Auteur : Desjardins, Martine
Titre : L’évocation
Éditeur : Alto
Collection : Coda
Année : ([2005] 2012)
Éditions ultérieures : Le roman est paru chez Leméac en 2005, réédité chez Alto en 2012.
Désignation générique : Roman (quatrième de couverture)
Quatrième de couverture : « Dans un domaine isolé du canton d’Armagh, à l’est de Québec, l’héritière de la seule mine de sel au pays s’apprête à recevoir l’artisan qui a sculpté, durant dix ans, l’étrange monument funéraire de sa famille. Pendant que les servantes croquent du sucre d’érable en cachette, Lily McEvoy prise du sel en évoquant les ombres de son père, héros de la Conquête, et de sa mère, la « fille du fleuve » aux pieds palmés. C’est au cours d’un souper où les salières sont pleines mais les verres, vides, qu’elle exhumera pour son hôte tous les secrets du passé – un passé cruel qu’il serait aussi dangereux d’oublier que de vénérer. Emporté par une puissante alchimie littéraire où se confondent histoire et légendes, ce roman de l’auteure de Maleficium explore, à travers les vertiges fantasmagoriques de ses personnages, les pièges individuels et collectifs de la mémoire. »
Notice biographique de l’auteur : Aucune dans cette édition. Sur le site web de l’éditeur : « Deuxième d’une famille de six enfants, Martine Desjardins a reçu le baptême et la confirmation à Mont-Royal, où elle vit toujours avec son mari et leur fox-terrier Winnie. Après des études de russe, d’italien et de littérature comparée, elle a travaillé pour plusieurs magazines. Elle tient maintenant la chronique Livres à L’actualité. Saluée par la critique pour son premier roman, Le cercle de Clara, ainsi que pour L’élu du hasard, elle a reçu le prix Ringuet en 2006 pour L’évocation. Elle ne fréquente plus l’église et a horreur de voyager. »
Résumé de l’œuvre : L’œuvre est divisée en trois parties qui correspondent plus ou moins au dévoilement du passé d’un personnage : I- Magnus McEvoy II- Maître Anselme III- Titus. L’histoire – la trame principale – se passe en fait en une seule journée, mais une journée qui sera ponctuée par de nombreuses réminiscences et révélations, et dont le point culminant sera le souper entre Lily et Maître Anselme et les révélations qui s’y feront. Voici en détails : À midi, Lily (dite Son Excellence et surnommée Black Lily à cause de son austérité) donne ordre à Titus, son valet de ferme, d’aller chercher maître Anselme, qui vit dans une chaumière sur la propriété, et de le ramener pour souper. Pendant ce temps, Lily donne ses ordres à ses domestiques, Ursule et Perpétue, et monte au grenier, chercher un buste de sel bien gardé. Sur le chemin, la découverte de nombreux objets ayant appartenu à son père, le contre-amiral Magnus McEvoy, sera l’occasion d’évoquer la vie de ce dernier, depuis sa carrière de marin venu d’Irlande jusqu’à son établissement dans le comté d’Armagh où il commencera à exploiter la mine de sel qui se trouve sur son domaine. Lily évoquera dans la foulée plusieurs souvenirs de son enfance, dont le début de sa passion pour le sel, qu’elle prise désormais abondamment. Dans la deuxième partie, Titus part à la recherche de Maître Anselme qu’il trouve finalement dans la mine de sel, en train de sculpter (c’est ce à quoi il s’occupe depuis dix ans, selon une commande de Lily), le mausolée des parents, eux-mêmes conservés dans la mine grâce au sel. Ce sera l’occasion pour Maître Anselme de faire plus ample connaissance avec Titus, mais également de révéler l’histoire de sa vie, en particulier sa rencontre avec Laurence, la mère de Lily, avant que celle-ci ne devienne la femme du contre-amiral. La troisième partie sera celle du souper, de la confrontation entre Lily et Maître Anselme et la révélation du secret de la famille, soit que Titus est en fait le fils de Maître Anselme et de Laurence. Lily, secrètement attachée à Titus, croit que Maître Anselme – qui ignorait l’existence de Titus – est responsable des divers malheurs de sa famille.
