon laquelle il y aurait une essence historique commune à tous les acteurs présents sur la scène. L’erreur n’est pas de croire qu’il y ait bien des points communs aux acteurs historiques, elle est de croire que ces points communs pourraient composer leur modernité. Mais il y a de tout sur la scène : du traditionnel, du moderne, du très ancien, voire de l’archaïque, du très nouveau, et surtout beaucoup de mélangé. Le contemporain est plutôt une relation entre tous les ingrédients de l’actualité. Une première question à poser sur la réalité contemporaine est celle de savoir comment se font ces mélanges, et si les formes composites qu’ils produisent sont intelligibles dans le cadre des catégories intellectuelles héritées de notre tradition. » (30-31) Il faut alors rechercher et étudier les conditions de ces changements.
La notion de contemporain est fluctuante ; « Elle désigne le présent, mais étendu à une période dont l’appréciation demeure floue et empirique. Il paraît impossible de donner une “origine” à cette extension du présent, sinon peut-être en déterminant la clôture – la fin – de la période qui le précède. L’étude de la littérature contemporaine, comme de toute autre époque littéraire, requiert un effort de périodisation. Pour cela il est nécessaire d’identifier la période dans laquelle nous sommes, ce qui, bien évidemment ne peut se faire qu’en désignant le moment où cette période débute, c’est-à-dire celui où se marquent des différences esthétiques substantielles avec la période qui la précède immédiatement. Aussi faut-il se rendre attentif à l’apparition de nouveaux enjeux, de nouvelles pratiques, de nouvelles formes… » (2001 : 318)
Viart, dans son article de 2013 intitulé « Histoire littéraire et littérature contemporain », reviendra sur cette nécessité de déterminer la clôture de la période précédente : « Si donc l’on s’accorde à considérer que ‘‘littérature contemporaine’’ désigne non le vrac des livres publiés récemment mais un ensemble d’œuvres cohérent dans ses principaux enjeux, il est nécessaire d’en dater approximativement l’émergence, comme on le fait pour marquer l’apparition du romantisme ou des avant-gardes historiques. Il importe alors de repérer, dans le flot des œuvres qui paraissent non seulement celles qui marquent l’identité d’une époque […], mais encore le moment à partir duquel elles imposent leurs formes et leurs enjeux. » (2013 : 123) / « L’identification d’une inflexion esthétique suppose bien sûr de savoir par rapport à quoi les enjeux et les pratiques littéraires changent – et donc de connaître la ou les période(s) antérieure(s). Et cela ne vaut pas que pour le ‘‘tournant’’ littéraire, mais aussi pour se mettre en mesure de décrire les formes nouvelles qui apparaissent. Considérer leur éventuelle nouveauté nécessite de les confronter aux formes proches anciennement attestées. S’agit-il d’une innovation ou d’un retour? » (Viart, 2013 : 125)
Viorel-Dragos Moraru dit sensiblement la même chose sur la nécessité de reconnaître le « début » du contemporain : « Et la condition nécessaire et suffisante pour qu’une nouvelle période soit reconnaissable par l’historien de la littérature est que des agents du champ littéraire veuillent opérer des changements dans leur rapport à l’écriture. Bien sûr que l’ancienne période semblera demeurer des années durant malgré la proclamation d’une nouvelle période : le début de l’une n’entraîne pas nécessairement la fin de l’autre. Nulle époque ne commence, d’ailleurs, à une date exacte. Mais l’historien (de la littérature) délivre des actes de naissance symboliques. » (Moraru, 2009 : 220)
Pour Viart, « un tel travail suppose une démarche en trois temps », dont, en troisième lieu, « tenter de marquer les caractéristiques propres de cette esthétique contemporaine naissante » de deux façons : 1. « Grâce aux discours métalittéraires qui se tiennent à son endroit ou qui l’accompagnent » (2001 : 318) 2. « Grâce à l’examen des pratiques d’écriture elles-mêmes et des enjeux de ces écritures […] » (2001 : 318-319) * Note : C’est aussi ce que nous proposons : il faudra voir comment on se situe par rapport à Viart. Dans « Histoire littéraire et littérature contemporaine », Viart y va encore une fois d’une théorisation de l’étude du contemporain, mais une théorisation davantage méthodologique (voir 2013 : 115-119). Puis, après avoir constaté l’impuissance des réflexions théoriques sur l’idée même de « contemporain », Viart propose : « La définition de la littérature contemporaine ne peut donc procéder d’un terme, ‘‘le contemporain’’, et des acceptions que l’on en peut produire, mais d’une analyse des inflexions et des instances propres à la période considérée. C’est dire que la seule approche possible est pragmatique. Elle est le fruit d’une observation des phénomènes qui distingue les esthétiques et les enjeux nouveaux de ceux qui prévalaient auparavant. Aussi s’agira-t-il d’une définition historique et non théorique. C’est là que l’étude du contemporain rencontre des questions d’histoire littéraire. » (2013 : 120)
NOUDELMANN, François (2010), « Le contemporain sans époque : une affaire de rythmes », p.59-76.
Donne différentes définitions du contemporain, qui semble à la fois regrouper les deux sens du mot mais en y ajoutant une dimension de plus grande portée, soit la question du rapport au temps que cela implique. Sa thèse est que le contemporain se définit par des rythmes et non par l’orientation du temps. (2010 : 60)
La question du choix de se dire « contemporain » est intéressante : « L’usage du mot contemporain relève, au-delà d’une définition factuelle, d’un optatif. Il désigne un choix, un marquage, une manière de régler l’adéquation au présent. On est moins contemporain qu’on ne l’affirme et ne le devient. À l’inverse on s’affichera hostile au contemporain pour se démarquer du flux, de la tendance. » (2010 : 59)
Comme Ruffel, il soutient que le contemporain s’oppose en quelque sorte à la modernité, dans la mesure où on serait dans le régime présentisme tel que définit par Hartog (je ne sais plus s’il le dit explicitement) : « L’opposition au contemporain s’est aujourd’hui superposée à la dénonciation de la modernité, car le présent ne s’affiche plus “moderne”, il a délaissé le temps gestationnel et futuriste. » (2010 : 59) Voir la suite pour une courte réflexion sur le rapport moderne/contemporain, p.59-60. Entre autres : « [L]e contemporain est devenu un champ de bataille dans lequel il s’agit à la fois de dénoncer les dégâts du modernisme et de préserver ce qui peut encore l’être. Après le contemporain tiré du futur, voici le contemporain qui se nimbe de passé. » (2010 : 60)
Par ailleurs, on voit à quel point les contributeurs de ce collectif accordent une grande importance à la question du présentisme telle que l’a définie Hartog. Une autre citation, tirée du même collectif : « “Contemporain” désignerait un rapport critique du présent qui vit mal ou qui ne peut plus vivre son inscription dans la continuité historique. » (Rueff, 2010 : 98) — Note : une fiche sur le livre de Hartog existe : http://contemporain.info/wiki2/doku.php/fq-equipe:francois_hartog_2003_regimes_d_historicite._presentisme_et_experiences_du_temps
À propos du Qu’est-ce que le contemporain ? d’Agamben (2008), on pourra consulter la fiche :http://contemporain.info/wiki2/doku.php/fq-equipe:agamben_giorgio_2008_qu_est-ce_que_le_contemporain Mais Bertrand Gervais résume bien ce qu’il y a à en retenir :
« Je n’ai rien contre cette figure d’un Sujet Contemporain, poète et intellectuel soucieux de faire ressortir les zones d’obscurité dans cette lumière qui se donne comme seule réalité, seule vérité, totale et actuelle. Mais il faut comprendre qu’elle est essentiellement une figure. Si nous avons besoin de ces Contemporains, de ces Agamben au regard pénétrant, ceux-ci ne sont pas le contemporain. Pour le dire simplement, ce contemporain-là ne permet pas de comprendre l’imaginaire contemporain. Peut-être cet imaginaire n’est-il qu’une construction, un savant jeu de lumière qui nous fait prendre une scène pour notre seule réalité. Mais cette scène est notre seul théâtre des opérations. Nous ne sortirons jamais de la caverne. Et il convient, non pas de le rabattre au rang d’écran, mais de l’investir comme principale surface de connaissance. Quels récits nous racontons-nous maintenant? (Et non: quels récits devrions-nous nous raconter pour ramener de l’inactualité et, par conséquent, de la densité dans notre époque?) Quelles images nous fascinent maintenant? Quelles zones de tension se profilent? Quelles failles? Il ne s’agit pas de prendre un pas de recul, mais au contraire de faire un pas de plus et de se colleter aux difficultés que pose l’étude de ce qui se passe immédiatement sous nos yeux. Non pas de refuser le spectacle, mais de pousser à l’extrême sa logique de façon à en voir les limites. Le contemporain n’est pas un écran, il n‘est pas un plan à deux dimensions, mais un espace complexe à trois dimensions, un espace capable de recueillir des situations, des tensions, tout comme des représentations. » (2009 : en ligne sur Salon Double)
ROUSSO, Henry (2012), La dernière catastrophe. L’histoire, le présent, le contemporain, Paris, NRF Gallimard, coll. « NRF essais ».
Il s’agit, ici, d’un ouvrage d’historien consacré à la discipline qu’est l’histoire du « temps présent ». Un constat me paraît essentiel à relever suite à cette lecture : dans le domaine de l’histoire, tout ce qui touche la postmodernité ou bien un changement de paradigme au début des années 80 ne s’applique pas. Il n’y a pas consensus autour d’une date qui définirait l’objet de l’historien du temps présent. Pour certain, c’est la Révolution française (1789), pour d’autres, différentes dates liées à la première ou à la deuxième guerres. D’autres postulent enfin que quelque chose s’est clôt du XXe siècle avec la chute du mur de Berlin (fin des grandes idéologies ayant débuté en 1917 avec la Révolution léniniste). Pour les différentes explications sur le choix de ces périodes, on pourra se reporter au passage intitulé « Une définition par critères variables », p. 230-245. + Variabilité du contemporain vu comme période historique : « Des quatre grandes séquences de l’historiographie occidentale : Antiquité, Moyen Âge, Temps modernes et Époque contemporaine, seule la dernière possède une périodisation constamment incertaine et discutée. Suivant les lieux et les traditions nationales, le “contemporain” pourra en effet commencer aussi bien en 1789, en 1917, en 1945 ou encore en 1989. Quant à sa date terminale, elle est par définition mobile, autre différence banale mais de taille. De ces quatre périodisations, l’histoire contemporaine est la seule à faire l’objet de désaccords récurrents non sur l’interprétation des séquences temporelles elles-mêmes […], mais sur sa faisabilité, sa signification, sa dénomination […]. » (2012 : 15)
BESSIÈRE, Jean (2011), « Le roman contemporain. Notes pour une caractérisation et quelques orientations critiques ».
Bessière s’intéresse en fait non au concept de contemporain, mais au « roman contemporain » qu’il n’associe pas simplement à une borne temporelle, mais à une esthétique particulière qui l’oppose au « roman de la tradition du roman », celui aussi de « l’autorité du roman » (dans lequel il englobe le roman « moderne, moderniste et postmoderne »). Voici sa définition :
• « Le roman contemporain s’entend comme le roman des trente dernières années, sans que les langues, les cultures, les identités nationales des romans soient spécifiquement privilégiées. Le contemporain même s’identifie doublement : selon un moment d’internationalisation des proximités éditoriales, marchandes et, en conséquence, créatrices, des romans de bien des cultures : selon la temporalité et l’historicité qui font le contemporain : celui-ci est une actualité, définie par son propre présent et par les indices temporels, historiques, avec lesquels il se confond et qui sont de divers moments. Par son moment d’internationalisation, par le présent et par les historicités, qui le définissent, le contemporain est un complexe de sites et de temps. Le constat de ce complexe de sites, de temps, dans le roman, dans la littérature, dans l’historiographie, est caractéristique du contemporain. […] » (218-219)
Dans son étude sur la notion même de contemporain, Ruffel signale à quel point celle-ci a longtemps (depuis le Siècle des Lumières) été utilisée en termes d’appartenance esthétique et de valeur (« être contemporain de »), tandis que celui de « moderne » renvoyait à l’idée de quelque chose qui se ferait « contre le présent et le contemporain » (2010a : 16). Il se demande alors pourquoi « contemporain » a remplacé moderne au XXe siècle : « Comment expliquer alors qu’en quelques décennies, le renversement soit total? Comment expliquer qu’aujourd’hui le terme moderne ne soit plus guère utilisé, alors que celui de contemporain envahi les discours sur la représentation du présent historique? » (2010a : 22)
Ruffel explique ce bouleversement par les « transformations profondes qui affectent le monde de l’après-deuxième guerre mondiale ». Trois bouleversements vont « dans le sens de l’engouement pour le contemporain » :
François Noudelmann (2010) abonde dans le même sens et fait en quelque sorte correspondre le nouveau régime d’historicité [Hartog] avec la question du contemporain, vécu comme temps présent et en rupture avec le modernisme. Selon lui, le « contemporain » s’est profondément transformé dans les années 1980, par un « renversement idéologique » : « [C]’est bien la nature du passé, et son mode de présence qui se sont transformés. » (2010 : 61) / « réhabilitation du passé après les futurismes négateurs », le contemporain serait marqué par un désir de continuité plutôt que de rupture, contrairement au modernisme. « Mais il y va bien davantage que d’une réhabilitation, car le passé n’est pas simplement réintégré dans le présent : le présent est désormais vécu comme un passé. » (2010 : 61) […] « Plus profondément, il s’agit d’un changement de paradigme dans la représentation du temps, qui ne correspond pas forcément à la manière dont tous les contemporains vivent leur époque mais qui s’impose idéologiquement. » (2010 : 62)
Un autre contributeur du collectif de Ruffel, Philippe Forest, présente la même idée (on peut donc dire qu’elle fait consensus dans ce collectif) : Il oppose lui aussi les deux termes, selon qu’ils sont deux logiques, deux façons de penser le présent et d’établir des relations au sein du grand ensemble des œuvres d’aujourd’hui : 1- « pensé comme “contemporanéité”, le présent est appréhendé comme stricte et suffisante simultanéité, exigeant seulement des œuvres d’être dans le même temps pour être en phase les unes avec les autres. » 2- « Pensé selon les exigence du “moderne”, le présent oblige à distinguer parmi les œuvres d’aujourd’hui celles qui consentent au tout-venant de l’époque et celles qui résistent à ce même tout-venant en affirmant qu’un autre principe agit ici mais pas là, dans tel texte mais pas dans tel autre, de telle sorte que se trouve conservé le lien de la littérature à cette dimension critique en laquelle on peut voir justement l’une des définitions du moderne. (2010 : 83-84)
Sur le constat qu’un glissement s’opère du terme « moderne » vers celui de « contemporain », il va même jusqu’à se demander si « cette forclusion n’entraîne pas tout simplement avec elle l’abandon de tout ce dont l’art et la littérature se trouvaient et se trouvent encore solidaire ». (2010 : 85) —– cette idée est intéressante parce qu’elle renvoie à celle de la « valeur » critique et esthétique du contemporain. Dans l’ensemble du discours de Forest, cependant, on voit une certaine nostalgie.
