1- Titre de la revue : Moebius
2- Adresse / Éditions : http://www.revuemoebius.qc.ca/
3- Ligne éditoriale :
« La revue thématique MŒBIUS se définit comme une revue d'écritures et de littérature. Elle est précisément un lieu de prise de parole qui n'a que faire de l'étanchéité des genres et accepte donc tous types de textes littéraires: conte, nouvelle, court essai, poésie. Car il faut une pluralité d'écritures pour constituer une littérature. MŒBIUS se démarque par son éclectisme et son acharnement à valoriser la découverte de nouvelles voix en littérature. Elle représente ainsi pour plusieurs écrivain(e)s en devenir un tremplin vers la publication d'un ouvrage plus important, le premier pas vers une reconnaissance symbolique et institutionnelle. Pour les écrivains plus expérimentés, elle est un endroit privilégié pour diffuser des textes courts qui ne s'insèrent dans aucun de leurs projets littéraires immédiats mais qui méritent néanmoins d'être publiés «en bonne compagnie». MŒBIUS s'est ainsi donné pour mission de constituer un creuset pour l'expérimentation de nouvelles formes, voire une fenêtre unique sur ceux et celles qui créent la littérature d'aujourd'hui et de demain. Chaque numéro se clôt par la section «Yeux fertiles», dédiée à la critique littéraire et culturelle d'ouvrages récents. La rubrique «Lettre à un écrivain vivant» permet à qui le souhaite d'écrire sous la forme d'une correspondance un texte s'adressant à un écrivain actuel publiant en langue française. Une façon intimiste de faire part de ses coups de cœur littéraires. De plus, la rubrique «Texte en mémoire» paraît une fois l'an; elle reprend un texte ancien d'un auteur marquant, qui est suivi ou précédé d'un commentaire. »
4- Appels de textes :
Sur le site internet :
« Pour collaborer à la revue, veuillez nous faire parvenir votre texte (entre 3 et 10 pages) EN MENTIONNANT LE THÈME AUQUEL IL CORRESPOND. Il est exigé des collaborateurs qu’ils joignent leurs coordonnées – incluant une adresse courriel – à tout texte envoyé, ce qui facilite grandement la communication avec la rédaction, ainsi que l’envoi de la rétribution allouée pour la rédaction de tout article. Mœbius n’est pas responsable des manuscrits qui lui sont envoyés. Les manuscrits refusés par le comité et non publiés ne sont pas rendus. La rédaction ne communiquera qu'avec les auteurs dont le texte a été retenu. La rédaction se réserve le droit d'apporter des modifications aux textes reçus et acceptés par le comité. Les opinions émises ne sont pas nécessairement celles de la rédaction et n’engagent que leurs auteurs. »
Tiré du numéro 84 (tous les numéros ne contiennent pas d’appel de texte) :
« Les thèmes à venir : les repoussoirs d’écriture, le sport, lire de la fiction, le travail, le voyage, les gars, etc. À vous de jouer. »
1- Date du premier numéro : 1977. Paraît quatre fois par année.
2- Historique (comité de rédaction initial et modifications, comité actuel) :
Étant donné que la revue existe depuis plus de 30 ans, il y a eu de nombreux changements au sein de l’équipe et de la politique éditoriale. Ces changements sont synthétisés dans un index publié en 2005 par la revue. (INDEX 1977-2005, Montréal, Moebius, 2005)
Les fondateurs de la revue sont Pierre DesRuisseaux, Raymond Martin et Guy Melançon. Robert Giroux remplace DesRuisseaux en 1981, amenant dans son « bagage un discours universitaire ». Aujourd’hui, le comité de direction compte Robert Giroux, Nicole Décarie, Lucie Bélanger, Lysanne Langevin, Raymond Martin et Fulvio Caccia.
3- Sections de la revue (typologie utilisée dans la table des matières)
Les textes de la revue sont classés par section et non par genre ou par sujet. Le sommaire présente la section « Présentation », puis les textes de création en vrac, sans classement générique particulier. Suivent, selon les numéros et la date de parution les sections « Yeux fertiles » (1982), « Lettre à un écrivain vivant » et, une fois l’an, « Texte en mémoire ». Les rubriques ont changé au fil des années; certaines sont disparues au bout de quelques numéros seulement. Certains numéros contiennent aussi une section « Hors-thème » présentant des textes non conformes au thème de la revue.
