Genre(s) (littéraires ou autres) auxquels la revue consacre des « chroniques » : Pour la période 1998-2006, la section « chronique » de la revue est plutôt riche, alimentée par de nombreux collaborateurs : « essai/études », « roman », « poésie », « dramaturgie », « féminismes », « recherche » - apparaît aussi pour un temps la chronique « Littérature québécoise à l’étranger ». Les chroniques « roman » et « poésie » sont les plus récurrentes.
Nom de la chronique : « Roman »
Nom du chroniqueur : Michel Biron
Durée de la chronique : 1998-2006 pour la période Biron. Biron était déjà chroniqueur – il a signé sa première chronique au numéro 52 de l’automne 1992 – mais devient chroniqueur solo à partir de 1998 jusqu’à 2006. Frances Fortier fera une première chronique à l’hiver 2003 et viendra co-assurer la chronique « roman » avec Biron au printemps 2006 avant de le remplacer pour une courte période (aut. 2006 – hiver 2008)
Statut institutionnel du chroniqueur : Professeurs d’Université (McGill).
Forme de la chronique (consacrée à quel genre? Fait-elle quelques lignes ou quelques pages ? Y’a-t-il plusieurs livres dans la même chroniques? Etc.) :
La chronique « roman » est généralement consacrée à 3 ou 4 livres de l’actualité qui inspire au chroniqueur une réflexion permettant de lier les œuvres en question.
Place de la chronique dans l’économie globale de la revue : la chronique roman est la plus récurrente avec la chronique poésie durant cette période.
Événements littéraires québécois mentionnés : s.o.
Posture générale du critique (ton, point de vue, etc.) : Contrairement aux chroniqueurs précédents, Biron emploie le terme « contemporain » pour parler de la production qu’il commente. Ses chroniques sont aussi plus denses, plus étoffées et plus analytiques que toutes celles des chroniqueurs précédents.
Dans ses premières chroniques, Biron va commencer par l’œuvre qu’il juge la plus forte (sans le dire explicitement) ou la plus intéressante puis, pour la lier à la suite, il propose des hypothèses plus générales sur le roman contemporain. Ses réflexions sur la littérature actuelle vont ainsi d’abord se disséminer dans la chronique.
Au fil des chroniques, toutefois, sa parole va prendre l’envergure d’une véritable « chronique du roman québécois contemporain », voire d’un essai plus général tentant de cerner « ce qui se passe », « ce qui se fait ». D’abord porté par les grands poncifs du discours sur le contemporain (éclectisme, pauvreté de la production, roman en perte de vitesse, etc.), il n’en présentera pas moins des œuvres et des courants qu’ils jugent fortes et forts. Ainsi, quelque part au début des années 2000, on sent qu’il se passe quelque chose dans la production romanesque, que les œuvres acquièrent, sinon une certaine maturité, du moins une certaine légitimité aux yeux du chroniqueur qui va souligner beaucoup de « voix fortes » et beaucoup de « tendances » du roman actuel.
Réflexions générales sur la littérature québécoise contemporaine :
« Du style à l’écriture, enseignait jadis Roland Barthes, il y a toute la distance qui sépare la parole brute, biologique, d'un discours défini par sa destination, donc par sa nature sociale. Est-ce un hasard si j'ai le sentiment, à lire de front plusieurs romans québécois d'aujourd'hui, que, sous des styles on ne peut plus variables, ils se soutiennent d'une même écriture, fondée sur le plaisir du détachement, sur la «désentimentalisation» du roman, mais aussi sur un certain besoin d'adoration (tantôt la littérature, tantôt la pureté de l'enfance) ? » (1999 : 409-410) [cette chronique porte sur La petite fille qui aimait trop les allumettes de Soucy, Le désarroi du matelot de Delisle et Immobile de Chen]
« L'aveu final du narrateur de Première jeunesse [de Jean Larose], sa gêne de raconter (le verbe est intransitif chez Larose), pointe vers une difficulté plus générale du roman actuel. La principale fonction de celui-ci n'est peut-être plus, comme ce fut le cas pendant un siècle au moins, de raconter. Le roman aurait plutôt pour tâche première de témoigner. C'est du moins ainsi que se présentent de nombreux romans contemporains, comme La danse juive de Lise Tremblay. Il fut un temps où l'obésité de la narratrice de ce roman aurait été une simple caractéristique physique permettant au lecteur d'accorder ou non de la vraisemblance aux actions du personnage. Mais la narratrice de La danse juive n'est au centre d'aucune aventure en dehors de sa vie. Pour paraphraser une formule célèbre de Jean Ricardou, nous ne lisons plus l'aventure d'une femme obèse, mais l'obésité comme aventure, comme l'aventure de toute une vie . Puisqu'il y a malgré tout du récit, on peut bien continuer de parler de « roman », mais le romanesque a été absorbé et recyclé par une autre forme de récit, que nul terme ne désigne mieux, semble-t-il, que celui de témoignage. Certes, cela n'est pas nouveau : la littérature de témoignage est peut-être au XXe siècle ce que le roman réaliste fut au XIXe. Ses formes sont multiples, du récit de soi issu de la psychanalyse au reportage journalistique (témoignage direct de l'actualité) en passant par les livres et les films de témoignage associés à la guerre et, plus récemment, au sida. La nouveauté vient peut-être du fait que le récit de témoignage se détache aujourd'hui de l'événement ou, plus exactement, qu'il peut se passer de l'événement (d'une cause, dans tous les sens du mot), qu'il tire sa légitimité de cela même qui le rend obscène.