Thème principal : Souvenir, passé et amertume
Description du thème principal : Le sel revêt une symbolique très forte dans ce roman et est rattaché, pour Lily, au souvenir et au passé qu’il ne faut pas oublier, dont il faut entretenir la mémoire afin d’entretenir la rancune et l’amertume. De plus, pour elle, le sel a une fonction purificatrice, permettant de « préserver les âmes de la corruption et de les armer contre le démon » (39), et c’est entre autres ce qui explique qu’elle lui voue un véritable culte, ayant banni du domaine le sucre, associé au plaisir, mais aussi à la vie. Ainsi, Lily, a force de ruminer son amertume et sa vengeance contre Maître Anselme, et à force de se fermer à la vie et de recourir au sel en toute occasion (nourriture, nettoyage, etc.), finit quasi littéralement par sécher, par perdre son éclat malgré sa jeunesse, comme si elle souhaitait se transformer en véritable statue de sel (on peut voir ici des références implicites à la femme de Loth). Le sel a aussi quelque chose d’orgueilleux, puisqu’il est associé à l’idée d’être « le sel de la terre », soit l’être d’exception.
Thèmes secondaires : mémoire, évocation, vengeance, orgueil, inceste, fleuve, artisan, sculpture, hérédité, légendes, guerre.
Type de roman (ou de récit) : roman fantastique (historique)
Type de narration : Hétérodiégétique à focalisation interne. La narration est en effet externe, mais suit la subjectivité des personnages. C’est ainsi qu’un même événement peut être raconté plusieurs fois mais selon des angles différents, ce qui fait qu’on a finalement tous les morceaux de l’histoire qu’à la toute fin.
Personnes et/ou personnages mis en scène : Personnages fictifs, mais qui évoquent tout de même des « types » de l’époque : l’évêque et l’abbé, le contre-amiral Irlandais venu s’installer sur les terres canadiennes après avoir combattu pour l’Angleterre; ou encore des êtres de légendes, comme Laurence, la « fluvienne » aux orteils palmés.
Lieu(x) mis en scène : Le Québec; La ville de Québec; le canton d’Armagh, le village de Beaumont, le Fleuve Saint-Laurent.
Types de lieux : domaine seigneurial (grenier, salle à manger, étable, etc.), mine de sel, bateau, routes, îles, églises, atelier d’artisan, etc.
Date(s) ou époque(s) de l'histoire : Mi-18e siècle (La Conquête Anglaise) - début 19e siècle. L’histoire de Magnus McEvoy est racontée depuis celle de son grand-père, mais on peut dire que la narration de celle-ci commence plus explicitement en 1759, alors que son navire est assigné à la protection du convoi naval du Général Wolfe. Si on ne peut situer avec précision la fin de l’histoire, on sait que l’amiral est mort le 20 mai 1791 et que voilà dix que Maître Anselme travaille pour Lily. L’histoire doit donc se dérouler en 1801.
Intergénérité et/ou intertextualité et/ou intermédialité : Mis à part le jeu sur les légendes et sur l’imaginaire fantastique, voire gothique, rien de notable de ce côté.
Particularités stylistiques ou textuelles : Le style est précis, soutenu, maîtrisé et imagé. Il y a aussi une charge symbolique très forte. La principale particularité tient à mon sens à la question de l’évocation (là où le titre prend son sens) qui est alimentée tant au niveau thématique qu’au niveau formel puisque chacune des images, chacun des souvenirs est non seulement presque systématiquement lié à un objet qui l’évoque, mais il n’est possible de reconstruire dans son ensemble la chronologie des événements qu’une fois la lecture du roman achevée.
Auteur(e) de la fiche : Manon Auger