FICHE DE LECTURE
INFORMATIONS PARATEXTUELLES
Auteur : Peter Ackroyd Titre : Chatterton Lieu : Paris Édition : Le promeneur/ Quai Voltaire Année : [1987 – pour la version originale anglaise] 1988, pour la traduction par Bernard Turle Pages : 325 p. Cote : BNQ Ackroyd A1829c Désignation générique : Aucune, bien que ce soit sans conteste un roman, comme le souligne la quatrième de couverture.
Bibliographie de l’auteur : Écrivain prolifique, Ackroyd est un auteur marquant pour le projet de recherche. Voici quelques titres pertinents ( ?) = Hawksmoor (1985) ; Le testament d’Oscar Wilde (1984) ; T.S. Elliot (biographie) (1984) ; Dickens (1991) ; Milton in America (1996) ; The life of Thomas Moore (1998); Londres, la biographie (2000) ; The mystery of Charles Dickens (pièce de théâtre probablement non publiée) (2000) ; Le dossier Platon (2001) ; Shakespeare (2005) ; etc. Il est aussi l’auteur d’essais critiques.
Biographé : Chatterton est une figure centrale, mais d’autres personnages que lui occupent une place aussi, sinon plus importantes, dont le poète Georges Meredith et le peintre Henry Wallis.
Quatrième de couverture : « Initiateur du romantisme, auteur de faux poèmes médiévaux, Thomas Chatterton, qui se donna la mort en 1770, à l’âge de dix-huit ans, fut pour les Romantiques un symbole, dont Vigny tira un drame célèbre. C’est un tableau du peintre victorien Henry Wallis – pour lequel posa le poète George Meredith et où est représenté le suicide de Chatterton – qui a inspiré son roman à Peter Ackroyd. Un troisième poète, contemporain et imaginaire, celui-là, y tente, flanqué d’une vieille romancière inénarrable, de percer le mystère des manuscrits dits « de Chatterton ». Mais sur sa quête, dont il s’aperçoit qu’elle ne débouche sur rien et qu’elle l’introduit plutôt à d’autres mystères, viennent peser les ombres de Meredith et de Wallis, justement, sans compter celle de Chatterton lui-même, pour remonter encore plus loin dans le temps. Car le temps – la mort, l’immortalité, la continuité – est au centre de ce roman qui, sans être historique, traite de l’Histoire et, sans être un conte fantastique, traite du recommencement des vies, du rapport des générations et du pouvoir de l’imagination.»
Préface : Pas comme tel, mais un court texte de présentation sur la vie de Chatterton. Puisque le roman ne porte pas directement sur sa vie, cette notice se révèle être une présentation fort utile pour le lecteur.
Autres (note, épigraphe, photographie, etc.) : Quelques extraits, mettant chacun en scène un personnage différent, donne un avant-goût de la lecture et annonce les trois temps de la narration : le 18e siècle de Chatterton, le 19e siècle de Meredith et Wallis et le 20e siècle des personnages fictifs.
LES RELATIONS (INSTANCES EXTRA ET INTRATEXTUELLES) :
Auteur/narrateur : La narration est bien sûr fictive puisqu’il s’agit d’un roman. Elle est, à une exception près, hétérodiégétique tout ce qu’il y a de plus classique. Le récit qui fait exception est celui de Chatterton écrit à la première personne en style médiéval et qui se révèle, bien sûr, être un faux, mais un faux à l’intérieur même de la narration puisque c’est un personnage fictif qui l’a écrit.
Narrateur/personnage : Relation qui semble de peu d’intérêt de prime abord. Mais ce qui est particulièrement frappant, c’est l’inconsistance et la froideur de la majorité des personnages de fiction par rapport aux personnages historiques. En effet, les récits mettant en scène des personnages historiques relèvent du grand art, alors que celles situées au 20e siècle apparaissent comme du pur burlesque… les personnages ne s’entretenant que dans des conversations incohérentes.
Biographe/biographé : Chatterton est surtout une figure symbolique jusqu’à ce qu’il fasse son entrée comme personnage dans la troisième partie du livre. Meredith, quant à lui, remplit une section de la deuxième partie. Le portrait de ces deux poètes n’est pas complaisant et très probablement réaliste. Meredith a l’insouciance d’un être amer, d’un adulte encore adolescent et peu attentif à son entourage. Chatterton (dont l’hypothèse du suicide est fictionnalisée en une tentative manquée de soigner une gonorrhée à l’arsenic et à l’opium) est tout le contraire du héros romantique bercé de mélancolie. Il est un être joyeux à l’esprit vif, heureux, ambitieux et talentueux.
Autres relations : Les dynamiques entre les personnages d’une même époque se trouvent constamment relayées sous une autre forme dans les autres histoires. C’est le cas du triangle amoureux formés par les personnages fictifs du 20e siècle qui est une reprise différente du triangle formé par Wallis, Meredith et sa femme. C’est le cas aussi de la question du plagiat : Chatterton, c’est connu, a établi sa renommée en inventant de faux poèmes médiévaux ; Harriet Scrope, la romancière sénile du 20e siècle, a commencé sa carrière en volant des intrigues à des écrivains oubliés ; Charles Wychwood, le poète médiocre, découvre des manuscrits soi-disant écrit par Chatterton mais qui sont à leur tour l’œuvre d’un faussaire ; l’assistant du peintre Seymour a fait ses dernières œuvres alors qu’il était trop malade et les vend à une galerie d’art ; Meredith immortalise la figure d’un autre, etc. Les personnages sont également habités par les mêmes thématiques : vérité, mensonge, réalité, représentation, etc.