La littérature de témoignage, suggérait le critique Ross Chambers dans une conférence prononcée il y a deux ans à Montréal, constitue, au sens fort, une «pratique culturelle». Elle ne se construit pas à la façon d'un genre précis et ne cherche pas à transgresser les limites des genres existants comme l'a fait durant quelques années le Nouveau Roman. Elle détourne les genres dont dispose l'écrivain ou l'artiste et donne à voir des objets qui n'appartiennent pas à l'ordre de la culture. C'est une littérature désoeuvrée qui a pour caractéristique de mettre à l'avant-scène ce qui d'ordinaire se trouve derrière les rideaux — d'où, au sens littéral, son obscénité. Elle tend à privilégier ce dont on ne peut pas parler (la mort) et ce dont on ne veut pas parler (le tabou). Le paradoxe, c'est qu'en faisant du tabou une sorte de thème obligé elle joue sans cesse «sur nos nerfs», sur notre fibre la plus sensible. Elle produit ainsi un effet de hantise sur l'ensemble de la sphère culturelle, comme si elle nous forçait à consentir, dans notre pratique de la culture, à ce qui là déborde. C'est une littérature non plus de l'imitation, de la mimesis, mais du surplus. » (1999 : 601-602)
Cette chronique se veut en soi une réflexion sur l’état actuel de la littérature et, se faisant, elle contient plusieurs remarques intéressantes. Elle est divisée en trois parties : la première table surtout sur une comparaison avec les années 1960 (1965 en particulier) et sur le manque d’inspiration actuelle. Voici l’ensemble de celle-ci (je souligne en gras les passages les plus significatifs) :
« Cher X, Il y a quelques semaines, vous me demandiez où en était le roman québécois et vous souhaitiez vivement que je profite de cette chronique quadrimestrielle pour aborder le sujet. Peut-être en effet une chronique comme celle-ci, légèrement en retrait de l'actualité littéraire, permet-elle de se poser une telle question. Mais, au risque de vous décevoir, je vous dirai d'emblée que je n'ai pas de réponse. Je doute même qu'on puisse répondre de façon satisfaisante, c'est-à-dire synthétique, à votre question. Tout de même, direz-vous avec un peu d'agacement, il doit bien y avoir quelques conclusions provisoires à tirer. C'est bien possible, sauf que, comment dire, pour tout vous avouer, mon opinion n'est pas très favorable. M'expliquer? Oui, je devrais le faire. Mais je me contenterai de cet aveu, car vraiment les raisons de s'enthousiasmer sont extrêmement rares par les temps qui courent. Même le dernier Ducharme, vous le savez si vous avez eu la patience de lire ma dernière chronique, ne m'a pas paru du meilleur cru. Devant une telle perspective, deux solutions : multiplier les précautions de toutes sortes ou aggraver mon cas. Vous devinerez, d'après le jugement qui suit, laquelle de ces solutions j'ai retenue.
Aucun roman québécois paru depuis quelques mois, j'allais dire depuis quelques années, ne s'impose de lui-même à l'attention de l'amateur de romans. Sur ma table, je ne vois rien qui puisse véritablement tenir compagnie. Je vois bien quelques rencontres qui justifient qu'on s'y arrête, mais rien de durable, rien de très engageant. Vu de loin, oui, on pourrait y croire, l'effet de masse est probant, on publie indéniablement beaucoup — beaucoup trop, disent les mauvaises langues. Mais une fois en présence des textes, le doute s'installe.
Ce n'est pas ça, se dit-on. Jadis, on aurait dit : ce n'est pas encore ça. C'était avant la Révolution tranquille, alors qu'on attendait impatiemment le grand roman, la bombe. Cela fit boum, plusieurs s'en souviennent comme si c'était hier, même si c'étaient des bombes de faible intensité. Vous qui n'êtes pas de cette génération- là — nous sommes frères en cela —, vous n'éprouvez toutefois aucune nostalgie pour cette époque. Il ne vous viendrait pas à l'esprit de dire : ce n'est plus ça. Tout simplement: ce n'est pas ça. Vous n'avez rien contre ce qui s'écrit, mais justement, cette absence de répulsion (avez-vous jamais essayé de vous représenter ce qu'un puriste comme François Hertel a pu éprouver la première fois qu'il a lu Le cassé de Jacques Renaud en 1964?) explique peut-être en partie votre tiédeur. On n'aime pas parce que, on aime malgré, disait Faulkner. Les écrivains les plus indispensables, les plus rares, ce sont ceux qui jettent de l'ombre sur nous. Aucun romancier de la génération précédente, sauf l'indispensable Ducharme, n'étend sur la nouvelle une ombre généreuse. Pas de «grantécrivain», pas de conflit de génération, pas de Père à tuer : le romancier d'aujourd'hui ne connaît d'autre école du roman que l'École elle-même, où il a étudié la création littéraire, où il enseigne peut-être la création littéraire.
