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COLLOQUE SUR L’HISTOIRE LITTÉRAIRE DU CONTEMPORAIN

26 octobre 2012 Université de Montréal 3200 rue Jean-Brillant, salle B-4270

(NOTES)

Problématique du colloque: Les histoires de la littérature ont souvent eu à cœur de prolonger leurs efforts de définition jusqu’au «temps présent». Cette pratique paradoxale d’histoire immédiate a étonnamment peu retenu l’attention de la critique. Son analyse offre pourtant un biais stimulant pour revisiter l’histoire et les principes d’une discipline incontournable dans le champ des études littéraires, mais souvent stigmatisée pour son traditionalisme, et parfois réputée responsable d’un manque d’intérêt des institutions académiques pour l’actualité littéraire. L’aspect exploratoire de la pratique d’une histoire de la littérature contemporaine conduit les historiens à réévaluer la pertinence de leurs outils (périodes, mouvements, groupes, genres, etc.) et les incite à des questionnements méthodologiques voire théoriques, dont on a régulièrement souligné qu’ils faisaient souvent défaut à la discipline. Le présent colloque réunit des spécialistes de l’histoire littéraire et des spécialistes de la littérature contemporaine en France et au Québec, afin de revenir sur la pratique d’une histoire littéraire du contemporain, qui apparaît à bien des égards comme une tache aveugle de la critique littéraire, et plus largement pour réfléchir sur les soubassements théoriques et les enjeux de l’histoire littéraire.

L'histoire littéraire du contemporain en France

« L’histoire du “contemporain” l’éternel retour » Alain Vaillant (Université Paris Ouest)

La discipline de l’histoire est née de la considération du contemporain. Quand on considère la période contemporaine, il faut oublier provisoirement la littérature pour se plonger dans l’époque elle-même, le contemporain et ses événements. 2 anachronismes inhérents à la démarche :

1) Relire le passé par les catégories du présent
2) Le désir de déshistoricisation (?)

Les discussions :

Aujourd’hui, le contemporain prend une valeur axiologique : il y a un déplacement de la notion de contemporain.

M.B pose l’hypothèse que le contemporain serait un nouveau moderne = Voir les liens qu’il y aurait à faire avec la conceptualisation de la modernité.

M. Piersens propose que l’intérêt du contemporain est sa perplexité, qu’il est « ce qui résiste », ce qui travaille encore, alors que le « classique » serait ce qui ne résiste plus.

É. Méchoulan : rappelle le déplacement qui se fait au XIXe siècle dans la conception de l’histoire (ça renvoie aux propos d’Hartog). Si l’anachronisme est devenu la bête noire de l’histoire, voire même celle qui permet de penser l’histoire, il pourrait permettre aussi de penser le contemporain.

Généralement, et peut-être parce qu’on ne peut rendre compte des événements politiques, il y a une tentative plus poussée d’esthétisation et de théorisation de l’histoire littéraire contemporaine.

Hypostase du contemporain : c’est un terme qui revient souvent, mais qu’on utilise par défaut et qui est aussi théoriquement vide.

« L’actualité littéraire dans les Histoires de la littérature française au tournant du XXe siècle » - Mathilde Barraband et Julien Bougie (Université du Québec à Trois¬-Rivières)

L’intérêt pour l’actualité littéraire est présent dès le tournant du 19e siècle (en partie pour répondre à la demande des modifications de programme)

Note : Lanson distingue « contemporain » et « présent ».

On observe les même phénomènes que dans les histoire littéraires actuelles : esthétisation, simplification, liste de noms d’auteurs, abandon de la tentative de synthèse, impression d’éclatement, prolifération du contemporain perçu comme inquiétant, rhétorique de la fin. L’historien se projette dans l’avenir, « absence de recul » = topos du discours sur le contemporain. Le témoin serait prisonnier de son point de vue. Le discours sur le catastrophisme est récurrent (le discours de la crise serait présent dès 1830)

Discussion :

Avant on faisait de l’histoire, maintenant on théorise.

« L’historiographie française et le temps présent processus de légitimation et remise en question du processus historique » - Francis Walsh (Université du Québec à Trois¬Rivières et Sorbonne nouvelle¬ Paris 3)

L’histoire contemporaine serait suspecte à cause de l’événementiel (période de 30 ans qui devrait être « obligatoire ». La question du témoin qui ébranlerait l’historiographie.

« Penser la littérature contemporaine risques et méthodes » - Dominique Viart (Université Lille 3)

Quelques titres récents de Viart qu’il pourrait être intéressant de consulter : - Nouvelles écritures littéraires de l'histoire, Collections : Revue des lettres modernes, (1)031-(1)034. Écritures contemporaines, 10, Caen, France : Lettres modernes Minard, 2009, 363. - Fins de la littérature tome I. Esthétiques et discours de la fin, avec Laurent Demanze, 2012.

