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 **Réflexions générales sur la littérature québécoise contemporaine :**  **Réflexions générales sur la littérature québécoise contemporaine :** 
  
-o « Autour de quelques morts », Voix et Images, vol. XXIV, no 2, hiver 1999 (71), p. 407-412.+=== o « Autour de quelques morts », Voix et Images, vol. XXIV, no 2, hiver 1999 (71), p. 407-412. === 
  
 « Du style à l’écriture, enseignait jadis Roland Barthes, il y a toute la distance qui sépare la parole brute, biologique, d'un discours défini par sa destination, donc par sa nature sociale. Est-ce un hasard si j'ai le sentiment, à lire de front plusieurs romans québécois d'aujourd'hui, que, sous des styles on ne peut plus variables, ils se soutiennent d'une même écriture, fondée sur le plaisir du détachement, sur la «désentimentalisation» du roman, mais aussi sur un certain besoin d'adoration (tantôt la littérature, tantôt la pureté de l'enfance) ? » (1999 : 409-410) [cette chronique porte sur La petite fille qui aimait trop les allumettes de Soucy, Le désarroi du matelot de Delisle et Immobile de Chen] « Du style à l’écriture, enseignait jadis Roland Barthes, il y a toute la distance qui sépare la parole brute, biologique, d'un discours défini par sa destination, donc par sa nature sociale. Est-ce un hasard si j'ai le sentiment, à lire de front plusieurs romans québécois d'aujourd'hui, que, sous des styles on ne peut plus variables, ils se soutiennent d'une même écriture, fondée sur le plaisir du détachement, sur la «désentimentalisation» du roman, mais aussi sur un certain besoin d'adoration (tantôt la littérature, tantôt la pureté de l'enfance) ? » (1999 : 409-410) [cette chronique porte sur La petite fille qui aimait trop les allumettes de Soucy, Le désarroi du matelot de Delisle et Immobile de Chen]
  
-o « Obscénités du roman contemporain », Voix et Images, vol. XXIV, no 3, printemps 1999 (72), p. 598-604.+=== o « Obscénités du roman contemporain », Voix et Images, vol. XXIV, no 3, printemps 1999 (72), p. 598-604. === 
  
 « L'aveu final du narrateur de Première jeunesse [de Jean Larose], sa gêne de raconter (le verbe est intransitif chez Larose), pointe vers une difficulté plus générale du roman actuel. La principale fonction de celui-ci n'est peut-être plus, comme ce fut le cas pendant un siècle au moins, de raconter. Le roman aurait plutôt pour tâche première de témoigner. C'est du moins ainsi que se présentent de nombreux romans contemporains, comme La danse juive de Lise Tremblay. Il fut un temps où l'obésité de la narratrice de ce roman aurait été une simple caractéristique physique permettant au lecteur d'accorder ou non de la vraisemblance aux actions du personnage. Mais la narratrice de La danse juive n'est au centre d'aucune aventure en dehors de sa vie. Pour paraphraser une formule célèbre de Jean Ricardou, nous ne lisons plus l'aventure d'une femme obèse, mais l'obésité comme aventure, comme l'aventure de toute une vie . Puisqu'il y a malgré tout du récit, on peut bien continuer de parler de « roman », mais le romanesque a été absorbé et recyclé par une autre forme de récit, que nul terme ne désigne mieux, semble-t-il, que celui de témoignage. Certes, cela n'est pas nouveau : la littérature de témoignage est peut-être au XXe siècle ce que le roman réaliste fut au XIXe. Ses formes sont multiples, du récit de soi issu de la psychanalyse au reportage journalistique (témoignage direct de l'actualité) en passant par les livres et les films de témoignage associés à la guerre et, plus récemment, au sida. La nouveauté vient peut-être du fait que le récit de témoignage se détache aujourd'hui de l'événement ou, plus exactement, qu'il peut se passer de l'événement (d'une cause, dans tous les sens du mot), qu'il tire sa légitimité de cela même qui le rend obscène. « L'aveu final du narrateur de Première jeunesse [de Jean Larose], sa gêne de raconter (le verbe est intransitif chez Larose), pointe vers une difficulté plus générale du roman actuel. La principale fonction de celui-ci n'est peut-être plus, comme ce fut le cas pendant un siècle au moins, de raconter. Le roman aurait plutôt pour tâche première de témoigner. C'est du moins ainsi que se présentent de nombreux romans contemporains, comme La danse juive de Lise Tremblay. Il fut un temps où l'obésité de la narratrice de ce roman aurait été une simple caractéristique physique permettant au lecteur d'accorder ou non de la vraisemblance aux actions du personnage. Mais la narratrice de La danse juive n'est au centre d'aucune aventure en dehors de sa vie. Pour paraphraser une formule célèbre de Jean Ricardou, nous ne lisons plus l'aventure d'une femme obèse, mais l'obésité comme aventure, comme l'aventure de toute une vie . Puisqu'il y a malgré tout du récit, on peut bien continuer de parler de « roman », mais le romanesque a été absorbé et recyclé par une autre forme de récit, que nul terme ne désigne mieux, semble-t-il, que celui de témoignage. Certes, cela n'est pas nouveau : la littérature de témoignage est peut-être au XXe siècle ce que le roman réaliste fut au XIXe. Ses formes sont multiples, du récit de soi issu de la psychanalyse au reportage journalistique (témoignage direct de l'actualité) en passant par les livres et les films de témoignage associés à la guerre et, plus récemment, au sida. La nouveauté vient peut-être du fait que le récit de témoignage se détache aujourd'hui de l'événement ou, plus exactement, qu'il peut se passer de l'événement (d'une cause, dans tous les sens du mot), qu'il tire sa légitimité de cela même qui le rend obscène.
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-o « Lettre à un étudiant », Voix et Images, vol. XXV, no 3, printemps 2000 (75), p. 582-587.+=== o « Lettre à un étudiant », Voix et Images, vol. XXV, no 3, printemps 2000 (75), p. 582-587. === 
  
