====== Bibliographie d’ouvrages français (Chapitre « écriture du passé ») ====== **(Les ouvrages sont classés en fonction de la section du chapitre pour laquelle ils semblent être particulièrement pertinents. Plusieurs œuvres auraient toutefois pu être incluses dans une autre catégorie.)** ===== Passé et présent dans les récits de l’Histoire ===== CATHALA, François, Les mille mots du citoyen Marmouset, Paris, Albin Michel, 2006. Cet ouvrage raconte l’histoire d’un personnage fictif à l’époque de la Révolution française. DAENINCKX, Didier, Meurtres pour mémoire Dans ce roman métahistorique qui évoque la guerre d’Algérie, deux personnages enquêtent, en 1982, sur une manifestation violemment réprimée qui avait eu lieu en 1961. Viart (2007) affirme que, s’il régnait dans la littérature française d’avant 1980 une certaine jachère historique, la littérature contemporaine s’intéresse davantage au passé (en particulier chez des auteurs comme Pascal Quignard, Claude Louis-Combet, Gérard Macé, Alain Nadaud, Didier Daeninckx). LOUIS-COMBET, Claude Viart (2007) affirme que, s’il régnait dans la littérature française d’avant 1980 une certaine jachère historique, la littérature contemporaine s’intéresse davantage au passé (en particulier chez des auteurs comme Pascal Quignard, Claude Louis-Combet, Gérard Macé, Alain Nadaud, Didier Daeninckx). MERTENS, Pierre, Une paix royale, Paris, Seuil, 1995. Ce roman porte sur la capitulation de la Belgique en faveur de l’Allemagne en 1940. L’objectif que se donne le narrateur d’Une paix royale est de soustraire l’histoire de la Belgique à la domination de l’interprétation qu’en a faite l’Autre français. En d’autres mots, il souhaite soustraire l’histoire de son pays à la dérision dont elle est l’objet de la part de la France, qui a interprété la reddition de la Belgique non seulement comme une lâcheté, mais comme une trahison qui a mené à sa propre défaite. *MODIANO, Patrick, Dora Bruder, Paris, Gallimard, 1997. Dora Bruder raconte la recherche des traces d’une jeune juive, disparue en 1941. « Modiano mêle la recherche du destin de Dora Bruder et de sa famille à des souvenirs autobiographiques et à la quête de son propre père », explique Böhm (2008 : 237). NADAUD, Alain Nadaud « développe lui aussi une démarche romanesque dans laquelle la question de l’origine et d’une remontée vers l’origine occupe une place centrale en devenant l’objet même d’une enquête policière et érudite. » (André, 2001 : 33) ROLIN, Olivier, Tigre en papier, Paris, Seuil, 2002. Rubino (2007) écrit que les narrateurs de Rolin sont notamment en rupture avec l’époque contemporaine parce qu’ils regrettent qu’elle ne soit pas tournée vers un passé dont ils se sentent dépossédés (alors que, jadis, le passé correspondait à une source d’inspiration). Les romans de Rolin mettent en scène une interrogation de l’histoire, et en particulier des décalages qui lui enlèvent son caractère intelligible. (Rubino, 2007) (Dans son article, Rubino ne s’intéresse pas spécifiquement à Tigre en papier, mais plutôt à l’œuvre de Rolin en général. Puisque la plupart des exemples provenaient de ce roman, c’est celui-ci que j’ai choisi d’inclure dans la bibliographie.) QUIGNARD, Pascal Ses textes sont « l’occasion d’une réflexion où se retrouvent les interrogations et les inquiétudes de la modernité : fragilité du sens, menace de défection de la mémoire ou du langage qui confèrent à l’œuvre sa tonalité propre, teintée d’une mélancolie que vient nourrir une méditation récurrente sur les origines et sur l’enfance. » (André, 2001 : 33) QUINT, Michel, Effroyables jardins, Paris, J. Losfeld, 2000. Ce roman historique déconstruit le point de vue généralement propagé en France quant à la Deuxième Guerre mondiale, c’est-à-dire une vision négative des Allemands et positive des Français. Dans son article sur le roman de Quint, Graeber