FICHE DE LECTURE
INFORMATIONS PARATEXTUELLES
Auteur : Bernard Claveau Titre : Young Alice Lieu : Paris Édition : Flammarion Collection : aucune Année : 2000 Pages : 267p. Cote : UQAM : PS8555L387Y68.2000 Désignation générique : roman
Bibliographie de l’auteur : Claveau est rédacteur et traducteur pigiste, ainsi que romancier (je crois que Young Alice est son premier roman).
Biographé : Lewis Carroll
Quatrième de couverture : Après avoir résumé l’intrigue (ce que je ferai dans la partie « Synopsis »), l’auteur de la quatrième de couverture dit comment se fait la transposition de Lewis Carroll et de son œuvre dans ce roman : « En s’inspirant librement de faits qui continuent de confondre les spécialistes de Lewis Carroll, le créateur d’Alice au pays des merveilles, Bernard Claveau a lancé ses personnages sur la piste d’un secret terrible préservé au prix de multiples malversations et mensonges. » (Nous verrons plus loin quels sont ces « faits ».)
Préface : aucune
Autres (note, épigraphe, photographie, etc.) :
LES RELATIONS (INSTANCES EXTRA ET INTRATEXTUELLES) :
Auteur/narrateur : Le narrateur n’est pas l’auteur.
Narrateur/personnage : Le narrateur est hétérodiégétique omniscient. C’est un narrateur des plus classiques.
Biographe/biographé : La relation est en somme plutôt perverse : Claveau retire la paternité de l’œuvre de son personnage qui représente Lewis Carroll. C’est un détrônement.
Autres relations :
L’ORGANISATION TEXTUELLE
Synopsis : En Angleterre, en 1963, le concierge du collège Duffin trouve des traces d’écriture intrigantes dans son exemplaire du conte à succès Young Alice, de Lewis Nunn (nom de plume de Charles Lutwidge Feinstein). Le directeur de ce collège, curieux, tente de trouver la signification de ces traces. Ainsi commence une longue enquête dans laquelle seront impliqués moult spécialistes de Lewis Nunn, un bibliothécaire, un imprimeur, le légataire de l’œuvre de Lewis Nunn, des avocats, un conservateur, un détective privé, etc. Au terme de l’enquête, le scénario est reconstitué hors de tout doute. Lewis Nunn n’a pas écrit Young Alice; il n’a fait que raconter cette histoire à Alice Levine et ses sœurs (dont Élizabeth) mais n’a pas été capable de la mettre sur papier. C’est la jeune Élizabeth Levine qui l’a écrit mais elle est morte avant d’avoir le temps de revendiquer la paternité de son œuvre. Alors Lewis Nunn se l’ai approprié et a connu le succès. Or au seuil de sa mort, il a eu des remords. Il a donc élaboré un stratagème pour révéler son secret à Alice Levine. Il a commandé dix exemplaires de qualité de Young Alice à un imprimeur. Il a rédigé le mot que voici :
J’avais prévu le rendre public, mais il y eut les propos diffamatoires de tu sais qui, puis… la gloire. Charles
P.-S. J’indique où on trouvera les cahiers d’écolier, au cas où on ne me croirait pas.
, ainsi qu’une confession. Il a découpé le papier couleur (sur la deuxième de couverture) d’un exemplaire, a insérer les deux documents sous le cartonnage d’un autre exemplaire, puis a collé le papier couleur dessus pour éviter que cela ne paraisse. Ensuite, il a inventé une devinette qui disait la présence de ces documents sous la couverture et l’a envoyée, avec l’exemplaire truqué, à Alice Levine. Or Alice n’aimait pas ces devinettes (habituellement utilisées pour amadouer les victimes de sa pédophilie). Elle n’a donc jamais trouvé les documents et le volume s’est retrouvé dans une bibliothèque, puis dans des librairies, jusqu’à ce qu’il soit retrouvé par les personnages « enquêteurs ».
Ancrage référentiel : Le roman est basé sur certains faits ou légendes qui entourent la vie de Lewis Carroll, à savoir qu’il était pédéraste, qu’il a imaginé et raconté à l’oral Alice au pays des merveilles lors d’une promenade avec une certaine Alice (Liddell) et que ses autres écrits étaient plutôt mineurs (ce qui a fait dire à certains qu’il n’avait pas écrit Alice au pays des merveilles). Les noms des personnages sont des déformations des noms réels. Ainsi, Charles Lutwidge Dogson devient Charles Lutwidge Feinstein; son nom de plume Lewis Carroll devient Lewis Nunn; et Alice Liddell devient Alice Levine. En outre, de photographe de jeunes filles (parfois nues) Lewis Carroll devient dans le roman enseignant à des jeunes filles.
Indices de fiction : Au-delà des « faits » susdits, tout n’est que fiction, que roman, autant en ce qui a trait à l’enquête menée en 1963 qu’à la vie réinventée de Lewis Carroll.
Rapports vie-œuvre : Cette biographie romanesque tend à séparer l’œuvre de la vie de Lewis Carroll; à déposséder l’homme de son œuvre.
Thématisation de l’écriture et de la lecture : Ce roman pose le problème de l’oral par rapport à l’écrit : même si le Lewis Nunn du roman à imaginé Young Alice et l’a exprimé à l’oral, il n’en est pas l’écrivain, puisqu’il ne l’a pas écrit.
Thématisation de la biographie : aucune
Topoï : Topos du document détruit (les archives de l’auteur sont presque toutes détruites), de la paternité de l’œuvre (à ce sujet, voir Omnibus de Peeters), de la pédophilie (à ce sujet – et au sujet du détrônement concomitant – voir L’envers du Journal de Gide de Derais et Rambaud), de l’enquête, de l’oralité.
Hybridation : Cette œuvre de Claveau, bien avant d’être une biographie, est un roman policier, un vrai, avec tous ses clichés (le professeur à la pipe, le détective privé cachant son identité, les faux documents, etc.; ainsi que tous les mouvements, tous les gestes prévisibles des personnages). Malgré ce manque d’originalité, l’œuvre peut être utilisée pour la dimension d’enquête de la biographie d’écrivain.
Différenciation :
Transposition : Le roman est un bon exemple de transposition fictionnalisée de la vie d’un écrivain.
Autres remarques : Il s’agit ici d’un bon exemple de tentative d’usurpation de la place du biographé par le biographe. Voici les deux syllogismes – qui finissent par n’en former qu’un – par lesquels Claveau se fait l’auteur d’Alice au pays des merveilles. D’une part, Lewis Nunn n’est pas l’auteur de Young Alice; or Lewis Nunn est Lewis Carroll et Young Alice est Alice au pays des merveilles; donc Lewis Carroll n’est pas l’auteur d’Alice au pays des merveilles. D’autre part, Bernard Claveau est l’auteur de Young Alice (la biographie étudiée s’appelle en effet, comme le conte de la diégèse, Young Alice); or Young Alice est Alice au pays des merveilles; donc Bernard Claveau est l’auteur d’Alice au pays des merveilles.
LA LECTURE
Pacte de lecture :
Attitude de lecture : Lecture reposante d’un roman policier typique.
Lecteur/lectrice : Mahigan Lepage