 Cette chronique se veut en soi une réflexion sur l’état actuel de la littérature et, se faisant, elle contient plusieurs remarques intéressantes. Elle est divisée en trois parties : la première table surtout sur une comparaison avec les années 1960 (1965 en particulier) et sur le manque d’inspiration actuelle. Voici l’ensemble de celle-ci (je souligne en gras les passages les plus significatifs) : Cette chronique se veut en soi une réflexion sur l’état actuel de la littérature et, se faisant, elle contient plusieurs remarques intéressantes. Elle est divisée en trois parties : la première table surtout sur une comparaison avec les années 1960 (1965 en particulier) et sur le manque d’inspiration actuelle. Voici l’ensemble de celle-ci (je souligne en gras les passages les plus significatifs) :
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 Aussi : « Dans le roman québécois actuel, il n'est pas rare que le héros se retrouve ainsi, sans trop le désirer, en marge de toute société, dans une sorte d'arrière-pays dépeuplé où il fait l'expérience de la vie sauvage après celle de la vie urbaine. » (586) Aussi : « Dans le roman québécois actuel, il n'est pas rare que le héros se retrouve ainsi, sans trop le désirer, en marge de toute société, dans une sorte d'arrière-pays dépeuplé où il fait l'expérience de la vie sauvage après celle de la vie urbaine. » (586)
  
- Note : ce regard un peu pessimiste se modifiera-t-il après 2000? – En tout cas, les formules du genre « roman le plus inspiré de l’année » reviendront.+__Note :__ ce regard un peu pessimiste se modifiera-t-il après 2000? – En tout cas, les formules du genre « roman le plus inspiré de l’année » reviendront. 
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 +=== o « Le roman contemporain », Voix et Images, vol. XXVII, no 1, automne 2001 (79), p. 136-142. ===
  
-o « Le roman contemporain », Voix et Images, vol. XXVII, no 1, automne 2001 (79), p. 136-142. 
  
 Rouge, mère et fils de Suzanne Jacob : « roman le plus inspiré de l’année » (138) – « Avec ce roman important, où toutes les lois, y compris celles de la vraisemblance, n’offrent presque plus de résistance, Suzanne Jacob confirme qu’elle est devenue l’une des voix majeures du roman québécois actuel, la plus sensible peut-être au désarroi de la nouvelle génération. » (2001 : 138) Rouge, mère et fils de Suzanne Jacob : « roman le plus inspiré de l’année » (138) – « Avec ce roman important, où toutes les lois, y compris celles de la vraisemblance, n’offrent presque plus de résistance, Suzanne Jacob confirme qu’elle est devenue l’une des voix majeures du roman québécois actuel, la plus sensible peut-être au désarroi de la nouvelle génération. » (2001 : 138)
 À propos de Dans la foudre et la lumière de Marie-Claire Blais : « C’est là, bien sûr, le propre du monde contemporain, que de rendre évanescente la matière du monde. En ce sens, nul roman n’est plus contemporain que celui de Marie-Claire Blais. » (140) À propos de Dans la foudre et la lumière de Marie-Claire Blais : « C’est là, bien sûr, le propre du monde contemporain, que de rendre évanescente la matière du monde. En ce sens, nul roman n’est plus contemporain que celui de Marie-Claire Blais. » (140)
  
-o « Le fils de personne », Voix et Images, vol. XXVII, no 3, printemps 2002 (81), p. 566-571.+=== o « Le fils de personne », Voix et Images, vol. XXVII, no 3, printemps 2002 (81), p. 566-571. === 
  
 Importance actuelle, dans les médias, de la question de la filiation « sous l’angle d’un malaise propre à notre époque » (566)  Importance actuelle, dans les médias, de la question de la filiation « sous l’angle d’un malaise propre à notre époque » (566) 
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 – « Comment écrire si l'on n'écrit pas contre son père ou ses maîtres? Comment l'écrivain peut-il identifier ses loyaux adversaires si le mot d'ordre de la littérature contemporaine est l'éclectisme ?  – « Comment écrire si l'on n'écrit pas contre son père ou ses maîtres? Comment l'écrivain peut-il identifier ses loyaux adversaires si le mot d'ordre de la littérature contemporaine est l'éclectisme ? 
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 Le roman contemporain porte, lui aussi, la marque de cette thématique obligée. Bien qu'on le présente généralement comme trop diversifié pour être catégorisable, le roman des dix ou vingt dernières années ne cesse de raconter les mêmes histoires de filiation. Cela commence généralement par la découverte d'un cadavre, celui du père de préférence. […] Le roman contemporain porte, lui aussi, la marque de cette thématique obligée. Bien qu'on le présente généralement comme trop diversifié pour être catégorisable, le roman des dix ou vingt dernières années ne cesse de raconter les mêmes histoires de filiation. Cela commence généralement par la découverte d'un cadavre, celui du père de préférence. […]
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 Ces questions, on se les pose sans doute un peu partout aujourd'hui, aux États-Unis, en France ou ailleurs. Il me semble qu'elles prennent toutefois un sens particulièrement fort au Québec. Il serait ridicule de prétendre expliquer pourquoi en quelques mots, mais je ne peux m'empêcher de penser que la situation actuelle n'a pas le même caractère de nouveauté, vue d'ici. Haïr la famille, le père ou le bourgeois, ce ne fut jamais la grande affaire du roman québécois. Le désarroi des personnages contemporains, nous le connaissons depuis toujours pour ainsi dire. Le roman québécois s'est élaboré loin du déterminisme familial à la Zola et plus loin encore du rejet du personnage traditionnel décrété par le Nouveau Roman. Ces formes-là ont non seulement marqué ailleurs (en France surtout) l'évolution du genre, mais elles reposaient aussi sur une logique oppositionnelle qui définissait à jamais le lien unissant l'individu à sa famille, à sa classe, à sa société. Rien de tel au Québec : nous entrons dans le roman contemporain comme si nous y avions toujours été, comme si l'individu désorienté d'aujourd'hui ressemblait, tel un frère, à celui d'hier. » (566-567)  Ces questions, on se les pose sans doute un peu partout aujourd'hui, aux États-Unis, en France ou ailleurs. Il me semble qu'elles prennent toutefois un sens particulièrement fort au Québec. Il serait ridicule de prétendre expliquer pourquoi en quelques mots, mais je ne peux m'empêcher de penser que la situation actuelle n'a pas le même caractère de nouveauté, vue d'ici. Haïr la famille, le père ou le bourgeois, ce ne fut jamais la grande affaire du roman québécois. Le désarroi des personnages contemporains, nous le connaissons depuis toujours pour ainsi dire. Le roman québécois s'est élaboré loin du déterminisme familial à la Zola et plus loin encore du rejet du personnage traditionnel décrété par le Nouveau Roman. Ces formes-là ont non seulement marqué ailleurs (en France surtout) l'évolution du genre, mais elles reposaient aussi sur une logique oppositionnelle qui définissait à jamais le lien unissant l'individu à sa famille, à sa classe, à sa société. Rien de tel au Québec : nous entrons dans le roman contemporain comme si nous y avions toujours été, comme si l'individu désorienté d'aujourd'hui ressemblait, tel un frère, à celui d'hier. » (566-567) 
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 – « Le fils de Jimi, premier roman de Germaine Dionne […] est tout à fait typique du roman québécois contemporain. » (567) – « Du reste, les ellipses narratives ne prétendent pas plus produire un effet d'étrangeté que briser les conventions de la représentation romanesque. Certains seront même tentés d'y voir un recul par rapport aux expériences formelles de naguère. Mais ce serait oublier que la fiction contemporaine, elle aussi, est la fille de personne. Ses parents sont morts ou disparus et ils lui ont laissé un héritage confus, fait de bric et de broc. » (569) – « Le fils de Jimi, premier roman de Germaine Dionne […] est tout à fait typique du roman québécois contemporain. » (567) – « Du reste, les ellipses narratives ne prétendent pas plus produire un effet d'étrangeté que briser les conventions de la représentation romanesque. Certains seront même tentés d'y voir un recul par rapport aux expériences formelles de naguère. Mais ce serait oublier que la fiction contemporaine, elle aussi, est la fille de personne. Ses parents sont morts ou disparus et ils lui ont laissé un héritage confus, fait de bric et de broc. » (569)
  