écrit : « Les deux romans [Effroyables jardins et sa suite, Aimer à peine] donnent l’impression que ce ne sont pas les événements historiques du temps de Vichy ou de Munich, d’ailleurs fortement artificiels, qui sont authentiques, mais les thèses qui s’en suivent pour nous, les lecteurs actuels. C’est ainsi que le roman métahistorique, caractérisé par [Ansgar] Nünning de ‘‘moyen de la mémoire culturelle, d’une interprétation de l’histoire et de la construction d’une identité collective’’, peut provoquer une révision de l’image nationale des Français, puisqu’il critique le refoulement du passé et le manichéisme simpliste ; par ailleurs, il fait ressentir la place inéluctable qu’ont tous les hommes dans l’Histoire. » (2008 : 250) RAMBAUD, Patrick, La bataille, Paris, Grasset, 1997. _________, Il neigeait, Paris, Grasset, 2000. _________, L’absent, Paris, Grasset, 2003. Dans cette trilogie historique sur Napoléon, l’auteur prend ses distances par rapport à la forme canonique du roman historique, où l’action est selon lui subordonnée aux intrigues amoureuses ou à un certain exotisme. Le roman historique tel qu’il entend le pratiquer doit au contraire se caractériser par la mise au premier plan des faits historiques eux-mêmes ainsi que par la restriction à une tranche temporelle limitée. Pour lui, qui croit en la vocation cognitive du roman, cette manière de pratiquer le roman historique permet de transcender l’histoire académique elle-même, car les historiens de profession sont, selon lui, moins objectifs que les romanciers car ils sont trop préoccupés par la nécessité de démontrer des hypothèses. (voir Scaiola, 2007) ===== Passé et présent dans les histoires de famille ===== BERGOUNIOUX, Pierre, La maison rose, Paris, Gallimard, 1987. « La Maison rose brasse en effet une architecture sérielle : chaque chapitre décrit le séjour du narrateur dans la maison rose, nombril généalogique et garant de l’identité familiale. » (Demanze, 2008 : 217) Dans La maison rose, « les amours successifs du grand-oncle, de l’oncle et du narrateur se reprennent et se prolongent […]. La série des répétitions dépasse la trajectoire individuelle, comme si le sujet de la répétition était un sujet collectif, et multiple – familial dans La Maison rose […]. » (Demanze, 2008 : 218-219). _________, L’orphelin, Paris, Gallimard, 1992. Dans ce récit, Bergounioux évoque son père, que la Première Guerre mondiale a rendu orphelin dès l’enfance. « L’Orphelin trame une narration entravée, où s’enchevêtrent les épreuves individuelles d’une parenté malheureuse et les meurtrissures collectives de l’histoire. Car les impasses de la filiation sont l’ombre portée des massacres du siècle, et la mélancolie du père doit sa tonalité funèbre à son deuil d’orphelin de la première guerre mondiale. » (Demanze, 2008 : 128) BOTT, François, Gina, Paris, Flammarion, 1994. Bott, dans ce court récit, évoque le décès de sa mère. BOUILLOT, Françoise, Nous arrêterons le soleil, Paris, Seuil, 2002. Dans Nous arrêterons le soleil, l’héroïne hérite du militantisme communiste de sa mère et s’inquiète de l’héritage qu’elle-même laissera à son fils. Marina Minucci, se demandant ce qui a poussé vers le communisme les héros ce roman et de Parti de François Salvaing, répond : « L’idéal politique et social, bien sûr, mais aussi le besoin d’appartenance, d’une famille. L’idée d’un défi ou celle d’un héritage. » (Minucci, 2007 : 100) CHÂTELET, Noëlle, La dernière leçon, Paris, Seuil, 2004. Dans La dernière leçon de Noëlle Châtelet, l’auteure raconte la mort de sa mère, qui a décidé de mettre fin à ses jours à l’âge de quatre-vingt-douze ans. La dernière leçon reçue par la fille est donc celle de l’acceptation du décès de la mère, qui lui fait part de son intention de se donner la mort quelques semaines avant de passer à l’acte. ERNAUX, Annie, La place, Paris, Gallimard, 