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**Tiphaine Samoyault, //Excès du roman//, Paris, Maurice Nadeau, 1999, 200 p.** | **Tiphaine Samoyault, //Excès du roman//, Paris, Maurice Nadeau, 1999, 200 p.** [Josée Marcotte] |
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[[Excès - la table des matières]] | [[Excès - la table des matières]] |
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**1.** **Terminologie pour désigner le pluriel** | =====1. Terminologie pour désigner le pluriel===== |
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L'//excès// du roman ; le roman de l'excès ; «œuvres "excessives"» (7) | L'//excès// du roman ; le roman de l'excès ; «œuvres "excessives"» (7) ; «hybridité» (27) |
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**2.** **Explications et approches** | =====2. Explications et concepts utilisés===== |
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Tiphaine Samoyault aborde le roman selon son propre sentiment, «une forme de folie du roman, celle qui le rend universel et qui ne le fait jamais finir» (8). Elle aborde la forme (ontologie du roman) et non le contenu : l'excès du roman et non l'excès //dans// le roman. La forme romanesque, dans son excès, «accueille sans contrôle, son autorité est celle, instable, de sa liberté» (7) ; au-delà des règles, sa forme est apte à tout dire, sans toutefois pouvoir dire un tout. | Tiphaine Samoyault aborde le roman selon son propre sentiment, «une forme de folie du roman, celle qui le rend universel et qui ne le fait jamais finir» (8). Elle aborde la forme (ontologie du roman) et non le contenu : l'excès du roman et non l'excès //dans// le roman. La forme romanesque, dans son excès, «accueille sans contrôle, son autorité est celle, instable, de sa liberté» (7) ; au-delà des règles, le roman moderne dérange les lois de l'unité et de la cohérence. Sa forme est apte à tout dire (ambition totalisante de l'excès), sans toutefois pouvoir dire un tout. |
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Elle propose une typologie des «qualités» du roman **moderne** français (XXe siècle) en décrivant chacun des //envers// de cette forme (il ne s'agit pas d'une perspective historique) (13): l'envers de sa nature (le monstre), l'envers de son lit (le fleuve), l'envers de sa vérité (le secret), l'envers de son monde (le monde). | Elle propose une typologie des «qualités» du roman **moderne** français (XXe siècle) en décrivant chacun des //envers// de cette forme (il ne s'agit pas d'une perspective historique) (13): l'envers de sa nature (le monstre), l'envers de son lit (le fleuve), l'envers de sa vérité (le secret), l'envers de son monde (le monde). |
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| Il s'agit d'une posture positive quant à l'avenir du roman dans la mesure où Samoyault ne fait pas le constat d'une fin de la littérature française ou du roman. Le discours de Samoyault par rapport à la forme romanesque est une défense pour l'expérience des limites. Que le roman puisse intégrer dans sa forme une chose et son contraire, qu'il soit prêt à admettre sa propre négation est une dimension de son excès, «de son inévitable désordre. Ce désordre ne doit pas être compris comme une tentative d'autodestruction, mais plutôt comme la possibilité d'offrir aussi cela, d'être à proprement parler un monde, incluant la perte de repères comme condition de traversée.» (10) Le roman de l'excès procure alors le sentiment de l'insaisissable, avec sa **forme mouvante** (négation provisoire des frontières du roman puisque l'excès ne se mesure ni ne se nomme) : la forme romanesque est //vitalité// (193), «expérience de privation mais aussi **excitation des sens**» (191). |
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| On peut considérer l'essai de Samoyault comme une amorce de réflexion sur les formes de l'excès romanesque. Bien qu'elle ne propose pas un modèle opératoire pour effectuer l'analyse d'œuvres en contexte pluriel (dès le départ, elle nous avise qu'elle ne s'intéressera pas à la poétique des œuvres), elle pose les premiers jalons pour réfléchir à l'excès romanesque. |
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| Le //roman-monde// de Samoyault s'apparente à la poétique du recueil (diffraction). Les parties «monstre» et «monde» sont les plus intéressantes par rapport à notre sujet. |
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| **Qualités** |
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I - Le roman est un **monstre** : | I - Le roman est un **monstre** : |
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Le roman est un monstre, «le lieu même de l'excès lorsque la pluralité déborde l'unité» (15), lorsque la quantité («la quantité est une qualité du roman, au sens où elle peut donner l'idée d'une forme de sa démesure», 15) déborde de l'unité présupposée (unité qui est narrative, celle de l'histoire unitaire avec début-milieu-fin ; exigence totalitaire du roman/sa nature organique unitaire). | Le roman est un monstre, «le lieu même de l'excès lorsque la pluralité déborde l'unité» (15), lorsque la quantité («la quantité est une qualité du roman, au sens où elle peut donner l'idée d'une forme de sa démesure», 15) déborde de l'unité présupposée (unité qui est narrative, celle de l'histoire unitaire début-milieu-fin ; exigence totalitaire du roman/sa nature organique unitaire). |