Il n'y a pas eu non plus de «grantécrivain» pour faire de l'ombre aux romanciers de 1965, vous auriez raison de me le rappeler. En cela, la nouvelle génération ne se distingue pas radicalement de celle d'avant. Toutefois, écrire en 1965, c'était écrire dans la collectivité, en consonance avec l'ensemble des textes, des discours de la Révolution tranquille. En 2000, cette collectivité s'est fragmentée, les langages sociaux se sont atomisés, le romancier, lui, s'est professionnalisé, spécialisé : il écrit des romans pour les jeunes (ça marche bien, paraît-il), des fresques historiques, des romans populaires. Les gros romans ne manquent pas — phénomène relativement nouveau au Québec —, et ils vont désormais vers leur public comme la rivière se jette dans le fleuve. Quelques romanciers vivent ainsi de leur plume. Pourtant, jamais, depuis la Révolution tranquille, le roman québécois n'a-t-il été moins inspiré qu'actuellement. Une liste de noms ne serait pas utile ; vous avez compris ce que je veux dire.
J'ai employé ci-dessus l'expression «nouvelle génération», mais c'est à tort, car le roman actuel ne vient pas clairement d'une seule et même génération, du moins pas au sens à la fois historique et géographique qu'on a pu donner au terme «génération » en parlant des écrivains québécois qui ont tous eu vingt ans vers I960 et dont la plupart se sont rencontrés à Montréal. Les romanciers d'aujourd'hui se présentent en rangs dispersés et viennent de partout. L'un des romans les plus remarqués des dernières années a été écrit par l'écrivain gaspésien Jean Bédard, c'est-à- dire par un écrivain de province qui a fait son entrée sur la scène littéraire à l'âge de 49 ans. Si l'on ajoute à cela l'émergence d'écrivains immigrés, souvent évoquée comme un des traits majeurs de la nouvelle littérature québécoise, on aura une idée de la diversité des écritures actuelles. » (582-583)
La deuxième partie de la chronique porte sur les écritures migrantes (plurielles) et Biron pointe les voix importantes de ce courant : « De toutes les contributions d'écrivains venus d'ailleurs, nulle n'est plus remarquable en ce sens que celle d'écrivains haïtiens comme Emile Ollivier, Joël Des Rosiers et Dany Laferrière. » (583)
La troisième partie de la chronique cherche à énumérer les « nouvelles voix qui comptent », dont Christiane Frenette, Élise Turcotte, Lise Tremblay, Bruno Hébert, Hélène Rioux, Diane-Monique Daviau et Gaétan Soucy. « Ces romanciers ont en commun de présenter un homme ou une femme — le plus souvent il s'agit d'une femme — comme l'être d'une blessure. Il s'agit de portraits plus que de récits à proprement parler, et de portraits intimes dont l'axe central est un drame personnel, un malheur d'autant plus véritable qu'il n'appartient qu'à ce personnage et qu'il n'appelle aucune conclusion, aucune guérison. La société y est impuissante et lointaine, presque inexistante, réduite à une poignée de «proches», des voisins ou, plus souvent encore, la famille, maman en tête. Ce ne sont pas des tranches de vie qui sont racontées, mais la vie retranchée, la vie soustraite au mensonge social, arrachée au spectacle quotidien, fixée à jamais derrière une blessure qui peut prendre n'importe quelle forme. » (585)
Aussi : « Dans le roman québécois actuel, il n'est pas rare que le héros se retrouve ainsi, sans trop le désirer, en marge de toute société, dans une sorte d'arrière-pays dépeuplé où il fait l'expérience de la vie sauvage après celle de la vie urbaine. » (586)
Note : ce regard un peu pessimiste se modifiera-t-il après 2000? – En tout cas, les formules du genre « roman le plus inspiré de l’année » reviendront.
Rouge, mère et fils de Suzanne Jacob : « roman le plus inspiré de l’année » (138) – « Avec ce roman important, où toutes les lois, y compris celles de la vraisemblance, n’offrent presque plus de résistance, Suzanne Jacob confirme qu’elle est devenue l’une des voix majeures du roman québécois actuel, la plus sensible peut-être au désarroi de la nouvelle génération. » (2001 : 138) À propos de Dans la foudre et la lumière de Marie-Claire Blais : « C’est là, bien sûr, le propre du monde contemporain, que de rendre évanescente la matière du monde. En ce sens, nul roman n’est plus contemporain que celui de Marie-Claire Blais. » (140)
Importance actuelle, dans les médias, de la question de la filiation « sous l’angle d’un malaise propre à notre époque » (566)
– « Comment écrire si l'on n'écrit pas contre son père ou ses maîtres? Comment l'écrivain peut-il identifier ses loyaux adversaires si le mot d'ordre de la littérature contemporaine est l'éclectisme ?
