FICHE DE LECTURE « Les postures du biographe »
INFORMATIONS PARATEXTUELLES
Auteur : FÜRNBERG, Louis Titre : Rencontre à Weimar / Die begegnung in Weimar Lieu : Paris Édition : Gallimard Collection : Le promeneur Traduction : Philippe Giraudon Année : 1996©1965 (pour la publication allemande, mais la nouvelle a été écrite en 1952) Pages : 118 Cote BNQ: F987r
Biographé : Goethe et Adam Mickiewicz
Pays du biographe : Allemagne (Moravie)
Pays du biographé : Allemagne
Désignation générique : nouvelle
Quatrième de couverture ou rabats : Premier rabat : Il y est question de l’intrigue principale de l’œuvre, à savoir la rencontre entre Mickiewicz et Goethe lors du quatre-vintième anniversaire de ce dernier. Croyant n’y trouver que des admirateurs de Goethe, comme il l’est lui-même, le jeune Mickiewicz est surpris d’entendre le mépris dont font preuve les proches du « maître » : « À la haute figure de Goethe vient ainsi rendre l’enthousiasme de l’étranger, avec ses interrogations ardentes sur l’art et la politique de son temps, son amour de la littérature et sa vénération pour une figure de maître. Écrit à Weimar au lendemain de la guerre et de ses désastres spirituels et matériels, le court récit de Fürnberg offre un émouvant apologue sur les forces de résonance, et de résistance, de la culture, sur ce qui en fait avant tout un « exercice d’admiration », et sur le sens de cette activité apparemment inutile dans un monde livré à l’urgence, et aux approximations de tous ordres. » Le rabat de fin nous aide à comprendre l’intérêt de Fürnberg pour ces questions en offrant une esquisse biographique de l’auteur : « Allemand de Tchécoslovaquie, [Fürnberg] s’oppose activement à la montée du nazisme, dans le cadre du parti communiste. Arrêté et torturé par les nazis, il parvient à s’échapper et à gagner la Palestine, où il demeure de 1941 à 1946. De retour à Prague, il se heurte à l’hostilité du régime envers la culture allemande. Il finit par quitter définitivement son pays natal pour s’installer à Weimar, où il meurt trois ans plus tard, en 1957.
Préface : non
Autres informations : En tout début de volume se trouve une « Note de l’éditeur », qui donne « quelques précisions sur les figures historiques qui animent la fiction de Fürnberg. » On y présente en fait la presque totalité des personnages de la nouvelle Il y est question d’Antoine Édouard Odyniec (1804-1885), poète et ami de Mickiewicz, d’Ottilie von Pogwisch (1796-1972), qui est l’épouse d’August von Goethe (1789-1830, de Frédéric Soret (1795-1865), précepteur à la cour de Weimar, de Lambert-Adolphe-Jacques Quételet (1796-1874), de Karl von Holtei (1798-1880) et de Heinrich Luden (1780-1874) - (p. 7-8)
Textes critiques sur l’auteur :
SYNOPSIS
Résumé ou structure de l’œuvre : Achevant un voyage en Allemagne, le poète Adam Mickiewicz, toujours accompagné de son acolyte Odyniec, décide de prolonger de quelques jours son voyages afin d’assister aux festivités entourant l’anniversaire de son « idole », Goethe. À Weimar, il fait la rencontre de plusieurs intellectuels qui gravitent autour de Goethe, mais se rend vite compte que tous ne mettent pas Goethe sur un piédestal comme lui le fait. La vacuité de la vie à Weimar lui apparaît rapidement tout autant qu’elle le surprend, lui qui avait idéalisé le maître et « sa » République. Mickiewicz en vient à établir un contact avec Goethe, qui le prend en affection de par le respect que le jeune poète lui accorde – contrairement à toute sa cour d’hypocrites qui le regarde de haut en attendant sa chute et ne le considère plus que comme un vieillard dépassé. C’est enfin le temps du départ et Mickiewicz, après ce qu’il a perçu de la vie à Weimar, n’en admire que davantage le génie malgré tout inaltéré de Goethe.