En 1978 (n°6), la revue, qui ne publiait que de la poésie, veut élargir sa portée littéraire en publiant des nouvelles et des poèmes en prose en plus des poèmes en vers. L’équipe donne toutefois la même importance à toute forme d’écriture. Elle invite les lecteurs à envoyer plus de courtes nouvelles (le numéro 6 n’en compte que deux, de Fulvio Caccia et de Pierre DesRuisseaux, membres de la direction de la revue). Dès le numéro 8 (1979), qui est un « spécial nouvelles », la revue accueille autant de prose que de poésie, des nouvelles de tous les genres, du fantastique à la science-fiction
4- Auteurs récurrents
Gilles Cyr, Monique Chartré, Pierre Desruisseaux, Raoul Duguay, Michel Lemay, Claude Provencher, Jacques Renaud, Francine Trudeau. Danielle Arsenault, Reynald Bouchard, Huguette Bujold, Pierre Claude, Guy Lafond, Janou Saint-Denis, Francine Trudeau. Rina Lasnier, Renart Benoît, Suzanne Bérubé, (chansons) Claire Boulé, Gilles Cyr, Anne Dandurand, Jacques Roy. Paul-André Bibeau, Georges Raby, Pierre DesRuisseaux, Fulvio Caccia, Bernard Lévy, Alexandre L. Amprimoz, Pierre Cadieu, Sylvain Campeau, Patrick Coppens, Anne Dandurand, Claire Dé, Serge Lecomte, Marilù Mallet (première auteure traduite dans la revue), Andrea Moorhead, Robert Giroux, etc.
La récurrence des auteurs est particulièrement marquée dans les années 1980-1990.
5- Filiation avec une maison d’édition
La revue est affiliée aux Éditions Triptyque. Robert Giroux en est le directeur littéraire. Les toutes dernières pages de la revue servent parfois à la promotion des nouveaux titres publiés chez Triptyque. Des titres publiés chez Triptyque font à l’occasion l’objet de critiques dans la rubrique « Yeux fertiles ».
6- Conception de la littérature (fonction, objectifs, etc.)
Fonction : littérature comme moyen d’expression; comme héritage; comme façon d’aborder le monde.
En 1977, la revue était destinée à accueillir une poésie libre, à faire advenir une nouvelle poésie : « Créer une revue de poésie au Québec est chose pas mal risquée, voire suicidaire diront certains. Car si on en croit la chanson : La poésie s’en va… Or, nous qui croyons que la poésie ne s’en va pas, mais, au contraire, qu’elle s’en vient (tout dépendant du point de vue, bien sûr), avons voulu mettre sur pied une revue au sein de laquelle pourra s’exprimer, en dehors de tout sectarisme et de l’intransigeance des poncifs et des nouveaux prêtres littéraires, une écriture ouverte, imaginaire et imaginative, qui ouvre les portes intérieures et extérieures, du dehors dedans. Il existe une poésie d’émotion, des émotions, une poésie du cœur qui porte au-delà des contingences de l’époque, de la mode parfois étroite. Celle-là aura aussi sa place. En mathématiques, il y a une figure, le ruban de Moebius (ou Möbius) qui n’a ni envers ni endroit; elle n’a qu’une face : un mobile pourrait la parcourir d’une seule traite dans sa totalité. Le discours, lui, ne s’arrête pas, sa limite se retourne sans cesse. Tout est dit et reste à dire. » (« Introduction », numéro 1, p. 1) Au début des années 1980, dans la préface du numéro 14, le premier publié depuis l’entrée en fonction de Robert Giroux au sein de l’équipe éditoriale, Giroux prône d’abord la lisibilité comme critère de sélection des textes : «Ces critères trahissent bien sûr les goûts des responsables de la revue qui, pour variables qu’ils soient, demeurent attachés à une certaine lisibilité et à une qualité d’écriture certaine. Par lisibilité, nous entendons le respect de nos lecteurs qui ne sont pas des universitaires (se complaisant dans un métadiscours dont l’épaisseur du sens n’a d’égal que le nombre d’années à fréquenter la savante institution) ; par lisibilité, nous entendons également la reconnaissance des codes textuels sans laquelle il n’est point, semble-t-il, de plaisir de lecture. Quant à la qualité d’écriture, elle est étroitement liée à la lisibilité. En dépit de l’éclatement des genres littéraires traditionnels, de l’effritement des codes textuels conventionnels eux-mêmes, nous aimons retenir un récit bien mené, partager un bon suspens, découvrir des jeux poétiques bien maîtrisés dans lesquels le travail sur la langue n’étouffe pas l’émotion, etc. » (Robert Giroux, n°14, printemps 1982, p. 2)
La position de Robert Giroux dans cette préface est paradoxale. À mon sens, la recherche ultime de lisibilité et d’accessibilité des textes est contredite par la nature même des textes publiés durant la période des années 1980 : hermétiques, denses et visiblement expérimentaux, beaucoup de textes ne représentent pas, à mon avis, la définition de lisibilité donnée dans cette introduction. Toutefois, les numéros plus récents, qui présentent en général des thèmes plus légers (voir point 7), contiennent des textes plus « digestes », plus accessibles.
