FICHE DE LECTURE « Les postures du biographe » INFORMATIONS PARATEXTUELLES Auteur : SCHMIDT, Arno Titre : Goethe et un de ses admirateurs Lieu : Paris / Karlsruhe Édition : Tristram / Stahlberg Verlag GmbH Année : 2006 © 1958 Pages : 62 (incluant une postface de 8 pages) Biographé : Goethe Pays du biographe : Allemagne Pays du biographé : Allemagne Désignation générique : Aucune explicite, mais la quatrième de couverture annonce certainement un récit biographique très fictionnel. Quatrième de couverture ou rabats : Arno Schmidt (1914-1979) y est présenté comme « l’auteur d’une l’œuvre dont l’originalité transcende les catégories habituelles », ce qui n’est pas peu dire, mais le récit de Schmidt le confirme sans problème. Il y est aussi question de ses passions hétéroclites, puis du fait qu’il a « révolutionné la littérature allemande de la seconde moitié du XXe siècle », notamment « par l’impact poétique de la langue qu’il s’est forgée » et « par ses jeux de pensées incessants et inépuisables ». Plus bas, on retrouve un résumé de l’œuvre. Je retranscris ici cette mise en situation : « On a enfin trouvé le moyen de ressusciter les défunts, quoique pour une unique fois tous les 100 ans et pour une journée seulement. Une « Académie des Arts et des Lettres » s’emploie à ranimer les grandes têtes molles de la littérature. Un homme de métier – c’est-à-dire « un écrivain contemporain » – est chargé d’accompagner le revenant durant sa brève excursion terrestre. Mais qui s’occupera de qui? Telle est la question. / Le narrateur, qui se révèle être Arno Schmidt himself, est prié de choisir un revenant à sa convenance. Personne n’a encore osé se mesurer au Grand Homme. Et voici Schmidt embarqué dans une pérégrination avec un Goethe curieux de toutes les nouveautés et des plaisirs de la chair et de la bouteille. » Enfin, l’éditeur y présente une note sur le traducteur français de Schmidt, son plus grand spécialiste décédé subitement en 2006. Postface : Signée Jörg Drews, la postface replace le récit dans la production littéraire d’Arno Schmidt, et le considère surtout intéressant du fait que l’auteur s’y exprime en son propre nom et sous ses propres traits. Drews fait une analyse de la personnalité de Schmidt en rapport avec le récit qu’il a fait mettant en scène Goethe, envers lequel le biographe aurait senti une sorte « d’estime ironique ». Il expose du même coup la problématique du personnage Goethe et de son œuvre chez les littéraires allemands, qui voient comme un espèce de devoir scolaire; Schmidt serait un des premiers à avoir contredit la grandeur de Goethe, dont la paisible vie de bourgeois l’avait protégé de tout malheur, d’où l’aspect quelque peu irrévérencieux de Schmidt face à Goethe. Drews ajoute finalement que Schmidt a emprunté le titre de son récit « à un poète allemand d’origine huguenotte : en 1840 Friedrich de la Motte Fouqué avait publié un Goethe et un de ses admirateurs » (62). Autres informations : SYNOPSIS Résumé ou structure de l’œuvre : Le texte n’est séparé qu’en paragraphe de différentes longueurs. Il n’y aucune séparation en chapitre. Le récit est présenté sous la forme d’un étrange monologue intérieur, surtout étrange par l’utilisation que fait l’auteur des différents signes typographiques qui ponctuent et rythment le texte de Schmidt. Le narrateur annonce en amorce de son récit qu’il est maintenant possible de ressusciter les morts pour une journée (15 heures) – sans donner plus d’explication sur ce phénomène hautement paranormal! « Mais à quoi bon de longues explications; »(5) Il énumère les diverses personnalités qui ont déjà été « réveillées » et expose le dilemme devant lequel il se trouve, étant le prochain à devoir s’occuper d’un de ses génies du passé. Il choisit enfin Goethe cela malgré les objections de l’Académie. Une fois Goethe ressuscité, Schmidt entreprend de lui faire visiter la ville (qui ne semble nulle par nommée); le narrateur passe en revue les monuments et événements les plus flatteurs qui soient, donnant de sa vie et de sa ville une vision idyllique au vieil écrivain. L’essentiel tient en discussion entre les deux hommes, qui passent de l’appartement de Schmidt, autour de nombreuses bouteilles de vins vides, à une petite taverne où ils continuent à picoler… : « Devant mes pupilles dilatées se forma un tourbillon de jaune et de mur; je le traversai une fois du tranchant de la main : il devint alors plus pâle. ….. Encore une fois?: un serveur se tenait là (vraisemblablement alarmé par la disparition de l’un de ses clients) : pantalon noir, veste blanche; « 4 marks 80 » : axlanetienne : voilà! (Clicclaclac). Je ne levai : seul : sans Goethe. Je poussai ma chaise contre le table : il faut de l’ordre. « Mission accomplie! » annonçais-je militairement à l’intention du siège vide : il était lustré et blanc. Blanc. Ministère Blank. – (Et demain faire les comptes.) – ((En tout cas : il ne m’a pas fichu un coup de pied au derrière. Pas vraiment.)) » (50) À la page suivante, l’auteur annonce que ce qu’on vient de lire était le rapport qu’il a remis à l’Académie suite à la visite de Goethe sur terre. Suit un tableau de questions posées à Schmidt