FICHE DE LECTURE INFORMATIONS PARATEXTUELLES Auteur : Jacques-Pierre Amette Titre : La Maîtresse de Brecht Lieu : Paris Édition : Albin Michel Collection : aucune Année : 2003 Pages : 301 p. Cote : UQAM : PQ2661M4M28.2003 Désignation générique : roman Bibliographie de l’auteur : ROMANS : Le congé, Élizabeth Skerla, Un voyage en province, Les lumières de l’Antarctique, Le vie comme ça, Bermuda, La nuit tombante, Jeunesse dans une ville normande, Exit (sous le pseudonyme de Paul Clément), Je tue à la campagne (Paul Clément), Enquête d’hiver, L’après-midi, L’adieu à la raison, La peau du monde, Le voyage de Hölderlin en France (à voir…), Les deux léopards, Province, L’homme du silence, Ma vie, son œuvre. RÉCITS : Confessions d’un enfant gâté, Stendhal, 3 juin 1819 (à voir…). THÉÂTRE : Les sables mouvants, La Waldstein, Les environs de Heilbronn, Le maître nageur, Singe, Après nous, Le mal du pays, Passions secrètes, crimes d’avril, Appassionata, La clairière. Biographé : Bertolt Brecht Quatrième de couverture : Extrait commercialement rentable… Préface : aucune Rabats : aucun Autres (note, épigraphe, photographie, etc.) : LES RELATIONS (INSTANCES EXTRA ET INTRATEXTUELLES) : Auteur/narrateur : L’auteur n’est pas le narrateur. Narrateur/personnage : Le narrateur est hétérodiégétique. Biographe/biographé : La relation est tantôt admirative – Brecht est défini comme un génie – tantôt assez iconoclaste, comme dans cette scène sexuelle : « Elle [Maria] se cramponna au rideau jaune puis serra les poings quand Brecht remplaça sa virilité défaillante par le manche d’une broche à cheveux. » (p. 122.) En fait, c’est un génie dans son œuvre, mais un simple mortel dans sa vie. Autres relations : L’ORGANISATION TEXTUELLE Synopsis : En 1948 à Berlin-Est, Maria Eich, jeune comédienne dont les parents ont été impliqués dans les actions nazies, est recrutée par des agents de la Stasi pour espionner Bertolt Brecht, qui vient de revenir en sol allemand et qui exerce une forte influence sur le milieu intellectuel et artistique du pays. Elle devient ainsi la jeune première dans la troupe de Brecht, le Berliner Ensemble. Elle devient aussi la « maîtresse de Brecht », qu’elle admire mais qu’elle n’aime pas. Elle prend des photographies de tous les documents du dramaturge – aussi anodins et insignifiants soient-ils – et les transmet aux agents avec lesquels elle est en contacts, soit Théo Pilla et Hans Trow. Ce dernier tombe en amour avec Maria Eich, et c’est réciproque, mais jamais ils n’osent se lancer. Brecht est changeant et finit par se détourner de Maria et à la suspecter d’espionnage aussi. Quand ça devient instable, Hans Trow envoie Maria à l’Ouest, où est sa fille, chez sa mère. Ancrage référentiel : Dans une entrevue pour le Nouvel Observateur, Amette dit ceci à propos de Maria Eich : « Je me suis inspiré de plusieurs modèles de femmes qui gravitaient autour de Brecht à Berlin entre 1949 et 1951. Cela dit, j’ai créé mon personnage à partir d’une image, un visage délicieux, délicat, découvert dans un album de photos consacré à Brecht en Allemagne. C’était celui de Régine Lütz, une comédienne au charme viennois. » Le personnage principal est donc constitué de plusieurs référents (comme chez Proust !). Aussi, la situation politique est authentique, semble bien connue de l’auteur. Cette énumération montre assez bien la référence de Berlin-Est que transpose Amette dans son roman : « Embrigader, conclure, triompher. Interminables manifestations de masse, discours à la tribune, lâchers de colombes, slogans énergiquement entonnés, déclarations ronflantes dans des journaux, tracts, langue de bois, extermination des classes bourgeoises, tablées de costumes gris, désignation d’éléments asociaux à éliminer, classes entières d’adolescents qui ânonnent des poèmes optimistes, portraits encadrés sous verre de Staline ou de Wilhelm Pieck. Voilà le monde dans lequel elle [Maria] évoluait. » (p. 259.) Bref, le décor de l’action est vrai ou perçu tel par l’auteur voire le lecteur ; l’action, elle, l’est moins. Indices de fiction : La Maîtresse de Brecht est un véritable roman. Comme dans Le Maître de Pétersbourg de Coetzee, l’incipit du roman est