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Michel Biron (2010), La conscience du désert, Boréal, coll. « Papiers collés »

[Notes prises dans une optique de complémentarité pour les chapitres de la première partie; les notes sont donc regroupées par « chapitre » et non suivant l’ordre de l’essai de Biron. Cela n’exclut toutefois pas que je tente de rendre compte de l’essentiel de sa pensée en ce qui concerne le contemporain.]

INTRODUCTION (de l’ouvrage de synthèse)

Biron, dans « Portrait de l’écrivain québécois en autodidacte », remarque un changement dans la formation scolaire de l’écrivain. Essentiellement autodidacte jusqu’à la Révolution tranquille (là où, d’ailleurs, la figure de l’autodidacte est valorisée [note 1]), l’écrivain québécois contemporain est beaucoup plus « formé » – il ne se réclame donc plus de cette culture anarchique mais indépendante : « Désormais, l’écrivain fait de longues études, et souvent même des études en littérature qui lui valent un diplôme en création littéraire. C’est un écrivain de métier, non plus un autodidacte. Entre la génération qui s’impose au moment de la Révolution tranquille et celle qui émerge dans les années 1970, la rupture est saisissante. Elle est due en partie à la démocratisation du système d’enseignement qui modifie la dotation sociale et culturelle des écrivains. […] Bref, cette génération n’est plus autodidacte du tout et semble marquer la fin d’une filiation. » (2010 : 58)

Biron signale toutefois que « la figure de l’autodidacte, même si elle appartient au passé, n’est pas absente de l’imaginaire littéraire contemporain » (2010 : 59) et il donne comme exemple Maryse de Francine Noël. Il signale également que le « motif inverse », celui de la « régression sociale » se rencontre dans plusieurs romans contemporains – ceux dont le personnage est un écrivain – et donne comme exemple le héros de La Rage de Louis Hamelin et l’héroïne de Gaetan Soucy dans La petite fille qui aimait trop les allumettes.

Rapport de l’écrivain québécois à Paris (on rejoint ici la façon dont Ricard parle de la littérature québécoise contemporaine) : « Si Paris continue encore, aujourd’hui comme hier, d’exercer sa fascination sur l’écrivain québécois, celle-ci n’est pas fondamentalement différente de celle que ressentent des écrivains de l’extérieur de la francophonie. […] » (2010 : 70) « Puisqu’il se sent étranger au Salon du livre de Paris, l’écrivain québécois doit compter sur ses propres salons du livre pour se créer un milieu dans lequel il se reconnaisse. Il y en a beaucoup : à Montréal, à Québec, à Sherbrooke, à Rimouski, en Outaouais, sans parler des festivals littéraires annuels qui ont lieu à Trois-Rivières, à Laval et dans plusieurs autres villes. La vie littéraire au Québec ne manque pas d’événements de toutes sortes, et, en ce sens l’écrivain québécois dispose bel et bien d’un milieu de socialisation comparable à ce qui existe ailleurs. De toutes les régions littéraires francophones, nulle ne prétend avec autant de conviction à l’autonomie idéologique et matérielle que le Québec. Nulle part ailleurs au monde, peut-être, une littérature de si petite dimension ne s’est-elle dotée d’une institution littéraire aussi visible et aussi vivante, à tel point d’ailleurs qu’elle est vite apparue, de l’extérieur, à la fois comme un modèle enviable et comme une sorte d’aberration sociologique, l’exception qui confirme la règle du centralisme parisien. / Sur place, cependant, les choses se présentent assez différemment. Nombreux sont ceux qui savent que cette littérature, en dépit de l’impressionnante production d’œuvres en tous genres, reste en attente d’une reconnaissance internationale que l’institution locale n’a pas l’envergure symbolique qu’on lui souhaiterait. » (2010 : 71) »

De façon plus générale, il est intéressant de noter que Biron lit le contemporain dans une forme de continuité, soit dans celle de la modernité québécoise. Dès lors, s’il n’étudie pas directement les ruptures qui s’opèrent à partir de 1980, il nomme toutefois cette période « contemporaine ».

« [L’]écrivain québécois contemporain […] connaît plutôt bien sa propre littérature grâce à l’école. C’est sa culture de base, pour ainsi dire. » (2010 : 199) [Dans « La cassure invisible »]

