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Blanckeman, Bruno, Les Fictions singulières : étude sur le roman français contemporain, Paris, Prétexte éditeur, 2002.

quotidien, intime, faits divers, policière, engagement, ironie, désinvolture, minimalisme, avant-gardes, écritures à contraintes, expérimentations formelles, autobiographie & ses métamorphoses,

Fictions singulières : « les récits de la distraction du signe et de l’investissement des codes, qui jouent de l’autoréflexion comme d’un multiplicateur en romanesque. Encres joueuses. » p. 8, « les romans de la chose, ou de la cause, subjective. Ces récits de soi s’apparentent, dans certains cas, à un exercice d’autodiction. » (p.9) Certains sont des travaux d’autoscription, ou d’autofabulation. (p. 10)

Joueuses : « comme enjouées. Par l’ironisation de ses modes de représentation, l’écriture suscite une dynamique romanesque à plusieurs vitesses. Entre le récit et sa propre intrigue, elle se fait agent de tension, de distance, de vertige, oscillant à la légère entre une éthique minimaliste et une esthétique de la dérision. […] certaines fictions s’autogénèrent en adoptant parfois par programmation un jeu de conduite strictement textuel. Un esprit avant-garde se maintient donc, contrairement à ce que l’on affirme parfois […]. Plusieurs écritures mènent ainsi à bien une mutation des formes narratives usuelles et une recherche de règles qui sachent produire des ressources alternatives. Joueuses, enfin, certaines fictions mettent en jeu leur rapport de production littéraire au champ culturel. Autant que leur substance (la matière-écriture) et leur mode d’agencement (la manière-récit), elles réfléchissent leur pouvoir d’articulation linguistique, leur capacité de médiation scientifique, leur puissance de représentation symbolique. » p. (8-9)

Autodiction : « L’auteur y donne de la voix, l’écriture calque sa recherche d’une parole spécifique, qui dégage des événements vécus et des sentiments éprouvés du ethos singulier, une ligne de conduite existentielle. » p. 9 « — pourrait désigner cet avènement d’une énonciation qualifiante. Le sujet n’existe que s’il perpétue sa narration interne – ce qu’il raconte de sa vie – et sa figure emblématique – un ordre de personnalité consciente. » p. 120

Autoscription : « Seule l’édification littéraire de la langue permet à celui qui écrit de s’instituer une identité subjective. Par la surdétermination rhétorique et l’exubérance stylistique, l’écriture comble des structures personnelles fuyantes autant qu’elle dénoue des anxiétés intimes. » p. 10 « — pourrait désigner ce mouvement d’une intimité narrative qui puise aux foyers pulsionnels élémentaires en entretient leur énergie dérivée. Le sujet s’enracine dans l’écriture par une lente remontée vers ses origines – des origines multiples que le récit, s’inspirant du modèle archéologique, explore en souterrain, dont il exhume des reliques et interprète les vestiges. » p. 130

Autofabulation : « Substituant à l’énonciation des faits vécus un ordre de représentation ouvertement romanesque, la fable engage une approche de la personnalité intime à l’oblique et piège le sujet acquis en multipliant des substituts de soi, en inventant quelque étrange zone de non-moi. » p. 10 « — constitue une histoire inventée qui énonce l’intime non par un effet de transposition délibérée (roman autobiographique), une borderie fantasque (autobiographie romanesque) ou un jeu d’impressions imaginaires (toute oeuvre en soi), mais par la levée fictionnelle de certains mouvements intra-psychiques. » p. 144.

Entre la fiction de la modernité et la fiction d’aujourd’hui, il ne s’agit pas d’interdit mais d’interface. Ainsi, le modèle de la fiction comme « mise en fable de la réalité », qui domina la littérature européenne jusqu’au début du XIXe siècle, retrouve aujourd’hui une vigueur prospective, « libre des ambitions édifiantes qui, jadis, pouvaient la corseter. » (p. 14) Le roman comme « duplication de la réalité », fécond tout au long du XIXe, sert de modèle pour certains récits néo-naturalistes ou néo-réalistes qui entretiennent une mémoire paradoxale de l’esthétique naturaliste, en testant « des formes mimétiques de l’instantané plutôt que de la durée, du simultané plutôt que du concerté, du connecté plutôt que de l’agencé. » p. 20-22