EN FRANCE :
LYOTARD, Jean-François (1982), « Réponse à la question : Qu’est-ce que le postmoderne ? », Critique, no 419, p.357-367.
- « fin unitaire de l’histoire » - « et celle d’un sujet » (1982 : 359)
- « La modernité, de quelque époque qu’elle date, ne va jamais sans l’ébranlement de la croyance et sans la découverte du peu de réalité de la réalité, associée à l’invention d’autres réalités. » (1982 : 363)
- L’essentiel de l ‘argumentaire repose sur l’idée de sublime, qui comporte à la fois plaisir et peine : « Je pense en particulier que c’est dans l’esthétique du sublime que l’art moderne (y compris la littérature) trouve son ressort, et la logique des avant-gardes ses axiomes. » (1982 : 363)
- « J’appellerai moderne, l’art qui consacre son “petit technique”, comme disait Diderot, à présenter qu’il y a de l’imprésentable. Faire voir qu’il y a quelque chose que l’on peut concevoir et que l’on ne peut pas voir ni faire voir : voilà l’enjeu de la peinture moderne. » (1982 : 364)
GONTARD, Marc (2001), « La postmodernisme en France : définition, critères, périodisation », dans Michèle Touret et Francine Dugast-Portes (dir.), Le Temps des Lettres. Quelles périodisations pour l’histoire de la littérature française du 20e siècle ?, Rennes, Presses de l’Université de Rennes, coll. « Interférences », p. 283-294.
« La modernité, on l’a souvent répété, c’est la pensée du Siècle des Lumières, la croyance que la rationalité[,] grâce au progrès ininterrompu des sciences et techniques, conduit à l’émancipation progressive de l’homme, dans une société de plus en plus libérée. Tel est le sens de l’Histoire, chez Hegel comme chez Marx. Les catégories fondamentales de la modernité sont donc la raison, l’innovation, l’expérimentation et le progrès. D’où l’importance des avant-gardes dans la modernité esthétique qui nous intéresse ici. La logique qui sous-tend cette vision d’un devenir humain en flèche relève de la logique dialectique qui, de l’opposition binaire des contraires dégage une synthèse unitaire, c’est-à-dire un ordre supérieur qu’on peut appeler Sens de l’histoire mais qui travaille indistinctement le domaine des sciences, celui des arts et celui de la culture. » (2001 : 284)
« [La] modernité est fondée sur un ordre binaire de type dialectique qui permet de penser l’unité-totalité, qu’il s’agisse de l’œuvre littéraire comme structure, de la société comme système ou de l’identité du sujet, elle-même perçue dans l’opposition de l’autre et du moi. » (2001 : 285)
Littérature et modernité [source : rapport de recherche de Kim Leppik, déc. 2007] : http://contemporain.info/wiki2/doku.php/fq-equipe:kim_leppik_bilan_1_decembre_2007#litterature_et_modernite
Bien que la critique littéraire s’inquiète de l’avenir de la littérature française narrative (Forest, P. Le Roman, le réel : un roman est-il encore possible ? ; « L’Avenir de la fiction », Nouvelle Revue Française n°561 ; « Où va la littérature française ? », La Quinzaine Littéraire n°s 532, 711 & 712, etc.), la littérature elle-même se penche plutôt sur son passé et, plus spécifiquement, sur ses relations avec la modernité. Alors que plusieurs chercheurs avancent l’argument peut-être trop aisé que, par définition, il ne peut y avoir de fin à la modernité (le principe qui conduit la modernité est celui de la rupture, la rupture que constitue la postmodernité ne serait donc que la continuation paradoxale de ce principe…), force est de constater que, au début des années 1980, la littérature française se transforme profondément. Les derniers structuralistes disparaissent, l’avant-garde voit sa fin. Il semble que tout se joue pour défaire le travail de la modernité, afin de sortir de l’impasse créative qu’a entraînée la dénonciation de la représentation par les « Tels Quels », parmi d’autres (Lebrun et Prévost : Nouveaux territoires romanesques). Ainsi le sujet, le récit et le réel réapparaissent au sein de textes des mêmes écrivains qui ont éveillé le soupçon à leur endroit (plusieurs Nouveaux Romanciers — Sarraute, Duras, Simon, Robbe-Grillet — ainsi que Philippe Sollers, fondateur du mouvement Tel Quel, publient des textes de nature autobiographique dans les années 1980…) Mais ce n’est pas contre la modernité que travaillent les écrivains contemporains, ni dans la volonté de retourner à un état prémoderne ou d’oublier l’ère de soupçon de la transitivité de la littérature. Ils travaillent plutôt avec la modernité, ils entrent en dialogue avec elle (Viart). Autrement dit, entre la fiction de la modernité et la fiction contemporaine, il ne s’agit pas d’interdit, mais d’interface.
AU QUÉBEC :
MICHAUD, Ginette et Élisabeth NARDOUT-LAFARGE (dir.) (2004), Constructions de la modernité au Québec, Actes du colloque tenu à Montréal les 6, 7 et 8 novembre 2003, Montréal, Lanctôt Éditeur.
En introduction, les auteurs parlent de modernités plurielles et dégagent des spécificités en ce qui concerne la modernité québécoise. Yvan Lamonde proposera quelques hypothèses en ce sens, dont que la modernité est toujours en relation de rupture ou de filiation – mais dans les exemples qu’il a convoqués dans son article, il semble s’agir, au Québec, plus souvent de ruptures véhémentes – avec le passé. Selon l’auteur, le poids de l’histoire au Québec est tel que la recherche d’une modernité se fait toujours dans une quête de libération par rapport au passé. Il s’interroge : « Faut-il aller jusqu’à dire que la modernité est, ici plus qu’ailleurs, interminable ? » (Lamonde, 2004 : 35)
Élisabeth Nardout-Lafarge souligne pour sa part que la modernité au Québec apparaît comme une valeur, comme une attestation de légitimité. « [I]l ressort que ‘‘moderne’’ signifie d’abord actuel, contemporain de la lecture en train de se faire […] ; est moderne également ce qui est lisible à l’étranger et, en tout premier lieu, en France ; est perçu comme moderne, enfin, ce qui n’entretient pas de liens avec l’ancien, donc ce qui est laïque ou même anti-religieux, novateur voire iconoclaste, au sens d’ostensiblement marqué comme différent d’une littérature antérieure, dite traditionnelle, qui sert de repoussoir. » (Nardout-Lafarge, 2004 : 299)
Robert Vigneault (2004), « Notre sauvage besoin de libération », dans Caumartin et Lapointe, Parcours de l’essai québécois (1980-2000), p. 17-30.
Temporalité de la modernité québécoise : « [L]e Québec, à partir de 1945, est peu à peu sorti de l’orthodoxie pour entrer dans la modernité. Le mur de l’unanimité s’est lézardé et l’individu a pris la parole comme on prend le pouvoir. Auparavant, le sens était donné : il suffisait simplement de l’accueillir. La modernité a instauré le déchirement entre le sens et la praxis; le fossé s’est élargi entre la vie empirique et la signification. On est entré comme furtivement dans un monde instable, sans envers, où l’on éprouve le vertige de la précarité, voire de la perte d’une vérité dont un je solitaire ne perçoit plus que des fragments. Cette crise de la modernité, cette affirmation nouvelle d’un je contestataire, angoissé par la sensation nouvelle de la liberté, constituerait le terreau idéal pour l’éclosion de l’essai. » (2004 : 19)
On ne peut parler de cette notion sans penser, bien sûr, à Lyotard. Reste que, l’objet de son étude est « la condition du savoir dans les sociétés les plus développées » (1979 : 7). Il serait donc plus juste de dire que l’objet spécifique de l’étude est les conditions de la société postmoderne, lues par le biais de la question du savoir scientifique. Dès lors, si Lyotard est reconnu pour avoir défini la notion de postmoderne, il n’en est pas vraiment question ici. Il utilise le terme, certes (le reprenant des études américaines), mais ne le discute ou ne le définit pas. Il propose simplement : « On a décidé de la nommer “postmoderne” [donc, la condition du savoir]. Le mot est en usage sur le continent américain, sous la plume des sociologues et des critiques. Il désigne l’état de la culture après les transformations qui ont affecté les règles du jeu de la science, de la littérature et des arts à partir de la fin du XIXe siècle. Ici, on situera ces transformations par rapport à la crise des récits. » (1979 : 7) L’objet reste donc relativement restreint et ne peut, bien sûr, englober tout ce qu’on considère aujourd’hui définir les variantes du postmoderne. Il est toutefois intéressant de retenir que, à la base, le terme s’appliquait à tout le XXe siècle, plus particulièrement aux années d’après Guerre. Retenons aussi la « définition » suivante : « En simplifiant à l’extrême, on tient pour “postmoderne” l’incrédulité à l’égard des métarécits. » (1979 : 7) Ce qu’on doit à Lyotard, c’est bien d’avoir introduit la notion dans le monde francophone.
Dans « Réponse à la question “qu’est-ce que le postmoderne ?” » (1982), Lyotard offrira une deuxième définition du postmoderne, qui se pense dans un corollaire avec le moderne : « Voici donc le différend : l’esthétique moderne est une esthétique du sublime, mais nostalgique ; elle permet que l’imprésentable soit allégué seulement comme un contenu absent, mais la forme continue à offrir au lecteur ou au regardeur, grâce à sa consistance reconnaissable, matière à consolation et à plaisir. Or ces sentiments ne forment pas le véritable sentiment sublime, qui est une combinaison intrinsèque de plaisir et de peine : le plaisir de ce que la raison excède toute présentation, la douleur de ce que l’imagination ou la sensibilité ne soient pas à la mesure du contexte. Le postmoderne serait ce qui dans le moderne allègue l’imprésentable dans la présentation elle-même ; ce qui se refuse à la consolation des bonnes formes, au consensus d’un goût qui permettrait d’éprouver en commun la nostalgie de l’impossible ; ce qui s’enquiert de présentations nouvelles, non pas pour en [367 :] jouir, mais pour mieux faire sentir qu’il y a de l’imprésentable. Un artiste, un écrivain postmoderne est dans la situation d’un philosophe : le texte qu’il écrit, l’œuvre qu’il accomplit ne sont pas en principe gouvernés par des règles déjà établies, et ils ne peuvent pas être jugés au moyen d’un jugement déterminant, par l’application à ce texte, à cette œuvre de catégories connues. Ces règles et ces catégories sont ce que l’œuvre ou le texte recherche. […] Postmoderne serait à comprendre selon le paradoxe du futur (post) antérieur (modo). » (366-367)
* En somme, pour Lyotard, le postmoderne est intimement lié au moderne et ne correspond pas à une esthétique « contemporaine ».
J’ai souligné que certains contributeurs de Qu’est-ce que le contemporain ? voyaient le contemporain en opposition à la modernité. Dans le glissement de la modernité au contemporain, la notion de « postmoderne » aurait joué un rôle essentiel mais transitoire. Par exemple :
• pour Lionel Ruffel, la notion de postmoderne est un emblème du contemporain, voire un symptôme qui aurait participé à sa construction : « Avec le recul qui est le nôtre, on peut dire que le postmoderne a moins signalé une volonté de sortie du moderne que la conscience souterraine que des phénomènes majeurs affectaient le monde après la deuxième guerre mondiale. » (2010b : 29-30) Le terme n’étant plus utilisé aujourd’hui, il aurait représenté « une phase de transition dans le processus de nomination, du moderne au contemporain » (2010b : 30)
• Pour Philippe Forest, la postmodernité serait le moment où le nouveau se donne comme nouveau, mais n’implique désormais aucune remise en question ou contestation du monde dans lequel il surgit, un « moderne inoffensif » (2010 : 89). Sa conclusion est alors : « La doxa postmoderne – et c’est pour ça qu’elle promeut le contemporain contre le moderne – voudrait nous convaincre que le négatif a disparu au temps de la fin de l’Histoire, de l’assomption du simulacre, du vertige du virtuel et de l’absorption de toutes contradictions au sein d’une société sans en-dehors possible. Même si cela était le cas, même si cela était vrai, il resterait cette protestation du négatif “pour rien” où se situe pourtant l’exigence même de la vérité. » (2010 : 91)
Dans « La valeur ‘‘modernité’’ en littérature québécoise : notes pour un bilan critique » (2004), É. Nardout-Lafarge souligne d’entrée de jeu que la modernité a été pour les textes littéraires québécois à partir de la Révolution tranquille un critère de légitimité et une garantie de légitimité, jusqu’à ce que survienne dans les années 1980 le concept de postmodernité. L’auteure cite un texte de François Ricard, qui écrivait en 1988 que la littérature québécoise, à partir des années 1980, cesse d’être « à la fois petite, unifiée, et moderne » [dans « Remarques sur la normalisation d’une littérature », Écriture (Lausanne), no 31, p.1988, p.11] (2004 : 285). La postmodernité serait donc une « fin » de la modernité littéraire québécoise, mais demeure, au Québec, quelque peu problématique, car, malgré un certain consensus par rapport à ses traits esthétiques, une incertitude persiste dans sa définition ; elle renvoie soit à l’incertaine modernité québécoise, soit à des visions européennes ou américaines du concept. Selon elle, on est passé d’une modernité singulière à des « modernités plurielles, concurrentes, laissant voir le travail dont elles sont constituées, sinon le chantier qu’elles demeurent » (2004 : 287-288).
