Le visage de personne

INFORMATIONS PARATEXTUELLES

Auteur : Valérie-Angélique DESHOULIÈRES Titre : « Le visage de personne. Statues brisées et mosaïques aveugles : les impossibles retours à l’origine de la littérature ‘‘archéomane’’ contemporaine », dans Valérie-Angélique DESHOULIÈRES et Pascal VACHER (dir.), La mémoire en ruines. Le modèle archéologique dans l’imaginaire moderne et contemporain Lieu : Clermont-Ferrand Édition : Presses Universitaires Blaise-Pascal (Centre de Recherches sur les Littératures Modernes et Contemporaines) Année : 2000 Pages : 203-220

RÉSUMÉ

Cet article s’intéresse à la référence à l’archéologie dans la littérature contemporaine. L’auteure y souligne d’emblée que les écrivains qui s’intéressent à la question de l’archéologie le font selon l’une ou l’autre de ces deux attitudes possibles : soit ils « cherchent coûte que coûte à réconcilier l’homme avec la nature et voudraient fuir les grandes catastrophes du XXe siècle en Arcadie », soit ils « prennent leur part du malheur et de l’opacité du présent et savent bien qu’il ne suffit pas à l’homme de s’absorber dans la contemplation des productions artistiques de la Grèce antique pour se réconcilier avec lui-même. » (205)

Le texte de Deshoulières se penche dans un premier temps aux statues dans la littérature contemporaine. Le corpus qu’elle étudie est constitué de : Les jardins statuaires de Jacques Abeille (1982) et La fugitive de Jean-Pierre Sarrazac (1996). Cette première partie ne m’apparaît pas particulièrement pertinente dans le cadre de cette fiche de lecture et je ne m’y attarde pas.

Dans la seconde partie, consacrée aux mosaïques, l’auteure revient sur le roman de Jacques Abeille et analyse les ouvrages suivants : La mosaïque de Déméter de Denys Coutagne (1986), La mosaïque de Claude Delarue (1986) et La Ressemblance de Lucien Guissard (1995). L’auteure est amenée à établir certains liens entre ces œuvres fragmentaires et la création littéraire contemporaine. Elle écrit, commentant Les jardins statuaires : « L’art naît de cette terrifiante tension entre l’énigme qui n’a pas qu’une solution et notre incurable besoin d’ordonner en une forme unique les fragments épars témoignant de l’origine. » (214) Elle poursuit : « Les jardins statuaires manifestent clairement cette volonté, repérée par Benjamin dans la pratique poétique baroque, d’intégrer sans limite des éléments antiques dans une construction qui, sans les réunir en une totalité, serait néanmoins supérieure, dans la destruction même, aux harmonies ‘‘cultivées’’ par le passé. » (214)

Je relève également cette remarque, à propos du roman La mosaïque de Déméter : « Entre les mains de l’allégoriste, la chose devient ‘‘autre chose’’. La mosaïque, sous les doigts de Coutagne, est non seulement la métaphore de l’identité morcelée de Yolande, mais aussi un modèle d’écriture : Tarbier, l’architecte, en écrivant ce roman ‘‘pré-posthume’, prend le relais de l’archéologue et rassemble les morceaux de sa partie manquante. » (215)

Dernière remarque, concernant l’ouvrage de Guissard, qui évoque le discours sur les récits de filiation : « Comme tout homme, Fargot s’inquiète de voir disparaître les filiations les plus reculées dans un présent frénétique ; il scrute les empreintes du passé. Mais il a entrevu, dans les sables, que le territoire qu’il s’agit de redécouvrir pour se réconcilier avec soi-même est un territoire intérieur. » (218)

En conclusion, Deshoulières souligne que le culte des statues symbolise les lieux communs et la certitude (erronée) qu’on possède la solution aux « Grand Problème » (219). Ceux qui vouent un culte sont donc exclus « de la catégorie des ‘‘penseurs’’ ». (219) À l’opposé, les « mosaïques astreindraient au contraire celui qui se penche sur leur mystère à examiner simultanément le passé, les conditions de cette méditation et ses répercussions sur le présent. » (220). L’auteure conclut donc : « À rebours de toute entreprise de reconstruction du passé, les expériences littéraires que nous avons rapportées disent à quel point l’archéologue, en cette fin de vingtième siècle, est revenu de l’utopie de la bibliothèque et du musée : […] il mesure avec terreur la précarité de tout système de conservation. » (220)

En terminant, un commentaire : Il est frappant de constater, dans la seconde partie du texte et dans la conclusion, que l’auteure dégage des constats qui sont des poncifs de la critique sur le récit de filiation et ce, même en réfléchissant à partir d’un autre horizon critique et en s’intéressant à un corpus différent. Ainsi, le retour aux origines (non pas familiales, ici, mais plutôt mythiques) mis en branle par un présent où la perpétuation de cet héritage est menacé, la récupération d’œuvres du passé à travers les œuvres contemporaines, le désir de se ressaisir du passé afin d’accéder à sa propre identité sont des éléments récurrents du récit de filiation, et ils caractérisent également les textes du corpus de Deshoulières.

Lectrice : Mariane Dalpé