l’entrée en ville (en l’occurrence Berlin-Est) de Brecht après 15 années d’exil. Souvent, comme chez Maupassant par exemple, l’incipit des chapitres est une description météorologique, comme ici : « Elle aimait ces temps gris, avec les rives du lac un peu ternes, ces roches d’un brun-rouge, ces lignes de verdure touffues et mornes, ces herbes qui évoluaient en vagues sous la brise, ces lichens d’un vert acide. Des nuages stagnaient et devenaient si clairs à l’horizon qu’ils donnaient le sentiment de produire leur propre luminescence et de répandre une douceur sur les collines alentour […] » (p. 179.) On a aussi toujours accès aux pensées des personnages. À leurs rêves aussi, au sens figuré – leurs rêveries, leurs espoirs (p. 93-94.) – et au sens propre : « Pourquoi, depuis plusieurs nuits, Hans Trow faisait-il toujours le même rêve ? Il circulait dans un wagon-restaurant bleu velouté avec des globes blancs. » (p. 187.) Etc. Envolées poétiques : « Il devint spectral dans un tourbillon de feuilles ; le soir, les ruines s’allongent et vident la terre de sens. » (p. 54.) Enfin, plusieurs analepses montrent l’importance du récit eu égard à l’histoire (voir p. 63 et p. 162 par exemple). Rapports vie-œuvre : Comme je l’ai dit, il y a un Brecht qui vit (qui baise, qui mange, qui épate la galerie, qui drague, etc.) et un Brecht qui écrit et met en scène de façon brillante, qui est un phare de l’Allemagne de l’Est de l’après-guerre. Il y a un écart, un décalage entre la vie et l’œuvre (mais somme toute, l’œuvre n’est qu’évoquée, jamais bien décrite). Mais les services de la Stasi, eux, voient dans les poèmes de Brecht une vérification de sa vie : « Les services de la Stasi tenaient là une pièce maîtresse. Ce poème, joint à la note de Hans Trow, remonta jusqu’au premier secrétaire du parti qui montra le poème “secret” à Grotewohl. » (p. 171.) Le poème comme pièce à conviction quoi ! Thématisation de l’écriture et de la lecture : L’écriture et la lecture sont très peu thématisées. Sauf au tout début où le retour de Brecht est perçu comme un sauvetage d’une Allemagne de l’Est malade : « Du sang avait été versé dans les rues de Munich et l’Allemagne moderne avait rejoint les flots de sang qui coulaient dans les vieux contes germaniques. Il était revenu dans la cave et il voulait, avec sa modeste raison, désormais, sortir l’enfant, l’éduquer, laver à l’eau froide ce sang qui restait sur les dalles de la cave. Goethe avait ainsi fait avec son Faust ; Heine avec son De l’Allemagne, la tache était plus large que jamais ; la mère Allemagne était à demi asphyxiée. » (p. 17.) L’écriture comme arme aussi : « Hitler proclamait, postillonnait, mettait son peuple au pas de l’oie, toujours plus vite, Brecht faisait crépiter sa machine à écrire. Poèmes-mitraillettes. Enfin, le grand combat était arrivé. » (p. 65.) Thématisation de la biographie : aucune Topoï : Division de l’Allemagne, théâtre, amour, sexualité, espionnage, Hybridation : Mélange de roman (plus particulièrement de roman policier, étant donné l’histoire d’espionnage qui est le ressort du récit), de biographie (d’une vie réelle – Brecht – et d’une vie inventée – Maria Eich) et d’Histoire. Différenciation : Transposition : Transposition de divers matériaux factuels pour créer le personnage de Maria Eich (voir Indices de fiction). Transposition du vécu de Brecht dans un roman. Transposition du contexte socio-historique dans le cadre romanesque et le foyer biographique. Autres remarques : Étrange quand même ces parutions, dans la même année 2003, de deux « biographies fictives d’écrivains » aux titres similaires : La Maîtresse de Brecht de Jacques-Pierre Amette et La Maître de Pétersbourg de J. M. Coetzee. Chez Coetzee, Maître s’oppose à disciple, veut surtout dire phare, savant, etc. Chez Amette, il y a ambivalence : « maîtresse » au sens de partenaire sexuelle, bien sûr ; mais aussi au sens de Maîtresse du « Maître Brecht » (p. 111), comme si elle le dominait (en l’espionnant, en jouant double jeu). LA LECTURE Pacte de lecture : S’annonce comme un roman, est un roman : pacte de lecture tenu, confirmé. Attitude de lecture : Se lit agréablement. Lecteur/lectrice : Mahigan Lepage