Janet M. Paterson, qui a beaucoup promu le concept de postmodernité au Québec, soutient que la raison fondamentale permettant d’expliquer que le terme et la notion aient été débattus plus tardivement par la critique au Québec (à partir des années 1980) est la suivante : « Il est pour tout dire difficile de parler de postmoderne en l’absence d’une tradition dite moderne. Au Québec, moderne et modernité ne désignent pas, comme dans le contexte anglo-américain, une période littéraire bien délimitée. Il s’agit, au contraire, de mots élastiques utilisés généralement pour désigner soit une partie du vingtième siècle, soit des pratiques avant-gardistes. » (1993 : 2-3)
Sur le rapport entre postmoderne et contemporain, Paterson écrit – dans son premier chapitre de Moments postmodernes, chapitre servant à expliquer, entre autres, les différences entre « postmoderne » et les notions voisines : « Enfin, il ne faut pas non plus confondre postmoderne avec moderne ou contemporain. On s’accorde généralement pour dire que la rubrique littérature contemporaine englobe toute la littérature d’après-guerre, y compris le postmoderne. Dans ce cas, il s’agit véritablement d’une désignation temporelle et non pas typologique. Le terme “moderne”, par contre, semble échapper à toute tentative de définition […]. Ce mot se caractérise par une élasticité des plus étonnantes : tantôt il désigne une partie du vingtième siècle (en général, la période depuis la guerre), tantôt tout le vingtième siècle et tantôt les dix-neuvième et vingtième siècles. Et si, face à ce flottement notionnel, il est permis de dire que le roman postmoderne s’insère dans la modernité (au sens le plus large du terme), il est important de rappeler qu’il se distingue, par une poétique qui lui est propre, du roman dit moderne. » (1993 : 14)
Donc, pour résumer : 1) « postmoderne » n’égale pas « contemporain » et vice-versa ; 2) la conception du « contemporain » que se fait Paterson ne se limite pas au Québec (littérature d’après-guerre ?) ; 3) le « contemporain », selon elle, n’est qu’un repère temporel où s’inscrit diverses esthétiques ; 4) le roman postmoderne appartient à la modernité au sens large mais se distingue du roman moderne. Par ailleurs, on peut conclure, à la lumière de cet ouvrage, que le roman postmoderne au Québec apparaît dans les années 1960 (et Hubert Aquin en est la plus importante figure), mais que la critique ne s’intéresse et décrit ce phénomène seulement après 1980. Qui plus est, c’est son émergence qui constituerait un moment charnière dans la littérature québécoise : « Si, au bout du compte, le mot postmoderne demeure flottant, ambiguë, souvent problématique, la littérature qu’il désigne au Québec correspond incontestablement à un moment d’épanouissement dans l’évolution du roman. » (1993 : 113)
Par ailleurs, à peu près tous ceux qui commentent la notion insistent sur son flou, son absence de conceptualisation. Elle n’appartient ni à une école ni à un réel mouvement, et traverse le champ des arts. On insiste aussi sur le fait que le terme peut être employé à tort et à travers. Scarpetta, par exemple, dira que le terme porte à confusion, et que cette dernière est à son comble « dès lors que se parent du terme “postmoderne” tout à la fois des attitudes modernistes, pré-modernes, ou, plus simplement, un banal réflexe anti-moderne. » (1985 : 17-18) Scarpetta propose cependant de ne pas abandonner le terme, mais de flirter avec lui, de le traiter lui-même de façon postmoderne, de s’en servir à distance. Il s’agirait surtout de le traiter comme « le symptôme d’une crise, d’une fin d’époque ». (1985 : 18)
Paterson, dans son article « Le postmodernisme et la ‘‘pensée migrante’’ au Québec » (2004 : Construction de la modernité au Québec) dira aussi qu’elle est une notion « floue » intéressante : « Pour simplifier les débats, je poserais que si le postmodernisme, à l’instar du modernisme, continue à se manifester dans les discours savants et populaires, c’est en grande partie parce que cette notion floue, élastique, polyvalente désigne à la fois un épistémè, c’est-à-dire une pensée philosophique qui s’attache à d’écrire “l’air du temps” et une pratique esthétique. » (2004 : 321)
Robert Vigneault, pour se part (dans « Notre sauvage besoin de libération », toujours), ne voit qu’une seule constante au postmodernisme, l’individualisme : « Ainsi, les essayistes québécois contemporains vivent-ils, dans l’euphorie comme dans l’ambiguïté, cette expérience d’émancipation individuelle. Et la seule caractéristique vraiment claire à mes yeux de l’insaisissable catégorie postmoderne, c’est l’exacerbation de cet individualisme. » (2004 : 24) / « N’est-ce pas ainsi, d’ailleurs, qu’on est pleinement postmoderne, c’est-à-dire un individu sans feu ni lieu, sans avant ni après, sans histoire ni culture encombrantes, jouissant à fond du moment présent d’à c’t’heure? » (2004 : 24)
De plus, il me semble que la vitalité de la notion (au Québec du moins) se circonscrit autour des années 1990 et semble même s’être étiolée depuis 2000. Je n’ai pas lu tous les numéros et articles consacrés au sujet (ils sont légions à l’époque), mais Paterson (2004) cherche à déterminer l’impact de cette notion et recourt dans un premier temps à une compilation des études parues sur le postmodernisme, ce qui permet de faire ressortir l’immense intérêt que ce concept suscite particulièrement dans les années 1990.
Il est vrai par ailleurs qu’au Québec, on assiste à une certaine entreprise de « liquidation » du concept dans les années 1990, avec, entre autres, l’article de Marc Chénetier, « Est-il nécessaire d’“expliquer le postmodernisme aux enfants” ? » (1994) et le dossier « La fiction postmoderne » dirigé par Frances Fortier (1993) – dans lequel le terme « fiction » prend un double sens. Chénetier fut ainsi un de ceux qui a souligné l’obsolescence quasi immédiate de la notion (alors même, dit-il, qu’il l’a déjà travaillé), l’expliquant ainsi :
• On aurait « la conviction que l’objet qu’il tente de cerner [le livre de Hutcheon sur le postmodernisme] a moins de cohérence – jusque dans le détail de ses contradictions – que ne le revendique l’étiquette justificatrice. » (1994 : 15)
• « Peut-être cet ouvrage, de par sa lucidité et sa précision mêmes, entrera-t-il dans l’histoire critique comme le moment principal de l’enterrement d’un concept découvert non-viable à la suite d’un examen attentif des pièces du dossier, loin des ‘‘études’’ de type incantatoire ou prophétique auto-proclamé qui l’ont précédé. » (1994 : 15)
Il faudrait aussi y voir quelque chose de transitoire (ce que ça semble être devenu), appelé ainsi provisoirement, faute de mieux pour caractériser une période :
• « Il n'y a pas de mal à se trouver dans une situation transitoire, pas de honte à vouloir l'expliquer ; il est plus discutable de vouloir s'y accrocher, voire s'y vautrer. » (1994 : 20) Il est tout de même curieux que, au bout du compte, « contemporain » ait en quelque sorte remplacé le terme, non pas pour caractériser exactement la même chose cependant, mais pour embrasser plus largement les textes actuels.
En France, seul Marc Gontard semble vouloir perpétuer la notion et la travailler en l’associant à une « crise » de la modernité qui prend toute sa plénitude avec la chute du Mur de Berlin et la fin d’un ordre binaire instauré par le modernisme. Par le biais de cette notion, il cherche surtout à « juger de sa pertinence dans le champ romanesque française » (il reprend la même expression tant dans son article de 2001 – voir plus bas – que dans son livre assez récent, Écrire la crise. L’esthétique postmoderne, 2013). Dans son livre, il insistera également sur le fait qu’il n’y a pas un mes des postmodernismes (2013 : 12), « pas un modèle type de roman postmoderne, mais un ensemble d’opérateurs textuels qui mettent le récit en résonance avec les configurations d’une société traversée par le doute et par l’aléatoire » (2013 : 94), etc.
SCARPETTA, Guy (1985), L’impureté, Paris, Grasset & Fasquelle.
Dans la dernière partie du dernier chapitre, intitulé « La transe baroque », Scarpetta rapproche le Baroque du postmoderne, mais un baroque qui n’appartient pas au passé, un Baroque qui, plutôt, se trouve « en avant ». Il écrit : « C’est, peut-être, la seule acception possible, pour moi, de l’attitude postmoderne : savoir que l’invention ne coïncide pas forcément avec la négation du passé, et la production du nouveau à tout prix, sans mémoire. D’une certaine façon, le mythe du nouveau radical a cessé d’être séduisant, – et celui de la modernité est en crise, avec tous ses interdits, ses impératifs. On pourrait dire : il ne s’agit pas de revenir en arrière, mais, par exemple, de réécrire l’histoire, autrement. » (1985 : 358) Plus loin, il parlera de « recycler le Baroque » (1985 : 361)
PATERSON, Janet (1993), Moments postmodernes dans le roman québécois, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa.
Après avoir décrit les différentes définitions du postmoderne, Paterson prend position : « Dans le présent ouvrage, j’utilise le concept de postmodernisme en m’inspirant surtout des propos de Lyotard parce que ceux-ci décrivent de la façon la plus probante, à mon avis, le phénomène postmoderne tel qu’il se révèle dans le roman québécois. En effet, comme nous le verrons plus loin, les notions lyotardiennes d’incrédulité à l’égard des métarécits, de crise de légitimation et d’hétérogénéité se manifestent avec puissance et insistance dans certains romans postmodernes québécois. » (1993 : 16)
Dans « Le postmodernisme et la ‘‘pensée migrante’’ au Québec » (2004), Paterson évoque diverses définitions du postmodernisme, définitions qui permettent de bien synthétiser les choses : celle de Lyotard (incrédulité à l’égard des métarécits, crise de légitimation des grands discours philosophiques, savoir hétérogène lié à une légitimation fondée sur la reconnaissance des jeux de langage), celle de Scarpetta (impureté des formes et des contenus, et manifestations d’art et de pensée hybrides), celle qui prévaut dans la littérature québécoise (dynamisme créateur, innovations formelles, interrogations multiples et remises en question fondamentales).
FORTIER, Frances (1993a) « Liminaire », au dossier « La fiction postmoderne », Tangence, no 39 p.5-7. + (1993b) « Archéologie d’une postmodernité », p. 21-36.
2 définition(s) de la postmodernité :
• « La postmodernité repose sur un constat : le dogmatisme des avant-gardes n’opère plus, les codes esthétiques modernes sont déboussolées, la pensée du système est devenue inopérante. » (1993 : 5)
• « Mais la postmodernité peut aussi s’envisager comme une régularité discursive qui traverse tout autant les pratiques esthétiques que le discours critique qui les examine. Auquel cas il faudrait voir si la postmodernité n’est pas un schème d’intelligibilité autorisant l’homogénéisation de l’hétérogène. La ‘’fiction’’ postmoderne apparaîtrait ainsi comme une récupération totalisante qui vise un nouveau découpage du champ littéraire. » (1993 : 5)
Dans son article « Archéologie » : « L’incrédulité fonde la différence : là où la modernité obéit à une stratégie de la tabula rasa et postule une téléologie dont elle serait l’achèvement, la postmodernité et ses métafictions proposent un système d’intelligibilité de l’histoire où la conscience du simulacre permet de reconnaître les processus de construction du sens qui légitiment la lecture du passé. En ce sens, la postmodernité relève d’une esthétique de la récupération et de l’intégration qui sanctionne un déplacement des valeurs de la modernité, tout entière fondée sur la légitimité de la distinction et de l’exclusion. » (1993 : 32)
DION, Robert (1993), « Une critique du postmoderne », Tangence, no 39, p. 89-101.
« L’incorporation du projet théorique/critique au projet littéraire est, on le sait, l’un des aspects dominants de la postmodernité : l’idée de l’œuvre et le commentaire sur l’œuvre tendent à devenir l’œuvre. On peut raisonnablement penser que cette dimension théorique/critique vise à compenser l’effet ‘’populiste’’ produit par l’intégration de la culture de masse et de la contre-culture; ainsi, la théorie et la critique auraient pour résultat de rendre la littérature postmoderne à la culture des experts. Tant et si bien que le caractère ‘‘démocratique’’ de cette littérature s’avèrerait un leurre. » (1993 : 94)
OUELLET, Pierre (1993), « LE TEMPS D’APRÈS l’histoire et le postmodernisme », Tangence, no 39, p. 112-131.