L’ORGANISATION TEXTUELLE
Synopsis : Charles Wychwood découvre chez un antiquaire un tableau anonyme qui représente Chatterton aux environ de la cinquantaine. Intrigué et soupçonnant que le suicide de Chatterton n’ait été qu’une habile mise en scène, Charles entreprend des recherches en compagnie de son ami Phillip, un bibliothécaire. Il se rend ainsi chez celui qui a vendu le tableau à l’antiquaire et tombe sur son conjoint (c’est un couple homosexuel) qui tient un discours débridé et remet à Charles une pile de documents appartenant à son conjoint, un certain Joynson, descendant du libraire qui a édité le premier les poèmes de Chatterton. Dans ces documents, il découvre un manuscrit supposément écrit par Chatterton et devient rapidement convaincu de sa thèse et veut faire éditer cette œuvre afin de révéler le secret et devenir célèvre. Il décide d’en parler à Harriet Scrope, une vieille romancière qui souhaite rédiger ses mémoires et pour qui il travaille, mais cette dernière, ne voulantt pas que des manuscrits de cette importance soit entre les mains de quelqu’un d’aussi peu «crédible » que Charles, souhaite s’en emparer. Elle manigance ainsi une rencontre avec Vivien, la femme de Charles, qui travaille dans un musée où, curieusement, des tableaux de Seymour récemment achetés se révèlent être l’œuvre de l’assistant de Seymour. Vivien, fort inquiète pour la santé de Charles, consent à ce que les manuscrits dits « de Chatterton » lui soient enlevés puisqu’ils lui causent de trop vives émotions. Lors d’un souper organisé par Charles, celui-ci s’évanouit et meurt d’un cancer du cerveau. Vivien et son fils Edouard se retrouvent seuls, soutenu par Philipp, et Harriet en profite pour se faire donner les manuscrits, prétextant qu’elle va surtout s’occuper de faire publier les poèmes de Charles. Elle emporte aussi le tableau de Chatterton «vieux» au musée où travaille Vivien pour apprendre qu’il s’agit d’un faux. Nullement décontenancée, Harriet convainc les propriétaires du musée de le confier au faussaire des tableaux de Seymour pour le faire passer pour vrai. Vivien, découvrant la supercherie, s’en trouve bouleversée, ce qui conduit Philipp à la recherche de la vérité. Il découvre ainsi que le lointain parent de Joynson a lui-même monté la supercherie sans l’ébruiter et que tous les documents sont des faux. On devine que Philipp et Vivien vont nouer une liaison. Parallèlement à cette histoire, nous est raconté celle de la composition du tableau sur la mort de Chatterton par Wallis et l’intrigue amoureuse entre Wallis, Meredith et sa femme, cette dernière laissant finalement son mari pour Wallis. Nous est raconté aussi une partie de l’histoire de Chatterton alors qu’il est à Londres, en pleine effervescence, et qu’il tente de soigner une maladie vénérienne contractée avec sa logeuse et s’empoisonne par erreur à l’arsenic. Cette histoire est une sorte de clin d’œil au suicide attesté de Chatterton.
Ancrage référentiel : Peu marqué, la fiction prenant beaucoup de place et la «fausseté» aussi, ce qui fait que l’on ne sait pas trop ce que l’on doit croire.
Indices de fiction : Tous les indices de fiction propre au roman.
Rapports vie/œuvre : Il semble y avoir une scission importante entre la vie et l’œuvre, l’une ne reflétant pas l’autre, bien au contraire. Il s’agit même, ici, puisqu’il est question de plagiat, de la faciliter d’imiter l’œuvre d’un autre et donc, de la non coïncidence entre la vie et l’œuvre, la rédaction d’une œuvre n’étant qu’une question de technique.
Thématisation de l’écriture et de la lecture : Peu thématisé.
Thématisation de la biographie : Pas thématisé.
Topoï : Le vrai, le faux, le réel, l’imitation, le plagiat, etc. Les topos prennent le dessus sur l’intérêt et la vraisemblance de l’histoire.
Hybridation : Ne s’applique pas.
Différenciation : Ne s’applique pas.
Transposition : Il s’agit d’un cas évident de transposition du vécu et de la figure du biogrpahé comme symboles, c’est-à-dire que ce qui est au cœur de ce roman est l’idée de plagiat, la question du «faussaire» que symbolise Chatterton. L’auteur utilise les éléments de la vie de Chatterton qui sont pertinents pour sa réflexion. À un moindre niveau, on peut parler, dans le cas de Meredith, d’un cas de transposition du vécu comme structure romanesque (sans, ce me semble, de grande déviations par rapport à la vérité, si ce ne sont les déviations nécessaires à la forme romanesque). On peut parler aussi de transposition du vécu comme invention par le récit fictif de la veille de la mort de Chatterton.
Autres remarques :
LA LECTURE
Pacte de lecture : Ouvertement fictif.
Attitude de lecture : La partie «fiction» occupe beaucoup de place et est très peu intéressante. Par contre, les récits qui mettent en scène des personnages historiques sont pertinents pour le projet.
Lecteur/lectrice : Manon Auger