1983. Dans Viart, 2009, l’auteur écrit que ce livre est exemplaire des récits de filiation. L’article Hugueny-Léger, 2009, se penche sur la question du rapport à la langue d’origine (c’est-à-dire la langue populaire utilisée par les parents) chez Ernaux. « Le recours à la fameuse ‘‘écriture plate’’ (LP [La Place] 21) et le refus de toute complicité avec le lectorat sont intrinsèquement liés aux problématiques d’héritage et de transmission, dans l’écriture de soi, de la langue des autres. Car, pour Ernaux, transmettre n’est pas anodin. Il ne s’agit pas pour elle de dévaloriser la langue d’origine, comme il serait possible de le croire dans ses premiers romans. Consciente que la langue héritée n’aura jamais la même signification que la langue léguée, car cette dernière s’inscrit dans un projet clairement défini, Ernaux a recours à ces stratégies dans le but de mener à bien ce projet tout en se tenant à distance des mots qu’elle porte en elle. Il s’agit pour l’auteure d’évoquer au mieux un monde qui a cessé d’être tout en se faisant porte-parole des autres membres issus de ce monde. » (Hugueny-Léger, 2009 : 98-99) GERMAIN, Sylvie, L’enfant méduse, Paris, Gallimard, 1991. « Sylvie Germain les leste [ses récits] à la fois d’une expérience personnelle et de leur poids historique pour signifier les figures contemporaines d’un héritier qui reçoit tantôt les secousses d’un parcours familial, tantôt les ébranlements d’un désastre historique. Ce sont d’abord les secousses d’un parcours familial que raconte L’enfant méduse. Ferdinand porte dans une crypte intime les fantômes jumeaux de son père et de son grand-père : son identité est tellement parasitée par ces êtres qu’il a dévorés au sens psychanalytique qu’il en devient un ogre et se livre aux mille métamorphoses du mal. » (Demanze, 2009 : 19) GOUX, Jean-Paul, La maison forte, Arles, Actes Sud, 1999. La Maison forte raconte l’histoire d’une jeune femme et de son ami qui cheminent ensemble vers la maison du père de celle-ci. Pendant le trajet, tous deux réfléchissent au père et tentent de l’imaginer, même si la fille n’a pas revu son père depuis vingt ans et que son ami ne l’a jamais rencontré. À travers le roman se construit une analogie entre la maison familiale, qui est le résultat de transformations successives, et le récit lui-même, qui se construit à partir de bribes d’informations. (Heizmann, 2004) JULIET, Charles, Lambeaux, Paris, P.O.L., 1995. Dans Viart, 2009, l’auteur associe cet ouvrage au récit de filiation. Il lui donne comme caractéristique l’empathie discrète dont fait preuve l’auteur. LAURENS, Camille, L’amour, roman, Paris, P.O.L., 2003. Maïté Snauwaert (2009) affirme que cet ouvrage est emblématique des romans familiaux contemporains. LINHART, Virginie, Le jour où mon père s’est tu, Paris, Seuil, 2008. Dans Viart, 2009, l’auteur associe cet ouvrage au récit de filiation et à la rupture de transmission qui le caractérise. MEIZOZ, Jérôme, Père et passe, Lausanne/Cognac, Éditions d’en bas/Le temps qu’il fait, 2008. Dans Viart, 2009, l’auteur associe cet ouvrage au récit de filiation. Il ne donne pas de détails quant au texte, mentionnant seulement la jeunesse de Meizoz, né en 1967. *MICHON, Pierre, Vies minuscules, Paris, Gallimard, 1984. Dans Viart, 2009, l’auteur écrit que ce livre est exemplaire des récits de filiation. Dans Encres orphelines, Demanze écrit : « Vies minuscules de Pierre Michon fait recueil de huit vies infimes et sans mémoire dont les trajets échoués sont pris en charge dans une langue rutilante. […] Pour combler la carence paternelle qui enténèbre son existence, le narrateur se lance dans une anamnèse identitaire où les existences de l’ascendance le cèdent aux anonymes de l’archive. » (2008 : 12-13) MILLET, Richard, Ma vie parmi les ombres, Paris, Gallimard, 2003. Maïté Snauwaert (2009) affirme que cet ouvrage est emblématique