Le roman contemporain porte, lui aussi, la marque de cette thématique obligée. Bien qu'on le présente généralement comme trop diversifié pour être catégorisable, le roman des dix ou vingt dernières années ne cesse de raconter les mêmes histoires de filiation. Cela commence généralement par la découverte d'un cadavre, celui du père de préférence. […]
Ces questions, on se les pose sans doute un peu partout aujourd'hui, aux États-Unis, en France ou ailleurs. Il me semble qu'elles prennent toutefois un sens particulièrement fort au Québec. Il serait ridicule de prétendre expliquer pourquoi en quelques mots, mais je ne peux m'empêcher de penser que la situation actuelle n'a pas le même caractère de nouveauté, vue d'ici. Haïr la famille, le père ou le bourgeois, ce ne fut jamais la grande affaire du roman québécois. Le désarroi des personnages contemporains, nous le connaissons depuis toujours pour ainsi dire. Le roman québécois s'est élaboré loin du déterminisme familial à la Zola et plus loin encore du rejet du personnage traditionnel décrété par le Nouveau Roman. Ces formes-là ont non seulement marqué ailleurs (en France surtout) l'évolution du genre, mais elles reposaient aussi sur une logique oppositionnelle qui définissait à jamais le lien unissant l'individu à sa famille, à sa classe, à sa société. Rien de tel au Québec : nous entrons dans le roman contemporain comme si nous y avions toujours été, comme si l'individu désorienté d'aujourd'hui ressemblait, tel un frère, à celui d'hier. » (566-567)
– « Le fils de Jimi, premier roman de Germaine Dionne […] est tout à fait typique du roman québécois contemporain. » (567) – « Du reste, les ellipses narratives ne prétendent pas plus produire un effet d'étrangeté que briser les conventions de la représentation romanesque. Certains seront même tentés d'y voir un recul par rapport aux expériences formelles de naguère. Mais ce serait oublier que la fiction contemporaine, elle aussi, est la fille de personne. Ses parents sont morts ou disparus et ils lui ont laissé un héritage confus, fait de bric et de broc. » (569)
« Roman d’une nouvelle subjectivité [Louis Gauthier, Voyage au Portugal avec un allemand], roman ultracontemporain [Le cœur est un muscle involontaire de Monique Proulx], roman historique [Mistouk de Gérard Bouchard] : ce sont là, à bien y penser, trois orientations majeures du roman québécois actuel, si tant est qu’une classification comme celle-ci ait quelque sens aujourd’hui. » (166)
« Les trois romans dont il sera question dans cette chronique n’intéresseront pas les amateurs d’histoires bien ficelées, de « vraies » intrigues avec rebondissements et suspens ou d’ambitieuses fresques sociales. De tels romans tendent d’ailleurs à se faire rares aujourd’hui, particulièrement au Québec, où l’art romanesque a longtemps été entravé par des considérations extérieures, tantôt idéologiques tantôt formelles. Jacques Poulin, France Daigle et Élise Turcotte constituent de bons exemples d’écritures délicates et retenues, incompatibles avec le roman à grand déploiement. Dans chacun des cas, l’écriture cherche moins à ouvrir les vannes de l’imagination romanesque qu’à créer un univers symbolique à partir de l’expérience personnelle du monde. Tous trois composent un tableau de petite dimension, qui ressemble à un détail d’un tableau plus vaste qu’on ne verra toutefois jamais. Il y a aussi autre chose qui rapproche ces trois auteurs : appelons cela du symbolisme soft, appelé à la rescousse d’un réalisme un peu fatigué de lui-même. » (167-168)
« Parmi les commentaires souvent entendus à propos du roman québécois, celui qui déplore son misérabilisme tient presque du cliché. Pourquoi n’a-t-on pas ici aussi un roman joyeux, débridé, porté par une imagination aussi vaste et féconde que chez les romanciers du reste de l’Amérique (de Gabriel García Marquez à Carlos Fuentes en passant par Philip Roth) ? Pourquoi notre solitude n’a-t-elle pas cent ans comme ailleurs ? À ceux qui posent de telles questions, les romans abordés dans cette chronique ne plairont pas. La réalité y est souvent grise, pauvre et triste. J’oserais même dire que c’est l’une de leurs principales forces. » (145-146)
