FICHE DE LECTURE INFORMATIONS PARATEXTUELLES Auteur : John Michael Coetzee Titre : Foe Lieu : Paris Édition : Seuil Collection : « Points » Année : [1986] 1988 Pages : 170 p. Cote : UQAM : PR9369.3C6F614.2003 Désignation générique : roman Bibliographie de l’auteur : Autre biographie fictive : Le maître de Pétersbourg (sur Dostoïevski). Biographé : Daniel Foe Quatrième de couverture : « J.M. Coetzee revisite ici le roman de Daniel De Foe, Robinson Crusoé, en abandonnant sur une île déserte de l’Atlantique, une jeune Anglaise, Susan Barton. Elle se retrouve face à deux hommes : le naufragé, Cruso, et un nègre à qui on a coupé la langue, Vendredi. Secourue, elle revient à Londres avec Vendredi et décide de raconter son histoire à l’écrivain Daniel Foe… » Préface : aucune Rabats : aucun Autres (note, épigraphe, photographie, etc.) : LES RELATIONS (INSTANCES EXTRA ET INTRATEXTUELLES) : Auteur/narrateur : Il s’agit d’une narratrice, l’héroïne Susan Barton, qui n’est pas l’auteur bien sûr. A ≠ N Narrateur/personnage : La narratrice est homodiégétique. N = P. Biographe/biographé : Autres relations : L’ORGANISATION TEXTUELLE Synopsis : La narratrice et héroïne du roman, Susan Barton, échoue sur une île suite à une mutinerie dans le bateau où elle naviguait à la recherche de sa fille enfuie ou enlevée. Sur cette île, quelque part entre le Brésil et l’Europe, elle découvre deux autres naufragés qui sont là depuis longtemps : un certain Cruso et un Noir muet, à qui on a coupé la langue, Vendredi. L’île est aride, la vie est dure, Cruso y a ses habitudes indéfectibles. Susan n’a qu’une relation sexuelle avec lui pendant l’année qu’elle passe sur l’île, avant d’être secourue par des marins. Cruso, dont l’existence ne semble pouvoir avoir cours en dehors de l’île, meurt sur le bateau qui ramène les trois naufragés en Angleterre. De retour à Londres, Susan prend en charge Vendredi qui ne dit mot et ne montre aucune expression ni émotion. Elle veut faire écrire le récit du naufrage par un écrivain du nom de Daniel De Foe. Celui-ci, en cours d’écriture, est expulsé de sa maison à cause des dettes. Susan y « squatte » avec Vendredi pendant des mois, dans la misère, et elle tente d’écrire elle-même l’histoire de l’île, tout en écrivant un flot de lettres à Foe. Une jeune fille qui se dit sa fille l’y harcèle. Elle tente de redonner la liberté à Vendredi en l’envoyant en Afrique, mais échoue. Elle retrouve Foe à Londres, couche avec lui. Foe s’intéresse plus à Susan et à l’ensemble de son histoire (disparition de sa fille, quête de sa fille, naufrage, retour à Londres, autre fille qui la harcèle). Susan rêve. Ancrage référentiel : Il y a deux niveaux référentiels. 1) La référence à l’œuvre (Robinson Crusoé) : Coetzee conserve plusieurs éléments du récit de Foe dans sa récriture : les noms (Vendredi; Cruso plutôt que Crusoé, mais quand même), l’île (bien que modifiée, plus pauvre, plus aride), etc. 2) La référence à la vie de De foe : je n’ai pas fait les recherches, mais il me semble plausible que Foe était cet écrivain à la petite semaine, qui travaillait à contrat, qui était endetté, etc. Indices de fiction : La narratrice fait l’aveu de la fiction, en quelque sorte : « Je ne savais donc jamais, pour finir, où étaient les mensonges, où était le pur délire. » (p. 15.) Il y a dans le roman toute une réflexion sur la vie imaginaire versus la vie réelle; le constat est qu’une vie écrite est toujours une vie imaginaire : « un Cruso imaginaire sur son île est préférable à un véritable Cruso, les lèvres serrées, maussade, dans une Angleterre étrangère. » (p. 38.) Susan et Foe entretiennent tout de même le fantasme de la relation, plus vraie que l’invention : « Auriez-vous pu inventer Cruso, Vendredi, l’île, ses puces, ses singes et ses lézards? Demande Susan à Foe. Je ne crois pas. Vos dons sont nombreux, mais l’invention n’en fait pas partie. » (p. 77.) Enfin, à la suite de Dorrit Cohn, on pourrait dire que la narration simultanée, qui ici est même faite dans le cadre d’un échange