des romans familiaux contemporains. PACHET, Pierre, Autobiographie de mon père, Paris, Belin, 1987. L’auteur raconte, à la première personne, la vie de son père décédé. _________, Devant ma mère, Paris, Gallimard (coll. « L’un et l’autre »), 2007. « Enfant, m'a-t-on dit, je voulais être avec ma mère, ne pas la quitter, qu'elle ne me quitte pas. On me l'a rappelé plus tard, dès la fin de la guerre, avec attendrissement, ou pour se moquer un peu de mes désirs d'indépendance. À présent, je ne peux plus aller avec elle, ni même près ou auprès d'elle. Dans l'état où elle est, ce que je peux espérer en allant la voir et en y passant du temps, c'est qu'elle regardera dans ma direction, sans me reconnaître vraiment, et qu'elle me permettra ainsi d'être devant elle, de lui parler pour réveiller brièvement sa capacité à mimer une conversation, de lui donner à manger. Je la reconnais, je la regarde, je l'écoute. Malgré notre connivence humoristique de toujours, à présent presque totalement détruite, je me sens comme devant une figure très ancienne, une statue faiblement animée mais puissante, monumentale. » (Quatrième de couverture, site de Gallimard.) PRIGENT, Christian, Demain je meurs, Paris, P.O.L., 2007. Ce récit de la vie du père refuse de se constituer comme récit d’un destin, c’est-à-dire comme ensemble cohérent et orienté dont il serait dès lors possible de déduire une leçon. La vie du père, communiste orthodoxe, aura été entièrement régie par ce régime de l’édification, sa philosophie dirigée par la croyance en un progrès régulier, en un sens de l’histoire. Le récit par le fils s’attachera a contrario à constituer la représentation la plus inexemplaire qui soit de cette vie exemplaire et, ce faisant, à contrecarrer une certaine philosophie de l’histoire, aux deux sens du terme (narration et Histoire) (voir Barraband, 2009). RAVEY, Yves, Le drap, Paris, Minuit, 2002. Dans Viart, 2009, l’auteur associe cet ouvrage au récit de filiation. Il lui donne comme caractéristique l’esthétique minimaliste de l’œuvre. ROUAUD, Jean, Des hommes illustres, Paris, Minuit, 1993. L’auteur explique que dans le livre de Rouaud, une première partie évoque le père d’après les souvenirs d’enfance du narrateur et que, dans la seconde partie, il raconte l’histoire de son père avant sa propre naissance, d’après les témoignages de gens qui l’ont connu à cette époque. Alors que, dans la première partie, l’image du père est triviale, fondée sur les souvenirs du fils, dans la seconde partie, le père est fantasmé, anobli par l’imagination du fils. (Heizmann, 2004) SALVAING, François, Parti, Paris, Stock, 2000. Parti représente un héros sans famille, qui trouve dans le communisme une famille de substitution. Il y est lié par le même type d’appartenance un peu ambivalent qui marque généralement le lien entre une personne et sa famille biologique. Marina Minucci, se demandant ce qui a poussé vers le communisme les héros ce roman et de Nous arrêterons le soleil de Françoise Bouillot, répond : « L’idéal politique et social, bien sûr, mais aussi le besoin d’appartenance, d’une famille. L’idée d’un défi ou celle d’un héritage. » (Minucci, 2007 : 100) SEBBAR, Leïla, Je ne parle pas la langue de mon père, Paris, Julliard, 2003. Dans Viart, 2009, l’auteur associe cet ouvrage au récit de filiation et à la rupture de transmission qui le caractérise. *SÉONNET, Michel, La marque du père, Paris, Gallimard, 2007. Dans cet essai autobiographique, l’auteur évoque sa relation difficile avec son père, qui fut membre de la division Charlemagne de la Waffen SS durant la Deuxième Guerre mondiale. *SIMON, Claude, L’acacia, Paris, Minuit, 1989. Le cas de L’Acacia, souligne Heizmann, est un peu différent des deux autres (Des hommes illustres de Jean Rouaud et La maison forte de Jean-Paul Goux) dans la mesure où le fils, dans ce cas-ci, n’a jamais