===== FICHE DE LECTURE COLLECTION « L'UN ET L'AUTRE » ===== === INFORMATIONS PARATEXTUELLES === Auteur : Pierre Bergounioux Titre : Jusqu'à Faulkner Lieu : Paris Édition : Gallimard Collection : « L'un et l'autre » Année : 2002 Pages : 144 Cote : BANQ, niveau 3, documentaires, 813.5 F2637b 2002 Désignation générique : Aucune Préface : Aucune. Rabats : Deux rabats. L'un présente un extrait du livre figurant dans le dernier paragraphe. Faulkner publie au moment opportun, y écrit en substance Bergounioux, c'est-à-dire quand une « élite vulnérable a éprouvé l'impossibilité d'aller plus loin, dans une Europe qui semblait aspirer, elle-même, au suicide ». Il prend par conséquent la place des « infirmes » et des « sensitifs » qui, jusqu'à son arrivée, se tenaient à l'avant-plan de la scène littéraire. L'autre rabat présente le programme de la collection. Image de la couverture : D'après une photo issue de la collection Yoknapatawpha Press, Oxford (Mississipi). Il s'agit d'un portrait de Faulkner. Autres (note, épigraphe, etc.) : Rien de tout cela. === INFORMATIONS SUR LE BIOGRAPHE : === Pays d'origine : France. Professions : Écrivain, enseignant et sculpteur. Bibliographie : Livres qui semblent relever en bonne partie du genre romanesque. Autres informations : Bergounioux a milité au sein du Parti Communiste Français. === INFORMATIONS SUR LE BIOGRAPHÉ : === Identification du biographé : William Faulkner. Pays du biographé : États-Unis. Brève biographie du biographé : Faulkner s'engage dans l'aviation canadienne à vingt ans. Il regagne le Mississipi pour y écrire d'abord de la poésie (Le Faune de marbre, 1924) et ensuite un premier roman (Monnaie de singe, 1926). Il publie sa première oeuvre maîtresse, Le Bruit et la fureur, en 1929. Le reste appartient à l'Histoire. Tandis que j'agonise (1930), Sanctuaire (1931) et plusieurs autres oeuvres écrites par Faulkner lui apportent la consécration. Il reçoit le prix Nobel en 1949. Époque du biographé : 1897-1962. Autres informations : Faulkner vit pendant longtemps de petits boulots. Il est tantôt engagé comme peintre en bâtiments, tantôt employé pour pelleter du charbon. Et ce ne sont là que quelques uns des métiers pratiqués par l'auteur (2002 : 89-91). === LES RELATIONS (INSTANCES EXTRA ET INTRATEXTUELLES) : === Auteur/narrateur : Forment une même entité. Narrateur/personnage : Le narrateur ne figure pas en tant que personnage de la narration. Biographe/biographé : Sans se projeter ni s'identifier au biographé, le biographe s'en rapproche néanmoins. Celui-ci partage en effet les préoccupations de celui-là. L'intérêt manifesté par Bergounioux pour la vie est ainsi également perceptible à la lecture du romancier américain. C'est à cette sensibilité commune aux deux auteurs que l'on doit Jusqu'à Faulkner. Autres relations : Non. === L'ORGANISATION TEXTUELLE : === Synopsis : Jusqu'à Faulkner est composé de six chapitres dont le propos central consiste à envisager la dichotomie entre le réel et la pensée, le monde empirique et la littérature. Bergounioux traite d'abord de la question de la césure qui sépare ces domaines souvent situés aux antipodes l'un de l'autre (premier chapitre, 2002 : 10-11). Il est vrai que certains romanciers tendent à procéder à une adjonction de ces éléments antinomiques (deuxième chapitre). Stendhal s'est ainsi « dangereusement rapproché de la contradiction inscrite dans le principe du récit depuis qu'un homme a entrepris de raconter ce que d'autres avaient fait » (2002 : 58). Il a même tenté de la lever, cette contradiction entre la vie et le récit. « Mais bientôt, effrayé [...] du désordre qui va envahir le récit s'il cède le pas au premier intéressé, au héros, il en reprend la conduite d'une main habile » (2002 : 33). Faulkner pénètre cependant dans la brèche ouverte par Stendhal. Entre-temps, Proust, Kafka et Joyce se seront engagés dans une voie contraire, préférant exploiter les ressources propres à une pensée devenue son propre objet d'investigation et/ou réfléchir à une littérature à caractère autoréférentiel (troisième chapitre). Vivement de l'air ! s'exclame Bergounioux lorsqu'il relate au quatrième chapitre l'entrée en littérature de Faulkner : « On met rarement le nez dehors, dans les livres de Kafka, et dans ceux de Proust, encore moins » (2002 : 73), contrairement à ce qui se produit chez Faulkner, où s'opère en quelque sorte un retour à Stendhal. Solidement ancré dans le monde concret, Faulkner ne reniera jamais ses origines rurales (2002 : 92). Après avoir situé Faulkner dans l'histoire littéraire, puis évalué la contribution à ce domaine fournie par l'auteur du Bruit et la fureur et, enfin, envisagé comment le lieu où il a grandi contribue à en faire un écrivain atypique que rien ne destinait en embrasser la profession des lettres, Bergounioux entame son commentaire de l'œuvre du biographé, sans pour autant perdre de vue le lien entre l'existence du romancier américain et son écriture (cinquième chapitre). Faulkner, conclut