Particularité du postmodernisme littéraire (en regard des autres arts) : « Il en va autrement de la littérature, dont l’histoire n’obéit pas à la même clôture : les contours d’un mouvement littéraire postmoderne sont loin d’être aussi précis. Si le postmodernisme architectural et pictural – musical aussi – définit un courant artistique international dont l’émergence remonte au milieu des années soixante-dix et dont la progressive disparition marque la fin des années quatre-vingt, il semble que la littérature postmoderne n’ait été identifiée comme telle et n’ait fait l’objet d’une appropriation par les écrivains eux-mêmes qu’au sein de la culture anglo-américaine, où l’on a tenté de nombreuses re-périodisation qui font remonter la postmodernité littéraire à Vladimir Nabokov quand ce n’est pas à William Faulkner, et qui étendent son influence jusque sur la littérature la plus contemporaine, couvrant ainsi plus de cinquante ans d’histoire. » (1993 : 114)
4 définitions du postmoderne :
« L’utilisation des expressions ‘‘postmoderne’’, ‘‘postmodernité’’ et ‘‘postmodernisme’’ relève souvent d’un très large malentendu, dont la polysémie du terme est en grande partie responsable. On peut à mon sens distinguer quatre usages fort différents de ces termes, que la Critique actuelle se plaît à croiser, produisant des effets de discours parfaitement ‘’postmodernes’’ au sens péjoratif de l’expression, qui désigne aussi, sarcastiquement, quelque voisinage malheureux ou collage incongru. » (1993 : 118)
1/ le terme est définit à l’intérieur du discours de la philosophie et, plus particulièrement, de l’histoire de la philosophie (118) – une pensée qui prend cours dans l’après-pensée moderniste
2/ la large définition donnée par les sciences sociales, autour de phénomènes actuels, soit : a. le post-industriel b. la mondialisation et la multiethnicité c. la fin des idéologies antagonistes et triomphe du libéralisme économique (118)
3/ conception qui définit « les changements survenus dans les pratiques artistiques vers la fin des années soixante-dix, en réaction contre le réductionnisme minimaliste qui a marqué l’évolution de l’Art moderne ». « Cette mise en question des codes esthétiques de la modernité s’est bien sûr répandue assez vite dans les autres formes d’art […]. (1993 : 119)
4/ L’usage qui « a présentement cours en littérature et dans la critique comme dans la théorie littéraire, dont certains courants s’appuient notamment sur un amalgame des trois premières définitions pour circonscrire l’objet d’étude et de réflexion qu’ils se sont donnés ou, plus justement, qu’ils se sont construit. » (119) – c’est cette définition que Ouellet va déconstruire et critiquer. + Il rappelle qu’il faut distinguer deux types de postmodernisme proprement littéraire : 1. Celui revendiqué par les auteurs 2. Celui de la théorie qui, dans les années quatre-vingt, « a tenté de saisir et décrire rétrospectivement les mutations que la littéraire – américaine surtout […] – avait connues depuis déjà une vingtaine d’années et même plus […]. (1993 : 119-120)
CHÉNETIER, Marc (1994), « Est-il nécessaire d’ “expliquer le postmodern(ism)e aux enfants”? » Études littéraires, vol. 27, n° 1, 1994, p. 11-27.
2 emplois (définitions) du mot « post-modernité » selon Habermas (synthétisés par Chénetier, mais il ne dit pas à quel article ou texte d’Habermas il fait référence (celui de 1981 qui était une défense de la modernité?)
1/ « L'un renvoie à une modernisation sociale et technologique accrue jusqu'à un basculement qualitatif » ;
2/ « l'autre à une critique radicale de la raison considérée comme aliénante, visant à ouvrir, de nouveau, notre temps à des valeurs d'irrationalité censées permettre d'ébranler les murailles au sein desquelles le ‘‘moderne’’, vu comme enfermement tyrannique dans les structures ‘‘rationnelles’’ d'où sont nées les horreurs du XXe siècle, nous aurait déportés (‘‘raison’’, ‘‘rationalité’’, industrialisme, bureaucratie, grand capital, Staline, Auschwitz, même combat… ?). » (1994 : 12)
BADIR, Sémir (1999), « Histoire littéraire et postmodernité », dans Jan Baetens et Dominique Viart (dir.), Écritures contemporaines. États du roman contemporain, Actes du colloque de Calaceite, Paris-Caen, Lettres modernes Minard, p. 241-264.
Il discute beaucoup du terme et de son utilité pour l’histoire littéraire contemporaine : « Du terme postmodernité, en effet, on sait qu’il possède un usage très marqué, et suscitant la polémique, alors que son statut théorique n’est ni clair ni distinct. D’un nouveau mode historique pour le contemporain, en revanche, le cadre théorique est relativement bien éprouvé, mais ne connaît aucune consistance dès lors qu’aucun nom ne vient le circonscrire. » (1999 : 245)
La démonstration est cependant pointue et je ne retiens ici que ce qui est susceptible de nous intéresser, dont le rapport entre moderne et postmoderne. Selon lui, la modernité serait fondée sur un paradoxe que l’on peut ignorer (en disant qu’elle a une esthétique et une histoire) ou considérer, ce qui aurait donné naissance à la théorie du postmoderne :
« La notion de postmodernité a en effet été trouvée pour résorber l’ambivalence classique de l’histoire. Synonyme de modernité face à la tradition moderne, la postmodernité a pour tâche d’affirmer, contre l’historicité classique, la temporalité propre à la modernité : une temporalité dialectique. » (1999 : 250)
« Bref, le scénario classique prévoyait deux termes, ceux de la tradition et de la nouveauté, ou ceux du classicisme et de la modernité, mais le dévoiement historique du second a suscité l’émergence d’un troisième, constitutif de la dialectique moderne. Il permet à la modernité de régner, de façon absolue, non seulement sur tout ce qui est venu avant elle, et pendant, mais également sur tout ce qui est encore susceptible d’advenir. » (1999 : 250-251)
GONTARD, Marc (2001), « La postmodernisme en France : définition, critères, périodisation », dans Michèle Touret et Francine Dugast-Portes (dir.), Le Temps des Lettres. Quelles périodisations pour l’histoire de la littérature française du 20e siècle ?, Rennes, Presses de l’Université de Rennes, coll. « Interférences », p. 283-294.
« [La postmodernité] naît de la prise de conscience de la complexité et du désordre dont les prémisses se manifestent dès les débuts du XXe siècle […]. Mais l’exploration du désordre ne devient vraiment systématique que dans les années 1970 […] » : les sciences qui offrent une nouvelle configuration du réel. (2001 : 285)
Défaire l’ordre binaire, idée du chaos et du décentrement : « La pensée postmoderne met donc au premier plan, contre l’idée de centre et de totalité, celle de réseau et de dissémination. Tandis que la modernité affirme un universel (unique par définition) la postmodernité se fonde sur une réalité discontinue, fragmentée, archipélique, modulaire où la seule temporalité est celle de l’instant présent, où le sujet lui-même décentré découvre l’altérité à soi, où à l’identité-racine, exclusive de l’Autre, fait place l’identité-rhizome, le métissage, la créolisation, tout ce que Scarpetta désigne, dans le champ esthétique par le concept d’“impureté”. De là, cette idée, qu’en contestant l’Histoire, les postmodernes renoncent à la catégorie du nouveau et à celle du progrès pour une revisitation des formes du passé […]… Mais ce qui n’est qu’éclectisme pour les uns (les néo-conservateurs) constitue pour les autres une réponse à “l’incrédulité face aux méta-récits” de la modernité, dont Lyotard fait le critère définitoire de la condition postmoderne. » (2001 : 285-286) [Cette formulation sera reprise dans Écrire la crise, p.129]
Marc Gontard (2013), Écrire la crise. L’esthétique postmoderne, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll. « Interférences ».
- « Le postmodernisme n’est ni un genre, ni une école. Toutefois, des constantes apparaissent dans les modes de représentation, autour du principe général d’altérité qui engendre des dispositifs d’hétérogénéité et de chaotisation (fragmentation, métissage) dont l’effet de complexification contredit la ‘’pureté’’ de l’esthétique moderniste. Un autre principe récurrent d’un art à l’autre est la mise en doute de la notion d’originalité. Tout travail artistique est un travail de ‘’seconde main’’ (Compagnon) où l’autre, à travers le ‘’palimpseste’’ de la culture (Genette), affirme sa présence dans le moi créateur. D’où la mise en évidence de ce perpétuel recyclage à travers des pratiques variées comme celle de la citation, de la parodie, du simulacre, avec cette distance ironique où s’inscrit la réflexion critique sur l’idée de progrès. La littérature, bien entendu, participe de cette esthétique et constitue l’un des fondements essentiels de la culture postmoderne que l’on peut rejeter mais certainement plus nier. » (2013 : 78)
Comme telle, dans le discours critique, la notion n’existe pas. Elle a cependant l’avantage de ne pas être chargée sémantiquement et symboliquement.
Je soulignerais toutefois que dans Qu’est-ce que le contemporain ?, Giorgio Agamben (2008) donne quelques définitions du contemporain (dans son court essai, le terme est entendu comme caractéristique ou adjectif d’un individu), dont la première propose que le contemporain serait l’inactuel : « Celui qui appartient véritablement à son temps, le vrai contemporain, est celui qui ne coïncide pas parfaitement avec lui ni n’adhère à ses prétentions, et se définit, en ce sens, comme inactuel; mais précisément pour cette raison, précisément par cet écart et cet anachronisme, il est plus apte que les autres à percevoir et à saisir son temps. Cette non-coïncidence, cette dyschronie, ne signifient naturellement pas que le contemporain vit dans un autre temps, ni qu’il soit un nostalgique qui se reconnaît mieux dans l’Athènes de Périclès ou le Paris de Robespierre ou du marquis de Sade que dans la ville ou dans le temps où il lui a été donné de vivre. Un homme intelligent peut haïr son époque, mais il sait en tout cas qu’il lui appartient irrévocablement. Il sait qu’il ne peut lui échapper. La contemporanéité est donc une singulière relation avec son propre temps, auquel on adhère tout en prenant ses distances; elle est très précisément la relation au temps qui adhère à lui par le déphasage et l’anachronisme. Ceux qui coïncident trop pleinement avec l’époque, qui conviennent parfaitement avec elle sur tous les points, ne sont pas des contemporains parce que, pour ces raisons mêmes, ils n’arrivent pas à la voir. Ils ne peuvent pas fixer le regard qu’ils portent sur elle. » (2008 : 10-11, souligné dans le texte)
Il semble en effet qu’il y ait deux acceptions théoriques du mot (2 « théorisations ») dont celle-ci qui est en fait une forme d’équivalent du « classique » mais un classique déshistoricisé.
Daniel-Henri Pageau (2011) définit le contemporain de la même façon, soit dans une opposition à l’actuel :
« Le contemporain qui m’intéresse ne se confond pas avec l’actuel. Il est d’abord un processus : un texte, une œuvre d’art deviennent contemporains. Doublement contemporain : par sa poétique propre, par ses propres moyens, si l’on peut dire, et par l’action déterminante de la critique. Le contemporain devient alors l’expression d’un rapport, certes, mais entre le temps de l’écriture et le temps de la lecture qui se fait jugement, choix, entre temps de la création et temps de la réception. Et comme il s’agit de temps différents, surgit une autre dimension du contemporain : est contemporain ce qui mérite d’être tenu pour contemporain. Le contemporain est avant tout reconnaissance. Par quelles raisons relevant de l’histoire, de la politique, de l’idéologie, de l’esthétique, un texte ou une œuvre d’art en viennent à partager un autre temps que celui de leur création, au point que ce temps soit reconnu comme une sorte d’autre présent, de présent de substitution. Pourquoi pouvons-nous, pourquoi voulons-nous établir de multiples rapports d’intelligence entre une œuvre du passé, plus ou moins lointain, et notre présent? Le contemporain est d’abord un rapport qui s’institue entre deux contextes différents; c’est surtout le processus par lequel une communauté veut faire siennes des œuvres en les reconnaissant comme des présents possibles, de vie, de culture, de systèmes de penser, de sentir. Le contemporain est ce processus de survie d’une œuvre qui permet son actualisation possible, souhaitée. » (2011 : 13-14)
« Nous avons appelé nouveau présent cette possibilité, par la présentation d’un monde imaginaire, d’offrir une alternative à la vie, à l’actualité. Est contemporain ce qui se substitue à un actuel défaillant, inutile, inadapté. Ce qui donne sens et cohérence au réel dans lequel nous vivons. » (2011 : 25)
CHAILLOU, Michel (1987), « L’extrême-contemporain, journal d’une idée ».
C’est lui qui lance le terme mais il ne le théorise pas du tout. Dans ce court texte, l’auteur assume davantage sa posture de créateur, et c’est en ce sens que l’idée est évoquée. Retenons toutefois quelques idées intéressantes :
- « L’extrême-contemporain? L’affiche à peine décollée du présent. Ça tient encore, ça résiste. » (5)
- « L’extrême-contemporain? Le présent interrogé, saisi aux ouïes, tiré hors de la nasse. Comment? La procédure du comment, du pourquoi pas, celle des naufragés de l’heure. » (5)
- « L’extrême-contemporain, ce qui cesse de l’être par appétit du futur, digestion du passé. […] le gain d’avenir du présent. » (6)
- « L’extrême-contemporain? Ce qui est si contemporain, si avec vous dans le même temps que vous ne pouvez vous en distinguer, l’apercevoir, définir son visage. L’extrême-contemporain, vous sans vous. » (6)
- « L’extrême-contemporain? Le marché aux puces de la modernité, la rouille du futur, son apologie. » (6)
Viart (2001), « Écrire au présent ».
• Rappelle que la notion est attribuable à Michel Chaillou qui ne la théorise toutefois pas, mais Viart dit que la notion propose « une sortie du système de pensée dichotomique qui caractérise la modernité » (2001 : 325).
• La notion propose aussi « un nouveau rapport au passé, à l’héritage culturel et à sa reviviscence. » (2001 : 325)
• L’extrême contemporain serait finalement une esthétique, car Viart le présente comme une sorte de présentisme (sans utiliser le mot) : « […] est ce souci du présent, qui ne s’aventure plus à décider des esthétiques du lendemain, qui s’invente dans l’instant, sans conscience claire de ce qui doit être ni a fortiori de ce qui “sera” ou “ne sera pas”. » (2001 : 326)
Viorel-Dragos Moraru (2009) explique la notion ainsi :
- 1986 : « En 1986, Michel Chaillou y lance l’idée d’“extrême contemporain”, vu comme “marché aux puces de la modernité” (Po&sie, 1987 : 6), où l’idée moderniste de progrès est remplacée par le sentiment d’une limite. » (228)
- « Plusieurs se réclament de “l’extrême contemporain” (Denis Roche, Chaillou, Michel Deguy, Jacques Roubaud, Florence Delay, Natacha Michel), ils se regroupent en 1989 sous l’égide de la collection “Fiction & cie” et publient en 1990 un recueil, L’Hexaméron, il y a prose et prose, censé repenser le rapport à l’écriture. » (228) [note : ne dit-on pas qu’il n’y a plus de regroupements et plus de manifestes à cette période??]