La liberté et l’authenticité de l’écriture reviennent fréquemment comme des critères de sélection des textes, mais aussi comme les fondements même de l’acte créateur. De nombreux textes de présentation (n°49 (1991), n°62 (1994), etc.) accusent les universités de causer une homogénéisation de la production littéraire. La revue se présente donc comme le pôle inverse, comme le lieu de publication de textes plus « vrais » parce qu’en marge de l’institution. La question de l’enseignement de la création littéraire traverse de nombreux numéros de la revue. Elle est traitée plus en profondeur dans le numéro 50, « Écrire entre les murs » : l’écriture née de l’institution y est présentée comme fondamentalement contrainte, limitée, normalisée. Si la demande d’ateliers d’écriture reflète une « soif généralisée de parole », elle est perçue de façons différentes par les collaborateurs du numéro (notamment Noël Audet, Paul Chamberland, Robert Giroux, Louise Dupré, Yvon Rivard). Le numéro s’ouvre sur une table ronde entre Chamberland, Giroux, Dupré et Rivard. Ils y comparent leurs méthodes d’enseignement et discutent des limites des ateliers d’écriture. De manière générale, ce n’est pas tant le principe de l’atelier d’écriture que le cadre dans lequel il est donné qui est décrié; si on peut apprendre la technique de l’écriture, la création, elle, ne s’apprend pas. La vision un peu désabusée des intervenants – qui en viennent à la conclusion que les ateliers ne profitent qu’à ceux qui n’en ont pas besoin – rejoint la présentation faite par Giroux quelques années auparavant. En mettant en lien les différentes opinions exprimées dans la revue au fil des ans, on comprend que Moebius veut en fait se tenir à distance du formalisme vide, dépourvu de profondeur. La figure de l’auteur égocentrique, médiatisé mais dépourvu de réel talent, est maintes fois caricaturée dans les textes de présentation; on sent une sorte de mépris pour l’élitisme du milieu littéraire.
Quelques numéros s'annoncent comme des anthologies ou des panoramas d’une époque. Le processus de sélection des textes de ces livraisons permet de dégager la vision de la littérature véhiculée par l’équipe éditoriale. Par exemple le numéro 49 (1991), « La poésie française contemporaine. Approche de l’an 2000 », par « amour du genre », est réservé à la publication d’auteurs nés après la Seconde Guerre mondiale. Dans la présentation du numéro (p. 9-13), Bernard Hreglich dresse un portrait acerbe des types de textes qui ont été laissés de côté dans ce panorama. Les « Grands Aînés », les « petits gribouilleurs aux rythmes subalternes » , les « agioteurs de la verbosité », mais aussi les «derniers feux » comme le « tel-quelisme » et les poèmes « sans mémoire », c’est-à-dire l’écriture blanche, froide, minimale, ont été rejetés. Le numéro privilégie plutôt un nouveau lyrisme que Hreglich décrit comme une poésie dans laquelle « le Verbe peut se déployer sans contraintes formalistes. » (p.12). Ce numéro dresse un portrait très précis de ce que l’équipe considère comme actuel. Trois ans plus tard, la revue consacre un nouveau numéro à la poésie intitulé « Poésies actuelles » ; s’y retrouvent des poèmes qui n’avaient pas trouvé leur place dans les numéros thématiques. L’équipe voit cet éclectisme comme une façon de déjouer « la montée de l’homogénéisation de la poésie liée à l’enseignement et aux ateliers d’écriture. » (Raymond Martin, « Présentation », n°62, hiver 1995, p. 5)
7- Récurrences (thématiques, concours, contributions, etc.)
