BELLETO, René, Mourir, Paris, P.O.L., 2002, 276 p. **1.Degré d’intérêt général** **2. Informations paratextuelles** 2.1 Auteur : Belleto, René 2.2 Titre : Mourir 2.3 Lieu d’édition : Paris 2.4 Édition : P.O.L. 2.5 Collection : - 2.6 (Année [copyright]) : 2002 2.7 Nombre de pages : 276 2.8 Varia : Le livre est un diptyque, on ne saurait dire s’il s’agit de deux « nouvelles » complémentaires ou d’un roman construit en deux temps et trouvant son unité dans la voix d’un narrateur qui paraît parfois unique et parfois double. **3. Résumé du roman** Fourni sur le site Internet de P.O.L. : « Un homme, avec une somme d’argent volée, paie la rançon réclamée par les ravisseurs d’une femme qui n’est pas la sienne, qu’il n’a vue qu’en photo. Un autre homme met en scène sa propre mort pour échapper à une femme dont l’amour l’angoisse. Deux histoires mêlent leurs mots, leurs images et leur humour désespéré pour qu’un seul roman les rassemble, et éloigne la mort. » **Résumé pour le projet** La première partie du roman s’intitule modestement « Premier testament » et elle met en scène un homme, Sixte, qui s’enfuit d’un motel miteux où il réside depuis un temps indéfini pour finalement entrer par effraction dans un bâtiment d’une banlieue cossue. Il se retrouve par erreur dans un appartement où il se voit confié par une lettre la mission de remettre une rançon d’un million de francs aux ravisseurs de la femme qui, normalement, vit dans cet appartement. Le rendez-vous auquel Sixte est convié se révèle une supercherie ; la femme qu’il retrouve a été payée pour se substituer à la véritable victime. Plutôt que de chercher à résoudre l’énigme, qui visiblement importe peu dans l’économie du récit, le narrateur et cette femme partent ensemble pour l’Espagne, où ils consomment, reclus dans la Casa Margarita, un amour passionnel. La deuxième partie de l’histoire raconte l’histoire d’amour d’un narrateur qui, en plusieurs aspects, rappelle celui de la première partie, et d’Anita. La relation se met à battre de l’aile quand Anita manifeste des signes de jalousie à l’endroit des anciennes amantes du narrateur. Celui-ci use de diverses stratégies pour apaiser Anita ; à court de ressources, il choisit de simuler sa propre mort. Lorsqu’il décide, en bon Jésus que promet l’intitulé de la partie, de ressusciter et de retrouver Anita, il apprend que celle-ci est morte. Il fait alors le vœu pieu de vivre en ne pensant qu’à elle. À la fin, on lui apprend qu’Anita est vivante. Il se rend à un rendez-vous où il croit la revoir et se trouve face à face avec son double. **4. Singularité formelle** Le roman est construit en deux parties dont le fil conducteur est plus analogique que syntagmatique ; analogie des histoires, de motifs, des prétextes (rendez-vous manqués, livres retrouvés que le narrateur complète par sa propre histoire, histoires d’amour compromises par des événements en apparence banals, etc.). On pourrait parler d’une construction romanesque proche de celle du recueil, chaque section du roman étant divisée en chapitres eux-mêmes composés de fragments. Il peut être intéressant de relever que le roman, faussement encyclopédique et didactique par moments choisis, comprend une section de photocopies d’images appuyant cette « fonction » du narrateur. **5. Caractéristiques du récit et de la narration** La narration est menée par un seul narrateur qui met en évidence son rôle d’organisateur du récit en multipliant les adresses au lecteur et les clins d’œil à la progression du récit, qu’il retarde ou accélère à son gré et de façon ostensible. Il s’agit, en ce sens, d’un narrateur non fiable dans la mesure où il exhibe sa gestion de la divulgation de l’information. **6. Narrativité (Typologie de Ryan)** 6.1- Simple 6.2- Multiple **6.3- Complexe (« livre dans le livre » mais changement entre les niveaux qui n’est pas signalé par le texte ; c’est en passant de l’époque contemporaine à un français d’avant Louis XV qu’on réalise le glissement qui s’est effectué).** 6.4- Proliférante 6.5- Tramée 6.6- Diluée 6.7- Embryonnaire 6.8- Implicite 6.9- Figurale 6.10- Anti-narrativité 6.11- Instrumentale 6.12- Suspendue Justifiez : **7. Rapport avec la fiction** - **8. Intertextualité** Foisonnante. La bible est sans doute l’intertexte le plus structurant d’un point de vue formel, mais les références se multiplient d’un fragment à l’autre. La musique classique et l’univers pictural du siècle d’or espagnol sont particulièrement importants. **9. Élément marquant à retenir** La fragmentation (forme près de celle du recueil) ; les quêtes sans cesse abandonnées et comportant des motivations douteuses ; les images. Extraits : p. 43-44 - « Je m’avançai le long d’un couloir orné de peintures. Une autre surprise m’attendait : dans un grand salon, deux hommes d’une cinquantaine d’années (dont l’un avait la tête réduite et congestionnée, une véritable tête de ver luisant, et l’autre des cheveux blancs si longs que je le pris d’abord pour une femme) gisaient étendus sur le sol, baignant dans leur sang. Chacun tenait une arme à la main. Sur une table, une mallette ouverte emplie de billets de banque. Je vis également sur le sol un trousseau de mille clés, ce genre de trousseau qui sert aux hors-la-loi pour ouvrir n’importe quelle porte. Que s’était-il passé ? Eh bien, l’un des deux hommes était entré par effraction, pour voler l’argent. Ou pour reprendre de l’argent qu’il estimait être à lui. L’autre (Louis M.) l’avait surpris, et ils s’étaient entretués. Voilà. Du geste le plus naturel du monde, je m’emparai de la mallette et décidai d’aller m’installer au quatrième ou au sixième, tant pis, ailleurs que chez les M. » p. 57 – Je lui racontai ma propre histoire, et nous tentâmes de reconstituer celle des deux autres : le ravisseur avait-il l’intention de réclamer une deuxième rançon, voire une troisième ? Ou bien (Reine en eut l’idée) la phoniatre était-elle complice et avait-elle décidé – l’appréciation indulgente de Louis sur son absence de méchanceté eût été alors erronée – de persécuter son mari, de le dépouiller, de l’anéantir ? Nous ne le saurions jamais. Et, les minutes passant, nous oubliâmes, car le lien immédiat qui nous avait unis, Reine et moi, occupait tout entier notre esprit. » p. 168 - « Yves reprit l’avion pour Madrid le soir même. Mais trois jours plus tard (j’avais à peine eu le temps de faire l’apprentissage hébété de mon état de mort vivant), trois jours plus tard, un samedi, il dut revenir : coup de tonnerre, Anita voulait se recueillir sur ma tombe le lendemain dimanche ! Alecta était en tournée. Anita avait appelé « Simone » à Madrid et lui avait demandé de l’accompagner. Seule, elle n’aurait pas le courage. Pourquoi ? Pourquoi s’imposait-elle cette épreuve ? Parce qu’elle doutait ? Parce que le doute, à l’issue d’un long et sinueux parcours dans le réseau de ses circonvolutions cérébrales, exerçait parfois une légère pression sur la fine enveloppe de sa conscience claire ? Cherchait-elle à s’assurer, tel un enquêteur, que j’étais bien mort ? Je ne pus m’empêcher d’y penser. »