Auteur : Hébert, Anne
Titre : Le premier jardin
Éditeur : Seuil
Collection :
Année : 1988
Éditions ultérieures : Repris plus tard en format poche, Boréal Compact (2000)
Désignation générique : Roman (couverture)
Quatrième de couverture : « C’est une ville au bord du fleuve. C’est une femme vieillissante qui y revient. Elle avait cru pourtant, à tout jamais, avoir abandonné cette ville et son enfance. Or, voici que la vielle l’appelle, lui offre un rôle, car cette femme est actrice. Tour a`tour Célimène, Ophélie, Phèdre ou Jeanne, elle a passé sa vie à se dédoubler, à être une autre. L’état civil prétend qu’elle s’appelle Pierrette Paul. Elle revendique le nom de Flora Fontanges, qu’elle a choisi entre tous, le reprenant entre chaque rôle comme son bien propre./ C’est une femme qui marche dans la ville et évoque le passé. C’est une ville qui se réveille sous ses pas, divulguant peu à peu ses secrets. Sous les yeux de Flora défilent, surgies de l’Histoire, d’humbles silhouettes féminines. Encore des noms pour rêver, pour échapper à son histoire. / Voici l’esplanade. Une façade. Des fenêtres. Le passé ressurgit. C’est une petite fille perdue, l’enfant que Flora fut autrefois. Impossible, cette fois, de se dérober. Elle devra obéir à la ville, jouer enfin son propre rôle, explorer le premier jardin. »
Notice biographique de l’auteur : Née à Sainte-Catherine-de-Fossambault, près de Québec, où elle a fait ses études. Après un premier recueil de poésie, elle a publié en 1958 les Chambres de bois, roman qui fut aussitôt chaleureusement accueilli par la critique et qui lui valut le prix France-Canada. Bien qu’installée à Paris depuis plusieurs années, elle montre dans son œuvre qu’elle reste toute entière habitée par l’Amérique de son enfance. Son roman, Kamouraska, a obtenu le prix des Libraires en 1971 et les Fous de Bassan le prix Femina en 1982. »
Résumé de l’œuvre : C’est l’histoire de Flora Fontanges, une comédienne vieillissante qui, suite à la réception de deux lettres (une de sa fille Maud et une du directeur du théâtre de l’Émérillon lui offrant de tenir pendant l’été le rôle de Winnie dans Ô les beaux jours de Samuel Beckett), retourne à Québec, la ville de son enfance qu’elle a quitté à l’âge de dix-huit ans. À son arrivée, elle apprend toutefois que Maud a de nouveau fait une fugue et se lie avec Raphaël, étudiant en histoire et amoureux de sa fille, avec qui elle erre dans la ville. Peu à peu, et sous la force des « histoires » de Raphaël à propos de la ville, Flora se remémore par à-coup des pans de son passé et reconstruit en quelque sorte une nouvelle Histoire par le biais de certaines figures féminines. Parallèlement, Flora rencontre Éric, le fondateur d’une commune dans laquelle vivaient Maud et Raphaël, ainsi que Céleste, qui tente de briser le couple formé par ces deux derniers. Lorsque Raphaël part avec Céleste dans Charlevoix à la recherche de Maud, Flora se retrouve toute seule, légèrement désemparée face à ses souvenirs. Puis Maud revient, furieuse contre Raphaël, et demande à sa mère de la ramener avec elle en France. La mère et la fille passent quelques temps ensemble, dans une sorte d’intimité protégée, alors que Flora tient son rôle tous les soirs, mais lorsque Maud se réconcilie avec Raphaël, il n’est plus question de prolonger cette union. À la fin de l’été, Flora retourne en France où un nouveau rôle l’attend, celui de Mme Frola dans Chacun sa vérité.