-o « Sortir de la littérature », Voix et Images, vol. XXVIII, no 1, automne 2002 (82), p. 166-170.+=== o « Sortir de la littérature », Voix et Images, vol. XXVIII, no 1, automne 2002 (82), p. 166-170. === 
  
 « Roman d’une nouvelle subjectivité [Louis Gauthier, Voyage au Portugal avec un allemand], roman ultracontemporain [Le cœur est un muscle involontaire de Monique Proulx], roman historique [Mistouk de Gérard Bouchard] : ce sont là, à bien y penser, trois orientations majeures du roman québécois actuel, si tant est qu’une classification comme celle-ci ait quelque sens aujourd’hui. » (166) « Roman d’une nouvelle subjectivité [Louis Gauthier, Voyage au Portugal avec un allemand], roman ultracontemporain [Le cœur est un muscle involontaire de Monique Proulx], roman historique [Mistouk de Gérard Bouchard] : ce sont là, à bien y penser, trois orientations majeures du roman québécois actuel, si tant est qu’une classification comme celle-ci ait quelque sens aujourd’hui. » (166)
  
-o « Le symbolisme soft », Voix et Images, vol. XXVIII, no 2, hiver 2003 (83), p. 167-173.+=== o « Le symbolisme soft », Voix et Images, vol. XXVIII, no 2, hiver 2003 (83), p. 167-173. === 
  
 « Les trois romans dont il sera question dans cette chronique n’intéresseront pas les amateurs d’histoires bien ficelées, de « vraies » intrigues avec rebondissements et suspens ou d’ambitieuses fresques sociales. De tels romans tendent d’ailleurs à se faire rares aujourd’hui, particulièrement au Québec, où l’art romanesque a longtemps été entravé par des considérations extérieures, tantôt idéologiques tantôt formelles. Jacques Poulin, France Daigle et Élise Turcotte constituent de bons exemples d’écritures délicates et retenues, incompatibles avec le roman à grand déploiement. Dans chacun des cas, l’écriture cherche moins à ouvrir les vannes de l’imagination romanesque qu’à créer un univers symbolique à partir de l’expérience personnelle du monde. Tous trois composent un tableau de petite dimension, qui ressemble à un détail d’un tableau plus vaste qu’on ne verra toutefois jamais. « Les trois romans dont il sera question dans cette chronique n’intéresseront pas les amateurs d’histoires bien ficelées, de « vraies » intrigues avec rebondissements et suspens ou d’ambitieuses fresques sociales. De tels romans tendent d’ailleurs à se faire rares aujourd’hui, particulièrement au Québec, où l’art romanesque a longtemps été entravé par des considérations extérieures, tantôt idéologiques tantôt formelles. Jacques Poulin, France Daigle et Élise Turcotte constituent de bons exemples d’écritures délicates et retenues, incompatibles avec le roman à grand déploiement. Dans chacun des cas, l’écriture cherche moins à ouvrir les vannes de l’imagination romanesque qu’à créer un univers symbolique à partir de l’expérience personnelle du monde. Tous trois composent un tableau de petite dimension, qui ressemble à un détail d’un tableau plus vaste qu’on ne verra toutefois jamais.
 Il y a aussi autre chose qui rapproche ces trois auteurs : appelons cela du symbolisme soft, appelé à la rescousse d’un réalisme un peu fatigué de lui-même. » (167-168) Il y a aussi autre chose qui rapproche ces trois auteurs : appelons cela du symbolisme soft, appelé à la rescousse d’un réalisme un peu fatigué de lui-même. » (167-168)
  
-o « Il a plu hier », Voix et Images, vol. XXVIII, no 3, printemps 2003 (84), p. 145-153.+=== o « Il a plu hier », Voix et Images, vol. XXVIII, no 3, printemps 2003 (84), p. 145-153. === 
  