« L’écriture subtile, délicate et retenue de Christiane Frenette est peut-être moins éloignée qu’elle ne le croit de l’esthétique contemporaine et d’un certain refus de l’éclat, du spectaculaire. Elle tient tout à la fois du vœu de modestie et de la maîtrise technique, d’une nécessité intime et d’une croyance très relative aux vertus sociales de la littérature. L’écrivain contemporain aime les « vies minuscules » (Pierre Michon) plus que les vies de héros. Il s’intéresse à cette part de l’humain qui traîne à nos pieds sans qu’on s’en rende compte. Comme les morceaux de verre que Christiane Frenette récupère sur le bord du fleuve et qui sont façonnés secrètement par le temps qui passe. » (151)
À la fin de cette chronique, Biron tente une synthèse et remarque une parenté de 3 des 4 œuvres analysées avec le genre poétique. Selon lui, cela dit quelque chose de la tradition romanesque au Québec : « Formulons une hypothèse rapide pour conclure. Cette tradition romanesque apparaît, plus qu’ailleurs, soutenue par le poème. Peu importe que le romancier soit lui-même ou non un poète : l’ordre de la fiction est d’avance contaminé par l’ordre du poème. Ceux qui se plaignent de la tristesse de ce roman n’ont peut-être pas entièrement tort d’être déroutés. N’étant pas eux-mêmes des lecteurs de poèmes, ils ne savent pas trop comment lire de tels romans poétiques. Ce n’est pas leur genre, tout simplement. » (152)
Sur le réalisme qui « n’a jamais été aussi florissant », qui « apparaît aujourd’hui débarrassé de ses anciennes doctrines et porté par une nouvelle évidence », etc. (163)
À propos de L’histoire de Pi : « il incarne moins un nouveau Robinson refaisant tout le chemin de la civilisation moderne qu’une forme d’idéalisme contemporain où se trouvent enfin réconciliés le combat pour la survie individuelle, le désir d’une communauté élargie et le sentiment religieux. » (165)
Les quatre premiers romans dont il sera question : • Pascale Quiviger, Le cercle parfait, L’instant Même, 2003; • Josée Bilodeau, La nuit monte, Montréal, XYZ, 2003; • Emmanuelle Brault, Le tigre et le loup, Montréal, Boréal, 2003 • Danielle Phaneuf, La folle de Warshaw, Montréal, Les Éditions Marchand de feuilles, 2004.
« Depuis quelques années, les éditeurs et les critiques en ont fait un label pour tenter d’attirer des lecteurs curieux de découvrir de nouvelles voix. Au Québec, on a même créé le prix « Robert Cliche » pour honorer l’auteur d’un premier roman. En voici quatre, choisis non seulement pour leur qualité de « premier roman », mais parce qu’ils sont tout simplement parmi les bons romans de la dernière année. À la lumière de ce rapprochement, on serait tenté d’esquisser le portrait de la nouvelle génération d’auteurs et d’indiquer dans quelle direction évolue le roman actuel. Mais ce qui caractérise surtout ces premiers romans, c’est de n’avoir guère de caractéristiques communes, ni par l’écriture, ni par les thèmes, ni par les références géographiques, sociales ou littéraires. Chaque texte crée son monde, souvent à partir d’une expérience personnelle, donc irréductible à des racines collectives. C’est peut-être un trait de notre époque que d’aborder les choses par le petit bout de la lorgnette, comme si toute perspective générale, tout regard en surplomb, toute ambition totalisante étaient forcément suspects et réducteurs. (153)
À force de chercher tout de même le semblable dans le pluriel, on finit pourtant par trouver une sorte de sensibilité comparable dans chacun de ces textes. Tous troquent l’ancienne prétention explicative du roman réaliste au profit d’une vision plus descriptive et surtout plus individuelle et plus intérieure. Il est beaucoup question du corps, de la mémoire intime, de l’expérience amoureuse dans ces premiers romans. Mais il ne s’agit pas d’opposer au monde social inauthentique la vérité de l’expérience vécue en privé : la relation amoureuse devient ici le symbole de toute relation humaine. Loin de marginaliser le personnage en l’isolant des autres, l’amour constitue le moyen de s’engager à nouveau dans le monde, de recréer un lien social dont la fragilité ne cesse d’apparaître au fil de ces romans. Il y a autre chose qui unit chacun de ces textes de façon implicite : l’histoire ne finit généralement pas trop mal, même si l’on est loin des scénarios hollywoodiens. C’est comme si on en avait un peu assez de parler de désastre, quitte à réenchanter un peu le monde. Tout est dans la nuance, dans cet « un peu » qui interdit de se jeter tête baissée dans l’avenir et qui interdit en même temps de se fermer complètement à tout avenir quand ce n’est pas à un certain au-delà. D’où enfin un dernier élément qui affleure plus ou moins nettement dans le roman contemporain : la dimension spirituelle. Ces romans n’y échappent pas, même si, là encore, la question religieuse s’exprime sur des modes très différents. Cela n’en fait pas des romans religieux pour autant, mais la fascination pour le mystère, voire la superstition ou le mysticisme, n’en est pas moins bien réelle chez les personnages rencontrés dans ces romans. Encore là, ce n’est pas une façon de se retirer du monde, mais au contraire un moyen de l’habiter davantage, de s’y engager corps et âme. » (153-154)
