**Fiche de lecture** **1. Degré d’intérêt général** Lecture laborieuse et looongue (plus de 500 pages, une rareté parmi le corpus), mais tout de même intrigante malgré les longueurs. On reste cependant sur notre faim puisque l'accumulation des fragments ne livre pas le fin mot de l'histoire du narrateur. **2. Informations paratextuelles** **2.1** Auteur : Hubert Haddad **2.2** Titre : L'Univers **2.3** Lieu d’édition : Paris **2.4** Édition : Zuma **2.5** Collection : -- **2.6** (Année [copyright]) : 2009 **2.7** Nombre de pages : 510 **2.8** Varia : -- **3. Résumé du roman** Résumé disponible sur le site de l'éditeur (qui résume beaucoup mieux que je n'aurais pu le faire le récit déconstruit du narrateur): « Quelque part dans le Pacifique, un homme est rejeté par la mer. Victime d’une forme particulière d’amnésie, il tente de recomposer les événements de son passé. Il élabore ainsi le dictionnaire d’une vie tumultueuse que mille avatars jalonnent et dont le protagoniste n’a plus la clé. Un vieux dictionnaire culinaire lui permet de retrouver par bribes sa mémoire. Son fil d’Ariane sera la succession alphabétique : il retrouve des événement minuscules de son enfance quelque part en Europe de l’Est, la pension Kuntz, une famille en partie décimée dans les camps de la mort, des périples sur un cargo, ou les amours tumultueuses avec une acrobate de cirque. Toute son existence peu à peu se redessine, avec ses passions erratiques, son expérience d’astrophysicien perché dans un phare. » Le narrateur, qui ne sait ni qui il est, ni d'où il vient, ni même s'il est sain d'esprit, ne peut garder le fil de ses pensées que quelques minutes, ni se constituer une identité puisqu'il ne se reconnaît même pas dans un miroir. Durant ses courts intervalles, il écrit ce que lui inspire certains mots afin de garder une trace de ses souvenirs et, peut-être, reconstituer son histoire. Entre les évènements de sa vie s'insèrent de longs passages sur la physique, l'astronomie et la science qui témoignent de sa carrière passée d'astronome. **4. Singularité formelle** L'Univers est un roman-encyclopédie; sous chaque mot de ce « dictionnaire » se trouve un récit, une réflexion ou une anecdote qui contribue à reconstituer l'histoire de son auteur. Contrairement à beaucoup de romans qui reposent sur un principe semblable (on pense à Wigrum), le paratexte, la véracité du propos, ou l'authenticité du manuscrit ne sont pas au centre de l'histoire; on a plutôt affaire à des notes qui permettent à l'auteur amnésique de garder le fil de sa pensée. **5. Caractéristiques du récit et de la narration** Le récit « principal », c'est-à-dire les origines oubliées du personnage, est entrecoupé de passages didactiques ou philosophiques qui rallongent considérablement l'ensemble et lui confèrent une poéticité qui pousse le lecteur à s'attarder à chaque symbole dans le but de percer le mystère du narrateur. Des motifs obsédants, comme une borne kilométrique, un pantin, ou le souvenir des cheveux noirs de sa mère, servent de repères dans le récit du personnage, mais les repères temporels sont assez rares. L'amnésie du personnage fait en sorte que les anecdotes se répètent, les souvenirs sont incertains et quelques personnages semblent être des doubles, voire des alter ego du narrateur... **6. Narrativité (Typologie de Ryan)** Simple, multiple, diluée, figurale. Justifiez : Dans ce cas-ci, il faut un bon mélange de toutes ses catégories pour bien cerner la narration... Bien qu'il n'y a qu'un narrateur, les différentes trames ne se rencontrent que difficilement, et les passages poétiques, scientifiques ou philosophiques submergent le récit. Dans bien des cas, seuls des noms de lieux ou de personnages lient les délires scientifiques du narrateur avec sa vie. L'identité du personnage qui est au centre de l'intrigue, elle, reste mystérieuse. **7. Rapport avec la fiction** À quelques reprises le narrateur doute de la véracité de ses souvenirs; les frontières entre réalité et fiction sont floues (surtout que le narrateur semble considéré comme fou par les gens qui l'ont rescapé), mais rien dans le récit ne peut vraiment servir à les départager... **8. Intertextualité** Rien à signaler. **9. Élément marquant à retenir** Extraits : p. 9 : « Abandon : C'est le premier mot dans une langue perdue pour l'homme qui cherche un appui quelque part. Celui qui conserve une preuve quelconque de sa vie ne connaît pas la vraie désespérance. Des souvenirs, des photographies, quelques témoins et vous êtes riche - tout peut recommencer, serait-ce dans les rêves. Mais je n'ai rien; on me conteste même la raison. Je suis dans l'abandon suprême de l'irréalité. La décision de réunir tout ce qui peut ressembler à une mémoire m'est venue en traçant quelques mots au hasard sur ce cahier : je n'en comprenais plus le sens. » p. 305 : « Mot : De la naissance à la mort, chacun n'a qu'un mot dans la bouche, le seul qu'il ne peut comprendre. Le mien est Azralone. S'il était éclairé, s'il prenait son sens, tout deviendrait évident et simple. La mémoire ne tient qu'à un mot. p. 402 : « [...] je ne me souviens guère d'avoir lu un roman, toutefois les bribes de vie qui ressurgissent en moi par accès impétueux révèlent au fil des pages une apparence de fiction dont je pourrais renforcer l'intrigue avec un peu d'habileté. Il suffirait de mettre un autre ordre dans ce cahier, plus organique, d'exclure mes préoccupations scientifiques et de me complaire dans l'évocation d'Azralone. [...] Mais le roman s'écrit pour moi jour et nuit, par manière de transmission continue, en direction d'Arcturus. Et quel en est le thème ou le sujet? C'est idiot, mais je dirais : l'histoire d'un homme qui a signé un pacte avec le vide. »