 « Parmi les commentaires souvent entendus à propos du roman québécois, celui qui déplore son misérabilisme tient presque du cliché. Pourquoi n’a-t-on pas ici aussi un roman joyeux, débridé, porté par une imagination aussi vaste et féconde que chez les romanciers du reste de l’Amérique (de Gabriel García Marquez à Carlos Fuentes en passant par Philip Roth) ? Pourquoi notre solitude n’a-t-elle pas cent ans comme ailleurs ? À ceux qui posent de telles questions, les romans abordés dans cette chronique ne plairont pas. La réalité y est souvent grise, pauvre et triste. J’oserais même dire que c’est l’une de leurs principales forces. » (145-146) « Parmi les commentaires souvent entendus à propos du roman québécois, celui qui déplore son misérabilisme tient presque du cliché. Pourquoi n’a-t-on pas ici aussi un roman joyeux, débridé, porté par une imagination aussi vaste et féconde que chez les romanciers du reste de l’Amérique (de Gabriel García Marquez à Carlos Fuentes en passant par Philip Roth) ? Pourquoi notre solitude n’a-t-elle pas cent ans comme ailleurs ? À ceux qui posent de telles questions, les romans abordés dans cette chronique ne plairont pas. La réalité y est souvent grise, pauvre et triste. J’oserais même dire que c’est l’une de leurs principales forces. » (145-146)
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 À la fin de cette chronique, Biron tente une synthèse et remarque une parenté de 3 des 4 œuvres analysées avec le genre poétique. Selon lui, cela dit quelque chose de la tradition romanesque au Québec : « Formulons une hypothèse rapide pour conclure. Cette tradition romanesque apparaît, plus qu’ailleurs, soutenue par le poème. Peu importe que le romancier soit lui-même ou non un poète : l’ordre de la fiction est d’avance contaminé par l’ordre du poème. Ceux qui se plaignent de la tristesse de ce roman n’ont peut-être pas entièrement tort d’être déroutés. N’étant pas eux-mêmes des lecteurs de poèmes, ils ne savent pas trop comment lire de tels romans poétiques. Ce n’est pas leur genre, tout simplement. » (152) À la fin de cette chronique, Biron tente une synthèse et remarque une parenté de 3 des 4 œuvres analysées avec le genre poétique. Selon lui, cela dit quelque chose de la tradition romanesque au Québec : « Formulons une hypothèse rapide pour conclure. Cette tradition romanesque apparaît, plus qu’ailleurs, soutenue par le poème. Peu importe que le romancier soit lui-même ou non un poète : l’ordre de la fiction est d’avance contaminé par l’ordre du poème. Ceux qui se plaignent de la tristesse de ce roman n’ont peut-être pas entièrement tort d’être déroutés. N’étant pas eux-mêmes des lecteurs de poèmes, ils ne savent pas trop comment lire de tels romans poétiques. Ce n’est pas leur genre, tout simplement. » (152)
  
-o « Réalismes d’aujourd’hui », Voix et Images, vol. XXIX, no 2, hiver 2004 (86), p. 163-168.+=== o « Réalismes d’aujourd’hui », Voix et Images, vol. XXIX, no 2, hiver 2004 (86), p. 163-168. === 
  
 Sur le réalisme qui « n’a jamais été aussi florissant », qui « apparaît aujourd’hui débarrassé de ses anciennes doctrines et porté par une nouvelle évidence », etc. (163) Sur le réalisme qui « n’a jamais été aussi florissant », qui « apparaît aujourd’hui débarrassé de ses anciennes doctrines et porté par une nouvelle évidence », etc. (163)
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 À propos de L’histoire de Pi : « il incarne moins un nouveau Robinson refaisant tout le chemin de la civilisation moderne qu’une forme d’idéalisme contemporain où se trouvent enfin réconciliés le combat pour la survie individuelle, le désir d’une communauté élargie et le sentiment religieux. » (165) À propos de L’histoire de Pi : « il incarne moins un nouveau Robinson refaisant tout le chemin de la civilisation moderne qu’une forme d’idéalisme contemporain où se trouvent enfin réconciliés le combat pour la survie individuelle, le désir d’une communauté élargie et le sentiment religieux. » (165)
  
-o « Premiers romans », Voix et Images, vol. XXIX, no 3 (87), printemps 2004, p. 153-159.+=== o « Premiers romans », Voix et Images, vol. XXIX, no 3 (87), printemps 2004, p. 153-159. === 
  
 Les quatre premiers romans dont il sera question :  Les quatre premiers romans dont il sera question : 
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 Conclusion : « Que conclure de ce rapide examen de quatre premiers romans ? L’échantillon est probablement trop petit et trop arbitraire pour qu’on puisse proposer des remarques plus générales. Le fait qu’il s’agit de quatre romans écrits par des femmes signifie-t-il quelque chose ? Il est permis d’en douter, sauf pour constater qu’ils sont tous centrés autour d’un personnage féminin. Sur le plan formel, il ne semble rien y avoir de commun entre ces écritures, qui pointent toutes dans des directions différentes. De même, chacun de ces romans décrit des univers référentiels très éloignés les uns des autres : le village italien chez Pascale Quiviger, la ville chez Josée Bilodeau, les vastes territoires de l’Orient chez Emmanuelle Brault et le quart monde chez Danielle Phaneuf. Dans chacun des cas, il y a pourtant quelque chose qui revient sans cesse : le personnage se sent séparé du monde malgré lui. Il ne le fait pas exprès et la cause de sa solitude n’est jamais nette. Il n’y a pas de barrière avouable entre lui et le monde : les frontières sociales et politiques semblent avoir disparu ou être devenues suffisamment poreuses pour qu’on puisse circuler d’un groupe à un autre, d’un pays à un autre. Mais un mur d’un autre type s’est élevé entre l’individu et le monde, et le personnage étouffe ou a des accès de colère qu’il ne s’explique pas. En apparence, tout va bien ou, du moins, tout devrait bien aller. Or, ça ne va pas. Ce que ces personnages ont en commun, c’est peut-être finalement une colère rentrée qui donne à leur regard une inquiétude d’autant plus troublante qu’il ne se passe à peu près rien autour d’eux, que le monde ne réagit plus. Disons-le autrement : ces romans habitent des lieux extrêmement diversifiés, mais ils partagent tous le même temps suspendu, à l’intérieur duquel rien jamais ne peut advenir sauf dans les souvenirs ou dans l’imaginaire. En cela, ce sont bien des romans contemporains au sens le plus fort du terme : les personnages y sont soumis à une simultanéité qui exclut d’avance tout espoir de durée. Ils ne font pas que marcher tranquillement avec leur temps : ils sont littéralement enchaînés à ce temps trop présent, épais comme un mur. » (158-159) Conclusion : « Que conclure de ce rapide examen de quatre premiers romans ? L’échantillon est probablement trop petit et trop arbitraire pour qu’on puisse proposer des remarques plus générales. Le fait qu’il s’agit de quatre romans écrits par des femmes signifie-t-il quelque chose ? Il est permis d’en douter, sauf pour constater qu’ils sont tous centrés autour d’un personnage féminin. Sur le plan formel, il ne semble rien y avoir de commun entre ces écritures, qui pointent toutes dans des directions différentes. De même, chacun de ces romans décrit des univers référentiels très éloignés les uns des autres : le village italien chez Pascale Quiviger, la ville chez Josée Bilodeau, les vastes territoires de l’Orient chez Emmanuelle Brault et le quart monde chez Danielle Phaneuf. Dans chacun des cas, il y a pourtant quelque chose qui revient sans cesse : le personnage se sent séparé du monde malgré lui. Il ne le fait pas exprès et la cause de sa solitude n’est jamais nette. Il n’y a pas de barrière avouable entre lui et le monde : les frontières sociales et politiques semblent avoir disparu ou être devenues suffisamment poreuses pour qu’on puisse circuler d’un groupe à un autre, d’un pays à un autre. Mais un mur d’un autre type s’est élevé entre l’individu et le monde, et le personnage étouffe ou a des accès de colère qu’il ne s’explique pas. En apparence, tout va bien ou, du moins, tout devrait bien aller. Or, ça ne va pas. Ce que ces personnages ont en commun, c’est peut-être finalement une colère rentrée qui donne à leur regard une inquiétude d’autant plus troublante qu’il ne se passe à peu près rien autour d’eux, que le monde ne réagit plus. Disons-le autrement : ces romans habitent des lieux extrêmement diversifiés, mais ils partagent tous le même temps suspendu, à l’intérieur duquel rien jamais ne peut advenir sauf dans les souvenirs ou dans l’imaginaire. En cela, ce sont bien des romans contemporains au sens le plus fort du terme : les personnages y sont soumis à une simultanéité qui exclut d’avance tout espoir de durée. Ils ne font pas que marcher tranquillement avec leur temps : ils sont littéralement enchaînés à ce temps trop présent, épais comme un mur. » (158-159)
  