L’écriture du quotidien : « Le quotidien pourrait désigner les expériences doublement particulières d’un ensemble de situations doublement communes. Celles-ci se caractérisent par leur évidence (des références immédiates) et leur familiarité (de la vie anodine), celles-là par une présence personnelle (un filtre sensible) et une approche singulière (une expression à part soi). » (p. 33)

L’écriture de l’intime : « Appelant une progression narrative et lyrique, les récits de l’intime saisissent des modes de présence pulsatifs au monde et diffusent une sensibilité romanesque ontosphérique. » (p. 37-38)

La fiction romanesque redéfinit pleinement l’idée même d’engagement. […] Demeure l’idée d’engagement définie comme une mise en condition de l’oeuvre, un droit de regard porté sur les choses de la Cité. » (p. 52)

L’ironie permet à la fois de prendre en compte et en défaut les tentations de surinvestissement idéologique, d’inflexion formaliste, d’effacement ontologique et de pression psychologique. L’ironie assure dans le roman actuel une fonction pleinement créative, tout à la fois ludique, parodique et porteuse de dérision. (p. 61) S’écrivant au plus près du malaise, dans un système de vertige qui le met en danger, mais incite au dynamisme, plusieurs récits cultivent une esthétique de la désinvolture quand ils représentent le monde actuel et le sujet humain avec un art du détachement sciemment calculé. (p. 62)

Minimalisme : « se contracte autour de sa matière, non par quelque souci d’essence moraliste (la maxime classique) ou de perfection formaliste ( le sonnet néo-parnassien), mais par devoir de réserve. Litote plutôt que glose, elle marque une réticence face aux écarts de langage et aux représentations à risques, tenant la loi du comble, propre au langage romanesque autant qu’à l’esprit humain, pour un aveu de faiblesse. » p. 66

Avant-garde : « certaines écritures s’inspirent des méthodes et de procédés expérimentaux dirigés à l’origine contre l’idée de littérature et destinés à la subvertir, pour en entretenir présente la mémoire, en proposer un récapitulatif, en revivifier l’esprit. Ironie de l’histoire : l’avant-garde devient alors un conservatoire d’art littéraire. » p. 79.

L’écriture à contraintes : « En faisant une loi ostentatoire du principe d’arbitraire, en suscitant par surenchère une zone de vide dans la systématique littéraire, elle attire les aveux et libère les obsessions. Trop de jeu tue moins le je qu’il ne le tutoie : l’écriture à contraintes renvoie parfois son instigateur aux figures insoupçonnées de l’intime. » p. 85

« Un très net enrichissement de la matière romanesque résulte du quadruple jeu mené sur la structure du récit, la poétique du genre, l’histoire de la littérature, la symbolique de l’écriture. Premier jeu : le roman […] travaille sa mise en perspective. […] Deuxième jeu : le roman s’affranchit des tutelles génériques, aspire régulièrement les autres catégories littéraires, entre en hybridation. […] Troisième jeu : le roman se réinvente une mémoire littéraire. […] Quatrième jeu : le récit de fiction simule la scène de création littéraire et en multiplie les versions symboliques. » p. 104-106.

Autofiction : « questionnement sur la relation nouée entre la conscience de soi et la présence de la narration, le système de sens autorise par les mots et le flottement de signification provoqué par leur investissement intime. Le récit semble se théoriser comme le lieu écrit d’une parole singulière, le lien posé de soi à soi-même. L’identité subjective s’y construit dans la tension maintenue entre sa dimension réflexive (une conscience d’être irréductible) et sa dimension narrative (une projection existentielle fluide). » p. 114

La société contemporaine fait de la psychanalyse un usage domestique, la littérature la remet à sa place, en voyant en elle non des principes, mais des possibles de la connaissance et en en laissant résonner la « toute puissance romanesque ». De ce démarquage critique résultent quelques néotypes narratifs : le sens du détail, de l’à-côté et du symptôme, la rhétorique de l’ellipse et du rassassement, la pulsion de la langue. p. 156

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