- « Presque en même temps, Sollers revient à la narration de forme traditionnelle, se présente comme un “joueur” (Portrait du joueur, 1984) et, réagissant contre certaines tendances “dépressives” de son temps, il devient “l’emblème même de l’écrivain postmoderne, brillant, éclectique, désabusé, profitant d’un système qu’en même temps il dénonce” (Tonnet-Lacroix, 2003 : 272). » (2009 : 228-229)
Je l’ai retrouvée dans le livre de Gontard (2013), mais c’est un concept qui vient de Marc Augé dans Non-Lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Seuil, 1992. Gontard l’explique ainsi : « [A]u lieu d’analyser le retrait de l’idée de Progrès comme symptôme de l’émergence d’une ‘’condition postmoderne’’, il préfère avancer l’hypothèse d’une Surmodernité qui se caractérise par trois figures de l’excès. » (2013 : 32) :
1/ « ‘’L’excès de temps’’, c’est la surcharge événementielle du présent qui obscurcit le sens de l’histoire immédiate » (32)
2/ « ‘’L’excès d’espace’’ correspond à la fois aux changements d’échelle, nés de l’avancée technologique des moyens de transport et à la confusion où nous plonge la surabondance d’images faussement homogènes qui mettent sur le même plan information, publicité, fiction » (32-33)
3/ « L’excès dans la singularisation de ‘’l’ego’’, qui n’évite pas les pièges de la stéréotypie et du conformisme, se traduit par l’individualisation des références et par les ‘’faits de singularité’’ qui offrent un ‘’contre-point paradoxal’’ aux phénomènes de la mondialisation de la culture. » (33)
« Où j’ai moins voulu, en somme, avoir la prétention de “penser la littérature contemporaine” (ambition toujours suspecte de dogmatisme) que, plus précisément, penser à partir d’elle – ou mieux, penser avec elle. » (Scarpetta, 1985 : 23)
[Je trouve pertinente cette posture de Scarpetta, car il me semble qu’elle rejoint ce que nous-mêmes, implicitement, nous souhaitons faire.]
I- On s’intéresse ici, d’une part, au discours qui construit la littérature comme contemporaine, à ce par quoi le contemporain peut exister parce que le discours critique (au sens large) a un caractère opératoire (partie I). II- D’autre part, on se penche sur les œuvres produites dans la période contem¬poraine (pour l’instant : 1980 et après), en France et au Québec, pour repérer certaines mises en œuvre es¬thétiques et poétiques d’un nouvel art narratif (partie II).
Notes de lectures :
→ Ruffel signale qu’il faut prendre en compte « un contemporain de la réception tout autant que de la création » (2010a : 14).
→ Samir Badir estime que notre contemporain est pensé sous deux « grandes figures » qui ne seraient que des « préjugés historiques » : répétition et régression (les « retours » et la « fin des avant-gardes », par exemple) : « Or, ces figures marquent l’échec à saisir la spécificité du contemporain, puisqu’elles le vouent en quelque sorte à une non-histoire, à une figure du “vide” historique, semblable à celle par laquelle on s’est longtemps figuré […] l’époque du haut Moyen Âge. » (1999 : 244)
Partant du présupposé que ce qu’il y a de contemporain est autant dans le discours que dans les œuvres, il s’agira de montrer comment le narratif balise fortement la littérature contemporaine, non via l'hégémonisme du roman comme au 19e siècle, mais par la transversalité et la portée du narratif dans l'écriture contemporaine. Cette transversalité du narratif serait ainsi une des voies privilégiée par la littérature contemporaine afin de retrouver sa transitivité. Donc, la spécificité du narratif contemporain = ??
En résumé, nous proposons dans un premier temps une saisie du discours sur le narratif contemporain – dans la mesure où il participe de la construction de celui-ci en insistant sur certains phénomènes, en mettant d’autres de côté, construisant notre regard et notre appréhension de cette production –pour voir ce qui ressasse mais aussi ce qui échappe dans ces discours. Dans un deuxième temps, nous proposons une saisie des productions narratives contemporaines afin d’identifier cette fois certains éléments de ces productions qui, jusqu’à maintenant, ont échappés à la critique.
Certains postulats guideront la réflexion : 1ère partie : Il nous semble que c’est par une autre voie que celle du discours sur la postmodernité que le discours critique cherche à établir cette spécificité du narratif contemporain [Note : la recherche de la première partie de ce document semble confirmer cette hypothèse] 2e partie : Qu’il y a un maillage singulier du narratif et de la littérature contemporaine et que cela se traduit par certains usages contemporains du narratif – et vice-versa : certains usages contemporains du narratif traduisent un maillage singulier du narratif et de la littérature contemporaine.
Afin d’envisager comment le contemporain s’est construit, nous avons choisi de privilégier une posture métacritique. On s’intéresse ici, dans un premier temps, au discours qui construit la littérature narrative comme contemporaine, à ce par quoi le contemporain peut exister parce que le discours critique (au sens large) lui accorde une certaine valeur. On s’intéresse, dans un deuxième temps, aux œuvres narratives contemporaines elles-mêmes pour saisir ce qui, dans leur poétique et leur esthétique, fonde les grandes orientations thématiques et stylistiques de la littérature narrative contemporaine. Nous postulons, en effet, que le contemporain c’est aussi bien un discours sur la production littéraire qu’une production qui s’élabore au dehors de ces discours. [Remarque : cela me semble, en fait, être le nœud de l’ouvrage, la « thèse » en quelque sorte et la concentration sur le narratif un « moyen » de parvenir à faire la démonstration]
Dans cette optique, nous pour¬sui¬vons deux objectifs (sous-jacents), liés à l’idée de « valeur » du contemporain :
1) Questionner les mécanismes de valorisation qui ont cours au sein des diverses instances institutionnelles en identifiant les balises, les caractéristiques, mais aussi certaines apories, points aveugles et frictions du discours critique qui s’attache à définir cette période afin d’apercevoir, entre autres, les biais qu’introduisent les choix théoriques et méthodologiques des diverses critiques.
2) Questionner les enjeux esthétiques et poétiques soulevés par les œuvres narratives contemporaines afin de mettre en relief les mécanismes de valorisation d’une certaine conception « contemporaine » de l’écriture, de la création, de la représentation, de la littérature, etc.
* Ainsi, la « valeur », c’est ce qui permet de comprendre la structuration du champ sous le rapport de l’esthétique : (1) qu’est-ce qui est valorisé, qu’est-ce qui échappe dans le discours critique et en constitue la marge ? (2) Qu’est-ce qui est valorisé, qu’est-ce qui échappe dans la démarche esthétique des auteurs contemporains ? En contrepartie, on se demande : est-ce que ces choix sont validés par l’institution (prix, anthologie, collections, éditions) ?
→ La confrontation sera donc discursive dans la première partie et mobilisera les œuvres dans la seconde partie, en plus de construire notre propre lecture du contemporain (par le truchement de nouveaux « vocables »)
2 précisions sont toutefois à apporter en ce qui a trait à notre façon d’envisager le con¬tem-porain : la relation France/Québec ; la restriction au champ du narratif.
Nous choisissons de nous situer au confluent des postures de la France et du Québec sur le contemporain ; nous estimons en effet qu’un regard croisé permettra de mieux observer la construction de cet objet discursif qu’est le contemporain. Dans cette optique, nous allons évaluer, dans un premier temps, tant les discours critiques sur le contemporain qui sont développés en France et au Québec que, dans un deuxième temps, les œuvres issues de ces deux littératures.
Nous justifions la pertinence de ce regard croisé sur la base, bien sûr, de la langue commune, mais surtout sur celle d’une communauté de pensée, du point de vue des discours, des idéologies qui se développent tantôt en parallèle, tantôt en dialogue.
→ Cette dimension sera par ailleurs à interroger : la modernité au Québec s’est-elle vrai-ment cons¬truite par rapport à la France ? Et qu’en est-il de l’américanité du Québec ? Se si¬tue¬rait-elle davantage dans les conceptions de l’écriture, dans les perceptions, dans les types de représentation que dans les œuvres elles-mêmes ?
Nous proposons ainsi que, par la circulation universitaire, par le recours aux mêmes ouvrages de référence, par le partage de certaines idéologies (d’une part, la fin des avant-gardes, la postmodernité ou modernité en réinvention ; d’autre part, la postmodernité littéraire, le structuralisme plus ou moins triomphant, le rejet des avant-gardes ou leur dérive), une certaine perméabilité des discours critiques entre la France et le Québec est perceptible, circulation qui, traditionnel¬le¬ment, allait de la France vers le Québec, mais qui, de plus en plus, se fait dans les deux sens.
D’où l’intérêt de faire dialoguer la critique et les œuvres de ces deux territoires, sur la base de l’interrogation suivante : la notion de contemporain désigne-t-elle en France et au Québec un même phénomène ? La notion recoupe-t-elle la même réalité en France et ici ? Ces acceptions « nationales » du contemporain se contaminent-elles, s’influencent-elles ?
Il ne s’agit pas ici d’une démarche strictement comparatiste, mais bien d’un regard global sur deux littératures qui présentent des phénomènes similaires mais qui, sans doute, se déclinent différemment. Il s’agira aussi, par ailleurs, de repérer les conta¬mi¬¬nations dans les œuvres, mal¬gré la diversité des réactions vis-à-vis des mêmes thèmes de réflexions (ex : les « retours à »).
Dans le même ordre d’idées, il s’agit également d’aller chercher des points de vue plus originaux, qui permettent de « traverser » les deux territoires, d’offrir de nouvelles perspectives. Ainsi, si on remarque de chaque côté une certaine homogénéité des discours critiques (et que l’on questionnera d’ailleurs), il y a certainement beaucoup à apprendre d’une lecture conjointe de ces deux discours, tout comme d’une étude comparée d’œuvres françaises et québécoises réunies selon une problématique commune (les « vocables » choisis) pour ensuite en saisir les singularités.
Outre la restriction à deux littératures seulement, nous nous proposons de nous restreindre aux seules œuvres narratives. Parmi les lignes de force du contemporain (aux côtés du lyrisme, du réel/fiction/virtuel, du sujet), nous élisons le narratif comme zone d’interaction privilégiée entre pratiques et discours. Dans cette optique, nous envisageons le narratif comme :
- une zone d’interaction à examiner, d’abord et avant tout, dans ses traces discursives : quels discours critiques sur ces pratiques ? (partie I)
- une zone d’interaction à examiner dans ses manifestations littéraires : quelles pratiques, quelles oeuvres modelées par la rencontre de la narrativité et du contemporain ? (partie II)
* Nous posons ainsi comme hypothèse que le contexte contemporain favorise net¬te¬ment la mise en contact (et la contamination) des pratiques narratives et des discours théo¬riques en France et au Québec, mais qu’il ne laisse pas moins jaillir des sensibilités et des intérêts singuliers dont témoignent les oeuvres et les discours dans leurs traits et leurs obsessions.
* Qu’est-ce qui jaillira de l’étude de cette zone d’interaction, tant sur le versant critique que sur celui des pratiques ?
→ Il s’agira ici de faire des observations liées à cette zone d'interaction, de faire de cette zone le lieu d'hypothèses spécifiques (ou de points à développer en sous-texte pour les faire valoir en conclusion)
Dans l’ensemble de cette partie, il s’agira de relire les principaux consensus du discours critique sur la production contemporaine, sous l’éclairage de la situation historique, par exemple, ou des réflexions poétiques et esthétiques. Il ne s’agit pas simplement de déblayer le terrain, mais de faire un retour sur les grands thèmes de la critique, sans exclure qu’on reprenne plus tard nous aussi les thèmes en question. En somme, il s’agira d’identifier ce qui « ressasse » dans le dis¬cours afin d’en prendre la mesure, de comprendre, de questionner la valeur de ces discours, de voir si on parle des mêmes choses quand on utilise les même mots, etc. ; mais aussi ce qui « échappe » au discours critique (ex : narrativité des femmes, écriture migrante, fictionalisation de la vie, le rapport au politique, le déclassement de l’écrivain, etc). C’est par le biais d’une discussion sur les grands « poncifs » des discussions critiques françaises et québécoises (pour les mesurer l’une à l’autre) que l’on va entrer, à notre tour, dans la discussion du/sur le contem¬porain.
Dans cette perspective, nous souhaitons, dans cette première partie, identifier les « thèmes d’obsession » et montrer comment le discours critique s’engouffre dans ces thèmes. Nous mettrons ainsi côte à côte divers phénomènes, mais tentons par le fait même mettre de l’avant les forces qui mo¬bi¬lisent le discours critique. L’hypothèse, ici, est qu’il y aurait deux « versants » véhiculés par le discours critique : d’un côté, un versant négatif (deuil, crise, mort, etc.) et, de l’autre, un versant plus positif (mémoire, retour du sujet, transmission, etc.). Il s’agira donc (dans la première partie, mais aussi, de façon globale, dans l’ensemble de l’ouvrage) de déplacer les enjeux habituel¬lement repérés, de reconsidérer, le cas échéant, les mouvements de crise comme les mouvements dynamiques. [On pourra revenir sur ces questions et hypothèses en conclusion]
La première partie sera en somme plus une étude des mouvements de transformation (dyna¬mique de changement) que de leurs résultantes. Le postulat sera que le discours met en place des vecteurs de changement autour de certains pôles ; nous nous concentrerons pour notre part sur le narratif contemporain, en disant « voilà ce que le narratif contemporain a fait à l’idée de littérature ».