Conclusion : « Que conclure de ce rapide examen de quatre premiers romans ? L’échantillon est probablement trop petit et trop arbitraire pour qu’on puisse proposer des remarques plus générales. Le fait qu’il s’agit de quatre romans écrits par des femmes signifie-t-il quelque chose ? Il est permis d’en douter, sauf pour constater qu’ils sont tous centrés autour d’un personnage féminin. Sur le plan formel, il ne semble rien y avoir de commun entre ces écritures, qui pointent toutes dans des directions différentes. De même, chacun de ces romans décrit des univers référentiels très éloignés les uns des autres : le village italien chez Pascale Quiviger, la ville chez Josée Bilodeau, les vastes territoires de l’Orient chez Emmanuelle Brault et le quart monde chez Danielle Phaneuf. Dans chacun des cas, il y a pourtant quelque chose qui revient sans cesse : le personnage se sent séparé du monde malgré lui. Il ne le fait pas exprès et la cause de sa solitude n’est jamais nette. Il n’y a pas de barrière avouable entre lui et le monde : les frontières sociales et politiques semblent avoir disparu ou être devenues suffisamment poreuses pour qu’on puisse circuler d’un groupe à un autre, d’un pays à un autre. Mais un mur d’un autre type s’est élevé entre l’individu et le monde, et le personnage étouffe ou a des accès de colère qu’il ne s’explique pas. En apparence, tout va bien ou, du moins, tout devrait bien aller. Or, ça ne va pas. Ce que ces personnages ont en commun, c’est peut-être finalement une colère rentrée qui donne à leur regard une inquiétude d’autant plus troublante qu’il ne se passe à peu près rien autour d’eux, que le monde ne réagit plus. Disons-le autrement : ces romans habitent des lieux extrêmement diversifiés, mais ils partagent tous le même temps suspendu, à l’intérieur duquel rien jamais ne peut advenir sauf dans les souvenirs ou dans l’imaginaire. En cela, ce sont bien des romans contemporains au sens le plus fort du terme : les personnages y sont soumis à une simultanéité qui exclut d’avance tout espoir de durée. Ils ne font pas que marcher tranquillement avec leur temps : ils sont littéralement enchaînés à ce temps trop présent, épais comme un mur. » (158-159)
« Quand un critique se demande ce qu’il en est de la littérature aujourd’hui, que ce soit ici ou ailleurs, c’est généralement pour regarder du côté de la colonne des pertes : absence de grands auteurs, désengagement des écrivains, triomphe de l’image sur le texte, etc. Mais n’y a-t-il pas tout de même, au travers du décentrement avéré de la littérature, quelques nouveautés ? N’y a-t-il pas quelque part une colonne des gains ? On peut penser, par exemple, à certains types de textes particulièrement émouvants qui n’auraient jamais vu le jour il y a quarante ans. Ce sont des textes extrêmement personnels, des récits de soi qui s’écrivent à la frontière entre la littérature et le témoignage intime. Plusieurs n’hésiteraient pas à les placer dans la colonne des pertes, comme s’ils étaient une preuve supplémentaire de ce que l’écriture soi-disant littéraire n’est plus aujourd’hui que l’expression tristement authentique d’un « vécu ». Neuf fois sur dix, c’est en effet le cas. Mais il arrive que ces récits de soi soient autre chose qu’une simple thérapie par l’écriture, qu’ils ouvrent une fenêtre sur notre monde. » (133)
C’est le cas, selon lui, de Dernier automne de Pierre Monette parce que « ce récit oppose à la logorrhée actuelle, c’est-à-dire au bavardage (médiatique, littéraire, savant, etc.) et aux interminables discours du moi un langage fondé sur une parole qui n’a d’autre qualité que celle d’être juste, de prendre la mesure des choses à un moment où l’existence frôle dangereusement le vide » (134).