-o « Le chaos dedans et dehors », Voix et Images, vol. XXX, no 2 (89), hiver 2005, p. 133-139.+=== o « Le chaos dedans et dehors », Voix et Images, vol. XXX, no 2 (89), hiver 2005, p. 133-139. === 
  
 « Quand un critique se demande ce qu’il en est de la littérature aujourd’hui, que ce soit ici ou ailleurs, c’est généralement pour regarder du côté de la colonne des pertes : absence de grands auteurs, désengagement des écrivains, triomphe de l’image sur le texte, etc. Mais n’y a-t-il pas tout de même, au travers du décentrement avéré de la littérature, quelques nouveautés ? N’y a-t-il pas quelque part une colonne des gains ? On peut penser, par exemple, à certains types de textes particulièrement émouvants qui n’auraient jamais vu le jour il y a quarante ans. Ce sont des textes extrêmement personnels, des récits de soi qui s’écrivent à la frontière entre la littérature et le témoignage intime. Plusieurs n’hésiteraient pas à les placer dans la colonne des pertes, comme s’ils étaient une preuve supplémentaire de ce que l’écriture soi-disant littéraire n’est plus aujourd’hui que l’expression tristement authentique d’un « vécu ». Neuf fois sur dix, c’est en effet le cas. Mais il arrive que ces récits de soi soient autre chose qu’une simple thérapie par l’écriture, qu’ils ouvrent une fenêtre sur notre monde. » (133) « Quand un critique se demande ce qu’il en est de la littérature aujourd’hui, que ce soit ici ou ailleurs, c’est généralement pour regarder du côté de la colonne des pertes : absence de grands auteurs, désengagement des écrivains, triomphe de l’image sur le texte, etc. Mais n’y a-t-il pas tout de même, au travers du décentrement avéré de la littérature, quelques nouveautés ? N’y a-t-il pas quelque part une colonne des gains ? On peut penser, par exemple, à certains types de textes particulièrement émouvants qui n’auraient jamais vu le jour il y a quarante ans. Ce sont des textes extrêmement personnels, des récits de soi qui s’écrivent à la frontière entre la littérature et le témoignage intime. Plusieurs n’hésiteraient pas à les placer dans la colonne des pertes, comme s’ils étaient une preuve supplémentaire de ce que l’écriture soi-disant littéraire n’est plus aujourd’hui que l’expression tristement authentique d’un « vécu ». Neuf fois sur dix, c’est en effet le cas. Mais il arrive que ces récits de soi soient autre chose qu’une simple thérapie par l’écriture, qu’ils ouvrent une fenêtre sur notre monde. » (133)
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 Conclusion : « Les quatre romans ou récits réunis dans cette chronique appartiennent à l’évidence à des esthétiques très différentes, même si l’on retrouve dans chacun d’eux un je à la quête de lui-même. Encore une fois, comme c’est presque toujours le cas avec la littérature contemporaine, il paraît futile de chercher à tout prix une ressemblance formelle ou thématique quand c’est justement l’hétérogénéité de ces je qui les caractérise. Deux remarques toutefois permettent d’établir, pour conclure, un certain rapprochement. Tout d’abord, il est frappant de voir à quel point les quatre je sont seuls au monde, même lorsqu’ils sont entourés d’amis ou de proches. Le lien qu’ils entretiennent avec la société est extrêmement fragile. Il exclut d’ailleurs toute forme de violence ou d’agressivité. Au contraire, ces personnages se distinguent par leur résignation, leur fatalisme. Au lieu de s’opposer au monde, ce qui serait une façon d’y participer, ils penchent vers l’abnégation et l’effacement de soi. La seconde remarque concerne justement ce monde extérieur si pâle, si peu rassurant. Que ce soit la maladie, la mort, le suicide annoncé ou le meurtre crapuleux et gratuit, chacun de ces romans est placé sous le signe d’une fin abrupte. Il n’y a aucun refuge qui vaille : c’est au cœur de la vie intime que le désastre éclate soudain. Nous ne sommes pas à l’ère des grands bouleversements sociaux. Dans ces quatre fictions, il n’y a pas la moindre guerre, pas la moindre révolution, pas la moindre crise sociale. Pourtant, même si le bruit et la fureur du monde semblent lointains ou étouffés, on ne parvient jamais à oublier qu’il y a, pour reprendre l’expression de Paule Noyart, « le chaos dedans et dehors ». » (139) Conclusion : « Les quatre romans ou récits réunis dans cette chronique appartiennent à l’évidence à des esthétiques très différentes, même si l’on retrouve dans chacun d’eux un je à la quête de lui-même. Encore une fois, comme c’est presque toujours le cas avec la littérature contemporaine, il paraît futile de chercher à tout prix une ressemblance formelle ou thématique quand c’est justement l’hétérogénéité de ces je qui les caractérise. Deux remarques toutefois permettent d’établir, pour conclure, un certain rapprochement. Tout d’abord, il est frappant de voir à quel point les quatre je sont seuls au monde, même lorsqu’ils sont entourés d’amis ou de proches. Le lien qu’ils entretiennent avec la société est extrêmement fragile. Il exclut d’ailleurs toute forme de violence ou d’agressivité. Au contraire, ces personnages se distinguent par leur résignation, leur fatalisme. Au lieu de s’opposer au monde, ce qui serait une façon d’y participer, ils penchent vers l’abnégation et l’effacement de soi. La seconde remarque concerne justement ce monde extérieur si pâle, si peu rassurant. Que ce soit la maladie, la mort, le suicide annoncé ou le meurtre crapuleux et gratuit, chacun de ces romans est placé sous le signe d’une fin abrupte. Il n’y a aucun refuge qui vaille : c’est au cœur de la vie intime que le désastre éclate soudain. Nous ne sommes pas à l’ère des grands bouleversements sociaux. Dans ces quatre fictions, il n’y a pas la moindre guerre, pas la moindre révolution, pas la moindre crise sociale. Pourtant, même si le bruit et la fureur du monde semblent lointains ou étouffés, on ne parvient jamais à oublier qu’il y a, pour reprendre l’expression de Paule Noyart, « le chaos dedans et dehors ». » (139)
  