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II - Le roman est un **fleuve** (début avec Proust, Mann, Joyce, dans les années 20): | II - Le roman est un **fleuve** (début avec Proust, Mann, Joyce, dans les années 20): |
III - Le roman est un **secret** : | III - Le roman est un **secret** : |
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Le troisième excès du roman est l'excès de ses //détours// : sa forme se propulse toujours dans des directions différentes, parfois divergentes. «La digression est la principale figure de cette capacité du roman aux détours [...]» (112), figure ayant «le pouvoir de révéler le cœur du labyrinthe» (112). Il s'agit alors d'un processus d'accumulation («roman digressif», 113) qui se détourne de l'approfondissement du même pour lui opposer la plus grande diversité (112) ; le roman sait s'en servir pour ménager son secret - ce n'est pas un mal contre l'économie du texte, contre sa clarté et sa cohérence (114). | Le troisième excès du roman est l'excès de ses //détours// : sa forme se propulse toujours dans des directions différentes, parfois divergentes. «La **digression** est la principale figure de cette capacité du roman aux détours [...]» (112), figure ayant «le pouvoir de révéler le cœur du labyrinthe» (112). Il s'agit alors d'un processus d'accumulation («roman digressif», 113) qui se détourne de l'approfondissement du même pour lui opposer la plus grande diversité (112) ; le roman sait s'en servir pour ménager son secret - ce n'est pas un mal contre l'économie du texte, contre sa clarté et sa cohérence (114). |
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| «L'excès du roman des détours tient principalement à cela, à déporter le roman vers un **ailleurs** qui implique qu'on ne puisse le définir. Le roman fait ainsi plus que déplacer ses frontières ; chacune de ses formes est à elle-même sa propre frontière ce qui implique, d'une certaine manière, l'absence de limite.» (129) On retrouve donc ici la même //définition de l'excès// (où l'œuvre définit sa propre mesure) que chez Verdier et Bonnet (dir.). |
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| IV - Le roman est un **monde** : |
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IV - Le roman-monde : | Elle désigne le quatrième excès du roman comme le plus ambitieux : celui faisant du livre le monde même (148). L'**expansion par le multiple** (le réseau, 149) est de nature centrifuge, du livre vers le monde, le roman élargissant toujours plus ses frontières en faisant de la multiplicité sa raison même (multiplication des procédés d'éclatement) : c'est «une tension vers la forme-monde, celle qui fait de l'excès une entreprise de totalisation» (151). Le roman-monde fait tenir dans sa forme la totalité réelle ou virtuelle, des savoirs, sans se constituer en système (156). Les **tensions** du roman-encyclopédie forcent à porter une attention particulière à la voix narrative ou au personnage qui convie la vision du monde donnée par le roman (157). Le paradoxe du roman-monde est de manifester une **ambition totalisante** dont la réalisation ne peut être que partielle (172) ; les œuvres de l'excès ne contredisent pas la totalité par le fragment (177). |
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Il s'agit d'une approche positive quant à l'avenir du roman dans la mesure où Samoyault ne fait pas le constat d'une fin de la littérature française ou du roman. Que le roman puisse intégrer dans sa forme une chose et son contraire, qu'il soit prêt à accueillir jusqu'à sa négation en son sein, à admettre sa propre négation est une dimension de son excès, «de son inévitable désordre. Ce désordre ne doit pas être compris comme une tentative d'autodestruction, mais plutôt comme la possibilité d'offrir aussi cela, d'être à proprement parler un monde, incluant la perte de repères comme condition de traversée.» (10). | Le roman-monde réunit «l'ensemble des //qualités// de l'excès (la quantité, la longueur, les détours et l'expansion)» : «Avec les romans-mondes, l'excès rejoint la totalité de deux façons possibles : soit le roman délivre une représentation du tout du monde (c'est l'encyclopédie du visible), soit il profère une parole qui le suggère (le livre total programmé par le rêve mallarméen [une parole qui ne renvoie qu'à du vide]).» (179) |
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**3.** **Cause(s) du pluriel** | =====3. Cause(s) du pluriel===== |
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- Les «œuvres “excessives”» (7) rappelle le sens de la recherche d'une totalité | - Les «œuvres “excessives”» (7) rappelle le sens de la recherche d'une totalité |