Objectif(s) de la 1ère partie :
Simultanément :
- faire émerger les caractéristiques par lesquelles le discours critique pense le narratif con-temporain ;
- mettre en perspective les caractéristiques du narratif contemporain qui dominent dans les discours critiques sur le contemporain.
Ce qui revient, notamment, à mettre en relief :
- les manifestations [critiques ?] côté France, côté Québec.
- les zones de recoupement et les zones de singularités (points aveugles, apories, frictions)
- les éléments caractérisés positivement, les éléments caractérisés négativement
- les concepts que l’on retrouve dans les deux discours, mais qui ne caractérisent pas, de part et d’autre, les mêmes phénomènes ; et, inversement, les concepts différents qui caractérisent un même phénomène
- les éléments oubliés ou négligés
- les œuvres et les auteurs d’obsession
→ Et à remettre en question l’idée d’homogénéité et de représentativité du corpus privilégiée par les critiques (fixation sur certains auteurs, oubli de certains autres) en ayant recours à une ap-proche qui soit plus englobante ; nous proposons ainsi des concepts transversaux permettant de relire les caractéristiques du contemporain à un niveau de généralité plus élevé.
Les idées défendues dans la deuxième partie sont en conjonction avec les éléments présentés dans la première. Plus spécifiquement, la deuxième partie a été écrite à partir de thèmes qui permettent de proposer notre propre analyse du contemporain. En utilisant des termes poétiques et esthétiques qui permettent de mettre les œuvres en perspective, il s’agira, cette fois, de faire dialoguer des œuvres québécoises et des œuvres françaises, mais aussi de détacher les spécificités du narratif contemporain.
Objectif(s) de la 2e partie :
1- une certaine originalité des points de vue qui puisse mettre en relief, comme dans la première partie, les points de saisie et de diffraction, tout comme les singularités entre les deux corpus.
2- une mise en relief des grands courants, thèmes, motifs (etc.) qui traversent la littérature narrative contemporaine française et québécoise.
« Le classicisme paraît interdit dans un monde où la réalité est si déstabilisée qu’elle ne donne pas matière à expérience, mais à sondage et à expérimentation. » (Lyotard, 1982 : 360)
S’il nous a fallu, en ouverture, départager les concepts et les notions, nous ne saurions toutefois ouvrir cet ouvrage par un exercice de définition trop étroit de notre objet puisque notre propos est justement de saisir le « contemporain », de voir par quoi et comment il se construit. Pour l’instant, nous nous bornerons donc à poser le contemporain comme une période historique ayant débuté au tournant des années 1980. Comment se caractérise-t-il ?
Note : Lionel Ruffel parle du « caractère relativiste » de la vision contemporaine (ses « limites »), construite à partir soit d’un événement historique soit d’un chef-d’œuvre marquant, ce sur quoi chacun aura une opinion différentes pour diverses raisons. Ruffel de conclure : « Bref, ceux qui répondent à la question “Quand commence le contemporain?” nous en apprennent plus sur eux-mêmes que sur l’histoire. » (2010b : 12)
Sur un plan pratique, on peut soutenir que le « contemporain » qui débute en 1980 est un phénomène mondial : « L’ère contemporaine débute plus ou moins en 1980, selon la société, et pour différentes raisons, mais dont certaines sont globales, mondialisation oblige : la dépression économique de 1981-1982, le vieillissement de la population, la dénatalité des sociétés occidentales, etc. Ces facteurs sont peut-être, à première vue, un peu trop éloignés de la littérature, mais un changement sociétal ne peut pas être sans influence sur la production littéraire de cette société. » (Pierre-Luc Landry, rapport de recherche : http://contemporain.info/wiki2/doku.php/fq-equipe:rapport_1_-_aout_2009#perspectives_globales_ou_le_contemporain_comme_phenomene_mondial )
Il y a en tout cas une modification de la perception, au fil du temps, de ce qui appartient au contemporain et au moderne. À ce sujet, l’article d’Yvan Lamonde (2004) s’achève sur une mise en relation de la définition du contemporain à l’époque du colloque de 1985 et celle qui prévaut deux décennies plus tard : il constate que le contemporain a changé d’objet pendant cette période, puisque les deux grands événements de référence du contemporain qu’étaient le Refus global et la Révolution tranquille ont basculé dans le temps et sont désormais traités comme des événements du passé. É. Nardout-Lafarge (2004) évoque pour sa part le fait que, depuis les années 1980, la tradition contre laquelle s’érigeait la modernité a perdu sa force de repoussoir et qu’on entreprend maintenant de réévaluer cette tradition, en cherchant des traces de modernité avant les années 1960.
Deux dates sont essentielles : 1960 et 1980. Pour résumer simplement : 1960 marque d’une part l’avènement de la modernité au Québec (modernité essentiellement introduite par des grandes figures, dont spécialement Anne Hébert, Gérard Bessette et Hubert Aquin), tandis que les années 1980 marquent pour leur part le début du « contemporain ». C’est du moins ce que semblent proposer la plupart des critiques, dont, entre autres, Hans-Jürgen Greif et François Ouellet :
1960 : « Si on considère que la littérature dite “moderne” prend naissance vers 1960 au Québec, c’est parce que cette date marque l’avènement de la “poésie du pays”, caractérisée par l’affirmation, difficile et douloureuse, d’une autonomie nationale vis-à-vis du pouvoir anglophone, et de ce que Gilles Marcotte a appelé “le roman à l’imparfait”, c’est-à-dire une forme romanesque qui substitue le réalisme subjectif et les audaces et innovations esthétiques au point de vue omniscient et au plat naturalisme psychologique ou agriculturiste qui prévalaient depuis cent ans (de 1846 à 1950 environ). » (2004 : 9)
1980 : « Les années 1970 consacrent de nouveaux écrivains, tandis que la fin de la décennie marque le retour du lyrisme et l’essoufflement de l’engagement politique. La défaite référendaire, mais sans doute aussi le malaise existentiel d’une société qui a évacué trop rapidement les valeurs traditionnelles, accentuent ce virage. Ils entraînent le désengagement des intellectuels et des écrivains et valident la promotion d’une écriture de l’intime et du repli sur soi, l’essor d’une écriture postmoderne (phénomène qui caractérise toute la littérature occidentale contemporaine). » (2004 : 15)
D’instinct, on a tendance à faire commencer le contemporain en 1980. Il semblerait que cette périodisation instinctive soit justifiée : le discours critique ne précise pas de date exacte, mais on constate la fin d’une époque, le début de quelque chose de nouveau, un point de rupture, à partir des années 1980. Le DOLQ insiste très légèrement sur le référendum de 1980. Le vocabulaire employé par les auteurs de l’Histoire du Québec contemporain (1989) est, quant à lui, sans équivoque : 1980 marque le début d’une nouvelle période dans l’histoire du Québec. Le passage de l’époque précédente à celle-ci n’est pas attribué à la seule défaite du oui au référendum de 1980, mais à d’autres facteurs qui seraient probablement plus symptomatiques du début du contemporain. On pense ici à la dépression économique de 1981-1982, à la remise en question de l’État-providence et à une certaine rupture idéologique qui « tient à divers facteurs, parmi lesquels la récession économique de 1981-1982 et le vieillissement de la génération du baby boom jouent sans doute un rôle important. » (1989 : 687) Il me semble alors qu’on peut faire débuter la période contemporaine en 1980 au Québec, en raison notamment de la remise en question des acquis de la Révolution tranquille, du désabusement collectif résultant de la défaite du oui au référendum de 1980, de la prise de conscience de la diversité ethnique de la société, etc., mais aussi à cause de phénomènes plus globaux, à saveur internationale. [source : rapport de recherche de PLL : http://contemporain.info/wiki2/doku.php/fq-equipe:rapport_1_-_aout_2009#periodisation_du_contemporain ]
Sur la frontière de 1980 : André Belleau, dans Surprendre les voix (1986), « confère à l’année 1980 une valeur symbolique en évoquant les suites du Référendum, parmi lesquelles s’impose la non-définition identitaire. L’événement – ou le non-événement – politique se transforme alors en monument, à la fois signe et trace de la perte identitaire : “J’étais ‘X’ qui n’a pas réussi à devenir Québécois […] [Je] suis une sorte d’apatride. Je navigue sur les mers de l’inexistence avec un pavillon de complaisance. Le mien est canadien au lieu d’être libérien ou panaméen” (1986). À partir de 1980, un nouveau seuil aurait été franchi : après les slogans, les chants, les actions collectives et les luttes, le réel se serait imposé et aurait mis fin à l’utopie, aurait inauguré “l’ère de la sensation vraie” [expression de Nepveu emprunté à Peter Handke, L’Heure de la sensation vraie]. » (12) Par contre, il demeure toujours un soupçon au sujet de cette frontière : « Même si elle fait déjà partie du récit de la littérature québécoise, l’année 1980 n’échappe pas pour autant aux soupçons. N’est-ce pas, d’une part, succomber à une sorte de sociologisme réconfortant que de découper le corpus étudié en choisissant une borne temporelle ferme? Borne temporelle liée de près à l’histoire socioplitique qui plus est… Ne risque-t-on pas de multiplier les ruptures, d’inclure 1980 dans une série de dates emblématiques? » (12) Elles n’apportent bien sûr pas de réponse « hâtive » mais précisent que c’est une question qui habite les différents textes du recueil.
Frontière des années 1960 et 1980 : « Depuis 1980… Difficile de ne pas appréhender une mythification prochaine de cette date – après celle de 1960… Comme si à ce jour précis l’événement et la structure avaient fait basculer l’histoire dans une nouvelle séquence, différente de celle qui la précède, en rupture avec elle… Comme si l’histoire, après Foucault, ne pouvait se penser qu’en termes de ruptures et de différences, dans l’oubli sans doute de l’impossibilité de penser une série historique exclusivement selon la différence, puisque comment rendre le passé sans y projeter le présupposée même de la différence? Et l’essai québécois fait-il vraiment écho à cette rupture supposée? » (2004 : 113)
Une remarque de Larue me donne à penser que le « contemporain », tel que nous l’entendons, apparaît en fait à partir du moment où la littérature québécoise cesse d’être un tout « homogène », soit à partir de l’intégration des littératures migrantes dans les années 1980 : « Notre littérature a jusqu’à maintenant été l’expression d’un monde commun, d’une expérience commune et relativement homogène, et nous ne nous sommes pas souvent demandé ce qu’était un écrivain québécois. Si, politiquement, nous ne pouvons maintenant penser notre société que comme un monde hétérogène, pluriel, divers et cosmopolite, alors, sur le plan littéraire, quelle sera cette littérature québécoise? Parlera-t-on encore de littérature nationale? Comment penser la greffe de cette littérature telle qu’elle existe jusqu’à ce jour, avec la littérature telle que la conçoit l’autre ou une littérature autre, inconnue, à inventer? La diversité de perspectives forme-t-elle encore “une” littérature, une littérature spécifique parmi d’autres littératures distinctes, ou aurons-nous bientôt autant de littératures que de groupes ethniques? » (1996 : 11) – Cela viendrait aussi cautionner en partie l’idée que la littérature contemporaine est difficile à définir, traversée par différents courants.
Borne de 1980 : « À la lumière de ces observations, force est de constater que la critique a très souvent divisé l’histoire littéraire québécoise en un avant et un après. Chez les auteurs les plus sévères, l’après se présente comme la suite endeuillée des années 1960, son prolongement moribond – topos que l’on retrouve parfois dans la France de l’après mai 1968. L’après se situe donc dans un espace temporel aux contours imprécis. Il aurait un commencement – autour de 1980 – mais pas de fin, car il incarnerait le dénouement sous toutes ses formes, l’épuisement des signes de la culture, la morosité sociétale, la fin des idéologies. Si ces discours dysphoriques débordent largement les frontières du Québec contemporain, ils trouveraient néanmoins une résonance particulière dans l’histoire littéraire québécoise. » (2013 : 78) – Elle renvoie à un article de Barraband : « L’invention de l’écrivain négatif québécois. Lecture de l’essai des années 80 au Québec », dans David Martens et Myriam Watthee-Delmotte (dir.), L’écrivain, un objet culturel, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2012, p. 186.