Conclusion : « Les quatre romans ou récits réunis dans cette chronique appartiennent à l’évidence à des esthétiques très différentes, même si l’on retrouve dans chacun d’eux un je à la quête de lui-même. Encore une fois, comme c’est presque toujours le cas avec la littérature contemporaine, il paraît futile de chercher à tout prix une ressemblance formelle ou thématique quand c’est justement l’hétérogénéité de ces je qui les caractérise. Deux remarques toutefois permettent d’établir, pour conclure, un certain rapprochement. Tout d’abord, il est frappant de voir à quel point les quatre je sont seuls au monde, même lorsqu’ils sont entourés d’amis ou de proches. Le lien qu’ils entretiennent avec la société est extrêmement fragile. Il exclut d’ailleurs toute forme de violence ou d’agressivité. Au contraire, ces personnages se distinguent par leur résignation, leur fatalisme. Au lieu de s’opposer au monde, ce qui serait une façon d’y participer, ils penchent vers l’abnégation et l’effacement de soi. La seconde remarque concerne justement ce monde extérieur si pâle, si peu rassurant. Que ce soit la maladie, la mort, le suicide annoncé ou le meurtre crapuleux et gratuit, chacun de ces romans est placé sous le signe d’une fin abrupte. Il n’y a aucun refuge qui vaille : c’est au cœur de la vie intime que le désastre éclate soudain. Nous ne sommes pas à l’ère des grands bouleversements sociaux. Dans ces quatre fictions, il n’y a pas la moindre guerre, pas la moindre révolution, pas la moindre crise sociale. Pourtant, même si le bruit et la fureur du monde semblent lointains ou étouffés, on ne parvient jamais à oublier qu’il y a, pour reprendre l’expression de Paule Noyart, « le chaos dedans et dehors ». » (139)
Sur le roman familial contemporain et les récits de filiation. « Un siècle après le fameux cri d’André Gide, « Familles, je vous hais », on n’en finit plus de lire des romans de la filiation qui mettent en scène et en question les figures paternelles et maternelles. C’est un des grands thèmes contemporains, une sorte d’obsession qui ne se réduit toutefois pas à la haine des familles exprimée par Gide. Celui-ci parlait des familles et ce pluriel donnait à sa détestation une portée collective comme s’il s’attaquait moins à sa propre famille qu’à l’institution bourgeoise appelée « famille ». En régime contemporain, chaque roman familial décrit un univers singulier et résolument privé dans lequel le lecteur entre comme un voyeur ou en espérant simplement reconnaître des éléments qui lui permettent de reconstruire sa propre histoire familiale. Loin de vouloir s’affranchir d’une structure trop rigide, l’individu contemporain cherche désespérément à rétablir les liens de sa généalogie, à se reconstruire un passé qui soit véritablement le sien et grâce auquel il puisse jeter sur sa vie présente une lumière qui lui fait cruellement défaut. L’opposition entre la génération des parents et celle des enfants ne suffit pas à définir un tel appétit de relations. Elle n’est plus qu’un aspect parmi d’autres du roman familial contemporain. » (153)
Élection de certaines œuvres ou certains écrivains :
Jacques Poulin : Dans sa chronique « Des héros très discrets » (no 70, p. 197-202), Biron parle du dernier Poulin, Chat sauvage et dit de l’œuvre de Poulin qu’elle développe sa propre écriture romanesque : « De quatre ans en quatre ans, Poulin publie des romans extrêmement reconnaissables, toujours le même disent les mauvaises langues. Dans les dernières œuvres, on dirait même que les choses s'aggravent et que l'auteur, loin de chercher à éviter qu'on lui reproche de manquer d'imagination, s'amuse à creuser davantage le même sillon. Mais est-ce vraiment un seul sillon? Pour ma part, j'en doute et trouve au contraire que cette écriture si peu originale en apparence est traversée par des sillons plus nombreux que dans la plupart des romans contemporains. Combien d'écrivains au Québec ont développé ainsi leur propre écriture romanesque de façon durable? Gabrielle Roy, Ferron, Ducharme, sans doute, mais y en a-t-il beaucoup d'autres ? » (1998 : 198)
Ducharme : Lors de la parution de Gros mots, Biron lui consacre une chronique entière, ouvrant sur l’idée que Ducharme prolonge « une œuvre romanesque dont je ne vois pas l’équivalent dans la littérature québécoise » (2000 [74] : 379). Mais, bien sûr, il s’agit, comme avec Poulin, d’un écrivain déjà consacré. Par ailleurs, le dernier Ducharme révèle des faiblesses et la critique n’est pas dithyrambique.
Gilles Archambault : Biron l’aime bien, en dépit de ses défauts. Trouve une constance dans son œuvre et c’est quelque chose qu’il admire. Aussi : « […] l’écriture d’Archambault, en dépit de ses allures méfiantes, extérieures, presque misanthropes, participe pleinement au relativisme actuel. Elle le fait toutefois avec une maîtrise, une élégance que plusieurs écrivains seraient en droit de lui envier. » (2001 [77] : 403)
Rouge, mère et fils de Suzanne Jacob : « roman important » - « le plus inspiré de l’année » (voir plus haut – chronique « Le roman contemporain »).