-o « Familles, je vous… », Voix et Images, vol. XXXI, no 2 (92), hiver 2006, p. 153-158.+=== o « Familles, je vous… », Voix et Images, vol. XXXI, no 2 (92), hiver 2006, p. 153-158. === 
  
 Sur le roman familial contemporain et les récits de filiation. Sur le roman familial contemporain et les récits de filiation.
 « Un siècle après le fameux cri d’André Gide, « Familles, je vous hais », on n’en finit plus de lire des romans de la filiation qui mettent en scène et en question les figures paternelles et maternelles. C’est un des grands thèmes contemporains, une sorte d’obsession qui ne se réduit toutefois pas à la haine des familles exprimée par Gide. Celui-ci parlait des familles et ce pluriel donnait à sa détestation une portée collective comme s’il s’attaquait moins à sa propre famille qu’à l’institution bourgeoise appelée « famille ». En régime contemporain, chaque roman familial décrit un univers singulier et résolument privé dans lequel le lecteur entre comme un voyeur ou en espérant simplement reconnaître des éléments qui lui permettent de reconstruire sa propre histoire familiale. Loin de vouloir s’affranchir d’une structure trop rigide, l’individu contemporain cherche désespérément à rétablir les liens de sa généalogie, à se reconstruire un passé qui soit véritablement le sien et grâce auquel il puisse jeter sur sa vie présente une lumière qui lui fait cruellement défaut. L’opposition entre la génération des parents et celle des enfants ne suffit pas à définir un tel appétit de relations. Elle n’est plus qu’un aspect parmi d’autres du roman familial contemporain. » (153) « Un siècle après le fameux cri d’André Gide, « Familles, je vous hais », on n’en finit plus de lire des romans de la filiation qui mettent en scène et en question les figures paternelles et maternelles. C’est un des grands thèmes contemporains, une sorte d’obsession qui ne se réduit toutefois pas à la haine des familles exprimée par Gide. Celui-ci parlait des familles et ce pluriel donnait à sa détestation une portée collective comme s’il s’attaquait moins à sa propre famille qu’à l’institution bourgeoise appelée « famille ». En régime contemporain, chaque roman familial décrit un univers singulier et résolument privé dans lequel le lecteur entre comme un voyeur ou en espérant simplement reconnaître des éléments qui lui permettent de reconstruire sa propre histoire familiale. Loin de vouloir s’affranchir d’une structure trop rigide, l’individu contemporain cherche désespérément à rétablir les liens de sa généalogie, à se reconstruire un passé qui soit véritablement le sien et grâce auquel il puisse jeter sur sa vie présente une lumière qui lui fait cruellement défaut. L’opposition entre la génération des parents et celle des enfants ne suffit pas à définir un tel appétit de relations. Elle n’est plus qu’un aspect parmi d’autres du roman familial contemporain. » (153)
  
 +**Élection de certaines œuvres ou certains écrivains :**
  
-Élection de certaines œuvres ou certains écrivains :+__Jacques Poulin :__ Dans sa chronique « Des héros très discrets » (no 70, p. 197-202), Biron parle du dernier Poulin, Chat sauvage et dit de l’œuvre de Poulin qu’elle développe sa propre écriture romanesque : « De quatre ans en quatre ans, Poulin publie des romans extrêmement reconnaissables, toujours le même disent les mauvaises langues. Dans les dernières œuvres, on dirait même que les choses s'aggravent et que l'auteur, loin de chercher à éviter qu'on lui reproche de manquer d'imagination, s'amuse à creuser davantage le même sillon. Mais est-ce vraiment un seul sillon? Pour ma part, j'en doute et trouve au contraire que cette écriture si peu originale en apparence est traversée par des sillons plus nombreux que dans la plupart des romans contemporains. Combien d'écrivains au Québec ont développé ainsi leur propre écriture romanesque de façon durable? Gabrielle Roy, Ferron, Ducharme, sans doute, mais y en a-t-il beaucoup d'autres ? » (1998 198)
  