Bergounioux dans son dernier chapitre, a « enfin levé le divorce originel entre le monde où nous vivons et celui qui se donnait pour son équivalent, entre les plats de couverture, et ne l'était point » (2002 : 139). De façon générale, on constate que Bergounioux n'élabore pas une chronologie détaillée lorsqu'il présente la biographie de Faulkner. L'auteur de Jusqu'à Faulkner se limite le plus souvent à l'évocation des épisodes de l'existence du biographé susceptibles d'informer les réflexions qu'il propose à partir de la lecture du romancier américain. Suivant cette optique, Bergounioux traite principalement des emplois de Faulkner, de ses racines le liant à la terre et de sa conception du monde, tributaire de son lieu d'origine. Ancrage référentiel : Ancrage évident. Le Mississipi, lieu d'où provient Faulkner, est évoqué de manière détaillée. Indice(s) de fiction : Rares –– sinon unique puisqu'à proprement parler un seul indice s'impose à la lecture de Jusqu'à Faulkner –– mais néanmoins important(s) : « J'aimerais bien, pourtant, que se soit en 1962 [...], et non [...] en 1963, que j'aie porté une main innocente sur Sanctuaire [...]. Parce que alors, Faulkner est vivant. » (2002 : 54) Indices autobiographiques : Quelques uns. Je retiens celui-ci : la lecture de Sanctuaire dérange le jeune Bergounioux étudiant au lycée; il songe même à adresser une lettre à l'éditeur de ce livre pour se plaindre des incorrections grammaticales et des passages immoraux contenus dans le roman ! Rapports vie-œuvre : Rapports effectifs car les développements consacrés par l'auteur à l'œuvre de Faulkner s'amalgament aux exposés à caractère biographique. Ainsi, on remarquera, avec Bergounioux, que les outils dont use le travailleur manuel –– en l'occurrence Faulkner –– abondent dans les romans de ce dernier (2002 : 107). Quant à la « philosophie de Faulkner [qui] tient en ces deux mots » (2002 : 129) : «``Trop occupés``», comme l'expriment ses personnages (cités par Bergounioux, 2002 : 129), elle s'explique par le parcours professionnel du romancier, lui aussi talonné par le temps : il lui faut en user à bon escient afin de gagner de l'argent. Thématisation de l'œuvre du biographé : Le traitement réservé à l'œuvre atteint la même ampleur que celui se rapportant à la vie du biographé. Thématisation de l'œuvre elle-même : Rien sur la démarche de l'auteur ni sur la collection. Rapport entre le texte et le programme de la collection : L'« autre » (le biographé) aurait dû agir telle une révélation sur l'« un » (le biographe) dès l'instant où celui-ci ouvrit pour la première fois un Faulkner. Je dis « aurait dû » parce que Bergounioux aspirait à découvrir un auteur qui, tel Faulkner, aérerait l'art romanesque, le sortirait de son enfermement au sein des métropoles et le confronterait à son dehors, situé au-delà du champ littéraire. Tenons cependant compte du fait que ce que l' « autre » révèle à l'« un » doit d'abord être assimilé par celui-ci avant d'être apprécié à sa juste valeur. Voilà d'ailleurs pourquoi le jeune Bergounioux commence par refermer, aussitôt ouvert, ou presque, Sanctuaire. Mais il en vient finalement à se reconnaître en l'auteur américain, souscrivant alors à cet impératif formulé de manière plus ou moins concertée par Faulkner : la nécessité de rompre avec la tradition romanesque européenne du XXe siècle, décriée, jusqu'à un certain point, par Bergounioux puisqu'elle présente un caractère trop cérébral, comme l'illustre, toujours selon l'auteur de Jusqu'à Faulkner, le roman joycien. Topoï : Dichotomie entre l'existence et la pensée, la vie et la littérature; épuisement d'une certaine modernité littéraire. Hybridation : Jusqu'à Faulkner se présente à la fois comme une biographie et un commentaire de l'œuvre de cet auteur, œuvre que Bergounioux situe, qui plus est, au sein de l'histoire littéraire. === LA LECTURE : === Pacte de lecture : L'auteur n'est guère explicite à ce sujet. Au lecteur de l'être –– et de constater que Bergounioux étaie ses remarques à l'aide de références aux penseurs du social (Weber, Marx) : « L'épuisement du principe narratif a été précipité par la constitution du mouvement ouvrier. » (2002 : 141) Ce diagnostic portant sur le roman ne s'applique cependant pas à l'œuvre de Faulkner, laquelle est portée par des récits, étant exempte de références à la lutte des classes. Mais quoiqu'il en soit de la relative indifférence témoignée par cet auteur à l'égard de la lutte prolétarienne, on retiendra que quiconque parcourt Jusqu'à Faulkner doit accepter le contrat de lecture stipulant, sous un mode implicite, qu'il faille éclairer l'œuvre de Faulkner de même que celles de ses prédécesseurs immédiats (Proust, Kafka, Joyce) à partir des bouleversements sociaux survenus à leurs époques. Remarques générales sur la collection : Jusqu'à Faulkner participe de l'esprit de la collection. Le dialogue entre « l'un » et « l'autre » est aisément perceptible. Lecteur : Charles-Philippe Casgrain.