FICHE THÉORIQUE PROBLÉMATIQUE VIE/ŒUVRE
Auteur : BUISINE, Alain Titre : « Biofictions » Revue : Revue des sciences humaines Année : 1991, n° 224 (octobre-décembre) Pages : 7-13
Le biographique, « tout au moins ses plus intéressantes expérimentations contemporaines, n’a pas oublié les leçons de notre modernité » (1991 : 10) ; « le biographique n’est plus l’autre de la fiction. » (1991 : 10) La biofiction est une biographie qui ne se soumet plus à l’exactitude référentielle des documents (1991 : 10), elle est « elle-même devenue productrice de fictions, bien plus elle commence à comprendre que la fictionnalité fait nécessairement partie du geste biographique. » (1991 : 10)
En somme, une biofiction n’est pas un roman biographique ou une biographie romancée, ou n’est pas que ça, mais bien plus un hybride de biographique et de romanesque conscient de la nécessaire fictionnalité du geste de l’écriture biographique. Car dans ces biofictions (Éblouissements de Pierre Mertens, par exemple), il « n’existe plus aucune opposition tranchée entre l’imagination littéraire et le document authentique, entre la fiction à l’œuvre et la “vérité” d’une vie, les intuitions personnelles du biographe et les révélations des proches, les inévitables projections autobiographiques du biographe et l’existence effectivement vécue de l’autre. » (1991 : 11)
Bref : « [l]e biographique est [avec les biofictions] toujours plus engagé dans la fiction. » (1991 : 11) « C’en est fini de l’illusion positiviste d’une possible résurrection littéraire du sujet comme totalité venant prendre sens dans un récit ordonné. L’autre biographique est nécessairement dépendant de la subjectivité autobiographique de son biographe. […] il ne subsiste qu’un sujet décentré, dispersé, évidé, parcellaire, éparpillé. Qui insiste néanmoins comme sujet éminemment particulier et singulier, comme individualité. » (1991 : 12)
La forme des biofictions : est nécessairement importante, mise de l’avant ; la biofiction est littéraire et mise sur le travail de l’écriture, ou plutôt sur la relation entre le biographé et le biographe qui écrit en tant que sujet la biographie d’un autre.
Le contenu des biofictions : Buisine ne cite que des biographies ou des romans biographiques qui mettent en scène des écrivains ou des poètes. En cela la biofictions est une biographie littéraire, telle qu’entendue dans le groupe de recherche (un écrivain qui écrit la biographie d’un écrivain).
L’énonciation des biofictions : peut être assumée par l’auteur qui figure sur la couverture sans que cela garantisse la factualité référentielle de l’ensemble de l’œuvre ; inversement, l’énonciation d’un roman biographique « biofictionnaire » ne sera pas assumée par l’auteur qui signe l’œuvre mais, ce roman ayant pour objet un être qui a appartenu au monde réel, le lecteur ne pourra pas nier le potentiel référentiel de ce roman.
La biofiction est à la biographie ce que l’autofiction est à l’autobiographie, avec tout ce que cela comporte de distance critique vis-à-vis du genre canonique, mais aussi de prétention littéraire parfois creuse qui tente d’alimenter une polémique partisane (fictionnaliste) qui occulte nécessairement certains textes qui viendraient contrebalancer ou nuancer les propos et qui n’est pas en reste de présupposés éloignés d’une « réalité » et de pétitions de principe.
Le rapport vie-œuvre, ici, en est un d’appropriation, où la vie d’un écrivain, si son œuvre est un intertexte qui appartient à tout le monde, devient un prétexte à roman(s) qui se permet(tent) toutes les libertés. On est ici dans la filiation de D. Viart, dans le retour à une certaine tradition littéraire (les grands auteurs sont à nous), mais qui n’a pas oublié les leçons de la modernité.
La réflexion de Buisine est donc parallèle à celle de Viart, Puech, Oster, Diaz.