====== Voix et Images_1992-1998_Chassay_Biron_Lequin ====== ===== PORTRAIT D’UNE CHRONIQUE OU D’UN CHRONIQUEUR ===== **Genre(s) (littéraires ou autres) auxquels la revue consacre des « chroniques » :** __1992-1998 :__ Au début de la période, la chronique « essai » continue d’être la plus importante, mais cela diminuera tranquillement. La chronique « roman » demeure la deuxième en importance. Au numéro 52 de l’automne 1992, apparaît la chronique « revue des revues » assurée par Pierre Hébert (anciennement à la chronique « roman »). Au numéro 53 de l’hiver 1993 apparaît la chronique « Féminismes » principalement tenue par Lori Saint-Martin. Finalement, au numéro 58 de l’automne 1994 apparaît la chronique « Grandes lectures québécoises » qui présente une œuvre antérieure. Je crois que cette chronique, après quelques occurrences, disparaîtra. À partir de 1996, la chronique « roman » devient la plus importante, avec bien souvent deux chroniques par livraison, ce qui s’explique certainement par le nombre de chroniqueurs attitrés (3). Cela durera jusqu’en 1998 alors que Biron se chargera seul de cette chronique. ===== A) Informations générales ===== **Nom de la chronique :** « Roman » **Nom du chroniqueur :** Jean-François Chassay, Michel Biron et Lucie Lequin se partagent la chronique qui, pour la période, contient généralement deux entrées. La fiche se termine avec le départ de Chassay de la chronique puisqu’il devient directeur de la revue. Biron prendra alors seul la chronique (fiche à part). Lequin signe sa dernière chronique à l’hiver 1997. **Durée de la chronique :** 1992-1998. Biron signe sa première chronique au numéro 52 de l’automne 1992; Chassay au numéro 53 de l’hiver 1993; Lequin au numéro 54 du printemps 1993. Il me semble que la coprésence de ces trois chroniqueurs signe une période, marquée par leur alternance au sein de la chronique, ce qui indique un intérêt marqué pour la prose narrative. Peu de propos généraux sur la littérature actuelle toutefois. **Statut institutionnel du chroniqueur :** Tous trois professeurs d’Université. **Forme de la chronique (consacrée à quel genre? Fait-elle quelques lignes ou quelques pages ? Y’a-t-il plusieurs livres dans la même chroniques? Etc.) :** Chroniques relativement courtes (3 pages environ), du moins par rapport à la période suivante alors que Biron proposera des chroniques plus longues et plus approfondies. Consacrées la plupart du temps à trois livres. Il y a aussi des cas types de chronique consacrée à la nouvelle œuvre d’un écrivain reconnu. Dans ces cas-là, on fait souvent appel à un spécialiste de l’écrivain et il consacre toute la chronique à cette seule œuvre. Ex : Jacques Pelletier sur Godbout dans le numéro 56. **Place de la chronique dans l’économie globale de la revue :** Assez importante dans cette période où les chroniques occupent encore une place importante dans l’ensemble de la revue. **Événements littéraires québécois mentionnés :** s.o. ===== B) Informations métacritiques ===== **Posture générale du critique (ton, point de vue, etc.) :** Comparativement aux chroniqueurs précédents, Chassay, Lequin et Biron sont plus critiques, mais ils semblent justes et lucides face à la production qu’ils analysent assez finement pour convaincre de la justesse de leur critique. Ils présentent, la plupart du temps, les bons et les mauvais côtés des œuvres. Chassay peut être assez sévère toutefois (ce qui ne veut pas dire qu’il a tort). De plus, en comparaison avec Pierre Hébert, Biron contextualise davantage les œuvres dont il parle, faisant référence quelques fois à la littérature québécoise antérieure, à des essais sur la littérature québécoise, etc. **Réflexions générales sur la littérature québécoise contemporaine :** __o JF Chassay, « Voir ailleurs si j’y suis », Voix et Images, vol. XVIII, no 2, hiver 1993 (53), p. 394-400.