« L’année 1980 est forcément devenue une borne temporelle dans l’histoire québécoise parce qu’elle fut celle du premier référendum sur la souveraineté, mené sous le gouvernement péquiste de René Lévesque. 1960, 1980, l’effet d’écho est presque parfait : en amont, selon le grand récit du moins, s’impose l’éveil d’une société tout entière, enfin moderne et laïcisée; en aval, le refus de l’indépendance et de l’autonomie, thèmes qui avaient pourtant été au cœur de presque tous les discours, politiques, sociaux, culturels, littéraires, qui avaient accompagné la Révolution tranquille. » (2013 : 80-81)
Cependant…. : « Dans la perspective d’une mise en récit de la culture québécoise, force est de constater que 1980 ne marque pas le passage à une ère nouvelle modelée par la fin des idéologies et des grands récits, mais bien le prolongement d’un rapport malaisé à l’Histoire et à la souveraineté. » (2013 : 86) « Sans signer la fin d’une époque, l’année 1980 semble plutôt constituer un trait d’union – et encore nous ne pouvons défendre une telle lecture qu’a posteriori. Le combat féministe se concevait dans une continuité. Quant au référendum de mai 1980, comme en témoignent les dossiers sur la question référendaire parus dans les deux publications, il signalait non pas la fin, mais le prolongement d’une époque incertaine. » (2013 : 94)
La frontière de 1980 :
• « C’est ainsi que le début des années 80 – bien des observateurs s’accordent à le constater – a manifesté une prise de distance envers les écritures expérimentales dominantes des deux décennies précédentes. » (2001 : 319)
• Viart élit 1984 comme année symbolique. 2 événements : 1. Arrêt en 1983 de la publication de Tel Quel, emblématique d’une certaine avant-garde. 2. Parution, en 1984, des Modernes de Jean-Paul Aron, « véritable pamphlet contre les travers de ces avant-gardes » (2001 : 320) ; puis, de 1982 à 1986, plusieurs parutions significatives en lien avec les nouvelles esthétiques : « Toutes ces œuvres soit marquent une nouvelle forme d’écriture chez des écrivains confirmés, soit font advenir sur la scène littéraire des écrivains nouveaux, différents, dont les choix, thématiques et formels, renouvellent sensiblement les productions antérieures. » (2001 : 321)
• 1986-87 = 2 publications qui, selon Viart, constituent « une véritable tentative pour penser le contemporain, et pour le faire en dehors des catégories en usage dans les décennies précédentes » (2001 : 325) : 1. Colloque organisé à l’Université Paris 7 « L’Extrême contemporain », publié en 1987 dans la revue de Michel Deguy, Po&sie (no 41) 2. Numéro de la revue L’Infini dirigé par Alain Nadaud (no 19, été 1987) intitulé « Où en est la littérature ? »
Caractéristiques du contemporain en France (autour de 1980) :
- 1976 : Foucault annonce déjà la disparition du grand écrivain (« Vers 1980, la mort d’une période semble encore plus sûre. », p. 228)
- 1980 : Constat sévère de Pierre Nora dans Débat : « les modèles intellectuels des décennies antérieures sont dépassés et n’ont rien à dire au nouveau public. » (la formulation est de Moraru, p. 228; référence : « Que pensent les intellectuels? », Le Débat, no1, p. 3-19) [note : la biblio donne 1980 et le corps de l’article 1990]
- 1980 : Philippe Sollers déclare : « C’est devenu académique, l’avant-garde, vous comprenez » (dans « On n’a encore rien vu », Tel Quel, no 85, 1980, p. 9-31)
- 1982 : Fin de Tel Quel en 1982, mais début de la parution de L’Infini chez Denoël, puis chez Gallimard. « Ce titre, qui a une résonnance métaphysique, semble prendre le contre-pied du positivisme sous-jacent à Tel Quel. Il suggère (1983) un rejet de la théorie totalisante (“la pensée de l’infini contre celle du Tout”). L’on se souviendra que Alain Robbe-Grillet appelait Jean-Paul Sartre le “dernier penseur de la totalité” (1984 : 67)
- 1982 : colloque à New York de « nouveaux romanciers », dont plusieurs dénoncent le « terrorisme » de Jean Ricardou et réclament le droit à la représentation.
- « Les choses se muent en même temps en poésie, surtout à partir de la fondation par Miche Deguy de la revue Po&sie en 1977. » (228)
Événements qui jalonnent l’avènement du postmodernisme en France :
D’abord du côté des arts plastiques :
1980 : Biennale de Venise – présentation des travaux de la transavangarde (architecture et peinture).
1981 : Catherine Millet organise l’exposition Baroques 81 « où les œuvres sélectionnées se caractérisent par les effets kitsch et le métissage des formes » (2001 : 292)
1985 : JF Lyotard organise l’exposition Les Immatérieux au Centre Pompidou – sur les nouvelles technologies de la création plastique. Ensuite dans le domaine littéraire :
1981 : suite à la Biennale de Venise, Jürgen Habermas publie un article dans Critique qui se veut une défense de la modernité
1982 : réaction de Lyotard à l’article d’Habermas, aussi dans Critique : « Réponse à la question Qu’est-ce que le postmodernisme ? »
1984 : suite à cette querelle, article dans Critique de l’américain Richard Rorty : « Habermas, Lyotard et la Postmodernité »
1988 : Suite de la querelle avec un livre pamphlet d’Henri Meschonnic, Modernité, modernité. + les Cahiers de Philosophie publie un numéro spécial « Postmoderne : les termes d’un usage » 1989 : Chute du Mur de Berlin – « plonge l’Europe dans le chaos des conflits ethniques à l’impossible arbitrage » (292)
1990 : Christian Ruby publie une synthèse : Le Champ de bataille. Post-moderne/néo-moderne
1992 : Alain Touraine publie Une critique de la modernité
Etc. – Autres publications critiques.
Ligne directrice : Cette partie sera l’occasion d’une brève mise en contexte, c’est-à-dire de donner des repères pour tous les publics visés, d’établir les faits et de faire la petite histoire de… Dire par quoi le contemporain se caractérise, ce qui en marque les bornes pour la critique : événements, circonstances, maisons d’édition, collections, grands colloques, prix, etc. Elle sera aussi l’occasion de revenir sur certains lieux communs permettant de définir cette période, afin d’en offrir une synthèse, dont le début en 1980, le lien avec la modernité/la postmodernité, la suprématie du narratif. En somme, un état des lieux. [Rappel : les propositions de la partie précédente et de celle-ci doivent être intégrées en un « tout » - elles n’ont été séparées que par commodité pour la recherche]
Principales sources :
• Jacques Michon (dir.) (2010), Histoire de l’édition littéraire au Québec au XXe siècle, Volume 3 : La bataille du livre 1960-2000, Montréal, Fides.
• Recherche sur les événements littéraires québécois par PLL http://contemporain.info/wiki2/doku.php/fq-equipe:reperage_des_evenements_socio-litteraires_quebecois
• Recherche sur les événements littéraires par Daniel Letendre : http://contemporain.info/wiki2/doku.php/fq-equipe:recherche_sur_les_evenements_litteraires
Note : l’entrée dans le « contemporain » pour le Québec, c’est surtout la mise en place d’une véritable institution littéraire québécoise, avec la création de l’UNEQ, par exemple, et l’implication grandissante de l’état dans le marché du livre et de l’édition. Cependant, la domination par le marché étranger demeure tout au long de l’histoire de l’édition littéraire pour la période 1960 à 2000, même si les nombreux efforts de restructuration qui ont lieu améliorent nettement les conditions de vie du livre québécois : « Malgré ces efforts et l’appui financier des gouvernements, en l’an 2000, les éditeurs ne sont toujours pas maîtres chez eux. Sur dix livres vendus en librairie, six proviennent encore de l’étranger. » (Michon, 2010 : 17) On observe aussi, dans la période, la disparition de certaines figures d’intellectuels et d’écrivains très marquantes.
1980 :
• Création de la Société de gestion des droits d’auteurs. Cette société percevra au nom des auteurs les sommes qui leur sont dues pour ensuite leur verser. Cet intermédiaire entre les auteurs et les maisons d’édition assurera une plus grande régularité dans le versement des droits d’auteurs et la diminution des « oublis » de paiement de la part des maisons d’édition.
• Création, au sein du ministère des Affaires culturelles, d’un Service spécialisé en matière de droits d’auteurs. Publication, par les ministres d’État au Développement culturel et celui de l’Éducation, d’un livre blanc intitulé « La juste part des créateurs ». Différents objectifs y sont énoncé, notamment celui de règlementer l’utilisation d’œuvres dans le milieu scolaire de manière à ce que leurs auteurs, leurs « propriétaires » puissent être rétribués. Dans le futur, Québec aimerait rapatrier le pouvoir législatif sur le droit d’auteur qui est alors un pouvoir fédéral. (La juste part des créateurs. Pour une amélioration du statut socio-économique des créateurs québécois, Québec, Ministère d’État du développement culturel et scientifique, 1980)
1981 :
• Adoption et mise en vigueur de la « Loi 51 sur le développement des entreprises québécoises dans le domaine du livre ». Cette loi remplace la Loi sur l’agrément des libraires. Après une longue réflexion et de nombreuses commissions parlementaires (débat débuté au début de l’année 1979), l’Assemblée nationale du Québec a adopté une loi qui balise à la fois le milieu de l’édition et celui des librairies. Par exemple, la loi stipule que, pour être agréée et ainsi recevoir une aide du gouvernement, une librairie devra appartenir à 100 % à des intérêts québécois. Aussi oblige-t-elle le « gouvernement et […] diverses catégories d’organismes publics […] d’acheter leurs livres dans des librairies agréées » (Le Devoir, 5 septembre 1981, p. 36). La Loi demande également aux librairies d’ajuster les prix du livre en fonction du taux de change en vigueur, ce qui a eu pour effet, à sa mise en vigueur, de faire baisser le prix des livres venant notamment de France. En somme, cette loi vise à favoriser l’industrie québécoise du livre dans son ensemble et à encadrer l’octroi des subventions éditoriales. (Voir Le Devoir, 30 septembre 1989, p. D5-6 pour une évaluation des conséquences directes de cette loi sur le marché et l’industrie du livre au Québec.)
1980-1990 : Changement important du marché du livre dans les années 1980 et 1990, notamment avec l’augmentation de l’offre : « Toutes catégories confondues, 80 % des titres nouveaux publiés au Québec de 1960 à 2000 le seront après 1980. » (2010 : 16-17) C’est dans les années 1990 que le roman québécois connaît « sa plus forte croissance, passant de 240 titres publiés en 1990 à près de 500 titres en 2002 [D’après les statistiques de l’édition de la Bibliothèque Nationale du Québec]. » (Michon, 2010 : 137)
Note : je m’en suis tenue ici aux événements qui créent une conjoncture particulière au tournant de 1980. Pour avoir des listes de divers événements littéraires et éditoriaux, on pourra consulter les pages par année du wiki : http://contemporain.info/wiki2/doku.php/fq-equipe:portrait_du_champ_institutionnel_quebecois
1983 : Laura Laur de Suzanne Jacob Maryse de Francine Noël
1984 : Volkswagen Blues de Jacques Poulin Le Matou d’Yves Beauchemin (1er véritable succès commercial québécois) La maison Trestler ou le 8e jour d’Amérique de Madeleine Ouellette-Michalska
1986 : Une histoire américaine de Jacques Godbout Le premier jardin d’Anne Hébert Le souffle de l’Harmattan de Sylvain Trudel
1987 : Le désert mauve de Nicole Brossard
1989 : La Rage de Louis Hamelin Copies conformes de Monique LaRue
1991 : Le bruit des choses vivantes d’Élise Turcotte
1998 : La petite fille qui aimait trop les allumettes de Gaetan Soucy
Note : il est difficile d’établir une liste d’œuvres « marquantes » au-delà du début des années 1990, car c’est avant tout cette décennie qui a été théorisée et étudiée comme « contemporaine ». Peu ou pas d’ouvrages vont au-delà de 1995 et je n’ai retenu ici que des ouvrages pour lesquels il semble y avoir un véritable consensus de la critique.
Principales sources :
• OLIVIER BESSARD-BANQUY (2009), La vie du livre contemporain. Étude sur l’édition littéraire 1975-2005, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux et Du Lérot
• BLANCKEMAN, Bruno (2008), « Troisième partie : Retours critiques et interrogations postmodernes », Michèle Touret (dir.), Histoire de la littérature française du XXe siècle, Tome II – après 1940, Rennes, Presses universitaires de Rennes p. 423-491.
• Synthèse - État du discours critique français (notes de lecture) : http://contemporain.info/wiki2/doku.php/fq-equipe:etat_du_discours_critique_francais_-_notes_de_lecture
• Repérage des événements littéraires français par Viviane Asselin : http://contemporain.info/wiki2/doku.php/fq-equipe:reperage_des_evenements_litteraires_francais
- 1989 : Chute du Mur de Berlin
- Fin du communisme, symbolisé par les « statues déboulonnées » de Moscou Personnages marquants :
• 1975, année qui débute l’étude de Bessard-Banquy, est une date importante dans le domaine de l’édition, marquée par « deux événements à la fois dérisoires et symboliques » :
- 1980 : Mort de Jean-Paul Sartre. Raczymow voit aussi la mort de la littérature avec le décès de Sartre : « Pour nous, aujourd’hui, en France, la littérature est une histoire close. On peut dater précisément cette clôture avec la mort de Sartre, le 15 avril 1980. » (1994 : 196)
- Années 1980 : Décès de plusieurs figures intellectuelle importante : « Dans les années 1980, Malraux, Sartre et Aragon meurent ; de même des théoriciens français au renom international, Roland Barthes, Jacques Lacan, Louis Althusser. Ces disparitions simultanées semblent valoir pour celle de la tradition à laquelle ils se rattachent. La promotion du modèle de l’intellectuel médiatique avec ses porte-voix attitrés, Philippe Sollers, Bernard-Henri Lévy, Antoine Comte-Sponville, accentue l’évolution. » (Blanckeman, 2008 : 435)
- Jérôme Lindon, à la tête des Éditions de Minuit pendant les années 1980-1990 « est celui qui a rendu la vie de la petite édition possible dans la France des années 1980-1990. Son combat […] [a été] un combat pour la diversité de la librairie de création, pour que les plus enthousiastes, les plus courageux, les plus militants des libraires aient les moyens de vivre et faire leur métier, garantissant la vitalité de l’édition de recherche ou d’innovation. » (Bessard-Banquy, 2009 : 66) Il est aussi celui qui a milité en faveur d’un droit pour les auteurs lors du prêt en bibliothèque (Bessard-Banquy, 2009 : 275-276).
- Années 1980 : Démocratisation de la littérature. Par ex : La publication de la série de Régine Deforges inspirée du roman Autant en emporte le vent - Record de vente, mais en plus augmentation des ventes au fur et à mesure que paraissent les nouveaux tomes. Le tome trois, Le Diable en rit encore, bat le record de mise en place (354 000 exemplaires) et est épuisé en une journée : « C’est le record de vente toute catégorie dans l’édition française en un temps si court. » (Bessard-Banquy, 2009 : 93-94).
- 1984 : Succès populaire et institutionnel de L’Amant de Marguerite Duras, couronné par le Goncourt. « Pour Lindon, la victoire est bien moins commerciale que tactique ou stratégique. Car la réussite de L’Amant signe la réussite de tout un système éditorial, c’est la preuve que la politique de rigueur, le choix de la publication limitée à quelques titres par an, le souci de défendre chaque livre mis sur le marché finissent par payer. C’est la récompense tardive mais pleine et entière du pari sur le long terme. » (Bessard-Banquy, 2009 : 96)
- À partir de 1990, en France, il y a une certaine hégémonie de la forme romanesque (comme au Québec) : Chaque année à la rentrée littéraire sortent quelques 600 titres, pour la plupart des romans, en France. Jamais le roman n’aura été si « hégémonique » dans le paysage littéraire (Rabaté, 2007 : 10).
