Huglo, Marie-Pascale & Sarah Rocheville (dir.), Raconter : les enjeux de la voix narrative dans le récit contemporain, Paris, Harmattan, 2004. Écrivains contemporains étudiés : Emmanuel Carrère, Claude Simon, Georges Semprun, M.-P. Huglo, « Voix et narration », p. 11-16. « dépuis les années quatre-vingts, le retour du récit et, avec lui, du sujet, on ne sait pas trop de quel récit il s’agit ni, d’ailleurs, de quel sujet. Le récit de soi, dont on connaît la fortune est-il aussi “narratif” que semble l’impliquer le terme générique lui-même ? Ne seait-il pas plus juste de s’y référer au pluriel, fragments multiples d’un sujet atomisé dont l’identité narrative serait en question, en procès ? Si le récit contemporain, manifestement, n’est pas mort, il semble d’être démultiplié, disséminé, au point de faire de l’hétérogénéité l’une de ses marques constitutives. S’intéresser à la voix, dans ce contexte, c’est s’interroger sur la “prise” narrative des discours dans notre esthétique littéraire. C’est prendre acte d’une fragmentation de l’expérience et d’une difficulté à la ressaisir narrativement, à faire de la voix un espace “singulir-pluriel” de résonance. » (p. 11) I. Daunais, « Nous étions à l’étude : mémoire et voix narrative », p. 24-37. « du narrateur du XIXe siècle, dont le savoir sans faille et la voix autoritaire résonnent dans tout le récit, au narrateur discret du XXe sicèle, qui découvre en même temps que ses personnages l’action en train de se faire, le passage essentiel ne relèverait pas de l’imagination, mais en quelque sorte de son contraire, ou à tout le moins d’une direction contraire qui est la mémoire. La voix du récit moderne est une voix en rupture de mémoire, une voix qui raconte en dehors du souvenir, une voix, aimerais-je proposer, qui pour ordonner le monde doit tabler sur la mémoire d’autrui. » (p. 24-25) Daunais donne comme moment fondatrice de ce changement le processus de changement narratif qui a lieu dans Madame Bovary, où la mémoire passe du narrateur au personnage. Cependant, est venu plus récemment « ce moment extraordinairement troublant du récit et du roman contemporains où la mémoire, déjà abandonnée du narrateur, se met à quitter le personnage, qui l’avait receuillieé. » (p. 36) « Nous entrons ici dans l’espace inédit où le récit se décline hors de toute mémoire, et où la voix narrative sert moins à ordonner le monde qu’à dire l’impossibilité de sa cohérence. » (p. 37)