Traditionnellement, l’université est vue comme un lieu de transmission, de conservation et non de « faire », d’élaboration des savoirs. I- Construction de l’objet (« contemporain »)

La différence entre journaliste et universitaire est dans la méthode et dans la finalité, plus que dans la distance avec l’œuvre. Les instruments pour étudier le passé devraient être pertinents pour l’étude du présent. Il y a un effet de mode autour de la notion de « contemporain » : Mais les tentatives pour le définir ont toute échoué : Agambden, Ruffel (dir.) et Pylone (revue belge) avec un numéro intitulé « Qu’est-ce que le contemporain? » [indisponible au Québec] Constat de Viart : on peut difficilement définir la notion (Michel Chaillou aurait proposé le premier le terme d’extrême contemporain. En 1986, un colloque en portait le titre – référence exacte à trouver)

La seule approche qui nous reste est pragmatique : relève de l’historique et non du théorique. 3 méthodes semblent possibles : 1. Mettre tout dans le sac de postmodernité 2. S’appuyer sur le discours des écrivains 3. Nous sommes obligés de discriminer les œuvres pertinentes

Il opte pour la 3e et propose, dans cette optique, d’identifier des régimes (et non des esthétiques) : 1. régime d’une littérature « consentante » : l’artiste répond à l’attente du public, consent à y répondre. Il produit de ce fait une littérature atemporelle, non pertinente pour déterminer une période. 2. régime d’une littérature « concertante » : les écrivains insistent sur les questions à l’ordre du jour. C’est une littérature d’actualité, de l’air du temps et souvent commerciale. Elle est produite par le temps. 3. régime d’une littérarité « déconcertante » : elle s’écrit là où on ne l’attend pas, elle bouleverse le lecteur, elle est critique de la littérature antérieure. Elle a un autre rapport à la langue et le langage est pour elle une question. C’est ce dernier régime qui, selon Viart, nous concerne, selon le type de question qu’on pose. Ce sont des différences de conceptions et d’enjeux de la littérature.

II- Mobilisation de l’histoire littéraire

On peut faire de l’histoire littéraire interne sur des micro-phénomènes. Il y a une diffusion qui se fait dans l’espace livresque; les écrivains peuvent passer d’un régime à l’autre. (ex de Jean Echenoz qui se serait reconverti aux fictions biographiques devenues en quelque sorte « concertante »).

Le contemporain a besoin de l’histoire littéraire tout comme celle-ci est née du contemporain.

III- Valeur et légitimation

Note : au roman historique se serait substitué le roman archéologique (roman d’enquête); l’importance de la poétique du scrupule dans les textes sur l’histoire.

Valeur : l’universitaire ne légitime pas pour autant un phénomène simplement parce qu’il l’étudie. Légitimation : il faut se confronter à la littérature contemporaine pour en parler – la prendre et en juger pour ce qu’elle se propose d’être.

Viart propose la notion de « singularité exemplaire » pour décrire des œuvres qui se démarquent et des effets qu’elles produisent (« La place » d’Annie Ernaux et « Vies minuscules » de Pierre Michon en seraient)

L'histoire littéraire du contemporain au Québec

« La littérature “in flagrante” Valery Larbaud et les revues québécoises », Michel Lacroix (Université du Québec à Montréal)

Propose que ce sont les revues qui dessinent en premier les grands courants du contemporain. « groupe = revue ». [Autres notes que je ne transcris pas]

« L’année 1980 dans Spirale et Liberté. Bilan et avenues critiques », Martine¬Emmanuelle Lapointe (Université de Montréal)

Elle propose l’hypothèse que le politique prend de nouveau de la place dans les revues et que 2012 serait le miroir inversé de 1980, où on était de plus en plus contre la politisation des discours.

« L’exemple de l’écriture des femmes », Élisabeth Nardout¬Lafarge (Université de Montréal)

Point de vue pratique : la fin (le dernier chapitre d’une histoire littéraire) sert à donner sens à l’ensemble. Il explique la contemporanéité des auteurs. Le contemporain apparaît d’abord par ses différences d’avec ce qui le précède. On peut avoir une perspective progressiste ou crépusculaire.

Au sujet de la question de l’écriture des femmes, elle note que le féminisme continue de travailler de l’intérieur le contemporain québécois (même s’ils l’ont situé entre 1970 et 1980). M-E Lapointe faisait un constat similaire à propos du féminisme vue comme la seule avenue positive.

Les actes de ce colloque seront publiés dans Tangence!