rencontré son père, mort pendant la Première Guerre mondiale. Puisque le fils ne dispose d’aucun véritable ancrage référentiel, c’est entièrement à l’aide de fragments et d’hypothèses qu’il doit reconstituer la figure paternelle. (Heizmann, 2004) SONNET, Martine, Atelier 62, Cognac, Le temps qu’il fait, 2008. Dans Viart, 2009, l’auteur associe cet ouvrage au récit de filiation et à la rupture de transmission qui le caractérise. VEINSTEIN, Alain, L’accordeur, Paris, Calmann-Lévy, 1996. « Car la paternité est le thème obsessionnel de ce bref roman : paternité vers le haut et vers le bas, si l'on peut dire, ascendance et descendance. Ai-je un père, suis-je un père ? ne cesse de se demander le narrateur, hanté par quelques photos défraîchies, par les gestes du grand-père, qui chaque jour ensevelit le temps, les mots et les morts, par le fils que l'on trahit, par la femme en qui l'on cherche une fille, une mère, l'impossible rédemption de la mort. » (Ceccaty, 1996) ===== Passé et présent dans l’écriture ===== DELACOMPTÉE, Jean-Michel, Langue morte. Bossuet, Paris, Gallimard (coll. « L’un et l’autre »), 2009 Essai biographique consacré à Bossuet. (Plusieurs autres ouvrages de Delacomptée pourraient être inclus dans cette bibliographie, mais celui-ci me semble particulièrement pertinent dans la mesure où l’auteur y exprime davantage son point de vue personnel sur Bossuet, sur son œuvre et sur le devenir de la littérature.) JEAN, Raymond, La dernière nuit d’André Chénier, Paris, Albin Michel, 1989. « André Chénier a été taxé de contre-révolutionnaire autant par les exécutants de la Terreur (qui l’ont guillotiné) que par les manuels scolaires d’histoire littéraire. En fait, ce serait un ‘‘Homme de nuance et de passion’’, un ‘‘écrivain politique dont on ne peut nier la lucidité’’. Avec Raymond Jean, qui redonne à Chénier l’importance qui lui est due, nous revivons la dernière nuit du poète. » (Quatrième de couverture) MACÉ, Gérard « Gérard Macé semblablement arpente cet autre temps de la mémoire, lorsque récitants et colporteurs faisaient cohésion autour de récits disparates, de bribes de chansons et de réflexions éthiques. Mais derrière cette bibliothèque de Babel, transparaît toujours en palimpseste le récit empêché d’une ascendance malheureuse, si bien que l’œuvre de Gérard Macé, écartelée entre fictions biographiques et poèmes en prose, transpose les secrets de la filiation au temps de Nerval et de Baudelaire. Comme si pour dire l’enquête intime de celui qui est confronté au silence des ancêtres, Gérard Macé investissait les figures de déchiffreurs et les silhouettes d’un XIXe siècle orphelin. » (Demanze, 2008 : 13) MALROUX, Claire, Chambre avec vue sur l’éternité, Paris, Gallimard, 2005. Livre biographique consacré à Emily Dickinson. La première partie de l’ouvrage est plus biographique, la deuxième s’intéresse davantage à la poésie et la troisième est une analyse des grands thèmes qui traversent l’œuvre de Dickinson. Dans toute la première partie, Malroux fait son travail de biographe en racontant la vie d’Emily, mais en soulevant constamment le soupçon « fictionnel » de toute entreprise qui cherche à comprendre et interpréter une vie. Dans la deuxième et la troisième partie, elle emploie un ton qu’on pourrait qualifier de plus « essayistique ». Il est à noter, également, que certains chapitres sont faussement autobiographiques, puisque c’est Emily Dickinson elle-même qui prend la parole d’outre-tombe pour raconter sa vie. (Extrait de la fiche de lecture faite par Manon Auger.) MAKINE, Andreï, Le testament français, Paris, Mercure de France, 1995. Ce roman raconte l’histoire d’un jeune garçon russe, élevé par sa grand-mère française qui lui raconte des récits de sa jeunesse en France. Le garçon passe graduellement d’héritier à testateur : alors que, enfant, il était celui à qui la grand-mère racontait, il