épistolaire, constitue un indice de fiction probant : « Nous avançons péniblement dans la forêt, la jeune fille et moi. C’est l’automne, nous avons pris la diligence jusqu’à Epping, et nous marchons maintenant vers Cheshunt […] » (p. 96). Rapports vie-œuvre : Intricatoin de la vie et de l’œuvre : Foe rencontre un de ses personnages, Vendredi, et doit relater l’histoire « réelle » de Cruso. Fait étrange, le Foe de Coetzee ne s’intéresse que peu à son œuvre et à ses personnages; il s’intéresse bien plus à Susan, donc au personnage de l’œuvre de Coetzee… Thématisation de l’écriture et de la lecture : La thématisation de l’écriture est très importante, surtout après la première partie, qui est le récit de l’île en soi. Comme Foe disparaît, chassé de sa maison, Susan tente de le remplacer et découvre comme il est difficile d’écrire. C’est une ascèse, littéralement. De ce fait, dans ses lettres à Cruso, elle réfléchit sans cesse au processus d’écriture : « le peu que je sais de l’écriture des livres me dit que son charme s’évanouira entièrement dès qu’elle sera imprimée dans toute sa simplicité. On perd en écrivant tout un aspect de vivacité que l’art seul peut remplacer, et de l’art, je n’en ai point. » (p. 44.) Susan constate aussi qu’il faut une distance pour écrire; vivre d’abord, raconter ensuite, comme disait l’autre : « Pour dire la vérité avec toute sa substance il faut avoir la paix, et un fauteuil confortable loin de toute distraction, et une fenêtre par laquelle le regard peut porter au loin […] » (p. 56). Aussi, faute de pouvoir tout dire, l’écriture doit-elle chercher à représenter les moments, les détails, les épisodes représentatifs : Le conteur […] doit deviner quels épisodes de son histoire recèlent des promesses de richesse et démêler leur sens caché, puis les tresser ensemble comme on tresse une corde. » (p. 95.) Thématisation de la biographie : aucune Topoï : L’écriture, le récit de naufrage, la vérité et le mensonge, la réalité et la fiction, le racisme (Susan Barton est raciste jusqu’à la moelle, comme l’était le récit de De Foe d’ailleurs), le mutisme, le langage, la pauvreté, la misère, etc. Hybridation : La lettre : à peu près tout le roman est écrit sous forme épistolaire. Sauf le premier chapitre qui est un récit ou témoignage direct que fait Susan à Foe de son naufrage et sa vie sur l’île. Les lettres son toutes de Susan à Foe; même quand elle ne sait où il est, elle lui écrit et espère que les lettres se rendront. Le récit de naufrage : il s’agit bien sûr d’un genre que Foe a popularisé et que Coetzee reprend ici. Le pastiche : Coetzee récrit Robinson Crusoé avec ironie, se moquant implicitement du racisme et de la prétention à la vérité de De Foe. La Bible : il y a tout un intertexte biblique, l’île représentant un jardin d’Eden aride. Mais surtout la maison de Foe où squattent Susan et Vendredi possède un jardin par quoi ces Adam et Ève se nourrissent exclusivement. Susan craint que la maison ne soit vendue et lance cette phrase révélatrice à Vendredi : « Il n’y aura plus de jardin. » (p. 87.) Différenciation : Transposition : Il y a toute une réflexion de la narratrice sur la transposition du vécu : comment rendre compte de la richesse du vécu par l’écriture; comment utiliser l’art sans s’éloigner de la vérité; etc. Bien sûr, il y a transposition de l’œuvre du biographé dans la « biographie » de Coetzee, et elle s’en trouve bien transformée. Autres remarques : Ici, le biographé n’est pas le héros mais à la fois un destinataire (des lettre de Susan) et un personnage secondaire. Par ailleurs, il faudrait vérifier les échos aux œuvres de Michel Tournier. LA LECTURE Pacte de lecture : Le titre est trompeur puisque, comme je viens de le dire, Foe n’apparaît qu’en second plan. Mais on peut entendre le nom de Foe comme on dit « lire Foe », c’est-à-dire comme le nom de son œuvre et nom pas de sa personne. Attitude de lecture : La lecture d’un récit de voyage est toujours très captivante, bon gré mal gré. Lecteur/lectrice : Mahigan Lepage.