-Jacques Poulin : Dans sa chronique « Des héros très discrets » (no 70, p. 197-202), Biron parle du dernier Poulin, Chat sauvage et dit de l’œuvre de Poulin qu’elle développe sa propre écriture romanesque : « De quatre ans en quatre ans, Poulin publie des romans extrêmement reconnaissables, toujours le même disent les mauvaises langues. Dans les dernières œuvres, on dirait même que les choses s'aggravent et que l'auteur, loin de chercher à éviter qu'on lui reproche de manquer d'imagination, s'amuse à creuser davantage le même sillon. Mais est-ce vraiment un seul sillon? Pour ma part, j'en doute et trouve au contraire que cette écriture si peu originale en apparence est traversée par des sillons plus nombreux que dans la plupart des romans contemporains. Combien d'écrivains au Québec ont développé ainsi leur propre écriture romanesque de façon durable? Gabrielle Roy, Ferron, Ducharme, sans doute, mais y en a-t-il beaucoup d'autres ? » (1998 : 198) +__Ducharme :__ Lors de la parution de Gros mots, Biron lui consacre une chronique entière, ouvrant sur l’idée que Ducharme prolonge « une œuvre romanesque dont je ne vois pas l’équivalent dans la littérature québécoise » (2000 [74] : 379). Mais, bien sûr, il s’agit, comme avec Poulin, d’un écrivain déjà consacré. Par ailleurs, le dernier Ducharme révèle des faiblesses et la critique n’est pas dithyrambique.  
-Ducharme : Lors de la parution de Gros mots, Biron lui consacre une chronique entière, ouvrant sur l’idée que Ducharme prolonge « une œuvre romanesque dont je ne vois pas l’équivalent dans la littérature québécoise » (2000 [74] : 379). Mais, bien sûr, il s’agit, comme avec Poulin, d’un écrivain déjà consacré. Par ailleurs, le dernier Ducharme révèle des faiblesses et la critique n’est pas dithyrambique.  +
  
-Gilles Archambault : Biron l’aime bien, en dépit de ses défauts. Trouve une constance dans son œuvre et c’est quelque chose qu’il admire. Aussi : « […] l’écriture d’Archambault, en dépit de ses allures méfiantes, extérieures, presque misanthropes, participe pleinement au relativisme actuel. Elle le fait toutefois avec une maîtrise, une élégance que plusieurs écrivains seraient en droit de lui envier. » (2001 [77] : 403)+__Gilles Archambault__ : Biron l’aime bien, en dépit de ses défauts. Trouve une constance dans son œuvre et c’est quelque chose qu’il admire. Aussi : « […] l’écriture d’Archambault, en dépit de ses allures méfiantes, extérieures, presque misanthropes, participe pleinement au relativisme actuel. Elle le fait toutefois avec une maîtrise, une élégance que plusieurs écrivains seraient en droit de lui envier. » (2001 [77] : 403)
  
-Rouge, mère et fils de Suzanne Jacob : « roman important » - « le plus inspiré de l’année » (voir plus haut – chronique « Le roman contemporain »).+__Rouge, mère et fils de Suzanne Jacob :__ « roman important » - « le plus inspiré de l’année » (voir plus haut – chronique « Le roman contemporain »).
  
-Ying Chen : « De roman en roman, elle confirme la justesse de sa voix, l’une des plus remarquables de la littérature actuelle. » (2002 #81 : 570) Elle incarne un courant qu’il nomme « nouvelle subjectivité » : « Peu d’écrivains au Québec incarnent mieux que Ying Chen ce qu’on appelle la nouvelle subjectivité, ou en tout cas une certaine forme contemporaine d’écriture intérieure. » (2003 [85] : 139)+__Ying Chen__ : « De roman en roman, elle confirme la justesse de sa voix, l’une des plus remarquables de la littérature actuelle. » (2002 #81 : 570) Elle incarne un courant qu’il nomme « nouvelle subjectivité » : « Peu d’écrivains au Québec incarnent mieux que Ying Chen ce qu’on appelle la nouvelle subjectivité, ou en tout cas une certaine forme contemporaine d’écriture intérieure. » (2003 [85] : 139)
  
-Dée de Michaël Delisle : « Ce court et impitoyable roman est l’un des romans québécois les plus réussis et les plus dérangeants de ces dernières années. » (2003 # 84 : 146) +__Dée de Michaël Delisle__ : « Ce court et impitoyable roman est l’un des romans québécois les plus réussis et les plus dérangeants de ces dernières années. » (2003 # 84 : 146) 
  
-Lise Tremblay : Son roman La héronnière « confirme la place de plus en plus grande de Lise Tremblay dans le paysage littéraire québécois d’aujourd’hui »; « un des talents les plus naturels de sa génération » (2004 [86] : 166)+__Lise Tremblay :__ Son roman La héronnière « confirme la place de plus en plus grande de Lise Tremblay dans le paysage littéraire québécois d’aujourd’hui »; « un des talents les plus naturels de sa génération » (2004 [86] : 166)
  
-Rachel Leclerc : « On y retrouve [dans Visions volées] l’écriture à la fois précise et poétique qui fait de Rachel Leclerc l’une des voix les plus talentueuses de la littérature québécoise contemporaine. » (2005 [89] : 139)+__Rachel Leclerc :__ « On y retrouve [dans Visions volées] l’écriture à la fois précise et poétique qui fait de Rachel Leclerc l’une des voix les plus talentueuses de la littérature québécoise contemporaine. » (2005 [89] : 139)
  
-Nikolski de Nicolas Dickner : Biron rappelle l’accueil critique enthousiaste. « Avec raison, car il s’agit d’un roman porté par une allégresse et une sorte de délire imaginatif qui ne sont pas courants dans la littérature actuelle, où dominent les mille et une espèces d’écritures de soi. Ici, les fenêtres du monde s’ouvrent toutes grandes, et des personnages à moitié déjantés plongent dans l’époque actuelle à la recherche de leur origine. » (2005 [91] : 143-144)+__Nikolski de Nicolas Dickner :__ Biron rappelle l’accueil critique enthousiaste. « Avec raison, car il s’agit d’un roman porté par une allégresse et une sorte de délire imaginatif qui ne sont pas courants dans la littérature actuelle, où dominent les mille et une espèces d’écritures de soi. Ici, les fenêtres du monde s’ouvrent toutes grandes, et des personnages à moitié déjantés plongent dans l’époque actuelle à la recherche de leur origine. » (2005 [91] : 143-144)
  
-Fugueuses de Suzanne Jacob : « L’un des romans les plus troublants et les plus inspirés de la dernière année. » (2006 [92] : 155)+__Fugueuses de Suzanne Jacob :__ « L’un des romans les plus troublants et les plus inspirés de la dernière année. » (2006 [92] : 155)
  
-Valorisation de lieux éditoriaux : non.+**Valorisation de lieux éditoriaux :** non.
  