Thématiques :
« En examinant les premiers numéros thématiques publiés – c’est-à-dire à partir du numéro 17 paru au début des années 1980 - , on constate qu’il se dégage bel et bien un fond de préoccupations convergentes couvrant quelques années, un désir soutenu de questionner, de bousculer, de griffer. Ces numéros avaient en effet pour thèmes le pamphlet, l’inceste […], la théorie des femmes […], la polémique ou la censure. Entre ces numéros, se sont insérées d’autres thématiques moins engageantes mais qui s’inscrivaient tout de même dans le droit fil des préoccupations d’une revue de fiction : les genres littéraires (la nouvelle, la poésie) ou des incontournables comme l’exil, les mirages de la mémoire, le sacré … Puis vint comme une ère de légèreté [1990 aux années 2000], de redéploiement, d’affirmation du corps comme machine désirante. S’imposèrent alors des thèmes comme l’utopie, le voyage, la vie d’artiste, l’érotisme, la folie, l’humour, la volupté, etc. » (Index 1977-2005, p. 7-8) Deux numéros ont pour thème l’écriture au féminin; la différence entre les hommes et les femmes, et l’impact de cette différence sur l’écriture, est reconnue d’emblée dans les deux cas. Le premier numéro ( n°14, 1982) se contente de réunir des textes écrits par des femmes. On y retrouve des textes d’Élise Turcotte, Louise Coiteux, Marcelle Fontaine, Louise de Gonzague Pelletier, Danielle Fournier, Michèle Saucier. Ces textes parlent de l’intimité, de la famille, de la passion, etc., des thèmes que l’on associe très souvent à l’écriture au féminin. Le second numéro (n°22, 1984) porte plus précisément sur la théorie des femmes; il est particulièrement intéressant car il traite autant de la réalité des femmes (féminines, intellectuelles, créatrices) que de la théorie littéraire, de la fiction ou de la création. De plus, les textes ont été écrits par des femmes : Louise Coiteux, Danielle Fournier, Danielle Laurin et Élise Turcotte, Marielle St-Pierre, Nicole Roberge, Claudine Bertrand, Marie-Claude Brosseau, Danielle Drouin, Carole La Grenade, Carole-Marguerite Hamelin, Renée-Berthe Drapeau, Anne-Marie Alonzo, Danielle Dussault.
Les thèmes de la poésie, la fiction, l’écriture, l’érotisme et les artistes, entre autres, sont récurrents. Durant les décennies 1990-2000, les thèmes se font plus légers, plus près du corps, du quotidien et de la littérature.
8- Présentation matérielle de la revue (changements, particularités)
Durant les premières années : format étroit, tête bêche pour que le lecteur ne sache pas par quel bout il commence la lecture. Depuis les années 1980, le format est plus large et la couverture plus conventionnelle, avec une page de titre et un quart de couverture présentant les auteurs du numéro.
9- Remarques et observations
En appui aux jeunes auteurs, la revue publie les textes gagnants du Marathon d’écriture intercollégial. Moebius organise aussi un concours d’écriture, le prix de la bande à Moebius, depuis 1999. Ce prix, qui récompense le meilleur texte (poème, récit, essai) paru dans Mœbius au cours de l’année, est décerné par un jury formé de trois personnes extérieures à l’équipe éditoriale de la revue.
Liste des récipiendaires du prix de la bande à Moebius :
2011 : Jean-Marc DESGENT pour sa suite poétique Le joli théâtre de Platon (n° 126). 2010 : Suzanne Myre pour Comment je suis devenue une outsider (n° 125) Parution spéciale hors-série : Le prix de la Bande à Mœbius, Anthologie 1999 – 2009. L’année 2009 marquait les dix ans du Prix de la bande à Mœbius. 2009 : Roger DES ROCHES pour Le nouveau temps du verbe être (n° 121) 2008 : Robert LÉVESQUE pour Le code Paillasson (n° 115) 2007 : Michaël LA CHANCE pour Le venturier au sommet et De l’érudition en poésie (n° 111) 2006 : Carmen Strano pour Berlin, 27 avril (n° 107) 2005 : Éric McComber pour Éden (n° 105) 2004 : Marie-Hélène Poitras pour Sur la tête de Johnny Cash (n° 99) 2003 : André-Guy Robert pour Un autre lundi (n° 94) 2002 : Patrick Nicol pour Ma cousine, la première (n° 93) 2001 : Luc LaRochelle pour J'ai frappé à toutes les portes (n° 88) 2000 : Pierre Manseau pour L'Effet bénéfique de la prière (n° 82) 1999 : Jean-Pierre Girard pour Projet de vérité (n° 81)