après sa rencontre avec Goethe, avec les réponses qu’il a fournies. Surréaliste à souhait!!! Topoï : admiration, conventions, mort, vanité, bavardage Rapports auteur-narrateur-personnage : Schmidt annonce clairement en début de volume (et c’était indiqué en quatrième de couverture) qu’il est narrateur dans son propre récit. On peut également dire qu’il y est personnage, et personnage fictif, puisqu’il y tient place aux côtés de Goethe, mort depuis plusieurs siècles, comme s’entend tout de même à dire le récit. Tout l’intérêt de l’œuvre réside ici, dans le fait que le biographé n’est pas envisagé dans son propre environnement, mais qu’il est transporté dans un autre, ici à une autre époque. Tout ce qui reste du biographé, ce n’est pas sa demeure, son œuvre ou ses fréquentations, mais sa personnalité propre qui réagit à son lieu d’accueil. En un sens, Goethe est donc là tout ce qu’il y a de plus authentique! I. ASPECT INSTITUTIONNEL Position de l’auteur dans l’institution littéraire : Quelque peu marginl, mais son talent est reconnu : traduit dans une dizaine de langue, volumes présentant ses Œuvres complètes en allemand; 1964 : prix Fontane à Berlin; 1973 : prix Goethe à Frankfort (« le prix le plus important de l’Allemagne »). Il a son propre site internet ! (www.a-schmidt.org) Position du biographé dans l’institution littéraire : Goethe est un emblème littéraire et c’est précisément ce qui est contesté par Schmidt. Transfert de capital symbolique : II. ASPECT GÉNÉRIQUE Oeuvres non-biographiques affiliées de l’auteur : Son récit le plus connu : Scène de la vie d’un faune ; puis Le cornet magique, Tina ou de l’Immortalité, Arno à tombeau ouvert, etc. Beaucoup de récits brefs, de nouvelles, d’essais, de recueil. Place de la biographie dans l’œuvre de l’auteur : 1958 : publication d’une biographie de Fouqué (Tina…) Stratégies d’écriture et dynamiques génériques : Voir la rubrique « Particularité esthétique de l’œuvre » Thématisation de la biographie : Voir la rubrique « Rapport biographie / autobiographie » Tiré de la postface : « Dans Tina, un narrateur nommé Arno Schmidt descend dans les mondes infernaux, dans une sorte d’Élysée, d’Enfer ou plutôt d’antichambre des enfers de l’oubli radical : c’est l’homme parmi les esprits, une leçon sur la bénédiction ou la malédiction que peut représenter l’immortalité, avec cette conclusion peu amène qu’il vaut peut-être mieux être totalement oublié, car dans ce cas on a au moins une chance d’accéder au bonheur du Néant absolu. » (60) Thématisation de l’écriture : Un passage de l’œuvre expose un peu le projet littérature global de Schmidt : « Insert : d’où l’on voit le mieux qu’il s’agit ici vraiment d’un récit qui s’en tient aux faits; autrement, en tant que constructeur roublard de formes brèves, j’aurais, c’est garanti, évité une si pénible répétition des mêmes motifs! Mais ça, c’est la théorie des autres, des “commis voyageur en péripéties”; chez moi il ne se passe rien par principe – non pas que je serais un ennemi des catastrophes, oh non – bah, c’est égal;) » (15) Rapports biographie/autobiographie :Assurément puisque le biographe se met en scène dans sa biographie et semble faire une certaine critique, entre autres par les mentions des grands auteurs qu’on a déjà fait revenir à la vie (la biographie elle-même pourrait être considérée comme une entreprise de résurrection instituée par le biographe) et qui se sont montrés grossiers. Schmidt n’est pas un « grand auteur » tel que l’entend l’institution, ce n’est pas un écrivain populaire et sûrement pas « accessible » à tous. Lorsqu’il se questionne, en début de récit, sur l’éventuel écrivain qu’il ramènera à la vie, il nomme quelques écrivains dits « mineurs », qui sont tous rejetés par l’Académie, qui représente sans aucun doute l’Institution littéraire. Pourquoi Goethe? Parce que c’est un de ses Grands Hommes qui ont transcendé l’institution? III. ASPECT ESTHÉTIQUE Oeuvres non-biographiques affiliées du biographé : Particularité esthétique de l’œuvre : Bien que le récit en tant que tel soit assez fascinant, l’aspect le plus intéressant de l’œuvre de Schmidt est sans aucun doute son utilisation des signes typographiques : italique, marges non conventionnelles; surtout, un infinité de signes de ponctuation souvent accolé les uns aux autres ou imbriqués les uns dans les autres : parenthèses, guillemet (anglais et français), tirets, point d’interrogation, d’exclamation, de suspension, barre oblique, deux points, point virgule, et j’en passe. Ça donne des passages comme ceci, alors que Schmidt vient tout juste de proposer au membre de l’Académie la résurrection temporaire de Goethe : D’un côté : « Non! » : « Jamais!! ». De l’autre des très bien; « Mais oui! »). En fait ç’aurait dû être bien sûr le 1er Secrétaire qui ….. (mais depuis plusieurs semaines ce dernier était gravement enroué; un mal hautement énigmatique et qui pour l’heure n’avait fait l’objet d’aucune recherche. Hé oui). – « Hmmm. » – (10) Échos stylistiques : non Échos thématiques : la mort? IV. ASPECT INTERCULTUREL Affiliation à une culture d’élection : non Apports interculturels : non Lecteur/lectrice : Catherine Dalpé