Ying Chen : « De roman en roman, elle confirme la justesse de sa voix, l’une des plus remarquables de la littérature actuelle. » (2002 #81 : 570) Elle incarne un courant qu’il nomme « nouvelle subjectivité » : « Peu d’écrivains au Québec incarnent mieux que Ying Chen ce qu’on appelle la nouvelle subjectivité, ou en tout cas une certaine forme contemporaine d’écriture intérieure. » (2003 [85] : 139)
Dée de Michaël Delisle : « Ce court et impitoyable roman est l’un des romans québécois les plus réussis et les plus dérangeants de ces dernières années. » (2003 # 84 : 146)
Lise Tremblay : Son roman La héronnière « confirme la place de plus en plus grande de Lise Tremblay dans le paysage littéraire québécois d’aujourd’hui »; « un des talents les plus naturels de sa génération » (2004 [86] : 166)
Rachel Leclerc : « On y retrouve [dans Visions volées] l’écriture à la fois précise et poétique qui fait de Rachel Leclerc l’une des voix les plus talentueuses de la littérature québécoise contemporaine. » (2005 [89] : 139)
Nikolski de Nicolas Dickner : Biron rappelle l’accueil critique enthousiaste. « Avec raison, car il s’agit d’un roman porté par une allégresse et une sorte de délire imaginatif qui ne sont pas courants dans la littérature actuelle, où dominent les mille et une espèces d’écritures de soi. Ici, les fenêtres du monde s’ouvrent toutes grandes, et des personnages à moitié déjantés plongent dans l’époque actuelle à la recherche de leur origine. » (2005 [91] : 143-144)
Fugueuses de Suzanne Jacob : « L’un des romans les plus troublants et les plus inspirés de la dernière année. » (2006 [92] : 155)
Valorisation de lieux éditoriaux : non.
Valorisation d’événements littéraires : non.
Valorisation d’esthétique(s) particulière(s) :
Sans valoriser trop fortement une esthétique ou une autre, Biron est très attentif, voire sensible aux questions d’esthétique, et c’est souvent sur elles qu’il fera porter l’unité de sa chronique.
Par exemple, dans « Quatre enfants et un fantôme » (automne 1999 - 73), il ouvre sa chronique en disant que les cinq œuvres dont il parlera sont bien écrites mais résistent au romanesque (certaines portent d’ailleurs la désignation « récit ») – les personnages ne sont pas d’emblée romanesques, « c’est même leur pauvreté de personnage, leur indifférence, voire leur hostilité envers l’univers grandiose du roman qui les définit au bout du compte. » (1999 : 193) Biron défend plus ou moins consciemment une certaine conception du roman et c’est par rapport à cette conception qu’il tente de comprendre les mouvements du roman contemporain. Par exemple, en parlant de Putain de Nelly Arcan, il écrit : « La force du récit […] n’a rien de rassurant pour l’avenir du roman. Les avatars récents de l’autobiographie font peser sur le roman une menace sans précédent. » (2002 #80 : 339)
Autres valeurs ou enjeux défendus :
Une certaine conception de la littérature =
Sur la question du « métier d’écrire » dans une chronique consacrée à la nouvelle, Biron pose la question : « Mais la littérature est-elle vraiment un métier ? La question n’est pas sans rapport avec les transformations opérées depuis que la création littéraire est devenue une matière à enseignement comme une autre. En raison de sa brièveté, la nouvelle se prête particulièrement bien au format des ateliers d’écriture. Cela produit d’incontestables talents, des nouvellistes qui comprennent bien les règles du genre et qui en jouent avec confiance et ingéniosité. Jamais peut-être n’a-t-on vu autant d’écrivains ayant une telle virtuosité technique. Sans doute faut-il se féliciter d’un tel succès. Et pourtant, on cherche en vain la grande émotion, celle qui demeure après qu’on a rangé le livre dans la bibliothèque. Rien à voir avec les « coups de cœur » dont les libraires se servent pour nous assommer chaque semaine. Des livres où le métier serait là, mais invisible, au service d’autre chose qui ne s’enseigne peut-être pas et qui fait toute la grandeur de l’écrivain. » (2004 [88] : 130)
À propos de Dernier automne de Pierre Monette : « La mort et l’amour, ces deux grands thèmes de la littérature universelle, sont ici ramenés à leur plus simple expression. La littérature n’est plus une matière qu’on enseigne, une série d’auteurs, de courants esthétiques, de procédés d’écriture qu’il s’agit d’expliquer à des étudiants. Elle se confond avec la vie elle-même et se présente sous la forme désordonnée du journal. La beauté et l’originalité paraissent secondaires. On n’y pense guère et pourtant elles sont là, plus vraies encore de n’être pas recherchées. L’écriture oublie qu’elle est littérature et se présente comme un don, un hommage à la femme aimée en même temps qu’une méditation sur la mort. » (2005 [89] : 133-134)
On voit, à la lumière de ces observations, que Biron remet quelque peu en doute l’utilité de l’enseignement de la création, ou du moins ces poncifs, des effets d’épate à la mode pour privilégier une conception peut-être plus séculaire de la littérature.
Dans sa dernière chronique, intitulée « Professeurs d’espoir » [professeur au sens littéral de « professer »] il compare les écrivains négatifs et les écrivains positifs pour finalement établir une ligne de partage « entre les écrivains qui jouent aux professeurs et les autres qui ne professent pas ». Ceux qui « professent », selon lui, courent à la catastrophe esthétique. « Il y a là une forme de trahison de la littérature que l’époque actuelle encourage de mille manières et qui tend à donner raison à ceux qui voient se multiplier les signes de la fin de la littérature, y compris au Québec. » (2006[93] : 133)
Autres remarques :
Lecteur/lectrice : _Manon Auger_