Thème principal : l’identité et la recherche des origines
Description du thème principal : La question de l’identité est au cœur du roman et dresse un vaste réseau sémantique : la question du nom, d’abord (la protagoniste ayant tour à tour porté le nom de Pierrette Paul, orpheline, de Marie Éventurel, fille adoptive d’un couple de bourgeois, et de Flora Fontanges, comédienne de théâtre), dans celle du théâtre ensuite, qui permet de multiplier les rôles, dans celle des lieux également, qui nous font et nous habitent, puis dans celle de l’Histoire, faites de vivants et de morts qui ne cessent de nous retraverser, de reconfigurer les trajectoires des villes (comme les noms de rue) mais aussi des identités. L’identité est ainsi faite de passé et de présent qui s’entrecroisent et se superposent, s’attirent et se repoussent.
Thèmes secondaires : le théâtre, le rapport à l’Histoire, le rôle négligé des femmes dans l’Histoire, la ville, les relations mère-fille, la fuite (exil de Flora et fugues constantes de Maud), etc.
Type de roman (ou de récit) : roman historique « contemporain » (roman sur l’histoire depuis un point de vue contemporain)
Type de narration : hétérodiégétique mais s’exprimant parfois au « nous »
Personnes et/ou personnages mis en scène : Plusieurs « oubliées » de l’Histoire de la Nouvelle-France sont évoquées et « jouée » par Flora sur une sorte de théâtre fictif, permettant de les faire revivre (Barbe Abbadie, les Filles du Roi, une religieuse, une bonne, etc.).
Lieu(x) mis en scène : la ville de Québec à différents moments de son histoire
Types de lieux : hôtel, café, restaurants, rues, ruelles, théâtre.
Date(s) ou époque(s) de l'histoire : Temporalité multiple. La narration est d’abord « contemporaine » (une mention signale qu’on est à l’été 1976), mais fait de nombreux sauts dans le passé, notamment dans le passé de la Nouvelle-France (donc avant la 1763), le passé de la ville et celui de la protagoniste. Donc, plus ou moins : 1534-1760/ 1916-1960/1976.
Intergénérité et/ou intertextualité et/ou intermédialité : L’œuvre contient de nombreuses références intertextuelles, la plus importante étant celle de la pièce Ô les beaux jours! de Beckett. Mais on renvoie aussi à plusieurs autres pièces de théâtre ou personnages de théâtre. Dans un compte rendu consacré au Premier Jardin, Maurice Émond souligne cet aspect du roman : « C'est peut-être là l'une des caractéristiques les plus frappantes de ce roman que de faire constamment référence à d'autres œuvres littéraires de façon explicite ou implicite. Ces jeux intertextuels, ces mimétismes littéraires redoublent la distanciation, multiplient les mises en abyme. Il n'y a pas que Flora Fontanges « dont la mémoire est étrange et la concerne plus ou moins tant la peur de se compromettre lui fait puiser dans les souvenirs des autres, pêle-mêle, avec les siens propres afin qu'ils soient méconnaissables » (p. 120). Anne Hébert fait écho à ses propres écrits comme à ceux d'une foule d'écrivains de Racine à Alain-Fournier en passant par Proust. Verlaine, Lewis Carroll, August Strindberg. Friedrich Schiller… Personnages réels et fictifs se croisent el s'entremêlent à ne plus distinguer la fiction de la réalité. Tout devient art de l'illusion mais, cette fois, sans la nécessaire séduction du lecteur. À lui de jouer le jeu littéraire à son tour, sans concession aucune, sachant que le feu de la lecture ou de l'écriture brûlera son être aussi sûrement que le feu à la fois réel et fictif de l'hospice Saint-Louis, le laissant à la fois dépossédé et désemparé, seul à recommencer son jardin, premier homme ou première femme d'un monde sans cesse à refaire. » ÉMOND, Maurice (1988), « Un retour désabusé ou le Premier Jardin d’Anne Hébert », Québec français, n° 71, p.80.
Particularités stylistiques ou textuelles : Comme toujours chez Anne Hébert, le récit est découpé en multiples blocs d’écriture qui forment chaque fois une sorte de scène autonome.
Auteur(e) de la fiche : Manon Auger