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FICHE DE LECTURE « Les postures du biographe »
INFORMATIONS PARATEXTUELLES
Auteur : DATTAS, Lydie Titre : La chaste vie de Jean Genet Lieu : Paris Édition : Gallimard Collection : NRF Année : 2006 Pages : 216
Biographé : Jean Genet
Pays du biographe : France
Pays du biographé : France
Désignation générique : Essai, mais la mention de Jean Genet dans le titre annonce évidemment un essai biographique.
Quatrième de couverture ou rabats : non
Préface : non
Autres informations :
Textes critiques sur l’auteur :Bref compte-rendu de l’œuvre sur : http://www.parutions.com/index.php?pid=1&rid=1&srid=123&ida=7387
SYNOPSIS
Résumé ou structure de l’œuvre : Lydie Dattas est la narratrice hétérodiégétique et omnisciente de ce récit essentiellement chronologique de la vie de Jean Genet. Bien qu’il soit connu pour avoir eu une vie plutôt dissolue d’homosexuel notoire, l’auteur envisage son biographé d’un point de vue tout à fait nouveau, qui est celui du désir de sainteté qui se camouflait derrière toutes les grossièretés apparentes de l’écrivain du Miracle de la rose. Dattas montre comment Genet, dès sa plus tendre enfance alors qu’il est abandonné par sa mère, présente une personnalité pour le moins « angélique » : partout où se pose son regard, il ne voit que du beau et du bon. Malheureusement pour lui, sa vie est de part en part marquée par l’injustice, l’irrespect et le mensonge. Tiraillé toute sa vie entre son angélisme primitif et sa condition d’abord de voleur, puis de déserteur et enfin d’homosexuel, Genet oscille entre ces deux pôles, et c’est précisément ce dont son écriture rend compte. Dans sa vie même, cela se traduit par un désir de sauver tous les jeunes hommes les plus démunis et ravagés par la vie – des dieux, quoi! – qui croisent sa route, inclinaison qui lui donne sa mauvaise réputation dans le milieu littéraire au sein duquel il est incapable d’évoluer de façon authentique. Le volume est composé de chapitres variant entre 2 et 5 pages; le récit est ponctué, à chaque fin de chapitre, de petites morts : morts des illusions, morts de personnes, morts de rêves, d’espoirs, de rancunes, de déshonneurs, etc.
Topoï : sainteté, pureté, beauté, Dieu, saleté, chasteté, amour, admiration, vénération, le paradis
Rapports auteur-narrateur-personnage : Dès le début du récit, il est évident que l’auteur est la narratrice, mais jamais elle ne s’y prononce en son propre nom de façon évidente et n’y apparaît nullement comme personnage. Pourtant, le contenu même est éminemment influencé par le point de vue de l’auteur : sa conception angélique de Genet est pour le moins originale, et elle soutient sa thèse de façon très convaincante du début à la fin, à savoir que malgré les apparences, Jean Genet avait des intentions pures et a toujours agi dans le but d’être reconnu, dans la vie ou dans la mort, comme un « saint ». La métaphore angélique est soutenue et appuyée par tous les événements marquants de la vie de Genet dont il est question dans le récit.
I. ASPECT INSTITUTIONNEL
Position de l’auteur dans l’institution littéraire : Rien de clair, mais elle aurait rédigé quelques préfaces pour d’autres œuvres, donc j’imagine qu’elle est quand même reconnue en tant qu’écrivaine et essayiste.