Topoï : hypocrisie, admiration du maître, vacuité du travail intellectuel et de la République de Weimar
Rapports auteur-narrateur-personnage : L’auteur est complètement absent du récit – autant que faire ce peut! Le narrateur est extra-diégétique et omniscient, il suit à la trace les différents personnages et lit dans leurs pensées. On semble vraiment assister à la chronique d’un événement qui s’est réellement produit, bien que cela n’est absolument pas le cas : les personnages joue leur propre rôle
I. ASPECT INSTITUTIONNEL
Position de l’auteur dans l’institution littéraire : Il représente sûrement un certain idéal : ses vers sont repris par des activistes de la gauche scientifique qui prêchent pour la reconnaissance d’une Histoire de la RDA! Il est surtout connu pour ses recueils de poésie et deux nouvelles en prose, Mazart-Novelle (1947) et celle-ci, écrite en 1952.
Position du biographé dans l’institution littéraire : La réputation de Goethe n’est plus à faire! C’est le poète emblématique de la République de Weimar, peut-être la dernière figure du génie universel.
Transfert de capital symbolique : Le biographe se sert de la figure bafouée de Goethe pour montrer comment la culture allemande est rejetée après la Seconde guerre mondiale. En montrant la vacuité de la vie à Weimar et l’abattement de Goethe devant celle-ci, il livre sa propre inquiétude quant à l’avenir de la culture allemande.
II. ASPECT GÉNÉRIQUE
Oeuvres non-biographiques affiliées de l’auteur : Plusieurs recueils de poèmes (dont il est question dans le rabat de fin sans que soient donnés les titres)
Place de la biographie dans l’œuvre de l’auteur : Il a aussi écrit la nouvelle Mozart-Novelle (1947).
Stratégies d’écriture et dynamiques génériques : Sous la forme d’une chronique, l’auteur nous fait connaître ses positions sur l’avenir de la culture allemande. Racontant les événements entourant la rencontre entre Goethe et Mickiewicz à l’occasion de l’anniversaire du grand poète de Weimar, le biographe établit un lien entre la vie de ses biographés – la biographie – et la fiction de son récit.
Thématisation de la biographie : non
Rapports biographie/autobiographie : Ce rapport est présent, mais l’auteur n’intègre aucun élément autobiographique au sein même de sa biographie. Il préfère sans doute laisser le récit parler de lui-même à travers les figures présentées : c’est en réaction à l’hostilité qu’il a perçue envers la culture allemande après la Seconde guerre mondiale que Fürnberg a choisi la trame de son récit.
III. ASPECT ESTHÉTIQUE
Oeuvres non-biographiques affiliées du biographé : Un court passage fait référence à Faust : « [Mickiewicz] évoqua le conflit qui le déchirait depuis qu’il avait assisté, la veille, à la représentation du Faust. Certes, il était éperdu d’admiration. Comment rester insensible à la profondeur et la beauté imprégnant chaque détail de l’œuvre? Qui ne serait ému aux larmes par la tragédie de Marguerite? Et pourtant, il semblait que ce fût le triomphe de la froide raison, en la personne de Méphisto. Durant toute la soirée, Mickiewicz n’avait pu s’empêcher de voir dans la figure du démon l’alter-ego de Goethe. » (90)
Échos stylistiques : Rien d’évident
Échos thématiques : Un des personnages, connu sous le nom de M. Sherwood, pourrait être associé à la figure de Méphisto. Lorsque Mickiewicz le revoit à une soirée chez Goethe, il le présente aux autres de la compagnie comme s’il était le diable en personne. Il refuse pourtant d’expliquer pour quelle raison Sherwood lui est si antipathique, ce qui contribue à entourer le personnage de mystère. Plusieurs jours plus tard, lors d’une discussion, les camarades de Mickiewicz le supplient de leur expliquer sa haine envers Sherwood. Le lecteur apprend alors que ce dernier est un traître qui a fait échouer une explosion révolutionnaire qui voulait « parvenir à la chute de l’absolutisme monarchique et à l’instauration d’un État slave, de caractère fédératif et républicain. » (100) Le biographe ajoute plus loin : « Mais d’un point de vue psychologique, il fallait avouer qu’un tel personnage [Sherwood], quoi qu’on pût lui reprocher, méritait d’être étudié à fond. Ce qui n’empêchait pas de lui reconnaître une âme aussi noire qu’intéressée. » (101) On pourrait très bien changé le nom de Sherwood pour celui de Méphisto! Sherwood est encore décrit plus loin comme « l’acteur d’un drame authentique, à la personnalité si mystérieuse, si romantique! » (101-102)
IV. ASPECT INTERCULTUREL
Affiliation à une culture d’élection : Le biographe et le biographé sont tous deux allemands.
Apports interculturels :
Lecteur/lectrice : Catherine Dalpé