devient à partir de l’adolescence celui qui raconte. L’héritage littéraire joue aussi un rôle dans cet ouvrage, puisque le passage au statut de conteur pour le personnage s’initie lorsqu’il raconte à un camarade un poème de Victor Hugo. Ayant découvert le plaisir de raconter, il souhaite aller au-delà des récits de sa grand-mère en acquérant une érudition qu’elle n’a pas, son savoir reposant sur ses souvenirs. Pourtant, la connaissance froide du personnage se bute contre le charme mystérieux des récits de la grand-mère (voir Van Acker, 2009). MICHON, Pierre, Rimbaud le fils, Paris, Gallimard (coll. « L’un et l’autre »), 1991. « Qu'est-ce qui relance sans fin la littérature ? Qu'est-ce qui fait écrire les hommes ? Les autres hommes, leur mère, les étoiles, ou les vieilles choses énormes, Dieu, la langue ? Les puissances le savent. Les puissances de l'air sont ce peu de vent à travers les feuillages. La nuit tourne. La lune se lève, il n'y a personne contre cette meule. Rimbaud dans le grenier parmi les feuillets s'est tourné contre le mur et dort comme un plomb. » (Quatrième de couverture, site de Gallimard.) *MILLET, Richard, La gloire des Pythre, Paris, P.O.L., 1995. « L’héritage, qui correspond à la longue durée d’une transmission immémoriale, se trouve liquidé par les bouleversements sociaux et sabordé par la folie des personnages dans le temps du roman, renvoyant à la non-existence le legs et ses légataires. […] Reste cependant le legs de la littérature qui prend, dans La gloire des Pythre, la forme d’une exaltation de l’héritage romanesque par le recours ostensible à quelques-unes de ses formes canoniques […]. » (42) Ainsi, l’infinie relance des récits fait en sorte que s’émousse la radicalité de l’anéantissement du legs familial puisqu’un legs subsiste, même s’il est d’une autre nature. (voir Nardout-Lafarge, 2009) OSTER, Daniel, La Gloire, Paris, P.O.L., 1997. Essai biographique sur Mallarmé. L’auteur s’y livre notamment à une réflexion sur l’histoire littéraire. ROUAUD, Jean, L’imitation du bonheur, Paris, Gallimard, 2005. Roman historique qui se déroule durant la Commune de Paris en 1871. Dans L’imitation du bonheur, il n’est pas question de l’histoire familiale de l’auteur (comme c’est souvent le cas chez Rouaud), et le texte se présente davantage, du moins dans la première partie, comme un roman sur le roman. Bevilacqua (2007) propose cette hypothèse quant à la signification du titre du livre de Rouaud : il ne s’agirait pas d’imiter le bonheur, mais plutôt de trouver le bonheur dans l’imitation, c’est-à-dire « dans le fait de se sentir-comme-si. » (Bevilacqua, 2007 : 166) C’est ainsi que Rouaud tente dans son roman de renouer avec des pratiques romanesques traditionnelles, afin de montrer à quel point le projet de raconter une simple histoire d’amour est en fait extrêmement difficile dans le contexte littéraire actuel. *SALVAYRE, Lydie, La compagnie des spectres, Paris, Seuil, 1997. Le roman suggère en effet autant l’inutilité de la littérature à endiguer des massacres que son incapacité à transmettre des valeurs humanistes. Inapte à transmettre véritablement des savoirs, le langage, dans l’œuvre de Salvayre, devient une sorte de métaphore de la condition humaine : « À travers une dramatisation de l’échange, Salvayre exhibe la difficulté à communiquer le passé et elle suggère par le processus même du dérèglement linguistique, devenant l’expression métaphorique et métonymique d’autres dérèglements, les affolements de l’être, de la communication, de la société. » (Douzou, 2007 : 74) (Plus loin, Douzou affirme que l’ouvrage de Salvayre est un roman familial ; puisque la catégorie « histoires de famille » est déjà bien garnie, j’ai préféré mettre le titre ici.) ===== BIBLIOGRAPHIE CRITIQUE ===== ANDRÉ, Marie-Odile (2001), « La littérature française contemporaine : un panorama », dans