__ Importance des débats sur la transculture et l’altérité : « Transculture, altérité, sont des mots qui reviennent très souvent dans le discours culturel québécois depuis quelques années, mobilisent les discussions et animent les débats. Un ouvrage collectif paru récemment intitulé L'Étranger dans tous ses états. Enjeux culturels et littéraires indiquait, par la variété des interventions, la prégnance de ce sujet (et d'autres, connexes) dans différents champs intellectuels au Québec. Les questions soulevées par les écrivains québécois d'origine étrangère (et par leurs livres) reçoivent aujourd'hui un intérêt qu'on ne peut nier. » (395) Constate aussi le nombre grandissant de roman qui se passent « ailleurs » : « Si de nombreux textes de fiction récents posent sur le Québec un regard qui vient d'ailleurs, on note parallèlement à cela — et peut-être est-ce partiellement un effet des précédents — un nombre important de romans qui vont chercher ailleurs le sujet même de leur narration, et qui se situent dans des espaces-temps de plus en plus hétérogènes. L'importance qu'on a accordée depuis quelques années — et particulièrement en fonction de l'anniversaire qui se profilait à l'horizon — à la littérature montréalaise a peut-être masqué cette nouvelle réalité. Il s'agit pourtant d'une autre façon de souligner le rapport à l'étranger, notamment en imposant, dans certains cas avec maestria, pour reprendre l'expression de Sherry Simon, ‘le fantasme de l'interlangue, de la langue plurielle’. » (394-395) Il analyse 3 romans : Rober Racine, Le mal de Vienne ; Lise Lacasse, Avant d'oublier ; Louis Lefebvre, Guanahani. En conclusion, il écrit : « Il existe peu de points communs entre ces trois romans, et pourtant ils trouvent tous trois leur sens dans un même rapport à l'autre, une même altérité radicale qui échappe à la société québécoise dans la mesure où cette dernière n'est pas au centre de la problématique romanesque. Peut-être y a-t-il ici les traces d'un nouveau courant en train de se dessiner et dont on pourrait sans doute trouver de multiples exemples dans la production des dernières années. » (399-400) __o Michel Biron, Voix et Images, vol. XVIII, no 2, hiver 1993 (53), p. 400-403.__ Sur Des mondes peu habités de Pierre Nepveu. Critique positive avec quelques bémols, mais qui se termine ainsi : « Il y a quinze ans, Gilles Marcotte rassemblait un certain nombre de romans écrits au cours de la Révolution tranquille sous le nom de ‘romans à l’imparfait’; Des mondes peu habités appartient, me semble-t-il, à un nouvel ensemble, qu’on pourrait appeler : ‘le roman à la voix passive’. » (403) __o Michel Biron, « Du nord au sud », Voix et Images, vol. 18, no 3, printemps 1993 (54), p. 610-614.__ Le nord serait « devenu le lieu-refuge de nombreux romans québécois des dernières années » (611) __o Michel Biron, « Le temps des nouvellistes », Voix et Images, vol. XX, no 2, hiver 1995 (59), p. 470-476.__ « S'il est assez fréquent de commencer une carrière littéraire par des nouvelles pour ensuite passer à un genre au prestige plus sûr, on observe depuis déjà un certain temps que des poètes et des romanciers aguerris s'essaient à leur tour à ces exercices de densité narrative que sont les nouvelles. Il y a là un phénomène d'époque, la nouvelle occupant un terrain de plus en plus vaste malgré son statut encore incertain. C'est tout particulièrement vrai des professeurs de lettres, nombreux comme on sait en littérature québécoise, pour qui la nouvelle offre le double avantage d'être une sorte de laboratoire d'écriture où peuvent entrer et sortir rapidement les étudiants et, plus encore sans doute, d'ajuster le souffle de la composition au rythme hachuré du calendrier scolaire. En voici quatre exemples très différents, pour la seule année 1994. » (p. 470-471) __o Jean-François Chassay, « Isolement », Voix et Images, vol. XXII, no 3, printemps 1997 (66), p. 614-618.