Le texte de Fortier et Langevin vise à observer le passage de la modernité à la postmodernité à travers trois moments dans l’œuvre de Nicole Brossard. Les auteurs posent en outre l’hypothèse que Brossard subit l’influence du paradigme interprétatif de sa propre œuvre. Le premier texte à l’étude, //Un livre//, paru en 1970, raconte l’histoire de sa propre genèse ; il marque moins l’émergence d’une modernité que l’appropriation des codes de la modernité. Bien que ce concept reste essentiellement imprécis et hétérogène, c’est d’une certaine modernité que s’inspire Brossard. //Le Désert mauve//, publié en 1987 et présenté comme le premier roman postmoderne québécois, introduit le féminisme comme piste interprétative. Les auteurs expliquent : « La réorganisation épistémique engagée par les théories de l’énonciation, en réintroduisant la subjectivité au cœur du langage, redessine autrement le clivage, à première vue irréconciliable, entre la modernité et le féminisme. » (2004 : 338) À travers le jeu qu’on retrouve dans le texte entre référentialité et fiction, les auteurs perçoivent la tension entre le moderne et le postmoderne : alors que le modernisme se caractérise par le refus de l’illusion référentielle, le postmodernisme revendique les procédés de l’illusion et cherche à pousser l’illusion à un paroxysme de manière à ce que ce soit la réalité qui apparaisse comme une illusion. Évoquant une analyse de la question de la traduction fictive dans Le //Désert mauve// par Robert Dion, les auteurs notent que Dion inscrit Brossard parmi une série d’auteurs postmodernes : Jacques Brault, Monique LaRue, Normand Chaurette, Victor-Lévy Beaulieu, Gérard Bessette et Rober Racine (2004 : 342). Enfin, Hier (2001) joue également sur la frontière entre la référentialité et la fiction. L’espace-temps y est traité de manière postmoderne, par l’abolition de toute distance qu’on y trouve. Empruntant ce concept à Marc Augé, les auteurs qualifient //Hier// d’œuvre « surmoderne », se déroulant dans des « non-lieux ». Les auteurs citent Augé explicitant sa vision des non-lieux : « Si un lieu peut se définir comme identitaire, relationnel et historique, un espace qui ne peut se définir ni comme identitaire, ni comme relationnel, ni comme historique définira un non-lieu. L’hypothèse ici défendue est que la surmodernité est productrice de non-lieux, c’est-à-dire d’espaces qui ne sont pas eux-mêmes des lieux anthropologiques et qui, contrairement à la modernité baudelairienne, n’intègrent pas les lieux anciens […]. » (2004 : 347) Enfin, Fortier et Langevin résument le parcours de Nicole Brossard, dont ils rappellent que la pratique est en dialogue avec les discours qui l’interprètent : d’abord moderne par la revendication d’un identitaire collectif ; ensuite postmoderne, par sa facture autoréférentielle et par son appel à la participation du lecteur ; enfin surmoderne, par sa prédilection pour les non-lieux. | Le texte de Fortier et Langevin vise à observer le passage de la modernité à la postmodernité à travers trois moments dans l’œuvre de Nicole Brossard. Les auteurs posent en outre l’hypothèse que Brossard subit l’influence du paradigme interprétatif de sa propre œuvre. Le premier texte à l’étude, //Un livre//, paru en 1970, raconte l’histoire de sa propre genèse ; il marque moins l’émergence d’une modernité que l’appropriation des codes de la modernité. Bien que ce concept reste essentiellement imprécis et hétérogène, c’est d’une certaine modernité que s’inspire Brossard. //Le Désert mauve//, publié en 1987 et présenté comme le premier roman postmoderne québécois, introduit le féminisme comme piste interprétative. Les auteurs expliquent : « La réorganisation épistémique engagée par les théories de l’énonciation, en réintroduisant la subjectivité au cœur du langage, redessine autrement le clivage, à première vue irréconciliable, entre la modernité et le féminisme. » (2004 : 338) À travers le jeu qu’on retrouve dans le texte entre référentialité et fiction, les auteurs perçoivent la tension entre le moderne et le postmoderne : alors que le modernisme se caractérise par le refus de l’illusion référentielle, le postmodernisme revendique les procédés de l’illusion et cherche à pousser l’illusion à un paroxysme de manière à ce que ce soit la réalité qui apparaisse comme une illusion. Évoquant une analyse de la question de la traduction fictive dans Le //Désert mauve// par Robert Dion, les auteurs notent que Dion inscrit Brossard parmi une série d’auteurs postmodernes : Jacques Brault, Monique LaRue, Normand Chaurette, Victor-Lévy Beaulieu, Gérard Bessette et Rober Racine (2004 : 342). Enfin, Hier (2001) joue également sur la frontière entre la référentialité et la fiction. L’espace-temps y est traité de manière postmoderne, par l’abolition de toute distance qu’on y trouve. Empruntant ce concept à Marc Augé, les auteurs qualifient //Hier// d’œuvre « surmoderne », se déroulant dans des « non-lieux ». Les auteurs citent Augé explicitant sa vision des non-lieux : « Si un lieu peut se définir comme identitaire, relationnel et historique, un espace qui ne peut se définir ni comme identitaire, ni comme relationnel, ni comme historique définira un non-lieu. L’hypothèse ici défendue est que la surmodernité est productrice de non-lieux, c’est-à-dire d’espaces qui ne sont pas eux-mêmes des lieux anthropologiques et qui, contrairement à la modernité baudelairienne, n’intègrent pas les lieux anciens […]. » (2004 : 347) Enfin, Fortier et Langevin résument le parcours de Nicole Brossard, dont ils rappellent que la pratique est en dialogue avec les discours qui l’interprètent : d’abord moderne par la revendication d’un identitaire collectif ; ensuite postmoderne, par sa facture autoréférentielle et par son appel à la participation du lecteur ; enfin surmoderne, par sa prédilection pour les non-lieux. |