Position du biographé dans l’institution littéraire : Écrivain plutôt controversé, surtout à cause de sa réputation d’homosexuel dépravé et du contenu de ses livres qui traitent de la beauté et de la grandeur de la délinquance, de la saleté, de la pauvreté. « Les voies du diable sont impénétrables : cet enfant [Jean Genet jeune] aussi innocent qu’une pâquerette, abandonné au fond d’un village inconnu, deviendra un jour un écrivain mondialement connu pour le caractère scandaleux de ses livres. » (17)
Transfert de capital symbolique :
II. ASPECT GÉNÉRIQUE
Oeuvres non-biographiques affiliées de l’auteur : Surtout des romans / essais : Le livre des anges, L’expérience de bonté, Les amants lumineux. On voit ici avec ces titres la récurrence d’un thème semblable dans ses différentes œuvres : l’angélisme, la sainteté,, la lumière, etc
Place de la biographie dans l’œuvre de l’auteur : Son Jean Genet est sa première œuvre biographique. L’auteur fait un parallèle intéressant entre le jeune Rimbaud et le Rimbaud -poète et le jeune Genet et le Genet-écrivain. Elle mentionne à un moment le fait que Genet admirait Rimbaud : «[Jean Genet] ne plaisantait pas avec la messe, comme en son temps le jeune Arthur Rimbaud qui prit un jour la défense – à coup de pied et de poing – du bénitier que profanaient les grands élèves en s’éclaboussant d’eau bénite. » (23)
Stratégies d’écriture et dynamiques génériques : Dattas a de toute évidence voulu faire une hagiographique en écrivant son Jean Genet, mais le personnage même de la biographie ne semblant pas se prêter à ce genre d’exercice de prime abord (de par sa réputation), l’œuvre a davantage pris la forme d’un essai biographique. Le thème de la sainteté, l’insistance de l’auteur sur la pureté de genet et son désir incessant de vouloir faire le bien autour de lui semble vouloir appuyer cette thèse voulant que Genet ait été une sorte de dieu déchu, parmi des hommes encore plus déchus…
Thématisation de la biographie : Sur la « découverte de Genet par Sartre et l’authenticité perdue de Genet, qui fera en sorte que l’image de lui connue ne sera qu’un pâle reflet de la réalité : « Ce n’est pas en prison qu’on a les fréquentations les plus dangereuses : en mai 1944, sa mauvaise étoile le favorisa et le chantre des illettrés rencontra le normalien Jean-Paul Sartre. Jamais il n’aurait imaginé que lui, petit Jean sorti du village bouseux d’Alligny, sans autre diplôme que son certificat d’études, pourrait un jour être encensé par « un monsieur de Paris ». Or voilà que le plus courtisé d’entre eux s’intéressait à lui. Il lui apportait la célébrité, qui est plus dangereuse que la mort car elle fait oublier. L’admiration de l’homme de lettres s’abattit sur le poète avec la lourdeur d’un couperet de guillotine : la part la plus faible de son âme roula dans le panier de la gloire. Dès lors, Jean Genet travailla sa légende. À Mettray, pour se soustraire à la férocité des aînés, il s’était inventé un personnage de caïd. Il en joua pour impressionner les lettrés. Partout, on vit ce faux auteur d’ouvrages érotiques en compagnie de faux amants. (Il suffisait qu’il paraisse à la terrasse d’un café aux côtés d’un beau voyou pour qu’on lui attribue une liaison.) Son diable l’envahit, le persuadant qu’en vendant son âme, il pourrait aider les malheureux – car pour convaincre, notre ombre s’appuie toujours sur des arguments moraux. […] Lui qui avait réussi à fréquenter des criminels sans se souiller ne parvint pas à serrer des mains célèbres sans se compromettre. » (119) Par ce récit, la biographe met en doute les préjugés à l’égard de Genet et propose une autre version de l’Histoire. Encore sur le mythe entourant la supposée vie dissolue de Genet : « La légende prétend qu’à Mettray Genet eut de nombreux amants. Étant donné sa pudeur de jeune fille, rien n’est plus improbable […]. » (67)
Rapports biographie/autobiographie : Dattas ne s’intègre pas à sa biographie, mais les titres de ses autres ouvrages non biographiques semblent montrer qu’elle traite là de questions qui lui sont chères : sainteté humaine, présence de Dieu dans les basses réalités, anges etc…
III. ASPECT ESTHÉTIQUE
Oeuvres non-biographiques affiliées du biographé : Il est beaucoup question dans la biographie du Miracle de la rose et de Notre-Dame-des-Fleurs, mais n’ayant pas lu ces œuvres, il m’est difficile de faire un parallèle entre leur contenu et cette biographie. Néanmoins, comme Dattas montre l’influence de la vie de Genet sur son œuvre, est-ce que la biographie n’est pas nécessairement habitée par l’œuvre ?
Échos stylistiques : -
Échos thématiques : La beauté dans la saleté, la pauvreté et l’indigence.
IV. ASPECT INTERCULTUREL
Affiliation à une culture d’élection : non
Apports interculturels : non
Lecteur/lectrice : Catherine Dalpé