Dans « Le modèle belge », Biron compare la littérature québécoise à la littérature belge pour souligner à quel point la littérature québécoise est plus collective que singulière : « Je voudrais tout de même défendre ici, sans ironie, ce paradoxe d’un modèle littéraire belge, qui pourrait être instructif ailleurs dans la francophonie littéraire et en particulier au Québec. Posons les choses de façon grossière : quand je pense à la littérature francophone de Belgique, je vois des noms : Verhaeren, Maeterlinck, Rodenbach, Simenon, Ghelderode, Michaux, pour ne prendre que des auteurs internationalement reconnus; quand je pense à la littérature québécoise, je vois l’ensemble de cette littérature, je vois la littérature comme entreprise collective plutôt que des auteurs singuliers (même si quelques noms surgissent, comme ceux de Miron ou de Ducharme). La grande vedette de la littérature québécoise reste la littérature québécoise elle-même, et non pas tel ou tel auteur. En ce sens, la comparaison avec d’autres littératures francophones, comme la belge, a quelque chose de trompeur. C’est que la littérature québécoise existe plus fortement que n’importe quelle autre littérature francophone, et plus encore si on la compare à la littérature belge, dont le statut a été et demeure extrêmement problématique. » (2010 : 189-190, je souligne)

Il remarque alors que « la littérature québécoise, on l’a souvent constaté, se comporte comme une grande littérature ». « Ce ne sont pas que des paroles en l’air : la littérature québécoise se donne vraiment les moyens d’une littérature de grande dimension, une littérature qui se développe, sur le plan de l’organisation institutionnelle, comme si Paris n’existait pas. Cette autosuffisante étonne habituellement les étrangers, et particulièrement les Belges, qui y voient une forme de résistance presque héroïque au centralisme parisien. » (2010 : 191) Cependant, alors que la Belgique a des auteurs qui se situent avant tout dans l’histoire de la littérature, et non dans celle de la littérature belge, le Québec lui ne tient pas compte de ce « grand contexte ». Conséquence : «[L’]écrivain québécois […] a souvent […] le sentiment de n’appartenir qu’à la littérature québécoise. » (2010 : 194) Par ailleurs, si, d’un côté, des écrivains belges se retrouvent aisément dans les programmes d’enseignement français, de l’autre, « les fonctionnaires québécois qui ont pour mandat de promouvoir la littérature de leur pays en France travaillent en vain depuis plusieurs années pour qu’un premier écrivain québécois soit enfin inscrit au concours français de l’agrégation. » (195) Il y aurait ainsi une leçon à tirer de cet exemple :

« Il y a ici une leçon à tirer pour les études québécoises, qui auraient intérêt à considérer l’exemple belge comme un modèle atypique — et d’autant plus intéressant qu’il est atypique. L’écrivain belge ne cherche pas à liquider le pacte avec la nation : il n’y a à peu près jamais eu de tel pacte en Belgique. Ce n’est pas forcément un malheur. Il arrive que l’on y pousse le culte du grand contexte jusqu’à nier l’existence (tout de même bien réelle) du petit contexte. Cela donne des œuvres souvent mineures à force d’universalisme abstrait, des œuvres comme le roman néoclassique Saint-Germain ou la Négociation de Francis Walder, prix Goncourt 1958. Toutefois, en règle générale, il y a quelque chose de salutaire dans le désir du grand contexte qui caractérise l’histoire littéraire belge depuis le naturalisme et le symbolisme jusqu’aux surréalismes des années 1920 et 1930 et au minimalisme contemporain. Il y a une sorte de miracle belge si l’on regarde la richesse artistique de ce petit pays. Certes, plusieurs écrivains ou intellectuels belges diraient qu’ils sont simplement “condamnés” à l’international, étant donné la faiblesse du pôle national, l’exiguïté de leur espace littéraire et leur position décentrée, donc toujours malaisée, par rapport à Paris. Pour parler comme Bourdieu, on dira que les écrivains belges font de nécessité vertu. Mais la littérature y gagne beaucoup, et je me demande si le Québec n’aurait pas avantage non pas à se déclarer tout à coup libéré du pacte exclusif avec la nation (ce qui n’aurait guère de sens), mais à s’inspirer plus modestement du modèle belge, c’est-à-dire à miser moins sur la littérature québécoise en tant que projet collectif et davantage sur les écrivains singuliers, dégagés de leur fonction représentative, exposés pleinement au grand contexte. » (196-197)

Note 1 : « On voit ainsi s’établir une corrélation nette entre la figure de l’autodidacte, pour qui la culture est une affaire personnelle, et les valeurs littéraires propres à la Révolution tranquille. L’autodidacte appartient à cette époque plus qu’à toute autre, car il est le mieux placé pour incarner la liberté à l’égard du passé et de la tradition littéraire et pour placer la littérature québécoise, fraîchement baptisée, sous le signe de l’invention. L’autodidacte est exemplaire parce qu’il constitue l’être du commencement, celui qui se construit un héritage de toutes pièces, par la seule force de son désir. Non seulement il entre par lui-même dans le monde de la culture, mais il donne l’impression d’être toujours en train d’y entrer. Quoi qu’on dise à son propos, il se perçoit comme un éternel débutant. » (2010 : 58)

fq-equipe/fiche_de_la_conscience_du_desert_2.1307032686.txt.gz · Dernière modification : 2018/02/15 13:56 (modification externe)

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