Martine Poulain (dir.), Littérature contemporaine en bibliothèque, Paris, Cercle de la librairie, p. 31-47. BARRABAND, Mathilde (2009), « Héritage et exemplarité dans Demain je meurs. L’œuvre de dé-familiarisation de Christian Prigent », dans Martine-Emmanuelle Lapointe et Laurent Demanze (dir.), dossier « Figures de l’héritier », Études françaises, volume 45, no 3, p.57-75. BEVILACQUA, Luca (2007), « Notes de lecture sur L’imitation du bonheur de Jean Rouaud », dans Gianfranco Rubino (dir.), Présences du passé dans le roman français contemporain, Rome, Studi e Testi, p. 161-176. BÖHM, Roswitha (2008), « Sur les traces du passé – la littérarisation d’une histoire familiale dans l’œuvre narrative de Patrick Modiano », dans Elisabeth Arend, Dagmar Reichardt, Elke Richter (dir.), Histoires inventées. La représentation du passé et de l’histoire dans les littératures française et francophones, Frankfurt am Main, Peter Lang, p. 229-239. CECCATY, René de (1996), « Le premier roman d'Alain Veinstein, hanté par le thème de la filiation », Le Monde, « Le Monde des livres », 6 septembre, p. 3. DEMANZE, Laurent (2008), Encres orphelines : Pierre Bergounioux, Gérard Macé, Pierre Michon, Paris, José Corti (coll. « Les essais »), 403 pages. DEMANZE, Laurent (2009), « Les possédés et les dépossédés », dans Martine-Emmanuelle Lapointe et Laurent Demanze (dir.), dossier « Figures de l’héritier », Études françaises, volume 45, no 3, p. 11-23. DOUZOU, Catherine (2007), « L’Histoire en écho : La compagnie des spectres de Lydie Salvayre », dans Gianfranco Rubino (dir.), Présences du passé dans le roman français contemporain, Rome, Studi e Testi, p. 67-84. GRAEBER, Wilhelm (2008), « ‘‘Les parenthèses n’existent pas dans l’Histoire.’’ Les romans métahistoriques de Michel Quint », dans Elisabeth Arend, Dagmar Reichardt, Elke Richter (dir.), Histoires inventées. La représentation du passé et de l’histoire dans les littératures française et francophones, Frankfurt am Main, Peter Lang, p. 241-251. HEIZMANN, Bernard (2004), « Tel fils, tel père : fabrique du père dans trois romans contemporains », dans Bruno Blanckemann et Aline Mura-Brunel (dir.), Le roman français au tournant du XXIe siècle, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, p. 231-240. HUGUENY-LÉGER, Élise (2009), « Ce qu’ils disent, c’est tout : héritage et transmission de la langue d’origine dans l’œuvre d’Annie Ernaux », dans Béatrice Jongy et Annette Keilhauer (dir.), Transmission/héritage dans l’écriture contemporaine de soi, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal (coll. « Littératures »), p. 93-104. MINUCCI, Marina (2007), « Un héros du passé : le militant communiste », dans Gianfranco Rubino (dir.), Présences du passé dans le roman français contemporain, Rome, Studi e Testi, p. 85-101. NARDOUT-LAFARGE, Élisabeth (2009), « La gloire du dernier. De La gloire des Pythre au cycle romanesque », dans Martine-Emmanuelle Lapointe et Laurent Demanze (dir.), dossier « Figures de l’héritier », Études françaises, volume 45, no 3, p. 41-56. RUBINO, Gianfranco (2007), « La pression du passé : Olivier Rolin », dans Gianfranco Rubino (dir.), Présences du passé dans le roman français contemporain, Rome, Studi e Testi, p. 103-116. SCAIOLA, Anna Maria (2007), « Les jours de brume de Napoléon. Sur la trilogie de Patrick Rambaud », dans Gianfranco Rubino (dir.), Présences du passé dans le roman français contemporain, Rome, Studi e Testi, p. 141-160. VAN ACKER, Isa (2009), « La question de l’héritage dans Le Testament français d’Andreï Makine », dans Béatrice Jongy et Annette Keilhauer (dir.), Transmission/héritage dans l’écriture contemporaine de soi, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal (coll. « Littératures »), p. 117-127. VIART, Dominique (2007), « Témoignage et restitution. 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