- Milieu des années 1990 : déclin de la publication de la littérature de création par l’arrêt des publications de collections qui s’y rattachent. « L’époque n’est plus au soutien de la création, au mécénat poétique. Partout les poches de pertes sont assainies; les directeurs financiers, les contrôleurs de gestion ne voient pas pourquoi maintenir sous perfusion une littérature de recherche dont le public est toujours moins nombreux. Désormais, pour un auteur soucieux d’écrire une littérature de création destinée par nature à un public restreint, il ne reste plus que les célèbres Éditions de Minuit, sinon POL, au cœur de l’édition parisienne. Pour ceux qui ne parviennent pas à trouver asile au cœur de ces deux sanctuaires de la publication de prestige, le salut ne peut passer que par la publication en régions, avec parfois tous les honneurs, mais sans grands moyens. Ce nouveau manque de visibilité de la littérature de recherche renforce évidemment l’idée que la littérature entière n’est plus que marketing et fabrication. » (Bessard-Banquy, 2009 : 231)
- Fin des années 1990 : les éditeurs réalisent que la rentrée n’est pas le meilleur moment pour lancer les auteurs et certains ouvrages. L’édition se réorganise; automne : nouveaux auteur, hiver : auteurs consacrés; printemps : livres de vacances (policiers ou romans historiques). (Bessard-Banquy, 2009 : 256)
- Il y a, fin 1990 - début 2000, une judiciarisation de l’édition : « Désormais, le bon éditeur n’est pas seulement celui qui sait trouver les meilleurs idées de livres et les mettre en œuvre au mieux, c’est aussi celui qui sait éviter autant que possible les tribunaux sans affadir son programme éditorial. » (Bessard-Banquy, 2009 : 293)
- Vers 1980 l’historiographie « s’infléchit du scientifique vers le littéraire » - elle aussi aurait connu un retour au récit. (Demartini, 2007 : 80-81) La littérature, quant à elle, aurait achevé de « se défaire » à l’aube des années 1980 : elle s’est défaite, par exemple, de « certains espaces d’investigation privilégiés, par la psychanalyse et par le développement des sciences humaines ensuite, par l’apparition des sciences cognitives, peut-être. » (Blanckeman, 2002a : 115)
- 1982-1983 : La fin du mouvement avant-garde qui voit sa fin en 1982 avec la fin de la revue Tel Quel. En 1983, la décision d’arrêter la publication de Tel Quel coïncide, sur un plan général, avec la crise des idéologies, le reflux des discours théoriques et l’épuisement créatif de la littérature textuelle, autoréflexive et parfois illisible. La période qui s’ouvre, marquée par les trois retours - au récit, au sujet au réel - est caractérisée par la notion de « post-modernisme ».
- En 1984, plusieurs publications marquantes concernant la biographie : Vies minuscules de Michon, Tablettes de buis d’Avitia Apronenia de Quignard. Dans la domaine de la critique, La Biographie de D. Madelénat, et chez les historiens, Guillaume le Maréchal ou le meilleur chevalier du monde de G. Duby. En 1989 Pontalis lance la collection L’Un et l’Autre, en 1991 Alain Buisine est le premier à s’emparer de la question et appelle le phénomène « biofiction ». Tout cela crée la « renaissance contemporaine de la fiction biographique » (Monluçon et Salha, 2007 : 10) – Dans les années 1980-1990 une réaction se fait jour : Sarraute et Robbe-Grillet écrivent leur autobiographie, signalant ainsi l’apparition d’une nouvelle génération d’écrivains et d’œuvres centrés sur le « moi ». Cette période est aussi dominée par des romans familiaux.
- les années 80-85 sont citées comme moment du tournant intellectuel : mort des maîtres à penser de la modernité, arrêt de Tel Quel, conversion des néo-romanciers à l’autobiographie (Sarraute, Robbe-Grillet, Duras, Sollers). À partir de ce moment, on constate une concurrence de la littérature par l’image. (Baudelle, 2006)
- Au delà des années 90, il faut souligner le retour aux romans de génération sur fond d’Histoire ou de chronique, et le récit subjectif, intimiste, centré sur une expérience intérieure avec une dimension de parabole poétique (par exemple chez Millet ou Michon). « Le réel revient avec le sujet, à travers un retour aux sources, aux origines terrines, à tous les enracinements par le terroir ou la famille » (Modiano, Le Clézio) (Gosselin-Noat, 2005 : 222-223) [Extrait d’une fiche de Leppik sur Gosselin-Noat]
- Fin des années 1990, début 2000 : déclin des prix traditionnels, apparition de nouveaux prix qui sont le fait de nouveaux jurys, comme les médias et les lecteurs (et non plus les jurys corrompus du Goncourt et autres prix prestigieux), dont le prix RTL-Lire, le prix des lectrices Elle, etc. (Bessard-Banquy, 2009 : 257) B-Banquy affirme que, à cette époque, les « prix littéraires sont définitivement tombés dans “l’ère du soupçon” » (2009 : 288).
1975 : Publication de Roland Barthes par Roland Barthes ; signerait le retour d'une littérature transitive (Viart, 2001) et d'un renouvellement de l'écriture autobiographique (Badir, 1999)
1977 : Publication de Fils (Doubrovsky) et de La mort propagande (H. Guibert) ; ils témoignent du renouvellement des écritures autobiographiques (autofiction…) et, plus généralement, du retour d'une littérature transitive (Viart, 2001)
1978 : Publication de La vie mode d’emploi de Perec – « De fait, La vie mode d’emploi apparaît à coup sûr comme un ouvrage de premier ordre, dans la chronologie du roman mais aussi de l’édition littéraire. On le sait aujourd’hui, le grand livre de Perec n’est pas seulement un roman-somme, à l’égal de la Recherche, d’Ulysse ou de L’Homme sans qualités. C’est un chef-d’œuvre qui a, pour ainsi dire indiqué la sortie du labyrinthe de l’écriture desséchée et dégagé les voies d’accès vers une nouvelle forme d’invention romanesque; des auteurs comme Jean Echenoz s’en réclament bientôt. » (Bessard-Banquy, 2009 : 60)
1979 : Parution de l’ouvrage de Lyotard : La condition postmoderne: rapport sur le savoir
1979 : Premiers romans d'Echenoz (Le Méridien de Greenwich) et de Quignard (Carus) ; ils marquent une renaissance du romanesque [Blanckeman, 2001]
1984 : Goncourt pour Duras, L’amant [canonisation de l'avant-garde]
1984 : Parution des Vies minuscules de Pierre Michon, « aujourd’hui reconnu comme le grand livre des années 1980 » (Bessard-Banquy, 2009 : 104). Va de paire avec la « Vogue biographique » dont parle Bessard-Banquy : « L’écriture biographique en particulier s’épanouit bien davantage que le roman classique ou l’essai historique. Hors champ romanesque, un tiers des best-sellers pour l’année 1984 ont été des biographies et près de 200 titres encore en 1985 sont publiés par les éditeurs qui voient dans ce domaine le dernier refuge de la publication au succès assuré. Nombre de maisons sont persuadées que le public français, féru d’histoire, hier séduit par l’école des Annales, s’est éloigné de l’essai pointu pour mieux se plonger dans le récit biographique. » (Bessard-Banquy, 2009 : 112-114)
1992 : Goncourt pour Chamoiseau, Texaco [autonomisation des littératures francophones selon Salgas, 2002]. Publication de l'essai La nouvelle fiction (J.-L. Moreau), dont le titre renvoie à un « nouveau » courant littéraire qui privilégie le plaisir de la fiction.
1998 : Publication des Particules élémentaires (Houellebecq) et L'inceste (Angot) - tapage médiatique [Salgas, 2002] et succès commercial (Bessard-Banquy, 2009 : 250-252)
Sémir Badir, dans « Histoire littéraire et postmodernité » (1999) interroge l’idée de contemporain dans une perspective historienne. Il pose d’emblée la question Qu’est-ce que l’histoire de la littérature contemporaine ? et offre une première définition du contemporain : « On peut considérer […] que le contemporain, en tant que tel, n’existe pas mais qu’il est à la fois la trace de ce qui est appelé à passer et un appel à ce qui peut advenir. » (1999 : 241-242). Il poursuit : « L’historien de la littérature contemporaine devrait pouvoir, dans ces conditions, penser en tant que chose passée ce qu’il regarde d’une position déjà future. Il est vrai que son entreprise confessera plus crûment la part d’aventures et d’intuitions que découvre naturellement toute recherche historique. Il ne pourra pas en effet se dédouaner, par exemple, d’une quasi totale arbitrarité quant au choix de son corpus, de sorte qu’il faudrait plutôt parler des littératures contemporaines, pour que la raison du pouvoir symbolique qui s’exprime à travers lui ne le rende pas dupe des paris, esthétiques, éthiques et politiques, qui fondent son entreprise. N’empêche : la méthode historique, autrement éprouvée, et conscience de toutes les sciences, peut servir de révélateur des pratiques artistiques et sociales contemporaines et, du même coup, exercer sur elles une action d’encouragement et de soutien. C’est là, il faut le reconnaître, dans le risque qu’elle prend, une de ses grandeurs. » (1999 : 242, souligné dans le texte) Je crois que nous pouvons retenir ici l’idée d’une pluralité des littératures contemporaines, idée qui rejoint à la fois ce que les critiques tentent de saisir (d’où la difficulté à trouver des dominantes vraiment centrales) et ce que nous même nous risquons de faire, sans que cela ne soit un véritable problème (car il faut garder à l’esprit que nous ne sommes pas dans une démarche historique). Qui plus est, Badir rappelle que la logique occidentale, dans son fondement essentiel, est fondée sur le binarisme et le positivisme mais que « nous en sommes peut-être venu à ce stade de nos connaissances où le binarisme logique est en train de ne plus suffire à son rôle génératif. » (1999 : 255) La littérature aurait besoin de trouver une autre fonction que celle qu’elle a eu dans la modernité – elle n’explique plus un monde « stable » : « Cette nouvelle fonction n’aura pas comme premier effet de bouleverser ni l’esthétique ni les thématiques de la littérature, mais, bien plus sûrement, elle aura pour nécessité de modifier complètement le rapport de la littérature à tous ses agents, que ce soient les producteurs (ceux-là que la modernité a appelés les “écrivains”), les produits ou les lecteurs. » (1999 : 256)
Dans leur article intitulé « Un projet contrarié. L'histoire de la littérature contemporaine française au tournant du XXe siècle » (2013), Mathilde Barraband et Julien Bougie sont attentifs à la vision crépusculaire qui est typique des regards sur le contemporain, depuis que l’histoire littéraire existe comme discipline semble-t-il : « En attendant, l’état des lieux de la situation présente se fait souvent inquiet. La littérature est en pleine mutation, et la plupart des auteurs doutent que ce soit pour le mieux. […] Le mot de décadence, qui traduit cette vision crépusculaire et le sentiment d’une dégradation de la production littéraire, est avancé par plusieurs sur ce mode interrogatif. » (2013 : 42)
C’est un peu la même chose avec les « méthodes » envisagées [le terme est de moi] pour étudier, décrire et commenter la production contemporaine : « L’étude des directions, des influences, voilà autant de projets semble-t-il pour une étude historique des faits littéraires actuels. En réalité, les projets d’une histoire sur le vif, voire d’une prospective sont loin d’être légitimes dans la plupart des cas. Ils sont contrariés, frappés d’interdit aussitôt qu’envisagés ou entrepris, et se mènent souvent sous le mode de la prétérition. Dans une contradiction dont elle est coutumière, l’histoire littéraire disjoint préceptes et usages, fait sans dire ce qu’elle fait, et même fait le contraire de ce qu’elle dit. » (2013 : 44)
Et ils résument ces deux postures typiques : « Mais la réticence critique qui s’exprime à l’égard de l’analyse du contemporain n’est pas le propre de l’époque, tout comme, d’ailleurs, les réserves qui se formulent à l’égard d’une littérature actuelle jugée décadente. Au contraire, on ne peut que remarquer la permanence, jusqu’à aujourd’hui, non seulement de clichés sur la littérature qui se fait (effacement des genres, disparition du grand écrivain, fin des chefs-d’œuvre, etc.), mais aussi d’a priori¬ sur l’impossibilité de commenter la littérature récemment publiée. » (2013 : 46)
Dans son article « Les revues et la littérature in flagrante : de Valery Larbaud à la littérature québécoise contemporaine » - qui se veut une réflexion sur la place des revue dans l’étude du contemporain –, Michel Lacroix remarque lui aussi certains topoï de la critique actuelle : « La fin des avant-gardes, la disparition de la logique de constitution et de dissolution des groupes, apparaît en effet, explicitement ou implicitement, un topos incontournable, un phénomène emblématique de la littérature contemporaine. Les tables des matières des collectifs consacrés à la littérature des 20 dernières années, au Québec comme en France, consignent à leur manière les effets de ce constat : tout se passe en effet comme s’il n’y avait plus que des monades esthétiques, susceptibles de critiques individuelles, que seules des catégories génériques ou thématiques pouvaient parvenir à intégrer dans des ensembles plus vaste. » (2013 : 59)
D. Viart, sur les diverses étiquettes liées au « post » et autres : « Les autres formules ici et là avancées telles que “surmodernité”, “postmodernité”, “seconde modernité” ou même “néomodernité” ne proposent rien d’autre qu’une modulation du rapport de l’esthétique contemporaine à la modernité, sans même trancher sur ce qui est ici présenté comme un dépassement, là comme un renouvellement. » (Viart, 2001 : 322)
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