-Valorisation d’événements littéraires : non. +**Valorisation d’événements littéraires :** non. 
  
-Valorisation d’esthétique(s) particulière(s) : +**Valorisation d’esthétique(s) particulière(s) :** 
  
 Sans valoriser trop fortement une esthétique ou une autre, Biron est très attentif, voire sensible aux questions d’esthétique, et c’est souvent sur elles qu’il fera porter l’unité de sa chronique.  Sans valoriser trop fortement une esthétique ou une autre, Biron est très attentif, voire sensible aux questions d’esthétique, et c’est souvent sur elles qu’il fera porter l’unité de sa chronique. 
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 Par exemple, dans « Quatre enfants et un fantôme » (automne 1999 - 73), il ouvre sa chronique en disant que les cinq œuvres dont il parlera sont bien écrites mais résistent au romanesque (certaines portent d’ailleurs la désignation « récit ») – les personnages ne sont pas d’emblée romanesques, « c’est même leur pauvreté de personnage, leur indifférence, voire leur hostilité envers l’univers grandiose du roman qui les définit au bout du compte. » (1999 : 193) Biron défend plus ou moins consciemment une certaine conception du roman et c’est par rapport à cette conception qu’il tente de comprendre les mouvements du roman contemporain. Par exemple, en parlant de Putain de Nelly Arcan, il écrit : « La force du récit […] n’a rien de rassurant pour l’avenir du roman. Les avatars récents de l’autobiographie font peser sur le roman une menace sans précédent. » (2002 #80 : 339) Par exemple, dans « Quatre enfants et un fantôme » (automne 1999 - 73), il ouvre sa chronique en disant que les cinq œuvres dont il parlera sont bien écrites mais résistent au romanesque (certaines portent d’ailleurs la désignation « récit ») – les personnages ne sont pas d’emblée romanesques, « c’est même leur pauvreté de personnage, leur indifférence, voire leur hostilité envers l’univers grandiose du roman qui les définit au bout du compte. » (1999 : 193) Biron défend plus ou moins consciemment une certaine conception du roman et c’est par rapport à cette conception qu’il tente de comprendre les mouvements du roman contemporain. Par exemple, en parlant de Putain de Nelly Arcan, il écrit : « La force du récit […] n’a rien de rassurant pour l’avenir du roman. Les avatars récents de l’autobiographie font peser sur le roman une menace sans précédent. » (2002 #80 : 339)
  
-Autres valeurs ou enjeux défendus : +** Autres valeurs ou enjeux défendus :** 
  
-Une certaine conception de la littérature =+__Une certaine conception de la littérature = __
  
 Sur la question du « métier d’écrire » dans une chronique consacrée à la nouvelle, Biron pose la question : « Mais la littérature est-elle vraiment un métier ? La question n’est pas sans rapport avec les transformations opérées depuis que la création littéraire est devenue une matière à enseignement comme une autre. En raison de sa brièveté, la nouvelle se prête particulièrement bien au format des ateliers d’écriture. Cela produit d’incontestables talents, des nouvellistes qui comprennent bien les règles du genre et qui en jouent avec confiance et ingéniosité. Jamais peut-être n’a-t-on vu autant d’écrivains ayant une telle virtuosité technique. Sans doute faut-il se féliciter d’un tel succès. Et pourtant, on cherche en vain la grande émotion, celle qui demeure après qu’on a rangé le livre dans la bibliothèque. Rien à voir avec les « coups de cœur » dont les libraires se servent pour nous assommer chaque semaine. Des livres où le métier serait là, mais invisible, au service d’autre chose qui ne s’enseigne peut-être pas et qui fait toute la grandeur de l’écrivain. » (2004 [88] : 130) Sur la question du « métier d’écrire » dans une chronique consacrée à la nouvelle, Biron pose la question : « Mais la littérature est-elle vraiment un métier ? La question n’est pas sans rapport avec les transformations opérées depuis que la création littéraire est devenue une matière à enseignement comme une autre. En raison de sa brièveté, la nouvelle se prête particulièrement bien au format des ateliers d’écriture. Cela produit d’incontestables talents, des nouvellistes qui comprennent bien les règles du genre et qui en jouent avec confiance et ingéniosité. Jamais peut-être n’a-t-on vu autant d’écrivains ayant une telle virtuosité technique. Sans doute faut-il se féliciter d’un tel succès. Et pourtant, on cherche en vain la grande émotion, celle qui demeure après qu’on a rangé le livre dans la bibliothèque. Rien à voir avec les « coups de cœur » dont les libraires se servent pour nous assommer chaque semaine. Des livres où le métier serait là, mais invisible, au service d’autre chose qui ne s’enseigne peut-être pas et qui fait toute la grandeur de l’écrivain. » (2004 [88] : 130)
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 Dans sa dernière chronique, intitulée « Professeurs d’espoir » [professeur au sens littéral de « professer »] il compare les écrivains négatifs et les écrivains positifs pour finalement établir une ligne de partage « entre les écrivains qui jouent aux professeurs et les autres qui ne professent pas ». Ceux qui « professent », selon lui, courent à la catastrophe esthétique. « Il y a là une forme de trahison de la littérature que l’époque actuelle encourage de mille manières et qui tend à donner raison à ceux qui voient se multiplier les signes de la fin de la littérature, y compris au Québec. » (2006[93] : 133)  Dans sa dernière chronique, intitulée « Professeurs d’espoir » [professeur au sens littéral de « professer »] il compare les écrivains négatifs et les écrivains positifs pour finalement établir une ligne de partage « entre les écrivains qui jouent aux professeurs et les autres qui ne professent pas ». Ceux qui « professent », selon lui, courent à la catastrophe esthétique. « Il y a là une forme de trahison de la littérature que l’époque actuelle encourage de mille manières et qui tend à donner raison à ceux qui voient se multiplier les signes de la fin de la littérature, y compris au Québec. » (2006[93] : 133) 
  
-Autres remarques : +**Autres remarques :** 
  
  
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