__ La littérature « où le Sujet se trouve depuis quelques années de plus en plus isolé, laissé à lui-même et obligé de se fondre dans la société presque malgré lui, incapable de se retrouver vraiment dans un monde où les points d’ancrage s’effacent peu à peu. Le roman québécois multiplie depuis quelques temps les exemples à cet effet, proposant des personnages dont la vulnérabilité et l’abandon se manifestent de diverses façons. » (614) __o Michel Biron, « De Montréal à Bornéo », Voix et Images, vol. XXII, no 3, printemps 1997 (66), p. 619-623.__ Sur L’immense fatigue des pierres de Régine Robin. Réflexion un peu plus large sur le rapport à l’Histoire. « … si le sujet est de retour, c’est un sujet à la fois dépossédé de lui-même et libéré du poids de son passé, immergé dans un monde où les noms sont devenus interchangeables, où une mère ne reconnaît plus ses petits. » (621) **Élection de certaines œuvres ou certains écrivains :** Chassay : À propos de L’Immaculée conception de Gaetan Soucy, il écrit : « Sans esbroufe, sans facilité, en dehors des modes, Gaëtan Soucy réussit un premier roman parfaitement contrôlé. » (58- 1994, p. 219) Il qualifie aussi L’Acquittement de « roman les plus remarquables » : « Soucy aura peut-être aussi des détracteurs avec L'acquittement. Ce petit roman d'un peu plus de cent pages ne suit pas de très près la mode : sombre, désespéré même, il n'aborde aucun des sujets qu'on se doit d'aborder et ne se passe pas dans des lieux où il faut que ça se passe. Et pourtant je me risque à avancer qu'il s'agit d'un des romans les plus remarquables à avoir été publié au cours des dernières années et un des plus bouleversants à avoir été écrit au Québec. Ce type d'affirmation contient toujours sa part de subjectivité, mais à tout le moins on ne pourra nier l'extrême rigueur du travail de Gaétan Soucy, cette prose à la fois tranchante et mélancolique où pas un mot n'apparaît déplacé, où rien ne semble gratuit, qu'il s'agisse en apparence d'une banale description ou d'un modeste événement. » (69 – printemps 1998, p. 600) **Valorisation de lieux éditoriaux :** non. **Valorisation d’événements littéraires :** non **Valorisation d’esthétique(s) particulière(s) :** non **Autres valeurs ou enjeux défendus :**s.o. **Autres remarques :** Remarque générale au sujet des chroniques et chroniqueurs à Voix et Images (mais sans doute ailleurs aussi) : Être chroniqueur de l’actualité littéraire est certainement une activité à la fois facile et périlleuse : facile, puisque l’objet de la chronique atterri tous les mois sur le bureau et que l’on parle d’œuvres toutes nouvelles, quasi vierges de regards, ce qui laisse une large part à notre subjectivité de lecteur. Périlleuse, parce qu’ordonner le flot de parutions pour lui donner une forme de cohérence relève d’un jeu d’équilibre qui demande une solide connaissance, et de la littérature qui se fait, et de la littérature antérieure dans le sillon de laquelle elle se positionne. Ainsi, un chroniqueur peut présenter, au sein d’une même chronique, plusieurs œuvres tombées au hasard des publications en s’efforçant de trouver des liens entre elles, ne serait-ce que pour donner une unité à sa chronique. Il peut aussi, si une œuvre semble se détacher du lot, s’attarder uniquement à celle-ci, l’analyser en profondeur. S’il a de la chance, il peut finalement méditer à partir de plusieurs œuvres parues récemment et tenter de tracer une cohérence que lui seul, par son expérience et par l’exercice de proximité auquel il s’astreint périodiquement, est capable de faire ressortir. On n’échappe toutefois pas toujours à l’incohérence des parutions et le chroniqueurs l’avoue souvent : « On chercherait en vain des points communs entre les trois textes dont il sera question dans cette chronique » (Chassay, 61 – automne 1995, p. 172) Pointe bien sûr, à travers les chroniques, les goûts de chacun, leur définition du roman idéal. Lecteur/lectrice : _Manon Auger_